Marketeurs et communicants : pour une année 2022 sous de meilleurs cieux !

coronavirus-les-scientifiques-appellent-les-couples-a-porter-des-masques-lorsquils-font-lamour-1-1200x628S’il est permis d’adresser ses voeux jusqu’au 31 janvier au soir, c’est dans la toute dernière ligne droite et un peu « avant le dernier coup de gong » que je me permets de vous adresser les miens, en vous souhaitant à toutes et tous une année 2022 aussi communicante qu’inspirante!

Après 7 années ininterrompues d’articles de fond, de billets d’humeur et d’interviews et une longue pause éditoriale de près de 7 mois, me voici « de retour aux manettes » du BrandNewsBlog, bien décidé à reprendre cette chronique du marketing et de la communication que j’ai commencé à pas de loup un soir d’août 2013…

Depuis le printemps dernier, la transformation de nos métiers, dont j’ai été à la fois acteur et témoin, n’a cessé de s’accélérer. Nul doute que celle-ci alimentera de prochains articles du BrandNewsBlog et les analyses des professionnels que je partagerai avec gourmandise ici avec vous, que ce soit pendant et après Omicron… mais aussi avant, pendant et après les prochaines élections.

En espérant que les mois qui viennent soient pour chacun et chacune d’entre vous porteurs de nouveaux projets et de belles promesses, autant personnelles que professionnelles… je vous donne rendez-vous pour de nouvelles inspirations marketing-com’ dès les prochaines semaines !

Hervé Monier

Crédits photo : HealthShots, The BrandNewsBlog 2022.

‘Anaphore’, ‘backlink’, ‘benday’, ‘cancel culture’ et autre ‘déplateformation’ : les mots de la com’ ont désormais leur dico… Et moi je dis ‘chapô’ !

C’est un petit ouvrage qui manquait aux communicant.e.s, en tout cas sous un format aussi pratique et synthétique, dans une version actualisée… Il y a quelques semaines, sortait Le dico de la com, un dictionnaire de référence des mots la communication, publié aux éditions Studyrama1.

Est-il encore besoin d’en présenter l’auteur ? Bien connu des professionnels de nos métiers, Frédéric Fougerat est un de ces communicants connectés dont les interventions sur les plateaux TV, les articles de blogs et autres posts LinkedIn et Twitter sont depuis des années largement suivis et relayés.

Directeur de la communication et de la RSE du groupe Foncia2, il a déjà publié de nombreux ouvrages, et avait cette fois à cœur, comme il le dit lui-même, de « rendre les métiers de la communication et leur langage – parfois leurs jargons – plus accessible à celles et ceux qui veulent les comprendre ».

Au fil d’un travail de longue haleine, qu’il a commencé il y a plus de 3 ans, il a donc compilé tous les termes qui lui semblaient utiles voire incontournables issus notamment des métiers de l’édition, de la pub, des relations presse, de l’évènementiel, de l’audiovisuel ou des médias sociaux, pour constituer ce précieux vade-mecum, dont il nous promet déjà de prochaine éditions, pour suivre l’évolution de nos pratiques et du langage communicant.

A cheval entre savoirs anciens et communication 2 voire 3.0 – et ce n’est pas son moindre mérite – ce dictionnaire documente une partie de l’histoire et de la culture communication, où se côtoient anciennes expressions, termes de l’imprimerie ou de la presse et néologismes de l’ère numérique. Et il peut se lire avec tout autant de plaisir de manière linéaire, comme on le ferait d’un roman, que par entrée alphabétique à la recherche de LA définition que l’on cherchait depuis des heures, après avoir découvert un nom ou un acronyme inconnu.

Bref : un régal pour tout lecteur curieux, comme je le suis, tout autant destiné aux étudiants et jeunes professionnels qu’aux plus confirmés. Car je gage que chacun y apprendra nécessairement quelque chose, au détour d’une nouvelle page et au fil de définitions ciselées.

Asyndète, blanc tournant, bluewashing et boiler plate… clickjacking , colophon, cancel culture ou content pruning… écolier, earned media, déplateformation ou favicon : je suis à peu près sûr que derrière ces mots quelques définitions vous manquent…

Pour nous éclairer sur la signification de certains d’entre eux et nous parler de son dico, complément indispensable aux Bescherelle, Communicator et autres ouvrages de référence pour les communicant.e.s, Frédéric Fougerat a bien voulu répondre à mes questions : qu’il en soit remercié. Bonne lecture et bon début de semaine à toutes et tous !

The BrandNewsBlog : Bonjour Frédéric. Tout d’abord, bravo à vous pour l’initiative de ce « dico de la com ». Vous qui êtes à la fois dircom et auteur de plusieurs ouvrages dans les domaines du management et de la communication, pourquoi et comment vous est venue l’idée de ce dictionnaire ? Un tel type d’ouvrage à vocation professionnelle n’existait-il pas déjà, ou bien un équivalent ? Et à qui s’adresse-t-il en priorité ?

Frédéric Fougerat : Effectivement, je n’avais pas connaissance d’un tel type d’ouvrage de référence, qui m’a manqué durant toute ma carrière de DirCom… J’ai en effet quelques livres qui ne me quittent jamais, comme le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale, ou les ouvrages d’Yves Perrousseaux sur les règles de l’écriture typographique du France, mais un dico des mots de la communication comme celui-ci m’aurait été bien utile. Il existe évidemment des lexiques thématiques sur l’imprimerie, les relations presse… mais, à ma connaissance et après recherches, rien de global, récent et actualisé concernant la communication.

A cet égard, mon intention dès le départ n’a pas été de réaliser un ouvrage académique, irréprochable et complet, mais un livre pratique au quotidien, qui documente les usages de nos métiers de la communication et les pratiques de toutes celles et ceux qui les exercent et doivent en connaitre le vocabulaire et les codes… Un livre qui comprend aussi des remarques personnelles qui traduisent ma vision ou mon expérience du métier. 

Ce dictionnaire s’adresse donc en priorité à celles et ceux qui veulent mieux connaître et comprendre les disciplines de la communication et l’environnement dans lequel elles s’exercent. Il intéressera sans doute les étudiants, en phase de formation, pour compléter leur base théorique, renforcer leurs connaissances, mais aussi leur donner une vision sur la pratique. Mais il concerne aussi les professionnels, quel que soit leur niveau d’expérience, parce qu’il peut servir de repère, de référence, et apporter une aide précieuse quand on aborde des pans de la communication qu’on maitrise moins… Enfin, il plaira aux curieux et aux érudits qui ont soif de connaissances et qui aiment découvrir des univers nouveaux.

The BrandNewsBlog : Vous l’aviez dit au moment de sa sortie, cet ouvrage a mis un certain temps à voir le jour, car il vous a demandé beaucoup de persévérance et d’énergie. Etait-ce si long de rassembler les mots les plus importants de nos métiers, et comment en avez-vous établi la liste ? J’imagine qu’à l’heure du choix entre des termes très différents, il vous a fallu définir certains critères ? Quels étaient-ils ?

Frédéric Fougerat : L’écriture de ce dictionnaire a pris beaucoup de temps (trois ans) parce que j’y ai travaillé en dehors de mon activité très prenante de DirCom, donc principalement le soir, souvent la nuit, les week-end et durant mes vacances… Imaginez un type devant son ordinateur, au bord de la piscine, face à la mer : j’ai réellement vécu de tels moments durant mes vacances d’été ;-)

Quant à la méthode, à savoir l’entrée des mots dans le dictionnaire, elle s’est faite de trois façons. D’une part j’avais déjà travaillé sur des lexiques des mots de la presse ou des mots de l’édition. Repartir de ce travail m’a servi de base, même si j’ai dû retravailler les définitions. Ensuite, au quotidien, à chaque moment de mon travail, d’échanges avec mes équipes, ou de réunions avec des agences, pour chaque mot de jargon professionnel ou d’acronyme prononcé, je prenais des notes sur mon iPhone, pour vérifier plus tard qu’ils ne manquaient pas à mon dictionnaire. Enfin, pour chaque nouveau mot à intégrer, je rédigeais une définition, directement ou après des recherches plus ou moins poussées en fonction des cas, un exercice qui fait utiliser des mots, qui, parfois, eux-mêmes manquent au dico, qu’il fallait donc intégrer, définir… ce qui pouvait amener à trouver d’autres mots intéressant : en ce sens, l’exercice est presque sans limite. 

La fin de la rédaction a donc été fixée par Studyrama, ma maison d’édition, avec une date limite de remise du manuscrit, repoussée d’une année à cause de la pandémie et du surinvestissement qu’il a fallu mettre dans la gestion de crise. Mon cerveau, je l’avoue, n’était alors guère disponible pour l’écriture…

Enfin, dès la remise du manuscrit, j’ai immédiatement commencé à travailler à sa mise à jour, en vue d’une seconde édition. J’y travaille presque tous les jours depuis lors.

The BrandNewsBlog : Dans ce dictionnaire, certains pourraient trouver étrange que vous consacriez autant de place aux terminologies de la typographie et de l’édition/impression (« Haut de casse » versus « Bas de casse », « cromalin », « cadratin », « comptes-fil » et autres « concuvi », dont la connaissance et la maîtrise semblent de plus en plus faibles parmi les professionnels de la communication, quand certains métiers ne tendent pas à disparaître complètement à l’heure du ‘tout digital’… Pourquoi était-ce si important pour vous de les conserver dans ce dictionnaire ?

Frédéric Fougerat : On peut en effet considérer qu’il y a une trop grande place réservée aux mots de l’imprimerie, ou bien aux mots du numérique, ou bien aux termes anglophones… La réalité, c’est que je n’ai pas imaginé de ‘quota’ ou de critères limitatifs lors des phases de sélection et d’écriture. J’ai en effet souhaité que ce dictionnaire traduise au plus près la réalité des mots du quotidien, des jargons, acronymes ou codes qui permettent de se réaliser dans nos métiers. Tel a été mon fil directeur.

J’ai également voulu que ce dictionnaire participe à documenter ce que j’appelle la « culture Com ». Enfin, le vocabulaire de la communication évolue tous les jours, à très grande vitesse. Les générations se succèdent, les outils et les techniques aussi. Quand une personne expérimentée parle improprement à un jeune de « Cromalin », pour désigner une « épreuve de tirage », il y a incompréhension… Il me semblait donc intéressant de donner à ce dictionnaire une ambition autant historique que pratique, qui unisse tous les métiers de la com, de même que les différents générations qui y travaillent et s’y côtoient. Le rendre le plus actuel possible, mais aussi en faire un objet de mémoire en quelque sorte.

The BrandNewsBlog : En communicant rompu aux médias sociaux et au numérique, vous n’avez pas manqué d’intégrer dans votre ouvrage les nouvelles terminologies du marketing digital, de l’influence et de l’e-réputation – parmi lesquels de nombreux anglicismes ou termes dérivés de l’anglais, évidemment. Là encore, pour éviter de tomber dans des formes de jargons purement techniques (jargon du référencencement, jargon du développement informatique…) quels mots avez-vous sélectionné et selon quels critères ? Quelle a été votre ‘ligne de crête’ ?

Frédéric Fougerat : L’usage, l’usage, et encore l’usage ! Evidemment, il s’agit à la fois de mon usage, qui fait appel à mon parcours de 36 ans d’exercice du métier de DirCom, dans le public puis dans le privé. Mais aussi l’usage de mes équipes, comme celui des prestataires qui nous accompagnent : photographes, agences, graphistes, web designers, attachés de presse, community managers, rédacteurs, influenceurs…

Cela fait beaucoup de monde, beaucoup de métiers, beaucoup de spécialités. Ca ne veut pas dire que cela soit complet, ainsi que je le disais il y a un instant, mais c’est extrêmement riche, et je vais continuer à enrichir ce travail.

Par ailleurs, j’ajoute que des lecteurs m’ont proposé et me proposent tous les jours leur collaboration ou leurs suggestions pour contribuer à enrichir l’ouvrage.

Enfin, il est utile de le préciser : j’ai souhaité rester sur l’usage des communicants et ne pas m’aventurer sur le terrain du marketing, qui est un autre métier, avec son propre référentiel linguistique. Toutefois, communicants et marketeurs collaborent au quotidien, donc on peut retrouver dans le dico de la com des mots qui sont communs aux deux fonctions quand elles travaillent ensemble.

The BrandNewsBlog : ‘Backlinks‘, ‘backlogs‘, ‘balise title‘… mais aussi ‘bad buzz« , ‘cancel culture » ou ‘deplatforming‘ : ce dico se veut à la pointe de l’actualité et entend bien piquer la curiosité des communicant.e.s. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore la signification de ces termes, d’ailleurs, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le ‘deplatforming‘ et comment vous définissez la ‘cancel culture‘ ?           

Frédéric Fougerat : Le deplateforming est directement lié à la cancel culture. En français, la déplateformation consiste à bloquer sur les réseaux sociaux, ou à faire pression sur les fournisseurs de services en ligne, afin qu’ils suppriment l’accès à leurs prestations, ou qu’ils bloquent des personnalités, marques, médias, organisations… dans l’objectif de limiter leur audience et, par voie de conséquence, leur influence.

Quant à la cancel culture, ma définition engagée la présente littéralement comme « la culture de l’élimination ». Technique dont le principe est de tenter d’imposer des idées, en faisant pression sur des personnes ou des organisations pour leur dicter une façon de penser, voire d’agir.

C’est la pratique de groupes de pressions qui utilisent le harcèlement, l’intimidation, la dénonciation publique pour tenter d’affaiblir, voire de détruire et donc d’éliminer, celui ou celle qui ne porterait pas la bonne voix ou la bonne pratique.

La cancel culture montre les limites de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux. Alors que ces derniers ont donné au plus grand nombre un espace public pour s’exprimer, ils engendrent aussi des obstacles à cette liberté d’expression. En jouant sur l’émotion populaire, animée ou manipulée, des justiciers du web, des activistes politiques y ont l’opportunité de faire régner, avec une relative impunité, une forme de terreur de la pensée. Ces pratiques de menaces, d’humiliation, de désinformation sont bien évidemment contraires à nos lois et à la culture française de liberté.

La cancel culture est ainsi une des plus regrettables illustrations et conséquences de la tyrannie des réseaux sociaux selon moi. C’est une forme de boycott, où la violence est légitimée au nom d’une « justice sociale » en faveur d’un monde meilleur, mais en tentant d’interdire tout débat, toute pensée contradictoire, ce qui est à mon sens à la fois dangereux, absurde et in fine contre-productif.

