Le crowdsourcing et les plates-formes collaboratives plébiscités par les marques

Kick Starter, oDesk, Quirky, eYeka, MoFilm, Zooppa Ces noms ne vous disent peut-être rien, mais la plupart des grandes marques les connaissent bien : ce sont, en nombre de contributeurs, les plus importantes plateformes collaboratives mondiales. Des sites plébiscités par un nombre croissant d’entreprises, désireuses de « puiser l’imagination à la source » en multipliant les projets de crowdsourcing.

Bien qu’encore peu fréquent en France, le recours à ces plates-formes se développe. Et il n’est pas anodin que le groupe Auchan ait choisi de s’associer fin 2012 à une société new-yorkaise pour lancer un incubateur d’innovations produits. Mis en ligne en septembre 2013, Quirky revendiquait déjà 659 000 contributeurs à la fin 2013, contre 5,4 millions à la plate-forme Kick starter (financement de projets créatifs) et 4,5 millions à la plate-forme oDesk, premier site collaboratif « historique », créé en 2005.

Des plates-formes appréciées par les contributeurs… et précieuses pour les entreprises

Parmi les faits d’armes de la toute jeune plate-forme franco-américaine : 379 innovations produits qui découlent directement des idées proposées par des particuliers, dont une multi-prise révolutionnaire baptisée Pilot Power, qui s’est déjà vendue à 600 000 exemplaires. Quirky n’a évidemment pas manqué d’en faire la promotion, en mettant en avant aussi bien l’inventeur que son invention…

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Récemment interviewé au sujet de ces plates-formes collaboratives, auxquelles Deloitte a consacré une étude, Sébastien Ropartz* résume bien l’intérêt que représentent ces sites pour les contributeurs et les entreprises : « ces plates-formes sont d’autant plus précieuses qu’elles sécurisent une partie de la relation d’échange entre entreprises et contributeurs et permettent de prendre en charge les questions qui se posent sur la protection intellectuelle, le traitement des données personnelles ou les droits d’auteur« .

Elles permettent aussi de répondre au prochain grand défi des marques : celui de l’industrialisation du crowdsourcing. Déjà conquises par les deux vertus majeures de la co-conception et du travail collaboratif (le faible coût de la ressource, car les contributeurs travaillent en général pour une rémunération nulle ou faible + la capacité à accéder à des ressources pointues disséminées à travers le monde), les entreprises qui recourent au crowdsourcing veulent aujourd’hui aller encore plus loin et plus vite dans leurs projets. Et quel meilleur moyen d’y parvenir que d’utiliser des plateformes déjà fiabilisées et reconnues par des millions d’utilisateurs ?

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Le crowdsourcing, un concept à la réussite fulgurante et une mine d’or pour les marques

Souvenez-nous, c’était hier : le terme de « crowdsourcing » (= « externalisation vers les foules ») a été utilisé pour la première fois en juin 2006 dans le magazine Wired (par Jeff Howe en l’occurrence).

Et c’est en 2008,  dans le livre « Crowdsourcing, how the power of the crowd is driving the future of business ? » qu’on trouve la première définition du terme. En anglais dans le texte : « Simply defined, crowdsourcing represents the act of a company or institution taking a function once performed by employees and outsourcing it to an undefined (and generally large) network of people in the form of an open call. This can take the form of peer-production (when the job is performed collaboratively), but is also often undertaken by sole individuals. The crucial prerequisite is the use of the open call format and the large network of potential laborers. ». Les deux critères distinctifs du crowdsourcing sont ainsi posés : d’une part, l’externalisation de masse vers la plus large communauté possible d’internautes possible et d’autre part, l’appel à projet ou appel d’offres ouvert, mettant chacun sur un pied d’égalité.

Comme chacun le sait, cette « formule magique » a immédiatement été plébiscitée par les plus grandes marques. Au-delà de l’énorme réservoir d’innovations que représente le crowdsourcing et de l’alliance idéale de la créativité et de la rentabilité qu’offre la démarche, celle-ci recèle aussi un autre inestimable avantage… Elle permet de manière presque optimale de « créer du lien », un enjeu majeur dans toute stratégie de communication digitale. Echanger, informer et passionner différentes communautés en les impliquant dans le développement de l’entreprise, constituent évidemment des leviers de séduction et de fidélisation puissants.

Rien d’étonnant donc à ce que les marques (américaines en premier lieu), se soient emparées du crowdsourcing, le plus souvent pour booster leur image et leur communication, en faisant appel à la créativité de photographes, vidéastes, designers ou graphistes, pour imaginer leur prochaines campagnes de pub notamment (les exemples dans le tableau ci-dessus se rattachent majoritairement à ce registre)…

Plus stratégiquement, c’est aussi l’innovation produit, voire la recherche fondamentale que les grandes entreprises ont commencé à « crowdsourcer » (de nombreuses entreprises ayant commencé à externaliser ces missions depuis quelques années).

