Sport et business : que vaut exactement la « marque » Tony Parker ?

Rien de tel qu’un titre avec l’équipe nationale pour booster la popularité d’un sportif auprès de ses concitoyens. Pour autant, malgré sa victoire de dimanche au Championnat d’Europe et sa notoriété en France et aux Etats-Unis, Tony Parker est-il réellement un sportif bankable ? Que vaut son « capital image », de part et d’autre de l’Atlantique, comparé à celui d’autres champions ? Et quel intérêt les marques ont-elles à associer leur image à la sienne ?… Inconditionnel du meneur des Spurs depuis ses débuts, c’est en marketeur (plutôt qu’en fan ;) que je vous propose d’évaluer le poids réel et les atouts / faiblesses de la marque Tony Parker…

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Un champion hors norme, dont les valeurs font écho à celles des marques

Rappelons tout de même le palmarès. Tony Parker « pèse » trois titres de champions NBA avec son équipe des San Antonio Spurs ; 5 sélections au All-star game NBA ; un titre de meilleur joueur des finales NBA en 2007 et des médailles de toutes les couleurs gagnées avec l’équipe de France en 6 championnats d’Europe (bronze en 2005, argent en 2011, or en 2013). Bref : il est incontestablement le meilleur basketteur français de tous les temps et un des meilleurs joueurs NBA ces deux dernières saisons.

Fils d’un joueur de basket américain et d’une mannequin néerlandaise, Parker est doté d’une personnalité et d’un mental hors norme. Talentueux, à l’évidence, chanceux aussi, il a su « forcer le destin » à tous les moments clés de sa carrière. Drafté en 2001 à une modeste 28ème place par son équipe des Spurs, il saisit sa chance et éclipse rapidement en tant que meneur remplaçant le titulaire du poste, Antonio Daniels. Pour son année de rookie, il joue 77 rencontres et connaît la consécration dès sa deuxième saison, en gagnant son premier titre NBA. D’abord marié à l’actrice Eva Longoria, son image devient un tantinet plus « glamour », sans que ses résultats sportifs s’en ressentent (au contraire). Leader incontesté de son équipe ces 3 dernières années, il emmène encore des Spurs vieillissants en finale NBA en juin dernier.

… Même « obstination » en équipe de France, avec laquelle il est de quasiment toutes les campagnes, avant de pouvoir arracher sa première médaille d’or, dimanche contre la Lituanie.

Humble, fidèle en amitié, d’un caractère égal dans la victoire comme la défaite, son leadership et son état d’esprit impeccables sont loués de tous : coaches, partenaires, amis… En résumé : une incarnation presque idéale du champion, doté de valeurs positives auxquelles les jeunes (et moins jeunes) peuvent facilement adhérer… Et ça, les marques adorent.

Plus bankable en France qu’Outre-Atlantique…

Malgré ses prouesses en NBA et la reconnaissance de ses pairs, Tony Parker est souvent considéré outre-atlantique comme un « unsung hero » (« héros méconnu » de son sport). Son jeu et l’équipe pour laquelle il joue sont excellents, mais sans doute moins « glam » que les muscles et les tatouages spectaculaires des stars dont le public américain raffole : Lebron James, Dwyane Wade, Kobe Bryant et autre Chris Paul… Au vote du public, qui précède chacun des all-star games et par lequel les fans peuvent qualifier directement leurs joueurs favoris, Tony Parker n’a d’ailleurs jamais été retenu. Il lui a toujours fallu attendre le choix des coaches, qui désignent tous les remplaçants, pour gagner sa place. « San Antonio est un trop petit marché » regrette parfois le frenchy, faisant référence aux équipes des grandes métropoles US pour lesquelles les médias et les fans s’enflamment aussi plus volontiers (Boston, Chicago, New-York, Miami, Los Angeles ou San Francisco…).

De fait, l’image dont Tony Parker dispose aux Etats-Unis ne lui permet pas forcément d’y développer son nom et sa « marque ». Et les locomotives du celebrity marketing à la sauce US sont des sportifs bien plus médiatisées que lui (stars du golf, du football, du base-ball ou du basket). A contrario, les marques avec lesquelles le meneur des Spurs travaille aujourd’hui (une dizaine, dont la plupart ne sont pas américaines) l’ont bien sollicité pour sa notoriété et son image à l’international.

Un personal branding efficace

Le business et l’image de Tony Parker ont été construits « à l’américaine », dès ses débuts en NBA. Dans une interview récente, un de ses anciens agents évoque un premier « plan marketing » élaboré en 2003… L’objectif ? Avant d’être l’athlète français le mieux payé, construire une marque personnelle cohérente et qui lui ressemble.