The BrandNewsBlog : Au moment d’aborder des notions aussi nouvelles et parfois sujettes à polémiques, comment définir le plus objectivement possible de tels termes ? J’imagine que plusieurs définitions en étaient déjà existantes. Comment choisir la meilleure et éviter les jugements de valeur ?

Frédéric Fougerat : Je pense qu’il ne faut pas avoir peur de la critique ou des jugements, sinon, on ne peut plus rien faire, ni s’engager. En communication, nous y sommes habitués. C’est une des rares fonctions dans les organisations publiques comme privées, où tout le monde s’autorise à donner son avis, voire estime pouvoir faire mieux que vous, malgré une absence parfois flagrante d’expertise, d’expérience, et de raisonnement… 

Je cite souvent à cet égard le psychiatre suisse Carl Gustav Jung : « Réfléchir c’est difficile, c’est pourquoi la plupart des gens jugent… » et se permettent de donner leur avis, évidemment sans aucune légitimité professionnelle, d’un point de vue purement personnel, affectif et gratuit… Les jugements en effet existent. Mais il n’y a ni obligation d’en prendre connaissance, ni obligation de les considérer.

Pour ce dictionnaire, je n’ai pas fait de choix de définitions parmi plusieurs. Soit j’ai rédigé directement mes définitions, exercice de plus en plus fluide au fur et à mesure de l’avancement du travail, soit je me suis documenté pour vérifier des points sur lesquels je pouvais avoir un manque d’expertise. Par ailleurs, on retrouve aussi ma sensibilité ou ma propre vision dans certaines définitions.

Encore une fois, ce n’est pas le dictionnaire d’une académie, mais celui que je signe et donc que je porte et assume. J’imagine que certaines définitions pourraient faire débat, mais sans aller, j’espère, jusqu’à la polémique. En tous cas, cela n’a jamais été mon intention, sans avoir non plus la prétention de faire consensus.

The BrandNewsBlog: Une des définitions les plus longues de votre dictionnaire est celle consacrée au DirCom. Dans le cadre de celle-ci, vous énumérez 5 compétences incontournables pour diriger la communication d’une organisation… Quelles sont ces compétences et pourquoi sont-elles si importantes ?

Frédéric Fougerat : Merci Hervé d’aborder la question des compétences, car contrairement à certaines vieilles idées reçues, en communication, les compétences ne tombent pas du ciel. Elles s’acquièrent avec le temps et la pratique, et certaines sont incontournables pour prétendre devenir DirCom. Evidemment, la communication exige d’avoir le sens du verbe, de la formule (on appelait cela dans le passé avoir un bon rédactionnel), de l’image, du son, de l’émotion. Communiquer, c’est avoir la capacité de toucher les gens selon leur sensibilité, leurs références. C’est aussi avoir le sens du moment (tout est – souvent – une question de timing) !

Les autres compétences incontournables pour diriger la communication d’une organisation, notamment d’une grande entreprise, tournent principalement autour du sens politique, de la créativité, de la marque, des relations presse et du digital.

1/ Le sens politique est une qualité rare et pourtant indispensable à tout communicant, et à fortiori à une ou un dirigeant de la communication, pour évoluer avec succès dans les jeux d’influence et de pouvoir, faits de relations formelles comme informelles. C’est essentiel en communication, fonction d’observation, d’écoute, de perception, pour bien comprendre, décrypter, décoder les attentes, sensibilités, forces et faiblesses de ses cibles. Le sens politique nécessite d’être empathique. C’est-à-dire être capable de se mettre à la place de l’autre, imaginer ses sentiments, sa perception d’un sujet, ses besoins, ses envies, ses réactions… Comme le dit Stéphane Fouks : « Savoir à qui l’on parle est un métier ».

2/ Etre une force créative est aussi une compétence attendue. Curiosité, écoute, ouverture d’esprit sont aussi nécessaires à la fonction de DirCom. Il faut savoir chasser les idées reçues, faire abstraction de ses croyances, avoir des idées, ne rien s’interdire de penser. Il faut être capable de voir le rendu d’une image à créer, d’une photo à produire. Cela ne veut pas dire être graphiste ou photographe, mais de savoir diriger ces professionnels, pour leur donner les directives utiles en vue de réaliser un travail conforme à votre vision. La créativité, c’est aussi avoir la capacité à prendre des risques, à travailler des pistes conventionnelles et non conventionnelles, notamment en laissant place à la force créative de ses équipes ou de ses prestataires, pour s’ouvrir à de nouveaux concepts, savoir se renouveler, évoluer, innover.

3/ Il faut maîtriser l’intelligence de la marque. Si la marque est une référence, c’est aussi une donnée complexe, à multiple facettes. La marque est souvent le socle de la communication. La créer, lui donner du sens, la développer exige de posséder une vision stratégique mais aussi opérationnelle et artistique de la marque. Il est indispensable de maîtriser l’intelligence de la marque, afin de pouvoir travailler avec une agence créative, pour être accompagné sur certaines compétences, et non pour déléguer à une agence notre incompétence.

4/ Il faut être un stratège des RP. En effet, une pratique active des relations presse est un prérequis pour être DirCom. Attention, il ne suffit pas d’avoir été celui ou celle qui met en forme un communiqué de presse rédigé par d’autres pour s’autoproclamer expert en relations presse, ni avoir l’expérience de la durée dans la fonction, sans avoir rien réalisé. Il faut certes des compétences rédactionnelles, mais aussi et surtout avoir le sens de la formule impactante pour être capable d’écrire un titre et châpo qui attireront et intéresseront le journaliste ; être capable d’angler un contenu, en fonction de sa cible ; être capable de créer et entretenir des relations avec les journalistes, créer une relation de confiance, une complicité, constituer ses propres valises de contacts.

5/ Enfin, aujourd’hui, il faut penser digital, voire même, penser digital natif ! Avoir le sens du digital est effectivement impératif, pour comprendre ses aspects, ses capacités, ses opportunités, ses forces et faiblesses. On parle autant de référencement et des techniques de SEO et SEA, que de qualité et quantité de contenus. Il faut savoir adapter des contenus aux différents formats de la communication numérique, comme les réseaux sociaux, en ayant une valeur sociale avérée. Et ce n’est pas parce que votre cousine est une youtubeuse reconnue ou que votre mari est chief digital officer que cela vous confère des compétences particulières. Est-ce qu’il suffit d’être le compagnon d’une DAF pour être expert en finance, ou marié à un avocat pour prétendre être juriste : évidemment non ! Le principe est le même pour l’ensemble des métiers de la communication.

Par ailleurs, en fonction du secteur et de l’activité de l’entreprise, des compétences renforcées ou complémentaires peuvent être nécessaires, en communication commerciale, événementielle, financière…

Enfin, un DirCom est aussi un dirigeant qui doit savoir s’engager, évaluer les risques, organiser, piloter et décider.

The BrandNewsBlog: Une autre définition, tout aussi intéressante, est celle que vous consacrez au directeur / à la directrice de publication. Alors que beaucoup de publications d’entreprises ont pour directeur de publication le directeur communication lui-même ou le directeur marketing de l’entreprise, voire un responsable ou un chargé de communication, vous indiquez clairement qu’il s’agit là d’une faute juridique de la part des organisations concernées. Pourquoi donc ?

Frédéric Fougerat : Parce que le niveau de culture juridique de certains communicants n’est pas toujours à la hauteur de leurs fonctions et responsabilités. Le droit est très présent dans les métiers de la communication : droit de l’édition, droit à l’image, propriété intellectuelle, artistique… Il faut savoir que ce sont plusieurs lois qui précisent qui est le directeur ou la directrice d’une publication imprimée, ou d’une publication en ligne.

Nombre d’organisations publiques ou privées sont en infraction par rapport à ces réglementations qu’elles ignorent et donc ne respectent pas. C’est aussi souvent le cas pour les mentions légales sur les sites web, absentes, partielles ou non règlementaires… C’est une des responsabilités des DirCom de maîtriser ces notions de droit. Ce qui permet de démontrer, si c’est nécessaire, que la communication est bien un métier.

The BrandNewsBlog: Pour les spécialistes de l’évènementiel (et surtout les non spécialistes), vous rappelez également par une définition ce qu’est exactement le « dress code » et ses différentes modalités… Pour résumer – et ne pas faire d’erreur lors d’une prochaine soirée – quelles différences entre ‘casual’, ‘smart casual’, ‘business casual’, ‘business attire’, ‘white tie’ et ‘black tie’ ?

Frédéric Fougerat : Effectivement, il peut convenir de préciser pour l’organisation d’un évènement ou d’une soirée, un code vestimentaire, afin de permettre à l’ensemble des participants de s’y conformer. Traditionnellement, le dress code fait référence aux tenues masculines. Les dress codes sont donc : Casual, synonyme de style vestimentaire décontracté, ce qui ne veut pas dire négligé (exemple un polo et un jean), Smart casual, entre le look sportif et l’élégance classique (exemple : un pantalon en toile, une chemise et une veste), Business casual, look professionnel détendu (exemple : pantalon en toile, chemise unie et cravate), Business attire, c’est costume cravate, Black tie, c’est la tenue de soirée, ce qui pour un homme signifie smoking noir, chemise blanche de smoking, nœud papillon noir, et non cravate noire, et enfin, White tie, le dress code réservé à certaine cérémonie ou grands évènements. La tenue se compose d’une queue de pie, chemise de soirée blanche et nœud papillon de soie blanche noué à la main. Ici aussi, contrairement au nom trompeur, la cravate est à proscrire.

Pour certaines soirées, le dress code peut préciser que les titulaires de décorations officielles doivent les porter (exemple Black tie – Décoration), sous la forme de miniatures spécialement conçues à cet effet. Pour les femmes, les tenues sont moins formelles. Ce qui leur offre plus de liberté pour adapter leur style vestimentaire. Mais entre tenue décontractées, cocktail et robe longue, il faudra veiller à bien se conformer aux règles, sauf à chercher à se démarquer, tout en prenant, parfois, le risque de ne pas être acceptée…

The BrandNewsBlog: Vous définissez aussi le terme « d’embargo » dans votre ouvrage, utilisé dans les relations avec les journalistes et désignant la période où une information ne peut être rendue publique… Est-ce que cette notion, et la pratique qui consiste à faire confiance aux journalistes en leur donnant la primeur d’infos encore confidentielles, ont toujours cours ? Et la confidentialité est-elle toujours respectée par les journalistes ?

Frédéric Fougerat : L’embargo est effectivement une question de confiance, dans les relations presse, puisqu’il désigne la période ou une information peut être partagées à un nombre restreint de personnes, pour des raisons techniques (programmation d’une mise en ligne sur un site web) ou logistiques (impression d’un document qui doit rester confidentiel), mais non diffusée publiquement.

Un communiqué de presse peut être adressé sous embargo, à quelques journalistes, avant le jour de sa diffusion, afin de permettre à leurs rédactions de disposer d’une exclusivité de traitement de l’information, et de la publier au moment même où le communiqué est rendu public. Pour répondre à la question, la pratique existe encore bel et bien, mais on ne peut évidemment pratiquer l’embargo qu’entre professionnels de confiance, côté communicants, comme côtés journalistes. Et c’est avec l’expérience et la répétition des contacts et échanges qu’on peut s’assurer de cette relation de confiance.

The BrandNewsBlog: On me l’a fait remarquer, vous ne mentionnez ni le terme ‘agence’, ni le terme ‘annonceur’ dans votre dico. Oubli ou choix délibéré ? J’imagine que vous avez du identifier depuis la publication de l’ouvrage d’autres termes à intégrer, potentiellement dans une deuxième édition ?

Frédéric Fougerat : Il n’y a eu aucun choix délibéré d’écarter des mots, mais des oublis certainement. Le mot agence fait partie des oubliés, dans les mots listés, même si je le mentionne notamment dans la définition du mot annonceur, qui lui est bien présent. Cet oubli sera évidemment réparé dans la prochaine édition. Dans les mots à rajouter, j’ai notamment déjà identifié : fichier source, fil conducteur, ou encore equity story pour la communication financière, ou des nouveaux mots comme sensitivity reader, un des nouveaux métiers de la Com aux Etats-Unis, qui ne devrait pas tarder à arriver en France, si ce n’est pas déjà le cas ! 

The BrandNewsBlog: Sauf erreur, vous n’avez intégré que deux noms de personnes dans votre dico : Bernays (Edward) et Bleustein-Blanchet (Marcel)… Cela partait plutôt bien… Pourquoi vous être arrêté à ces deux là ? 

Frédéric Fougerat : A l’origine, l’idée n’était pas d’intégrer des noms de personnes, au risque notamment de ne pas être exhaustif. Et en même temps, il y a des personnes comme Edward Bernays, auxquelles les communicants se réfèrent en permanence, et qu’il me paraissait difficile de ne pas faire figurer.

J’ai donc décidé d’intégrer quelques personnages clés ou nom de famille, qui seront complétés au fur et à mesure des éditions. Dans cette première édition, il n’y a pas qu’Edward Bernays, publicitaire et père fondateur de la propagande et des relations publics, ou Marcel Bleustein-Blanchet, considéré en France comme l’inventeur de la publicité moderne. Si on cherche bien, on en trouve d’autres, comme Ivy Ledbetter Lee, américain considéré comme le père fondateur des relations presse, ou Françis Thibodeau, imprimeur français qui a donné son nom à une des classifications typographiques de référence.

The BrandNewsBlog: Je me suis permis de lancer un petit quizz sur les réseaux sociaux (cf image ci-dessous). Si je renvoie nos lecteurs à votre dico pour trouver les réponses, pourriez-vous tout de même nous donner 2 ou 3 définitions de ces mots, parmi ceux qui vous paraissent les plus importants ?

Frédéric Fougerat : Parmi les mots du quizz, il y avait compte-fils ? C’est un de mes objets préférés, qui ne me quittait pas dans mes premières années de métiers, et qui m’est beaucoup plus rarement utile aujourd’hui. Un compte-fils est une petite loupe à fort grossissement qui n’est pas destinée à faciliter la lecture, mais à vérifier les points d’une trame, grâce à une échelle graduée, ou la netteté d’une photo, ce que l’œil seul peut ne pas percevoir. A l’origine utilisé par les métiers du textile, le compte-fils est un ustensile indispensable en imprimerie, notamment avant un calage machine.