Illustration de la pertinence et de l’intérêt du crowdsourcing, la démarche audacieuse du propriétaire des mines d’or Goldcorp fait figure de cas d’école… Rompant avec les traditions de son secteur d’activité, Rob McEwen décida en 1998 de faire appel au grand public pour découvrir les prochains gisements aurifères à prospecter. Il organisa donc une véritable  « Ruée vers l’or en ligne », en rendant publiques toutes les données géologiques dont disposait son entreprise, ce qui suscita à la fois la confiance et l’engouement des internautes.

Résultat des courses : moyennant une récompense de 500 000 dollars pour le contributeur le plus méritant, Rob Mc Ewen reçut une montagne d’informations et de données, qui lui permit de découvrir quelques 110 nouveaux sites de prospection exploitables. Le bénéfice de son entreprise à la suite de ce concours est estimé à 3 milliards de dollars en une seule année ! (voir ici le résumé de cette extraordinaire success-story).

… Attention néanmoins au statut des « mineurs de fond »

Loué par les entreprises utilisatrices et par une majorité de contributeurs, ravis de participer au développement des entreprises, les plates-formes collaboratives et le crowdsourcing ne font pas l’unanimité pour autant.

Leurs détracteurs dénoncent à la fois le statut précaire des contributeurs (leur faible niveau de protection juridique et le « flou » autour de leurs droits d’auteur), mais également leurs niveaux de rémunération ou de rétribution globalement dérisoires, au détriment des équipes internes des entreprises ou de leurs prestataires, qui ne peuvent que rarement rivaliser en termes de productivité et de coût face à cette externalisation d’un nouveau genre.

C’est ainsi qu’un free-lance de l’Oregon vient d’attaquer la plate-forme américaine Crowd-Flower. Société d’intérim aux pratiques douteuses, celle-ci le rétribuait moins que le salaire minimum… De même, on peut citer les critiques régulièrement adressées à la plate-forme « Mechanical Turk » d’Amazon. Destinée à faire faire par les internautes des taches sans intérêt et à faible valeur ajoutée, son modèle frisant l’exploitation est souvent dénoncé.

On atteint là une des limites du crowdsourcing : pour que la démarche puisse être industrialisée de façon pérenne et viable, il faudra nécessairement que son cadre juridique et le statut des contributeurs soient beaucoup plus encadrés qu’aujourd’hui… Moyennant quoi « l’externalisation vers les foules » a de beaux jours devant elle.

 

 

Pour aller plus loin…

> Article « Quand les entreprises puisent l’imagination à la source« , d’Isabelle Lesniak – Enjeux Les Echos, mai 2014 

> Article « Crowdsourcing : devenir une ressource intelligente pour les entreprises et plus seulement un compte en banque«  d’Angélique Guest – blog DIG!COM de l’ECS Paris, décembre 2013

> Article « 9 des 10 plus grandes marques font appel au crowdsourcing créatif » de Yannig Roth – blog webmarketing de l’ESSCA, avril 2012

 

Légende :

* Sébastien Ropartz est associé conseil chez Deloitte

 

(Crédit photo : Quirky / Auchan / TheBrandNewsBlog)

 

Comments

  1. En effet, il est important de différencier 2 types d’objectif inhérents à ces dispositifs : moderniser son image (le plus courant) et alimenter la R&D de l’entreprise. Cette 2e démarche est intéressante car elle illustre parfaitement le rôle stratégique et transversal que doit occuper le marketing : de l’innovation produit à la relation client en passant par la maîtrise de l’image de marque.

    Pour ceux qui seraient intéressés par le sujet de la co-création, je me permets d’apposer le lien d’une étude que nous avions publiée à ce sujet : http://fr.slideshare.net/UZFUL/uzful-study-cocreer-pour-durer-27211642

    Bonne lecture !

  2. Il existe des entreprises françaises qui font la même chose…
    Notamment foule factory (www.foulefactory.com).
    Foule factory propose – comme Amazon mturk.com – de découper le travail (souvent des projets fastidieux, sans grande valeur ajoutée) en micro-tâches (catégorisation de tâches, modération, rédaction de textes courts…).
    C’est utile pour se délester de ses propres besognes, ou pour traiter rapidement des milliers/millions de tâches (phase d’apprentissage d’algorithmes / human fall-back).
    Ces milliers de tâches sont ensuite distribuées à une foule de « télé-travailleurs ».
    A la différence d’Amazon mechanical turk, foulefactory.com rémunère les contributeurs autour de 15€ de l’heure… et ils sont tous français…

  3. creativeCrowd says:

    Le travail spéculatif – réflexions et propositions
    Document remis le 21 juillet 2014 à Mme Axelle Lemaire , Secrétaire d’Etat chargée du Numérique : http://fr.slideshare.net/creativecrowdsourcingleaks/travail-speculatifreflexionsetpropositions

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