C’est dans cet esprit que Tony Parker dit avoir choisi chacun de ses partenaires : « J’essaie d’être cohérent avec ce que je fais, qui je suis. Il faut que le partenariat me ressemble, que ce soit un peu moi »… « La marque, il faut qu’elle me parle. C’est comme quand j’ai signé Ferrero, moi j’adore les Kinders. Je ne vais pas faire Nuts, je n’en mange pas de Nuts ! »

Les Kinders de Ferrero donc, mais également l’équipementier chinois Peak, que Tony Parker a préféré à son ancien sponsor Nike, Renault, Tissot, Betclic, Quick, la marque de surgelés Toupargel ou encore les skateboards Maverix… Des choix parfois déroutants, pour un montant total annuel de partenariats estimé à 4 millions d’euros tout de même ! Et cela, en appoint de son salaire de 12,5 millions par an à San Antonio et sans compter les revenus générés par ses propres marques commerciales, comme Wap Two, la ligne de prêt-à-porter lancée par TP début 2013.

Encore très loin de Tiger Woods, Roger Federer ou David Beckham… 

Malgré son activisme et son nouveau statut de sportif français le plus bankable, rien de commun néanmoins entre la valeur de la « marque » Tony Parker et celles de ses plus illustres confrères.

Dans son traditionnel classement annuel des clubs et des sportifs disposant des marques à la plus forte valeur marchante, le magazine Forbes valorise ainsi Kobe Bryant à 10 millions d’euros, David Beckham et Lebron James à 15 millions, Roger Federer à 19 millions et Tiger Woods à 41 millions d’euros… Même si de telles évaluations peuvent surprendre et paraître sujettes à caution (je reviendrai dans ce blog sur les modes de calcul de la brand equity), ces valorisations sont bien supérieures aux 4 millions d’euros de revenus annuels que générerait la marque Tony Parker. Les autres sportifs français, en activité ou non (Zinédine Zidane, Sébastien Loeb, Thierry Henry…) sont également largement distancés.

Surtout, le « match des ambassadeurs de marques » tourne court au moment d’évoquer la nature des partenariats. Là où les acteurs et personnalités les plus célèbres, comme David Beckham, sont surtout sollicités par des marques de luxe ou hype, que dire des partenariats conclus par Tony ? Les choix du meneur des Spurs (comme d’autres sportifs français) semblent davantage relever de l’étude d’opportunité financière et d’un « panachage des secteurs d’activité », plutôt que d’un arbitrage sélectif sur la base de l’identité de la marque partenaire et de sa synergie avec celle du sportif. A leur décharge, nos sportifs made in France ne reçoivent pas forcément de proposition de partenaires aussi prestigieux que leurs plus éminents confrères…

Ainsi, là où les plus célèbres « ambassadeurs » semblent sortir « grandis » de leurs partenariats avec des marques aspirationnelles et valorisantes, l’image de « people » moins charismatiques, y compris celle de grands champions comme Roger Federer, ne bénéficie pas autant de leurs partenariats. Une question de charisme personnel ? Nous nous bornerons à dire que l’association des marques (celle du sportif et celle de son sponsor) peut s’avérer parfois plus intéressante pour la marque que pour son égérie…

Mais c’est assez logique, ne s’appelle pas David Beckham ou Tiger Woods qui veut…

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(Crédits photos : Tissot, Hervé Monier, TheBrandNewsBlog, X, DR)

Comments

  1. Françoise Dauvergne says:

    Bonjour,

    Passionnée de basket, de communication digitale, de branding, et de storytelling, je suis comme vous le parcours de TP sur et en dehors des terrains depuis ses débuts… En tant que professionnelle du marketing et de la communication, je partage votre analyse à laquelle j’ajoute deux valeurs fondamentales à mes yeux mais qui ne se mesurent pas en espèces sonnantes et trébuchantes : si l’on quantifie la sincérité et l’accessibilité, TP serait en tête du classement ! C’est une star incontestée qui ne se comporte pas du tout comme tel : j’ai pu le constater à plusieurs reprises lors de rencontres fortuites dans les coulisses des salles de basket et c’est là que sa « marque » prend toute sa valeur…

    • Cela ne me surprend pas du tout Françoise. Tony a bien cette réputation et les journalistes en témoignent assez régulièrement. Idem aux Etats-Unis où c’est l’un des meilleurs « clients » des journalistes. Franc, simple… il ne faut pas non plus idéaliser mais oui, je pense qu’il est réellement porteur de valeurs intéressantes pour les marques, qui ne s’y trompent pas !

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