Il y avait également le mot favicon. Ce mot valise est la contraction des mots anglais favorite et icon. Une favicon, c’est un mot féminin, est l’icône informatique symbolisant un site web. Elle est placée devant la balise title, et n’est pas toujours facile à créer, car elle représente tout ou partie du logo d’une marque. Personnellement, je n’aime pas casser un bloc marque pour n’en retenir qu’une partie. Mais cela parfois s’impose.

Ma troisième définition se portera sur bord perdu, une expression qui date d’une époque où il y avait plus de poésie que de technique dans les mots. Le bord perdu désigne le cadrage pleine page de l’impression d’une image ou d’un fond de couleur, sans marge ni zone de réserve. A ne pas confondre avec hors cadre, qui signifie zoomer une image au point de donner le sentiment qu’elle sort de l’affiche ou du support sur lequel elle est reproduite. J’aime beaucoup l’esthétique du bord ou fond perdu, comme celle du hors cadre d’ailleurs, qui donne un fort impact à l’image.

Notes et légendes :

(1) Le dico de la com, première édition – par Frédéric Fougerat, 1er trimestre 2021 – Editions Studyrama

(2) Directeur de la communication et de la RSE du groupe Foncia, Frédéric Fougerat dispose d’une expérience de plus de 30 ans de directions de la communication dans le secteur public puis le secteur privé. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de communication et de management et un ambassadeur inlassable de notre profession.

Crédits photos et illustrations : Frédéric Fougerat, Studyrama, The BrandNewsBlog 2021, X, DR.

Le langage : clé de voute de la culture d’entreprise et puissant accélérateur relationnel…

Celles et ceux d’entre vous qui suivent ce blog depuis plusieurs années le savent : je ne manquerais pour rien au monde la sortie d’un nouvel ouvrage de Jeanne Bordeau¹.

Linguiste, auteure, conférencière et artiste, l’ex fondatrice de l’Institut de la qualité d’expression, plus connue aujourd’hui sous son nouveau nom de bataille, « Madame Langage », prend régulièrement la parole dans les médias et arpente les scènes de France pour narrer les évolutions du langage et rappeler son rôle dans la formation de la pensée et dans la communication des individus et des organisations.

Infatigable ambassadrice de la qualité d’expression, de la richesse et du pouvoir d’une langue juste mise au service des idées, elle a aussi été la première à mettre son expertise au service des entreprises et des marques, les incitant à s’intéresser de près à leurs propre langage, enfant trop souvent oublié de la communication…

Dans son nouvel opus « Le nouveau pouvoir du langage²« , Jeanne nous rappelle ainsi qu’au travers de ses constantes métamorphoses, c’est toujours « le langage qui exprime la culture de l’entreprise et la façonne, et que c’est encore le langage qui construit la relation de l’entreprise avec ses collaborateurs, ses clients et ses publics. »

Pour répondre aux transformations sociétales et aux nouvelles attentes des parties prenantes, elle en appelle aujourd’hui au développement d’une langue à la fois utile et pédagogique, plus attentionnée et personnalisée que jamais – car « augmentée » – grâce à aux vertus de l’intelligence artificielle et de la conversation 2.0 notamment. Une langue également plus responsable, car constamment nourrie de preuves, de sens et d’authenticité, et aussi souvent que possible incarnée dans la parole des dirigeants et des collaborateurs eux-mêmes.

Joli programme me direz-vous, mais qui pourrait assurément en rester au stade de la déclaration d’intention, si un certain nombre d’entreprises précurseuses n’avait pas déjà choisi de s’y attaquer résolument, remettant à plat leur stratégie éditoriale pour développer de nouvelles formes d’écriture, plus qualitatives et efficaces.

De fait, dans la passionnante interview qu’elle a bien voulu m’accorder, à découvrir en deux parties aujourd’hui et jeudi prochain, c’est de ces entreprises inspirantes et de leurs bonnes pratiques que Jeanne Bordeau a voulu le plus souvent nous parler, illustrant son propos de moult exemples… plutôt que de d’attarder sur le constat sans nuance d’un appauvrissement généralisé du langage des organisations.

Qu’il me soit donc permis de la remercier à nouveau, à la fois pour son enthousiasme contagieux, ses réponses ciselées et souvent lumineuses, et la matière à réflexion qu’elle offre ici à tous les communicant.e.s.

Le BrandNewsBlog : Bonjour Jeanne. Tout d’abord, félicitations pour ce nouvel ouvrage à la fois riche et synthétique, dans lequel il me semble que vous avez mis beaucoup de vous-même et condensé la plupart de vos convictions sur le langage… S’agit-il en quelque sorte d’un manifeste ? Et si oui, bien qu’il soit encore un peu tôt pour le dire, ce manifeste a-t-il rencontré son public ?

Jeanne Bordeau : Si un manifeste est une déclaration écrite publique qui expose une position, alors chacun de mes livres est un manifeste sur le langage. Depuis toujours, je promeus un point de vue : le langage donne forme à la pensée. Les dirigeants et collaborateurs devraient se souvenir que l’on pense comme on parle. Et non l’inverse. Alors, peut-être les entreprises vendent-elles aussi comme elles parlent.

La langue de l’entreprise et de la marque doit donc être cohérente et diffuser une ligne éditoriale dans le discours complet de l’entreprise.

Dans une langue harmonisée et stratégiquement réfléchie, la force des propos n’empêche pas la nuance, la qualité d’expression choisie ne fera qu’élargir l’efficacité et la transmission des objectifs qu’une entreprise se fixe. Et enfin, la langue de l’entreprise peut et se doit d’être non seulement efficace, mais aussi belle et touchante !

La fluidité, la puissance, la mesure d’une langue que l’on garderait en mémoire ne devraient pas être réservées à la littérature. On parle sans arrêt d’émotion, mais il ne s’agit pas de dire le mot émotion à tout bout de ligne. Il faut irriguer cette émotion, la faire ressentir grâce à une expression écrite et orale de qualité qui aurait la puissance d’incarner toutes les valeurs de l’entreprise. Ainsi la marque se distinguera-t-elle auprès de tous ses publics.

Une langue pertinente emplie de preuves qui serait également subtile atteint le cerveau, le cœur et les viscères du collaborateur au client !
Oui, je me bats donc pour que les entreprises vivent et échangent avec une langue au plus haut de son potentiel ! Et je l’ai écrit et réécrit, il faut déployer des écoles internes de langage au sein des entreprises.

Le BrandNewsBlog : Vous commencez votre premier chapitre par une confession douce-amère, qui me semble résumer à la fois le projet de l’ouvrage et votre combat depuis 25 ans : « Je débute mon douxième livre et reste insatisfaite car je n’ai pas su encore faire partager l’histoire d’amour que je vis avec le langage depuis l’enfance. Je n’ai pas su conter toute l’importance que le langage oral et écrit prend à tout moment dans nos vies ». Pourquoi une telle frustration, et quels sont justement ces pouvoirs « magiques » du langage auxquels vous faites référence ?

Jeanne Bordeau : Je n’ai pas de frustration, j’ai seulement une question : les entreprises écrivent-elles et parlent-elles à la hauteur de l’intelligence et de la force d’innovation qu’elles possèdent ?

Lors de mes conférences ou master classes sur le langage des entreprises et des marques, je me demande comment faire prendre conscience de l’importance du juste maniement du langage par toutes les équipes de l’entreprise.

Les marques veulent se distinguer, garder l’attention du client, mettre en avant leurs spécificités. C’est possible, et cela se joue bien sûr, grâce à la qualité des prestations que les entreprises offrent. Mais cela se joue aussi à part égale par l’utilisation d’une langue forte et juste qui sait décrire ces innovations et ces prestations.

A quand, chaque année, l’examen de la stratégie éditoriale au Comex ? Les premiers storytellers sont les dirigeants !

De plus, la façon de dire et de décrire ces offres doit désormais pour une entreprise incarner ses valeurs. Plus encore à l’heure de la raison d’être. Cela requiert de laisser au langage sa vraie place et de ne pas en faire un outil de transmission anodin que l’on morcelle au gré des directions des différents services.
Heureusement, les internautes ont pris le pouvoir et viennent – sans tenir compte des silos de l’entreprise – demander aux marques des faits, des preuves et des réponses fiables dans la durée.

Cependant, le langage des entreprises est en progrès, les réseaux sociaux maltraitent la langue autant qu’ils la bousculent et finalement la renforcent, la désankylosent et lui redonnent de la vigueur…

Le son, le texte et l’image confèrent à l’entreprise une nouvelle force d’éloquence. C’est tant mieux. Les entreprises développent de l’hybridation technologique, il faut lire à ce sujet ce qu’en dit Jon Lipfeld dans le livre d’Eric Briones Luxe & Résilience chez Dunod.

Ce dont je rêverais, c’est que ces deux modes d’expression, l’un classique et l’autre plus récent, presque « cinématographique », cohabitent ou se renforcent l’un l’autre, parce que parfois au sein de l’entreprise, ils peuvent prendre en charge la transmission de sujets différents.
Ainsi, Patou utilise à bon escient avec « télé Patou » la vidéo. Le chat Patou nous fait visiter les ateliers de la marque. L’ours bleu de Butagaz explique grâce à des vidéos la transition énergétique… C’est moins fastidieux, plus ludique et plus agréable que de lire de longues explications.

Songeons aux conseils du linguiste Roman Jakobson qui égrène toutes les capacités de transmission d’une langue : la langue doit être expressive, référentielle, poétique, métalinguistique, phatique, conative.

Si la langue cinématographique « son-texte-image » progresse, la langue que j’appelle « classique » est parfois elle aussi portée avec force par certains chefs d’entreprise. Ces dirigeants, ces chercheurs, ces développeurs, ne les décrit-on pas d’ailleurs comme des aventuriers, des capitaines d’industrie ? Des combattants fascinants de l’époque ?

On le constate, Elon Musk sait twitter des analogies frappantes et des exemples ; Emery Jacquillat a su donner un second souffle à une entreprise comme La Camif en écoutant la voix des collaborateurs. Ces dirigeants savent jouer de toutes les palettes du discours classique. De même Alexandre Mars « philanthropreneur » applique les recettes du business à la philanthropie, et dit mettre sa révolte en acte, il possède une langue naturelle qui va à l’essentiel et droit au cœur.

La langue n’est pas pour eux un simple outil de transfert aseptisé de l’information que l’on morcelle en fonction des directions comme des parts de gâteaux devenant disparates dans chaque service ou département de l’entreprise. La langue est le sang de l’entreprise. Ils l’ont compris.

Le BrandNewsBlog : Inlassablement depuis plusieurs décennies, vous avez observé les évolutions du langage, en linguiste et experte de la langue des entreprises, mais également en artiste, au travers du Panorama des 1 000 mots de l’année écoulée³, que vous présentez depuis 10 ans maintenant. Justement, quelles ont été les principales évolutions du langage dans la dernière décennie ? Vous évoquez une langue sans cesse plus « courte », « hachée » et « syncopée », mais également une langue qui perd de sa chair en se conjuguant au « présent perpétuel », en se débarrassant progressivement des conjonctions, adverbes et toute forme de nuance… La richesse de la langue française serait-elle menacée, dans les écrits d’entreprise du moins ?

Jeanne Bordeau : Depuis treize ans, je crible les journaux et magazines les plus lus et y récolte les mots qui dessinent l’actualité. Cela a créé un observatoire des mots et en parallèle une fresque artistique de tableaux. Avec l’analyse de ces mots des médias, je compose sur dix mêmes thèmes chaque année (voir http://www.jeanne-bordeau.com).

Treize ans plus tard, cette œuvre de 13 000 mots me fait confirmer que jamais on a autant créé de mots. Ainsi naissent avec des préfixes et suffixes, des mots comme « hyper violence », « éco anxiété », « télé travail », « mega feux », « brand tech », « cyber guerre ».

Je suis attachée aux mots. Toutefois, jamais l’encombrement des mots, n’a fait la qualité de la langue. Je l’ai rappelé dans la conférence que j’ai tenue au TEDxNantes en septembre 2020. C’est par la place qu’il occupe dans la phrase que le mot prend son sens.

Une phrase va bien au-delà des mots et se crée par une solidarité morphosyntaxique. D’abord, on conçoit, puis on apprécie, et on doit dans une seule phrase également raisonner pour rapprocher deux jugements afin d’aboutir à une 3ème déduction. Il y a immédiat raisonnement et hiérarchie des liens.

Tisser un récit nécessite ensuite de créer des connexions, une chronologie des phrases, une hiérarchie des paragraphes qui mettent alors le texte en perspective.
Les textes courts sont indispensables pour attirer l’attention, pour frapper, pour aider le client à synthétiser une démonstration, pour parfois créer du rythme. Mais les textes courts n’autorisent pas à déployer l’ampleur d’une pensée. Ainsi, les subordonnées sont gommées, elles créent pourtant de la progression et de l’envol. Tout comme l’abus d’écriture courte a fait disparaitre de nos phrases les connecteurs ou mots de liaison. « Du coup » semble être le seul mot de liaison survivant !

Où sont les concessifs tels « cependant », « néanmoins »…? Où sont les connecteurs qui introduisent la cause et la conséquence comme « dans ce cas », « en effet », « puisque », « dès lors que » ? Ceux qui totalisent comme « ensuite », « en somme », « en définitive » ?

Les adverbes ont eux aussi rendu l’âme. Ils étaient des modérateurs et venaient atténuer le propos. « Philosophie magazine » a eu raison de faire sa une en décembre sur la nuance. La disparition des adverbes est un exemple qui met en lumière les changements de pratique dans nos façons d’écrire et de parler.

C’est la syntaxe et le style qui donnent chair à l’expression et génèrent alors de l’émotion dans la langue.
Modiano, Bobin, Racine sont des auteurs appréciés. Pourtant leur champ lexical n’est pas vaste. Ils écrivent avec 3 500 mots maximum, quand Victor Hugo lyrique en utilisait plus de 20 000 ! Mais Bobin, Racine et Modiano sont des stylistes hors du commun. Leur sobriété lexicale n’empêche pas l’éloquence. Point n’est besoin d’encombrement de trop de mots pour toucher.
Ainsi, Bobin nous écrit “ qu’il tutoie les étoiles”. Il possède le sens des images, l’art de disposer et de ne point trop en dire.

Qui s’appuie encore pour écrire avec densité et rythme sur des figures de style ? L’oxymore et le chiasme créent un effet de surprise, l’antithèse peut secouer les idées reçues. De même, les figures de construction captent l’attention : de l’anastrophe qui inverse l’ordre habituel d’une phrase, aux figures de sonorité qui rappellent que la langue est musique. Le maniement stylistique subtil de la langue est en train de s’éroder.

Quant au son, il participe à la compréhension du sens. De l’allitération à l’assonance ou la paronomase qui rapproche deux mots qui possèdent une ressemblance phonétique (comme « éminent » et « imminent »). Qui pense encore au chant de la langue et à la façon qu’elle a d’accrocher notre oreille et d’ajouter de la compréhension ? Alfred Tomatis, phonologue de renom, l’écrivait « l’oreille est la première porte d’entrée vers le cerveau ». James Salter le confirme encore quand il écrit que « bien écrire, c’est entendre la voix des mots ».

Si Bobin sait offrir des phrases qui nous ouvrent l’esprit, certaines marques y réussissent aussi. La marque IWC n’a-t-elle pas écrit à propos de ses montres qu’elles sont « l’éternité au poignet » ? Simple et juste, n’est-ce pas ? Quant à Courbet, le joaillier écologique, il a une belle phrase pour devise : « sans le bien, le beau n’est rien ».

Pourquoi tant d’idées reçues circulent-elles à propos de l’écriture ? Je ne suis pas triste, mais c’est pour moi un combat que de lutter contre ces clichés. Ainsi, pourquoi, n’évoque-t-on que les mots quand on parle de qualité de la langue ? Ne parle-t-on que de notes quand on veut parler de musique ?

Le BrandNewsBlog : Dans votre premier chapitre, dans lequel vous analysez les évolutions du langage, vous parlez également d’une langue corporate et commerciale qui cherche à tout prix l’efficacité, mais devient paradoxalement bavarde, monotone et monocorde car privée de cohérence, de vision et de sens… Pour autant, vous avez voulu parler dans votre livre de ces marques qui, a contrario, progressent et s’attachent de plus en plus à développer et employer une langue intelligente, argumentée et sincère. Dans quels secteurs œuvrent ces bonnes élèves : les entreprises et marques qui parlent et écrivent bien ont-elles un profil type ?

Jeanne Bordeau : Oui, de plus en plus de marques progressent et veillent à acquérir une écriture efficace.
C’est souvent une écriture qui cherche la clarté, qui donc réussit à introduire de la pédagogie. Car les marques se doivent de répondre aux questions des consommateurs en utilisant une langue utile qui recrée de la pertinence. La langue ne peut plus être que déclarative. On ne peut plus s’annoncer « leader » (« notre marque est leader sur le marché …» ), on doit le démontrer.
Les marques ont développé un dialogue de plus en plus construit et étoffé avec leurs clients et leurs parties prenantes.

On peut donner l’exemple du néo-assureur Luko qui vise à être compris et à servir son client de façon percutante. Luko pose ainsi la question : « Pourquoi Luko vous rembourse mieux ? » Cette nouvelle marque tient des propos sincères, en voici un exemple : elle expose le fonctionnement de son engagement : « Le giveback de Luko : voici votre cotisation, vous la payez mensuellement. 30% de votre cotisation sont dédiés aux frais de gestion de Luko. 70% de votre cotisation sont placés dans le pot commun pour tous les assurés. Si vous avez un sinistre, cet argent sert à vous rembourser. S’il reste de l’argent en fin d’année, il est reversé à l’association de votre choix. »

La néo-banque Revolut a décidé, elle, d’écrire d’un ton franc et direct, ainsi cette nouvelle banque veut parler d’argent de manière crue et elle affirme : « Nous mettons fin au monopole des grandes banques pour redonner le pouvoir aux citoyens » ou encore « Nous vous montrerons exactement où part votre argent chaque mois ».

A la demande du consommateur, toute une nouvelle écriture est en train de naître, incarnée par le déploiement d’une langue argumentée qui cherche à être concrète.

De jeunes sociétés de services comme Lulu dans ma rue réussissent à manier une langue efficace, utile, sur un ton connivent : « faites appel à un lulu », « un service de proximité en toute simplicité : nous trouvons le Lulu de vos rêves », « mission accomplie. »

Le BrandNewsBlog : Nous parlions à l’instant du risque d’appauvrissement du langage employé par un certain nombre d’entreprises. Cet appauvrissement n’est-il pas – au moins en partie – une conséquence des efforts de simplification déployées par les marques pour rendre leur communication plus accessible et compréhensible (emploi du langage « B+ »…) ? Ou bien estimez-vous au contraire que simplicité et clarté du langage peuvent se conjuguer avec une véritable richesse et précision dans l’expression des marques ?

Jeanne Bordeau : Attention au mot « simplicité ». En effet « simple » ne signifie pas « simplificateur ». Faire simple est complexe car la simplicité d’une langue peut être incarnée par une concision qui transporte de la densité et beaucoup de sens.
Dans mes conférences, je cite souvent cette phrase qui fait sourire : « si j’avais eu le temps je vous aurais écrit un texte bref. »
Bien des marques commencent à penser de cette façon. Ainsi Lydia, appli bancaire récente confie à ses publics : nous sommes « conscients que la simplicité s’acquiert par la maîtrise de la complexité et non par moins de complexité. »

Par ailleurs, quand les marques possèdent un contenu ample, elles travaillent l’ordonnancement de leurs discours pour gagner en clarté et bien répartir leurs registres de contenus.
Dans mon livre Storytelling et contenu de marques, publié en 2012, je racontais les quatre contenus de marque majeurs : serviciel, pédagogique, créatif et ludique.

Certaines marques conjuguent leurs contenus avec justesse, richesse et simplicité. La banque CIC les répartit et les équilibre :

  • un contenu serviciel avec par exemple l’application CIC Mobile, « une application gratuite qui vous permet de suivre votre consommation de téléphonie »
  • un contenu pédagogique avec par exemple une explication sur la bonne utilisation du chèque : « comment bien utiliser le chèque. »
  • CIC n’oublie pas d’avoir un contenu créatif. La banque va offrir un bonus aux lycéens qui ont réussi leur bac et s’adresser à eux avec un visuel représentant un escargot et une légende : « Mentions Bac CIC. Vous en avez assez bien, bien, très bien bavé, soyez récompensé. »
  • enfin, la banque sait utiliser le ludique. Elle crée les jeux-concours pour prolonger la relation. Je me souviens qu’en 2019 au temps où on pouvait encore voyager…on trouvait sur le site du CIC un jeu concours : « vous partez à l’étranger cet été, avec votre carte CB Mastercard ? Signalez votre séjour et tentez de gagner un séjour Priceless. »

IBM, groupe au savoir vaste et riche sait aussi offrir des contenus équilibrés et cohérents. Ainsi, chaque offre de la marque est reliée à des études de cas, vidéos, preuves et schémas. A une époque récente, pour présenter Watson, IBM donnait un exemple d’application original et sensible : trouver le maître approprié à un petit chien abandonné. C’était clair, et on était ému par ce petit chien.
IBM, malgré sa taille et la complexité de son offre, filait de plus une métaphore tout au long de son écosystème digital, la métaphore de la clé. C’était astucieux, ils nous signifiaient par là qu’ils ne faisaient pas que chercher. Ils trouvaient et ouvraient des portes. Ils avaient la clé !

Le BrandNewsBlog : Ces derniers mois, vous avez observé une évolution très positive qui ne se limite pas seulement aux marques et entreprises « bonnes élèves » que nous venons d’évoquer : l’émergence d’une nouvelle langue d’entreprise « porteuse de preuves et soutenue par une vision, exprimée avec sincérité » […] « une langue harmonisée et responsable qui aide d’une parole commune entre l’interne et l’externe ». Cette nouvelle langue, plus directe et débarrassée des artifices d’une communication cosmétique n’est-elle pas une heureuse conséquence de la crise sanitaire ? Avec cette crise, les dircom eux-mêmes disent avoir recentré leurs messages autour d’une communication utile, plus informative et efficace : une tendance lourde pour l’avenir ?

Jeanne Bordeau : Dès 2015, un phénomène est apparu et n’a fait que s’étendre : consommateurs et clients ont commencé d’interpeller les marques de façon toujours plus importante. Marques et entreprises ont donc dû argumenter et démontrer. Ce fut la fin d’une parole déclarative et autoritaire.

Un langage plus étayé et plus riche se répand. Les exemples seraient nombreux à donner mais citons Icicle dans le luxe et le groupe Arkéa dans le secteur bancaire.

Icicle, acteur mondial du luxe éco-responsable, fondé en Chine en 1997, a ouvert une première boutique en Europe, à Paris en 2019. Icicle fait rêver ses consommateurs grâce à une langue choisie mais aussi informe et explique : « Imaginer et créer des vêtements éthiques et durables faits pour que nous les habitions, comme nous habitons la terre. »
La marque présente son « official natural way » et nous parle du lin : « le lin – Il lui faut 100 jours pour atteindre un mètre et fleurir bleu. Récolté en juillet, il est écologiquement vertueux : véritable puits de carbone, il est un grand protecteur de la richesse des sols et de la biodiversité. » C’est une langue tout du long tissée de faits concrets.

Dans un tout autre univers, le groupe bancaire Arkéa écrit de façon chaleureuse et avec soin pour irriguer l’humanisme dont cherche toujours à faire preuve les banques coopératives et mutualistes. C’est un langage de proximité qui sait incarner les valeurs de cette banque.
De plus, Arkéa réussit à expliquer avec clarté le fonctionnement du mutualisme et de la coopérative. La différence d’Arkéa par rapport aux banques classiques est clairement portée par son langage.

Un groupe comme AXA n’a pas hésité à quitter un langage macro-économique et corporate, pour aller à la rencontre de ses publics de différents âges avec une langue ciblée et désamidonnée. On peut lire à la rubrique assurance auto : « dernier modèle ou vieille guimbarde, votre voiture est souvent comme votre seconde maison. Elle vous accompagne sur tous les trajets du quotidien : vos enfants à l’école, votre travail, vos sorties, vos évasions du weekend… ».
Cela n’empêche pas la marque de rester cohérente, experte et sérieuse. Sans doute pourrait-elle davantage mettre en avant son expérience et son patrimoine de savoir. Les néo-assureurs, eux, ne possèdent qu’une toute petite part du portefeuille de connaissances d’une grande marque comme AXA, mais ils savent, avec leur toute jeune expertise, sur certaines offres, challenger les plus grands.

Quant à la crise sanitaire, oui, elle accélère la naissance d’une écriture concrète et attentionnée et cela sera de plus en plus vrai car le consommateur, sans le dire, apprécie d’être rassuré, coaché, accompagné discrètement et avec délicatesse. C’est un phénomène paradoxal parce que de son côté le client peut continuer à parler de façon abrupte aux marques avec lesquelles il échange.
A ce sujet, MAAF et AVIVA ont franchi de grands pas.

Le BrandNewsBlog : Dans votre ouvrage, vous appelez de vos vœux le développement d’une écriture « utile et pédagogique », « attentionnée et personnalisée », « responsable » et « à cerveau ouvert »… En quoi et pourquoi ces dimensions vous paraissent-elles si importantes ? Pouvez-vous nous en donner quelques exemples concrets ?

Jeanne Bordeau : Oui j’appelle de mes vœux le développement d’une écriture « utile et pédagogique », « attentionnée et personnalisée », « responsable » et « à cerveau ouvert ». Parce que depuis 30 ans, le besoin de sens et de clarté n’a fait que grandir de la part du public.
Quelles furent les étapes qui nous ont menés vers cette quête ?

Dès les années 1970, de grands précurseurs ont flairé les nouveaux souhaits des consommateurs. On peut penser à Agnès B (fondée en 1973), Nature & Découvertes (fondée en 1990), Patagonia (créée en 1972), The Body Shop (lancée en 1976) ou la banque éthique la Nef (née en 1978). Ces marques débutaient à leur façon déjà l’histoire d’une langue utile.

En 1987, dans le rapport Brundtland, document historique rédigé par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies, apparaît pour la première fois l’expression « sustainable development » traduit en français par « développement durable ». Est-ce un hasard ? Non ! Un changement profond était en marche.

S’est ajoutée la loi NRE en 2001 qui oblige les entreprises cotées en bourse à intégrer dans leur rapport annuel, une section entière détaillant la façon dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité.

Mais ce ne sont pas que les hommes d’état, les lois et les décrets qui ont changé l’époque. Ce sont les citoyens qui ont réclamé ces évolutions. Et c’est aussi la succession de crises restées dans la mémoire collective des citoyens qui vont bousculer les mentalités. La liste est longue. On peut citer entre autres la crise de Bhopal en 1984, l’affaire du sang contaminé (années 1980-90), Tchernobyl en1986, la secousse financière de Goldman Sachs en 2008, Fukushima en 2011, l’effondrement du Rana Plaza à Dacca, Bengladesh, en avril 2013, le « horsegate » la même année, le « dieselgate » en septembre 2015, le scandale Cambridge Analytica en 2018…. toutes ces crises et bien d’autres ont mené le public à réclamer progressivement explications, franchise et authenticité.

En parallèle, de 2008 à 2015, l’importance grandissante des réseaux sociaux a contribué à l’arrivée nécessaire de preuves dans l’écriture avec la montée du phénomène du « fact checking ».

Une part du public a commencé à revendiquer une déconsommation. D’autres se sont battus pour l’arrivée de plus de diversité, d’une égalité des chances, d’une plus grande inclusion. C’est aussi un temps où l’on a vu monter en puissance la parole des collaborateurs qui deviennent des porte-paroles et des ambassadeurs de leurs marques.
Du cri de Greta Thunberg « How dare you ? » au scandale du « black lives matter », tous ces courants multiples ont contribué à la demande d’une langue moins aseptisée, d’une langue désankylosée, d’une langue naturelle et sincère qui conte aussi bien les faits qu’elle laisse enfin vivre les émotions. Finie la langue corsetée, terminée la langue contrôlée et amidonnée.

Parfois hélas, ces phénomènes ont fait jaillir une langue outrancière, lapidaire et violente, mais à part égale, ils ont libéré une parole économique plus dense, plus nourrie et « désaseptisée ». Cette parole économique n’avait été précédemment que trop longtemps contrainte au sein de certains grands groupes ou de certaines institutions. Les expériences vécues, les savoir-faire, les métiers et leurs coulisses, les hommes et les femmes et leurs ressentis vont enfin être dévoilés. Les socionautes, les clients, les citoyens ont demandé à voir et à savoir.

Le BrandNewsBlog : Dans la continuité de vos ouvrages précédents, on conçoit bien les vertus d’une écriture utile et pédagogique (celle-ci fait d’ailleurs écho au goût croissant des publics pour une info brute et « fact-checkée », en réaction au développement des fake news). On mesure aussi aisément l’intérêt d’une écriture attentionnée et personnalisée, soutenue par le recours aux data et l’usage des bots, au besoin. Mais quid d’une écriture « responsable » ? Si l’engagement sociétal et environnemental des marques devient une attente forte, est-ce au langage de porter ce fardeau ? Et comment, à quelles conditions estimez-vous que l’écriture peut devenir « responsable » ?

Jeanne Bordeau : Si j’ai écrit ce douzième livre, c’est pour raconter la naissance de cette nouvelle écriture. Qu’est-ce qui la caractérise ?

C’est une écriture qui met en avant la raison d’être, qui puise son ton et une cohérence éditoriale dans les valeurs dont l’entreprise décide.
C’est une langue franche, nourrie de faits éprouvés et d’exemples.
C’est une langue utile, parce qu’elle sait être didactique et démontre avec équilibre et nuance.
C’est une langue où l’authenticité précède l’émotion.

Parfois, pour certaines marques militantes, c’est une écriture au ton plus tranché puisqu’engagée. Ces marques vivent par un dialogue vigoureux et constant entretenu avec leurs publics, qui leur demandent des gages, des témoignages. On peut penser aux langages de marques comme Maison Standards qui affirme : « nous avons le plaisir et l’honneur de faire partie des marques Fashion Revolution pour la France. (…) Si chacun remet en question sa façon de consommer, le modèle tout entier n’aura de choix que de changer. » La marque écrit encore : « Ouvrir les portes de nos usines, de notre studio et vous inviter à partager chaque étape de notre engagement. Origine des matières, choix des usines. Vous avez le droit de savoir. »

C’est une langue co-construite avec le client qui sollicite les idées de son public. C’est qui le patron donne le pouvoir aux consommateurs de créer leur produit : « les consommateurs, pour pouvoir enfin reprendre le contrôle de leur alimentation redeviennent acteurs dans la conception d’un produit, de sa production à sa commercialisation. »

Chez les « RSE natives », s’ancrer dans les aspects sérieux n’empêche pas la langue de rester enjouée. Ainsi Back Market, qui vend des produits reconditionnés, sait se décrire : « il était une deuxième fois » ou « c’est pas neuf, c’est nouveau ».

Le BrandNewsBlog : En matière d’écriture attentionnée et personnalisée, comme en matière d’écriture responsable, les e-brands et les marques nativement engagées et positionnées sur des combats sociétaux et environnementaux, ne disposent-elles pas d’une longueur d’avance ? Parmi les champions de l’écriture attentionnée et responsable, vous citez bien sûr Patagonia, Innocent, Nature et Découvertes… mais également Veja, Kaporal, Jeans 1083, Fenty Beauty, ainsi que les pure players de l’assurance, de la banque ou de l’énergie Wilov, Revolut ou Total direct energie… Qu’en est-il des marques plus installées : le « ticket d’entrée » vers cette écriture à la fois attentionnée et responsable n’est-il pas pour elles plus élevé ?

Jeanne Bordeau : Revolut, Zèta, Faguo… Toutes ces entreprises récentes ont un temps d’avance. Oui, les entreprises du CAC 40 et les groupes patrimoniaux ont dû vivre des évolutions notoires pour distiller des preuves dans leurs propos, pour faire partager de façon agile et imagée la sincérité de leur raison d’être. Le ticket d’entrée pour eux est cher car bouger la culture d’un paquebot aux ancrages forts est moins aisé que de mettre Revolut et Faguo au goût de l’époque.

Toutefois certains ont su s’adapter avec brio. Suez ainsi diffuse beaucoup de pédagogie en s’appuyant sur des analogies éloquentes. Pour montrer comment l’eau est consommée, Suez écrit : « Déguster une tasse de café correspond en réalité à consommer les 140 litres d’eau qui ont été nécessaires pour : faire pousser le plant de café, fabriquer la tasse … » ; ou encore : « un steak de bœuf de 220 g c’est 3 100 litres d’eau ou l’équivalent de deux baignoires ».

Saint Gobain sait nous faire rêver sur ses réalisations et nous donne à voir le plancher de verre réalisé pour le « Tower Bridge » à Londres et quitte par là une langue macro-économique, conceptuelle, distante.

Et enfin, La Camif a vécu une révolution en sachant faire naître d’une expérience vieillie une nouvelle aventure, sur son site on peut lire : « La Camif a plus de 70 ans, et alors ? La Camif est une belle marque à qui nous avons offert une deuxième vie, avec un esprit start-up. En nous nourrissant de l’histoire de la marque, nous avons réinventé un nouveau modèle d’entreprise plus contributrice, au service d’une économie circulaire, plus locale, plus inclusive. »

J’ai souvent l’impression quand je travaille dans les grands groupes qu’ils sont des « belles au bois dormant » et qu’il faudrait réveiller leur mémoire. Ces groupes possèdent un savoir engrangé et des richesses endormies qui pourraient nourrir et muscler leur propos et leur faire posséder une langue qui les distingue à l’heure où on parle tant d’expériences et de ressentis à partager. Ces marques ont beaucoup d’exemples inexploités à donner.

Décathlon a ainsi su puiser des parts de son patrimoine pour renouveler son attitude et son langage en laissant également une large place à la parole interne. En octobre 2019, la marque a mis en place la « plateforme CO-INSPIRE, plateforme d’intelligence collective autour de la vision de Decathlon pour 2030. 92 000 decathloniens répartis dans 57 pays » ont réfléchi autour de trois thématiques clés : “Future of Living”,“Future of People”, “Future of Sportspeople” ». Sont nées « 10 000 idées, prémices de l’écriture de la vision de Decathlon pour 2030 ». Cette marque a toujours su s’inspirer de sa culture interne et la transmettre.

Le BrandNewsBlog : Vous parlez également, dans votre chapitre dédiée à l’écriture responsable, de l’émergence d’une langue « verte » et de ces marques qui n’hésitent pas « verdir » ou « reverdir » leur langage, conscientes des enjeux et de la préoccupation environnementale croissante des consommateurs. Mais dans cette surenchère des préfixes « éco », « bio », « slow » et « zéro-» n’est-on pas à la limite de l’effet de mode et d’opportunité ? Après le #greenwashing, comment éviter le #languagewashing ? Et comment démontrer sa sincérité ?

Jeanne Bordeau : Certaines marques usent et abusent des termes « slow », « éco », « zéro » ou « sans », mais le consommateur ne se laisse plus tromper. Très vite, les collaborateurs ou les consommateurs les dénoncent. Songeons à la marque Lou Yetu qui s’est récemment fait prendre en abusant du label « made in Paris » et de la « fabrication artisanale ».

A l’inverse, et elles sont bien plus nombreuses, des marques ont le « bio » et la « RSE » dans leurs gènes.

J’aimerais ici donner exemple d’Enercoop qui donne des chiffres et des labels comme actes de preuves : « Notre électricité est vraiment verte et on le prouve. », « Chez Enercoop, l’électricité est garantie 100% renouvelable et 0% d’origine nucléaire grâce à un approvisionnement en direct auprès de plus de 300 producteurs partout en France. Nos producteurs utilisent exclusivement des sources renouvelables : l’eau, le vent, le soleil, la biomasse. Enercoop est reconnue comme fournisseur “vraiment vert” par Greenpeace et Premium par l’Agence de la transition écologique (ADEME). »

Les magasins Biocoop optent eux aussi pour la preuve par les chiffres, pour la vente en vrac qui évite les emballages plastiques : « Un pour tous et tous en vrac, une offre de plus de 370 produits en vrac, alimentaires, entretien, hygiène, 34% de l’offre Biocoop est en vrac. »

Et, Absolut Vodka met en avant la défense LGBTQ mais affirme aussi son éco-responsabilité : un nouveau packaging, baptisé sobrement « Absolut Recycled » : toutes les bouteilles de la marque suédoise sont réalisées à partir de verre recyclé (41% minimum pour chaque bouteille). Un moyen simple et efficace pour Absolut de s’affirmer en tant que marque éco-responsable et inclusive. Son usine, située en Suède, affiche aujourd’hui un impact carbone neutre et vise, d’ici 2020, une production « zéro déchet ».

Le secteur de la mode a, lui, changé tous ses comportements depuis plusieurs années. Luxe responsable, beauté écologique, beauté résiliente sont ses nouveaux mantras. Les défilés ont été ralentis. Et bien des créateurs de renom possèdent une conscience verte. « Verdir » fut d’ailleurs dans notre observatoire des mots, un des verbes de l’année tout comme « réparer ».

Stella McCartney, qui declare: « We believe in respecting the environment and working with nature instead of against it » fut anticipatrice. Elle a été suivie entre autres par Icicle, Ismane Ayissi ou encore Marine Serre qui affirme vouloir « a new mode, a new way to be. »

Des marques plus populaires mais très appréciées comme Kaporal jeans savent aussi décrire avec justesse la fabrication responsable de leurs vêtements : « 100% made in Marseille », « depuis plus de 3 ans Kaporal encourage la jeune création dans le cadre des opérations « Kaporal Rachète et Recycle ton Jean » (KRTJ) en soutenant la réalisation d’une collection upcyclée depuis la matière denim collectée en magasin. »

Le BrandNewsBlog : Après une période plus légère (jusqu’au début 2020), durant laquelle la communication demeurait encore dans les registres de la séduction, de l’humour et d’une certaine insouciance/futilité, Jean-Luc Chetrit faisait observer récemment que les marques ont naturellement réorienté en 2020 leur communication et leur discours autour de l’utilité et la pédagogie (avec le développement de tutoriels), en renforçant à la fois la proximité et la personnalisation tout en faisant preuve d’un surcroît de transparence et en misant sur l’authenticité. Cette communication plus grave et sérieuse, en parfait écho avec votre analyse, correspond-elle alors à une adaptation purement conjoncturelle ou bien davantage à une lame de fond, sensée durer ?

Jeanne Bordeau : Lame de fond. Oui il s’agit d’une lame de fond. Mon observation constante des mots depuis treize ans semble confirmer ce constat.

Ainsi « déclassement social » apparaît dès 2009, « pauvreté » réapparaît en 2011. Ce mot cohabitera avec « riches », « hyper riches », « super riches » et ce n’est pas une surprise, circulent avec ces mots, le mot « inégalités » !

En 2014, arrive le mot « chaos ». On constate que le lexique politique transporte également des mots révolutionnaires, des « bonnets rouges » aux « frondes », aux « jacqueries ». On verra apparaître ensuite les « black blocks » les « casseurs », « l’ensauvagement ».

Socialement, les « gilets jaunes » manifestent. On est peu surpris de voir que le mot « colère » apparaît dans mon observatoire et dans chaque tableau, de thème en thème, depuis treize ans. « Colère » se retrouve dans le champ sémantique de la politique, puis du social, puis dans le territoire sémantique de société et économie.

Une rupture est là. Une fracture. Dans tous les secteurs, un mal-être profond. On sait que l’on doit faire face au changement. On n’imaginait pas que ce serait par une crise sanitaire que tout basculerait.

Dans l’univers lexical du développement durable, on lit, « la Cop est pleine ». C’est une angoisse montante, en 2017 on lira même « trop tard », constat implacable de Harvey Mead. Shanghai et New Delhi suffoquent, « bataille de l’air », « pics de pollution », « canicules », « réfugiés climatiques », « abeilles malades », « lèpres des oliviers », « horsegate », « dieselgate », « perturbateurs endocriniens », « glyphosate »… ces mots sombres précipitent la perte de confiance du public vis-à-vis des autorités et des entreprises. Et cela nous mènera au cri de Greta Thurnberg : « How dare you ? ».

Face à ces phénomènes, monte l’ardente nécessité d’entreprises utiles, d’entreprises engagées, d’entreprises vertes, d’entreprises à mission. Le besoin de sincérité et d’authenticité des consommateurs citoyens est viscéral. Les consommateurs citoyens ne supportent plus d’attendre. Sur leur RSE et sur leur raison d’être, les entreprises doivent s’expliquer. « Sobriété », « frugalité », « solidarité », mots de l’année 2020 racontent le nouvel état d’esprit qui s’installe et continuera de se développer.

La preuve par l’exemple devient la nouvelle façon de communiquer et d’écrire ! Et ceux qui, comme L’Oréal, donnent des preuves dans tous leurs temps de discours dont l’interne, montrent qu’ils ont compris qu’au-delà d’une création ou d’un produit, le consommateur achète désormais un comportement. Par exemple, dans un twitt récent, Alexandra Legueil de la direction des ressources humaines écrit : « Le bâtiment de l’Oréal France est alimenté en électricité verte et en cela son impact carbone est proche de zéro. » ; ou aussi : « à la fin 2020, près de 350 millions de produits DGP (Division Produits Grands Publics ) seront porteurs de consignes de tri. »

Les consommateurs deviennent électeurs. La marque de vêtements durables Hopaal écrit sur son site : « chaque achat est un vote ». L’écriture est responsable et engage la parole des marques.

Le BrandNewsBlog : En grande avocate de la consistance et de la cohérence des communications, vous appelez à une homogénéisation des discours et du langage de l’entreprise, entre les écrits « corporate » et financier, la communication interne et externe, la communication commerciale… et n’hésitez pas à citer parmi les «best-in-class » ces entreprises et marques qui ont compris toute l’importance de travailler sur les contenus et écrits de la relation client. Pouvez-vous nous en citer quelques-unes ? En quoi est-ce important ?

Jeanne Bordeau : Oui l’harmonie, la cohérence de fond et de forme doivent régner. En effet, les valeurs de la marque comme ses traits de personnalité irriguent aussi les écrits, tous les écrits, dont ceux de la relation client.

En 2004, lorsque je dépose le concept de « charte sémantique »®, c’était cela mon idée : raconter que tous les temps de langage de la marque font partie d’une même partition musicale. Pour être connu, distingué et vendre, il faut savoir orchestrer ces divers contenus dans un ton commun. La charte sémantique® est une partition musicale qui orchestre harmonieusement l’ampleur des discours.

Le langage est fluide, il ne connaît pas de frontière. Il est ce sang qui irrigue tous les organes de l’entreprise.
Un président, un jour, a semblé surpris qu’en le quittant, j’aille travailler avec son directeur de la relation client. Une heure plus tard, bousculée par sa réaction, et songeuse, j’ai failli reprendre le chemin de son bureau pour lui dire que j’étais, avec cet autre dirigeant, dans un autre des hauts lieux de l’entreprise.

De l’extérieur, le consommateur attend unicité, il vit, perçoit et ressent le langage de l’entreprise dans sa créativité globale, sa force, sa différence, par la somme des messages que toute l’entreprise lui adresse.

Pour le client, la qualité de tous les écrits de la marque joue. Assistance en ligne, expression orale et écrite, plateaux téléphoniques, newsletters, magazines en ligne, ventes événementielles, réseaux sociaux où les clients sont sollicités pour participer à l’innovation.

Deliveroo vit de sa relation client mais n’est-ce pas aussi vrai de SNCF ?
Devialet qui est dans les “best in class”, ne va-t-il pas jusqu’à écrire qu’en recrutement, ils veillent à choisir des conseillers qui font preuve d’empathie ? Même si les data aident à cibler les messages et l’IA à les modéliser, la finesse de la perception humaine reste une valeur ajoutée inégalable.

Sentir ce que chaque client peut préférer comme choix de tournures, de mots est majeur. En cela, Devialet a raison. Il faut aussi se souvenir que souvent, les clients mécontents rappellent que ce n’est pas seulement la réponse sur le fond qui leur a déplu, mais que c’est tout autant, la manière dont on leur a répondu ou écrit.

Désormais tout va plus loin. Des marques naissent même du dialogue avec le client, ainsi la marque Aime Skincare a misé sur sa communauté Instagram pour prendre son envol. Alors où commencent et où s’arrêtent les écrits et les échanges avec le client ?

Nespresso, Krug possèdent de vraies forces dans leurs écrits de la relation client. Identité de marque distinctive, ciblage des publics, temps de la relation organisée, langue soignée et personnalisée.

Leroy Merlin va jusqu’à interroger ses clients pour leur demander la façon dont ils nomment certains produits et teste de cette façon, pour une meilleure qualité de dialogue, ce que les clients comprennent !

En revanche, de nombreuses marques de luxe oublient cet aspect et une prise de conscience est en cours. La réputation de la marque ne s’incarne plus uniquement sur sa créativité et ses défilés, mais aussi sur son service après-vente. Jusqu’au bout désormais le client exige. Libre de tout dire et de tout commenter à propos de son expérience de la marque, il souhaite un service d’excellence. Ce sont les marques avec lesquelles nous collaborons le plus !

Avec la crise sanitaire un bond en avant a eu lieu chez les assureurs et les banques. Une attention forte au client est montée en puissance. Les marques ont pu percevoir l’angoisse de leurs publics. Elles répondent avec soin et pédagogie. Allianz, qui veillait déjà à la pertinence entre parole externe, parole interne et parole digitale a qualifié tous ses moments écrits de la relation client et a veillé à la qualité de son expression vers le consommateur.

Plus les marques apprennent au consommateur à prendre la main sur sa consommation, plus l’habitude sera prise, et plus le client participera et réclamera ! Par ailleurs, vouloir installer l’hyperpersonnalisation c’est savoir accepter de répondre avec précision et doigté à l’exigence des dialogues oraux et écrits que les clients provoqueront avec leurs marques, et qu’ils voudront de plus en plus personnalisés et précis.

Enfin, les écrits de la relation client doivent être pensés de façon entière – avant, pendant, après – car ils deviennent récits et doivent être constamment pertinents. Quand ING écrit « We value your feed back », il est en cela en train de nourrir une relation durable qui le lie au client.

Mais une fois encore, où commencent et où se terminent les écrits et échanges de la relation client sur l’écosystème digital d’une marque ?

Un président, tel Emmanuel Trivin de Butagaz comprend bien que le client est à écouter à tout moment, puisqu’il demande à chaque collaborateur de Butagaz, pour pouvoir toujours mieux répondre aux besoins de chaque client, de se poser la question « qu’est-ce que moi, en tant que client, j’attends d’une marque ? ».

Le BrandNewsBlog : Et pour conclure Jeanne, quels autres conseils donneriez-vous à une marque qui souhaite améliorer sa qualité d’expression et d’écriture ? Par où doit-elle commencer ? J’ai noté que vous soulignez à plusieurs reprises la nécessité de se doter de chartes sémantiques et éditoriales, et de développer un ton « ton of voice » spécifique et bien reconnaissance. Quels sont les dimensions et chantiers à traiter en priorité ?

Jeanne Bordeau : Les messages, les discours, les échanges de la marque doivent être harmonisés et polyphoniques, non cacophoniques. Et ce, grâce au choix d’une ligne éditoriale exprimant les valeurs de la marque. Il faut posséder un ton. Les entreprises installent la transversalité, la fluidité des échanges. Elles parlent de ligne éditoriale et de chartes sémantiques. A l’ère du langage digital, ces chartes sémantiques à l’instar des chartes graphiques deviennent indispensables pour mettre en cohérence les langages internes, externes, RSE, commerciaux.

D’ailleurs, le déploiement de la raison d’être a continué de confirmer cette nécessité de pertinence que précisément la charte sémantique® aide à installer et répartir. Avant l’écriture de toute charte sémantique, nos audits sémantiques analysent les textes écrits par l’entreprise et radiographient l’état des lieux des contenus émis. Ils analysent aussi le perçu des consommateurs. Ils établissent l’état de cohérence ou non que transportent les textes écrits par l’entreprise.

J’ai déposé la méthode de la charte sémantique® en 2004, elle crée pertinence de fond et cohérence de ton. Elle est aussi primordiale pour garder le cap et la tonalité entre la RSE, le langage internet, le langage client et le langage des dirigeants. Transversalement, les points de repères sur le fond et la forme que crée la charte sémantique®, irriguent et font circuler dans les écrits la ligne éditoriale. Cette charte et les conseils de langage qu’elle offre, sont un repère auquel tout texte écrit par la marque ou l’entreprise doit rester amarré.

Krug possède un discours harmonieux et un ton, Médecins du monde également. Agnes B depuis cinquante ans est restée fidèle à elle-même et est indémodable. Sur le fond et dans le style, un des meilleurs modèles de pertinence du propos et de ton dilué dans toutes les veines de la marque reste Hermès.

Enfin terminons, par cette phrase de Jules Renard : « Un mauvais style, c’est une pensée imparfaite ».

 

 

Notes et légendes :

(1) Successivement critique littéraire, lobbyiste, directrice d’une maison d’édition, capteuse de tendances, puis fondatrice et dirigeante durant plus de 20 ans de l’Institut de la qualité d’expression, Jeanne Bordeau est aujourd’hui auteure et conférencière, sous son nouveau label : #MadameLangage. A la fois linguiste et artiste, sous le pseudonyme de Jane B, elle réalise au travers de ses tableaux, depuis plus de 13 ans, une immense fresque lexico-picturale de notre siècle.

(2) Le nouveau pouvoir du langage – Une écriture utile, attentionnée, responsable et personnalisée – par Jeanne Bordeau alias #MadameLangage – Autoédition, Septembre 2020.

(3) Panorama des 1 000 mots de l’année 2020, par Jeanne Bordeau alias Madame Langage – 24 février 2021.

 

Crédits photos et illustrations : Jeanne Bordeau, The BrandNewsBlog 2021, X, DR.

 

Trouver le bon équilibre entre objectifs business et engagement sociétal : le grand défi de 2021 pour les agences et les annonceurs


Dans la série d’articles #GoodMood, #GoodMove par laquelle j’ai décidé de débuter l’année 2021, j’ai déjà abordé il y a 15 jours le rôle moteur de la communication et des communicant.e.s dans la relance économique.

De fait, après une année 2020 marquée par la crise sanitaire et durant laquelle nous avons du faire preuve de beaucoup de créativité, d’agilité et de réactivité (sous la contrainte des évènements le plus souvent), une nouvelle séquence semble s’ouvrir avec la perspective d’une sortie progressive de la Covid-19, et l’horizon encore évanescent d’un « retour à la normale ».

Comment aborder cette nouvelle séquence, en tirant toutes les leçons des mois écoulés ? Comment se remettre en ordre de marche, pour saisir toutes les opportunités de la reprise et servir au mieux les objectifs business de nos organisations, sans négliger les 3 enjeux toujours d’actualité pour les communicant.e.s : information des publics, renforcement du lien avec les parties prenantes, démonstration de l’utilité de nos marques ? 

Voici quelques-uns des sujets que je vous propose d’évoquer avec mes deux interlocuteurs du jour, Marion Darrieutort¹ et Assaël Adary², personnalités reconnues du marketing et de la communication et fins connaisseurs de l’écosystème médias-agences-annonceurs.

Qu’ils soient ici remerciés de leurs précieux éclairages, et de la sincérité et la franchise avec laquelle ils ont bien voulu répondre à mes questions, en acceptant de revenir sur les mois écoulés et de nous livrer tous les enseignements qu’ils en ont tirés.

…Fin du modèle « traditionnel » d’agence, besoin accru d’écoute et d’études pour anticiper les évolutions les plus fines des attitudes et attentes des collaborateurs et des consommateurs, nouvelle posture de conseil et nouvelles pratiques communicantes : plus que jamais, les professionnel.le.s sont invité.e.s à reprogrammer leur logiciel marketing-com pour répondre aux enjeux du moment… et trouver notamment le bon équilibre entre objectifs business, soutien de la stratégie et mise en exergue de l’engagement sociétal de leurs organisations respectives.

Une équation passionnante, et de beaux défis à relever dans les prochains mois, ainsi que nous l’expliquent de concert Marion et Assaël, dans une interview croisée en deux parties (>> suite et fin de nos échanges à découvrir jeudi prochain).

Bonne fin de week-end et bonne lecture à toutes et tous !


Le BrandNewsBlog : Bonjour Marion, bonjour Assaël. Il y a 15 jours, je consacrais mon dernier article à la thématique de « la communication, moteur de la relance économique », dans la foulée d’une conférence dédiée organisée par l’association COM-MEDIA. Malgré le contexte encore incertain et cette crise sanitaire qui s’éternise, pensez-vous également que la communication puisse/va contribuer à la reprise tant espérée de l’économie ? Et si oui, dans quelle mesure, et à quelles conditions ?

Marion Darrieutort : Effectivement, à l’heure où on va commencer à voir la lumière au bout du tunnel, à penser au « back to normal », à réfléchir aux conditions de la reprise et du redressement, j’ai le sentiment que notre profession sortira grandie de cette crise, si on contribue activement à soutenir l’effort de relance.

Comment ? En trouvant le bon équilibre entre le business et l’engagement sociétal. Au début de la crise, en 2020, les marques et les entreprises ont fait d’importants efforts en matière de responsabilité sociétale. Elles se sont engagées pour apporter des solutions aux maux de la crise, en déployant des programmes de soutien à ceux qui en avaient besoin. La crise a eu cette vertu, d’accélérer le mouvement des marques engagées.

En 2021, j’ose croire que cela va continuer. Mais il ne faut pas se contenter d’une approche trop idéaliste en mode « Dans le monde d’après, on veut aider à changer le monde… ». Car on ne va pas se mentir, les mots d’ordre de cette année vont d’abord être « business » et « création de valeur ».

La casse sociale annoncée, quand les aides du gouvernement vont s’assécher, sera immense et c’est là où la communication doit agir : aider à relancer la consommation, convaincre les Français de consacrer une partie de leur épargne à des achats dont l’économie a besoin, faire changer des comportements.

La vocation première des marques et des entreprises est en effet de vendre, de créer de la valeur. Il faut l’assumer, le revendiquer même. Il faut revenir à ces origines là sans pour autant renier tout l’élan sociétal que la crise a généré.

Assaël Adary : Je suis d’accord. Pour ma part, je milite depuis 25 ans pour « désinhiber » la fonction communication en matière de contribution au business. Car oui, affirmons-le sans hésitation, cette fonction, en construisant et en protégeant la réputation d’une entreprise, contribue au business.

On peut facilement clore le débat en citant l’étude réalisée par Deloitte pour l’AACC, l’UDA et l’Udecam de 2017 – il faudra d’ailleurs après cette crise penser à produire de nouvelles données sur notre secteur – dont la conclusion était sans appel : un euro investi en communication génère en moyenne 7,85 euros de PIB et en comparaison la France est le pays dans lequel les investissements en communication sont les plus rentables.

Mais il est plus pertinent de se questionner sur le « pourquoi » et pas seulement sur le « combien ». Pourquoi la communication est-elle un des principaux leviers de la relance économique ?

Il n’est pas possible d’envisager une relation transactionnelle sans, à sa base, la confiance entre les deux acteurs de la transaction : le vendeur et l’acheteur. La communication crée les conditions de possibilité d’une reprise économique en reliant les agents économiques que sont les entreprises, les marques, les produits et les consommateurs.

Rappelons-nous que l’échange des biens, c’est-à-dire le marché, nécessite au préalable un échange d’informations. De même faut-il partager des informations, « communiquer », pour produire collectivement un bien. La question des échanges d’information, de la communication, est au centre de l’économie et du marché.

La communication, y compris la communication corporate, constitue bien de l’avant-vente, le terreau plus ou moins fertile sans lequel rien ne pousse.

Par ailleurs, dans les 5 années qui viennent, la communication aura pour mission de proposer une nouvelle narration pour l’économie française. Quel imaginaire voulons-nous partager ? En premier lieu, quel imaginaire de consommation ? Et c’est là que nous, les professionnels de la communication, serons face à ces choix cruciaux !

Il y aura une relance, c’est une certitude, il y aura un rebond. On ne sait pas encore exactement la forme de la courbe, en « V », en « U », en « W », mais elle sera là. La question collective qui se pose à notre secteur sera : « Quelle relance voulons-nous ? ». Dans un premier temps, avant d’envisager le pourcentage de croissance, il nous faut qualifier la relance souhaitée et y travailler…

On a beaucoup entendu que le brief du siècle serait celui de la vaccination, je pense profondément que le brief du siècle est celui du plan de relance (plus de 100 milliards).

Il faudra de la confiance, de l’optimisme, croire que demain est meilleur qu’aujourd’hui, ce qui n’est pas évident au regard du mur de la défiance et du pessimisme français.

Mais pour être le principal ressort de la reprise, encore faut-il que notre secteur soit fort et lui-même en capacité de rebondir. Avons-nous encore les muscles pour épauler le reste de l’économie ?

N’oublions surtout pas que la communication est aussi un secteur économique, que les agences sont des entreprises, le plus souvent des TPE/PME, que notre tissu est composé de très nombreux freelance en hyper précarité en ce moment… Serons-nous capables de nous soulever nous-mêmes avant de porter le reste des industries ?

Notre secteur pèse dans l’économie française. EY a calculé que 46,2 milliards d’euros ont été investis par les entreprises en France dans leurs actions de communication en 2015 et rappelons qu’une large part de cet argent atterrit dans les médias qui en ont un besoin vital.

46,2 milliards, c’est 2,1% du PIB de la France, davantage que les investissements en R&D. Et enfin, n’oublions jamais que le secteur de la communication c’est aussi 700 000 emplois soit deux fois plus que l’aéronautique dont on parle tant. Et combien demain ?

Pour terminer sur un secteur qui m’est cher et que je vois se débattre avec panache pour exister encore demain, il faut évoquer l’événementiel. En France, pays de grands salons (Maison & Objet, Le Bourget, Le Mondial de l’automobile, etc.), qui génèrent des milliards de retombées pour les entreprises, la relance aura besoin des agences événementielles, fortes, créatives, diverses. Or on l’a vu récemment avec le bilan très mitigé de la dernière édition du CES Las Vegas, 100% digitalisé : rien ne remplace vraiment la rencontre physique. Comme au théâtre, unité de lieu, unité de temps, cela crée une dynamique inégalable.

Je propose d’ailleurs que le mois de septembre 2021 dure 70 jours pour permettre de planifier deux fois plus d’événements en présentiel :-)

Le BrandNewsBlog : Cette année 2020 a été particulièrement difficile, non seulement pour les professionnels de santé et les « premiers de corvée » mobilisés sur le terrain, mais également pour des pans entiers de l’activité économique (hôtellerie, commerce, restauration, culture…). Et les communicant.e.s, en agence comme chez l’annonceur, n’ont pas été épargnés comme vous venez de le souligner… Comment avez-vous vécu personnellement cette année de crise, dans vos structures respectives, et quelles leçons en tirez-vous ?

Assaël Adary : Occurrence produit des études qui permettent aux directeurs de la communication de se repérer dans le brouillard, de trouver la bonne trajectoire pour toucher les cibles, pour peser les investissements et arbitrer en période de frugalité.

Cette mission, ce rôle de GPS pour les communicants, nous permet de traverser cette crise avec confiance. La période actuelle étant incertaine, l’enjeu pour les Dircoms et les COMEX est de parvenir à décider dans l’incertitude. Pour cela, ils investissent moins dans l’action mais un peu plus dans le décryptage (avant l’action) et dans la mesure de la performance (après l’action) : le fameux « moins mais mieux ». Chaque action de communication doit être mesurée, évaluée pour maximiser ses effets. Il en va de même en matière de communication interne. Le corps social des entreprises a été mis à rude épreuve, la ligne managériale a vécu un véritable traumatisme. Prendre le pouls, mesurer l’état des forces a généré de nombreuses missions pour Occurrence…

Nous sommes donc peu impactés pour le moment. Je le dis sans fanfaronner et avec humilité car l’année 2021 sera le véritable juge de paix… Cette crise demande à nos organisations de courir un marathon, pas un sprint ni même un 5 000 mètres.

Néanmoins, cette crise vient nous questionner sur notre utilité comme toutes les entreprises de tous les secteurs. Sommes-nous suffisamment essentiels pour être conservés dans les budgets des directeurs de la communication ? Réponse dans un an.

Marion Darrieutort : Nos métiers de la communication ont été effectivement impactés. Mais à regarder la situation du personnel soignant, des personnes travaillant dans les Ehpad, et tous ceux qu’on appelle les métiers de première ligne, cela m’amène à relativiser notre propre situation…

A titre personnel, la situation de 2020 a généré chez moi une immense introspection sur la façon dont j’avais envie de travailler, dont j’avais envie d’exercer mon métier, dont j’avais envie d’accompagner mes clients. Car très vite, j’ai eu la certitude qu’il y aurait pour moi un « avant » et un « après Covid-19 » à titre professionnel, car j’avais fondamentalement besoin de nouveauté, d’une bascule, d’une réinvention pour m’inscrire dans une situation qui est prévue pour durer.

Et puis surtout, cette crise a excité et titillé mon instinct d’entrepreneure. Je pensais être « guérie » de l’entrepreneuriat, mais non ! C’est comme un virus (un bon !) qui ne vous quitte pas. Donc 2020 m’a donné l’envie de RE-entreprendre, pour me remettre en risque, pour sortir de ma zone de confort, pour inventer mon futur professionnel, pour me consacrer uniquement à ce que j’aime faire…

C’est ainsi qu’en fin d’année, The Arcane a vu le jour. Un cabinet de conseil en gouvernance et en influence né au cœur de la crise et qui compte aujourd’hui 12 collaborateurs trois mois après son lancement, tous animés d’une réelle audace, d’un esprit de conquête impressionnant, d’une « niaque » entrepreneuriale. Je leur ai transmis mon virus et, ensemble, je sens que l’on peut déplacer des montagnes.

Le BrandNewsBlog : Outre le secteur de l’évènementiel, lourdement sinistré, et ceux de l’impression et du marketing direct, 2020 a aussi été une annus horribilis pour les agences de pub et de com’. Celles-ci ont été plus questionnées que jamais, dans leur modèle et leurs pratiques, avec notamment ces affaires de harcèlement dévoilées par le compte @BalanceTonAgency. Le refus d’une partie de la profession d’envisager toute régulation supplémentaire de la publicité, même au nom de la protection de l’environnement a également été pointé du doigt… Faut-il y voir uniquement les effets de la crise ou bien la fin d’une époque ? Le modèle traditionnel d’agence a-t-il vécu ?

Marion Darrieutort : Une fois encore, c’est vrai que notre filière n’a pas été épargnée cette année, entre la crise sanitaire, la crise économique, la crise de sens, les remises en cause sur nos pratiques et la dénonciation de notre empreinte supposée négative sur la société…

Tout arrive « en même temps ». Pour nous comme pour d’autres. Comme n’importe quel secteur, nous sommes aussi questionnés sur notre impact sociétal. Comme n’importe quel secteur, il ne s’agit plus simplement de corriger nos « externalités négatives », via une politique RSE normalisante… Comme n’importe quel secteur, nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons avoir un impact positif sur la société et l’économie. Et c’est une opportunité unique de nous réinventer pour retrouver un nouveau souffle.

Mais c’est certain, c’est difficile et cela prend du temps car les pratiques, les modèles, les habitudes, les mentalités sont ancrés depuis très longtemps, et il existe une vraie résistance au changement. Mais la profession a pris acte de ces interpellations et est en train de prendre à bras le corps ce qui doit être un progrès positif pour nos métiers. Les plus jeunes ont raison et doivent continuer de nous interpeller, nous challenger, nous questionner, car ils nous offren une chance immense d’évoluer et de nous adapter.

Assaël Adary : Revendiquer que la communication est un secteur utile, utile à la société, oblige à s’interroger sur nos propres pratiques, à faire notre propre introspection. Et cette thérapie, cette séance collective chez le psy, nous la vivons à dire vrai depuis au moins cinq ans…

Que l’on évoque la question des harcèlements, du respect des diversités, de la compatibilité entre nos métiers et la transition écologique, notre secteur est violemment questionné sur sa responsabilité sociétale. Selon moi, ces sujets ne sont pas isolés. Ils convergent, ils viennent en un faisceau unique éclairer le côté obscur de nos pratiques, de nos comportements et viennent violemment heurter notre raison d’être.

Cette situation est grave pour au moins deux raisons majeures : notre secteur risque de voir ses pratiques être drastiquement régulées. L’opinion puis la Loi peuvent nous interdire de faire ce que nous faisons de la manière dont nous le faisons, le fameux « licence to operate ». La deuxième raison est l’attractivité de notre secteur… Faire venir et conserver les talents devient très compliqué dans un secteur pointé du doigt. Perdre le respect de ses partis-prenantes équivaut à un bannissement qui peut constituer le début d’un cercle infernal : moins de talents, moins de qualité, moins de reconnaissance, moins de ressources, donc moins de moyens pour engager et conserver nos talents.

En revanche, je n’y vois pas de fatalité ni même une toxicité systémique. Non, notre secteur n’est pas dans sa globalité pourri, gangréné, sans foi ni loi, sans conscience humaniste.

Dans les différentes associations dans lesquelles je suis engagé, autant je milite pour que collectivement on soulève le tapis, que l’on se confronte à la réalité et surtout que l’on solutionne un par un nos dysfonctionnements, autant je ne plaide pas pour « renverser la table »… Pour proposer une grille de lecture sur les solutions, il faut en effet selon moi découper le sujet en trois chapitres : la loi, la déontologie et l’éthique.

La loi s’intéresse de plus en plus à notre secteur et nous attendons la loi de la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili : quelle sera l’ampleur de la nouvelle régulation ? Parfois, il faut le dire, notre secteur est une cible facile. Il est plus simple d’interdire la publicité en faveur d’un secteur polluant par exemple plutôt que d’interdire ou de restreindre l’activité du secteur en question. Néanmoins, il faut lire le rapport piloté par Thierry Libaert et Géraud Guibert, pour lequel j’ai eu l’honneur d’être auditionné : « Publicité et transition écologique », et prendre connaissance des 23 propositions formulées.

La loi n’intervient souvent que lorsqu’un secteur ne parvient pas à s’auto-réguler. On se souvient du séisme de la loi Sapin en 1993 ou plus récemment du RGPD.

Sur le plan de la déontologie, je crois que notre secteur est bien armé, et même trop. Nous avons beaucoup de chartes, trop de chartes. Or nous ne sommes pas un « ordre » comme les médecins ou les experts-comptables, la déontologie sans possibilité de condamner ceux qui ne la respectent pas est vaine. Elle perd tout son sens et son poids. Evidemment, il y a l’ARPP qui abat un gros travail. L’ARPP qui œuvre pour un secteur publicitaire loyal, véridique et sain devrait, pourrait faire encore davantage en intégrant TOUTES les formes de communication et pas uniquement la publicité.

Il faut nous organiser sur le front de nos pratiques, remettre l’utilité sociétale au centre de notre jeu. Proposer pour chaque problème ou chaque nuisance que nous occasionnons des solutions, des compensations et si possible évidemment en amont des résolutions pour les éradiquer durablement. Par exemple, citons l’initiative depuis deux ans de la ligne d’écoute 100% dédiée au harcèlement moral et sexuel dans le secteur de la communication, une initiative de Com-Ent à laquelle plusieurs associations se sont associées. Rappelons le numéro : 0800 100 334 !

Enfin, arrêtons-nous sur l’éthique. L’éthique parle à chaque individu. Elle revient à questionner l’intime de chaque communicant. Pourquoi fais-tu ce que tu fais ? Dans quelques semaines, Com-Ent va lancer une initiative sur l’éthique du communicant, une démarche novatrice qui sera relayée par de nombreuses écoles et associations.

Pour prendre de la hauteur, l’enjeu pour notre profession dans sa globalité, aux bornes de nos métiers, est quel imaginaire collectif nous souhaitons propager pour notre société ? La consommation comme chemin du bonheur ? La sobriété heureuse de Pierre Rabhi ? Une vision équilibrée, raisonnable ? En cohérence avec notre choix collectif, nous attirerons les talents de demain.

Le BrandNewsBlog : En quittant fin 2020 la direction d’une agence reconnue, et en décidant de créer cette nouvelle structure (le cabinet The Arcane), vous dites Marion avoir fait le choix de la réinvention, pour profiter pleinement des opportunités de la période de transformation que nous vivons. En quoi est-il si important de savoir quitter sa zone de confort et de faire le choix de l’audace, en période de crise ? N’est-ce pas justement pour tourner le dos au modèle traditionnel d’agence, dont nous venons de parler, que vous avez choisi un modèle hybride, entre cabinet de conseil et agence de com’ ?

Marion Darrieutort : Tourner le dos, pas forcément, car il ne s’agit pas non plus de renier l’essentiel de cette vie professionnelle qui m’a permis d’écrire, avec mes équipes, de vrais succès avec ELAN, en mode entrepreneure, puis avec Elan Edelman, en mode intrapreneure.

En revanche, je crois fondamentalement que le modèle traditionnel d’agence rencontre des limites en effet. Le modèle de développement fondé sur le volume est-il vraiment tenable ?

A mes yeux, cette course à la croissance, aux ratios financiers, au +X% à chaque fiscal year n’est pas tenable : elle implique forcément des sacrifices pour les collaborateurs, qui finissent par vivre une perte de sens, par ressentir une pression du delivery qui peut amener à ne plus aimer leur métier…

Et les clients le ressentent, se plaignent… tout en entretenant parfois eux-mêmes cette course infernale… La question est donc de voir comment on peut être plus dans un modèle de valeur. Je cherche la bonne recette ! Cela serait un modèle composé du mode cabinet de conseil pour sa rentabilité, du mode agence pour sa capacité d’idéation, et du mode de coopérative pour l’attention portée au capital humain. Bref, c’est une quête qu’on va en effet essayer de mener chez Arcane.

Le BrandNewsBlog : Et pour vous Assaël, en ce qui concerne les études en marketing et en communication, quelle est la tendance en ce début 2021 ? Les entreprises et les institutions maintiennent-elles leurs budgets et continuent-elles d’investir ? Et si oui, sur quels types de sujet ? Quelles sont leurs préoccupations après plus d’une année de crise ?

Assaël Adary : Le secteur a été impacté assez frontalement et assez durement. Un de nos leaders, BVA, par exemple, est passé par une phase de faillite avant de rebondir, ce qui est une bonne chose pour notre secteur. Néanmoins, la tendance est plutôt positive : les annonceurs investissent moins dans leurs actions mais davantage dans leur monitoring.

C’est le fameux « Mieux vaut moins, mais mieux » prononcé par Lénine en 1923.

Mais les annonceurs comprennent que ce n’est pas en pleine tempête qu’il faut abandonner son sextant, son GPS, bref tout ce qui permet à un Dircom de naviguer sans trop de dégâts.

Trois sujets sont en haut des préoccupations :

  • La prise de pouls du corps social. L’interne devient ou redevient le centre des attentions et c’est une très bonne chose. Nous enchaînons les mesures sur l’état du climat interne, l’état psychologique des collaborateurs (la QVP et les RPS). En premier lieu, celle du management intermédiaire, qui semble être la strate la plus déboussolée par la situation.
  • La mesure de la réputation. Notamment pour les entreprises ayant posé une raison d’être avant la crise, qui aujourd’hui se questionnent sur la perception par leurs parties-prenantes de la réalité de cette singularité. La crise constitue un véritable test des raisons d’être.
  • Enfin, les études d’opinion, assez classiques. Les entreprises doivent aujourd’hui réinitialiser toutes leurs données sur les besoins, les attentes de leurs publics. Chaque secteur est touché, bousculé, car le regard des consommateurs/citoyens change (durablement ? On ne le saura que plus tard). Les entreprises doivent rebâtir une grande partie de leur base de connaissance de leurs publics.

Le BrandNewsBlog : Nous en échangions tous les deux en fin d’année dernière Marion, malgré (ou à cause de) la crise sanitaire, les communicant.e.s ont su se réinventer et innover, en adaptant leurs organisations et leurs modes de fonctionnement, en produisant de nouveaux formats et contenus créatifs à « ISO budget », en accélérant encore la digitalisation et la dématérialisation, en informant de manière sobre et factuelle et en trouvant les bons canaux de com’, en apportant du sens, du lien et du « care ». N’est-ce pas encourageant pour l’avenir de la filière com’ ? Quels sont encore les progrès et à accomplir, et quelles limites au « tout-digital » dans nos métiers ?

Marion Darrieutort : J’ai en effet été bluffée par la façon dont la profession, toutes disciplines de communication confondues, s’est saisie de la crise pour innover et inventer, alors même que les contraintes financières et opérationnelles sont vraiment complexes.

Les services et agences évènementielles se sont convertis à marche forcée aux formats digitaux, en devenant des maisons de production, créant des contenus de qualité. Le social media s’est mis en mode « social selling », avec beaucoup de résultat.

La communication interne a joué avec succès la carte de l’employee advocacy… Donc oui, c’est encourageant. Il n’y aura pas de retour en arrière, et le digital restera majeur. Mais les marques et les entreprises vont avoir besoin de préparer l’après, le « back to normal »… Il y aura une envie de retrouvailles que les agences événementielles vont pouvoir adresser. Il y aura aussi une rationalisation du recours aux influenceurs, car on a pu en constater les excès. Et il y aura l’émergence d’une « nouvelle publicité » dont on commence seulement à voir émerger les contours.

Assaël Adary : Attention au tout digital, nous en voyons les limites actuellement : la saturation. Par ailleurs, tant que le digital n’est pas pleinement engagé dans une démarche de réduction de son empreinte carbone, il n’est pas du tout synonyme d’engagement écologique. Digitaliser des campagnes plutôt que de faire du print génère plus d’impact pour la planète (cf. les données de l’ADEME, par exemple le document La face cachée du digital).

Sur ce sujet, il faut regarder les contenus de Digital For The Planet, une association que soutient Occurrence.

Enfin, n’oublions pas qu’en France, 20% environ de nos citoyens ont un accès très compliqué aux interface digitales, c’est ce que l’ex-ministre Mounir Mahjoubi appelait « l’illectronisme »… Donc « care » et digital ne sont également pas synonymes. Il en va de même pour la communication interne. La digitalisation des dispositifs de communication conduit très souvent à couper des pans entiers de collaborateurs qui se retrouvent sans un accès simple à l’information. Nous le constatons dans nos études : les journaux envoyés au domicile bénéficient de taux de lecture de plus de 80% alors qu’une newsletter interne est performante quand elle parvient à être ouverte par 30% des collaborateurs.

Mais il ne s’agit pas de renier l’apport digital. L’affirmation que je défends est la suivante : le care, le sens, la créativité doivent être au service de la performance de la communication ; c’est-à-dire au service du récepteur, de l’audience, des publics. Le premier enjeu pour un communicant est de se soucier, de considérer son ou ses publics et de produire des contenus dans les formats qui permettent le plus large accès, qui maximisent son attention et qui génèrent de la crédibilité.

Le BrandNewsBlog : Pour en avoir discuté avec l’un et l’autre à plusieurs reprises en 2020, vous soulignez que la crise a donné une épaisseur stratégique et une reconnaissance inédite aux marketeurs.euses et aux communicant.e.s en entreprise. Mais pour développer encore cette reconnaissance, vous insistez sur le fait que les professionnels doivent se mettre encore davantage au service du business, et développer leur ancrage stratégique et sociétal. Pourriez-vous expliciter ces points ? En quoi et comment renforcer encore la dimension commerciale et business ?

Assaël Adary : Simon Sinek, le fameux créateur du « Start with Why », a parfaitement défini le sujet. Les consommateurs n’achètent pas « ce » que vous fabriquez, ni même « comment » vous le fabriquez mais ils achètent le « pourquoi » vous le fabriquez. Ce qui distingue la réussite insolente d’Apple et sa rentabilité face à d’autres groupes de la tech, c’est qu’ils vendent leur raison d’être directement dans leur produit, et cela sans changer de cap depuis l’iconique campagne de 1984 pour le 1er Macintosh.

La raison d’être se confond avec la raison de faire et la raison d’avoir : tout en un.

L’entreprise fait ce que lui dicte sa raison d’être, ni plus ni moins. Elle rend visible, palpable sa raison d’être dans ses produits. Et le consommateur veut posséder une partie de cette raison d’être même si ce n’est que dans une paire d’AirPods. Et tout cela avec une marge colossale car la marque est si puissante qu’elle génère ce que les financiers anglosaxons appellent le Goodwill : une sur-valeur, la valeur de la marque. Les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour « avoir » une partie de cette raison d’être, je dirais même pour « en être ».

La marque est donc bien un énorme booster du business et plus encore de la rentabilité ! Elle accélère les ventes et maximise les profits. La marque est le principal actif d’une entreprise. La marque représente bien souvent plus de 60% de la valeur d’une entreprise.

Quand Kering (à l’époque PPR) rachète le groupe PUMA, la valorisation et in fine le chèque représentent le double de la somme des actifs matériels. Pourquoi ? Car la marque vaut autant à elle seule que tous les actifs matériels réunis.

Et qui protège, fait fructifier cet actif au-dessus de tous les autres ? Les communicants et les marketeurs ! Je propose donc que tous les communicants revendiquent une prime indexée sur la valeur immatérielle de la marque de leur entreprise :) C’est dans la marque que vient se révéler la vérité du business et la véritable adéquation sociétale de l’entreprise. Le pilotage de la réputation est l’affaire des communicants, ils sont donc au cœur du business.

Marion Darrieutort : Nous les communicants devons revendiquer que la communication est une fonction stratégique de la gestion d’une entreprise.

Nous ne sommes pas que les experts des « bons tuyaux » (site web, presse, réseaux sociaux…). Notre métier apporte une vraie valeur ajoutée aux enjeux de compétitivité. Donc nous devons être invités à la table des comités exécutifs pour éclairer les discussions qui portent sur les évolutions business de l’entreprise.

Nous sommes capables de plugger du « software » à du « hardware » car nous avons une réelle compréhension des mutations sociétales, nous sommes capables de capter des signaux faibles qui vont impacter l’avenir d’une entreprise et nous sommes en lien avec de nombreuses parties prenantes.

La communication comme fonction stratégique est en train de s’installer, on peut s’en réjouir. Notamment quand on voit les communicant.e.s prendre des fonctions davantage business (directeurs de business units), des fonctions transversales (direction de l’innovation, directeur de l’éthique), ou encore des fonctions de pilotage managérial (secrétaire général).

Le BrandNewsBlog : Je viens de mentionner l’importance du « care » et de développer l’ancrage sociétal des entreprises et des marques, qui n’ont cessé en 2020 de chercher à démontrer leur utilité… Comment les communicant.e.s peuvent-ils y contribuer ? Et comment concilier les objectifs business de relance ou de reconquête, que nous venons d’évoquer et ce souci accru de l’environnement et de l’engagement sociétal : les deux objectifs sont-ils réellement compatibles ? Et si oui à quelles conditions ?

Marion Darrieutort : 2020 a vu l’émergence de nombreuses marques et entreprises qui ont décidé de s’engager pour apporter une contribution à la résolution de la crise.

Certains y ont vu de l’opportunisme. Moi, j’y vois de la sincérité, en tout cas j’ai envie d’y croire et de toutes façons, ça fait du bien à tout le monde !

Les marques et les entreprises entrent de plain-pied avec cette crise dans l’ère de l’engagement. Et je pense que l’engagement est un vrai levier de la résilience. S’engager, cela permet d’oublier un traumatisme, d’avancer, de construire, de tourner une page. Alors oui, il faut concilier tout cela avec les enjeux de performance et les impératifs business. C’est tout le challenge. Mais je pense que nous sommes dans une époque où c’est le sens de l’histoire que les engagements sociétaux soient des leviers de performance financière et extra-financière.

Assaël Adary : C’est la question qui est frontalement posée à notre secteur, et il serait trop facile de dire qu’elle n’est posée qu’à la publicité. Comment concilier la transition écologique et nos activités de communication ? Et au-delà du cataclysme du climat qui demeure la mère de tous les combats, comment les concilier avec toutes les autres batailles sociétales : la diversité, l’égalité des chances, la précarité, etc. ?

La communication doit s’attaquer à cet Himalaya par deux faces.

Le premier chemin est très opérationnel, plus simple, mais il va demander des efforts réels. Il s’agit de changer fortement nos pratiques, notre manière de faire. En premier lieu, intégrer l’éco-socio conception dans 100% de nos réalisations. En matière de print, d’événementiel ou dans le digital, plus aucune production sans ces deux enjeux d’éco-socio conception !

J’associe socio- à éco- pour ne jamais oublier que la fin du monde et la fin du mois sont des questions indissociables …Faire un support qui génère 0 émission de carbone est formidable mais si pour le produire vous payez vos freelances à 200 jours fin de mois en les plaçant en situation de précarité, vous n’êtes clairement pas socialement engagés !

Le deuxième chemin, beaucoup plus transformatif, presque politique et plus idéologique, consiste pour la communication à modifier son logiciel de fonctionnement et à proposer à la société un nouvel imaginaire du bonheur. Aujourd’hui, bonheur rime avec croissance, accumulation, consommation et soyons honnêtes, la communication, pas seule certes, a fabriqué cet imaginaire depuis des décennies.

Serons-nous capables de construire et de propager un autre imaginaire ? Une agence sera-t-elle en capacité économique de refuser un client qui ne correspondrait pas à cet enjeu ? Un Dircom sera-t-il capable d’avoir assez d’influence pour infléchir certains messages ou contenus dans ce sens ?

Plus notre secteur sera fort et légitime, plus nous pourrons peser dans cette transformation durable.

Le BrandNewsBlog : Dans la dernière édition du Communicator Assaël, vous consacrez une place toute particulière à la communication responsable. Quels en sont les principes ? En quoi est-elle si importante et liée également aux engagements environnementaux et sociétaux des entreprises ?

Assaël Adary : La communication responsable n’est pas un concept nouveau, j’avais déjà introduit cette notion dans le Communicator 8 et je milite pour ce sujet depuis 2010, notamment au sein de Com-Ent via l’application de la norme ISO 26000 aux métiers de la communication.

Sous l’impulsion de plusieurs associations professionnelles, nous avons créé cette boîte à outil. Elle existe depuis 2012 mais comme cela est expliqué dans cet article, elle est trop peu utilisée.

Bonne nouvelle néanmoins, cette pratique prend beaucoup d’ampleur depuis quelques années. Consécration, l’ADEME vient de publier (janvier 2020) un guide de 200 pages dédiées au sujet !

Concrètement, comment résumer la communication responsable ?

Elle repose sur trois piliers :

  • L’honnêteté des contenus : leur véracité (et oui les communicants doivent aussi être des fact-checkers, nous ne sommes pas que de tuyaux) ; leur authenticité ; leur intégrité (la dimension éthique et morale), par exemple la non-propagation des stéréotypes.
  • L’éco-socio conception de nos actions… donc pas uniquement la dimension écologique mais aussi sociale, comment nous payons nos fournisseurs, organisons nos appels d’offre, comment nous intégrons dans nos arbitrages les choix et les normes RSE
  • L’écoute des parties prenantes dans les processus de création et de production des contenus de communication.

Il s’agit ni plus ni moins de poser les bases de l’utilité de la fonction communication. Avant de soutenir l’utilité des marques, de persuader les publics de la réalité de la raison d’être des entreprises, la communication doit déjà démontrer et amplifier sa propre utilité !

La communication responsable est certainement le nouveau logiciel de fonctionnement de nos métiers, celui qui nous permettra de repenser nos pratiques pour plus d’utilité sociétale et certainement aussi celui qui nous permettra de rendre plus attractifs nos métiers pour les jeunes générations !

Le BrandNewsBlog : 1) Continuer à informer, 2) maintenir le lien avec les différents publics et les parties prenantes, 3) Démontrer l’utilité de sa/ses marques sont les 3 priorités les plus cités par les communicant.e.s pour 2021. Et pour se faire, se montrer à la fois « agiles » et « frugaux », « malins » et « responsables », tout en se mettant davantage encore au service du business et de la stratégie sont les pistes qui font consensus. Etes-vous d’accord sur ces leviers de résilience pour 2021 ? Auriez-vous d’autres conseils à donner aux communicant.e.s et marketeurs.euses pour les mois à venir ?

Assaël Adary : Pour plagier Pierre Rabhi, il va nous falloir inventer de nouvelles pratiques dans le cadre d’une sobriété heureuse. Nous entrons pour au moins pour 12 ou 24 mois dans une forme de frugalité des moyens, c’est une certitude.

Pour moi, la résilience passera surtout par l’efficience ! Il va falloir questionner chaque investissement en communication au travers de son « rendement », de sa performance, performance qui n’est pas qu’économique, elle peut être sociétale !

« Performance » va devenir le suffixe de tous les autres qualificatifs : malin ET performant, responsable ET performant.

J’y vois une véritable opportunité pour les communicants de reprendre la main sur leur stratégie : mieux arbitrer, mieux allouer des ressources en baisse, jouer pleinement son rôle d’expert et de conseil, être en capacité de dire « non » à certaines injonctions, etc.

Bref, nous sommes peut-être à l’aube d’une fonction communication plus mature, encore plus experte, plus responsable, plus reconnue et légitime. Et si cette crise produit ces effets, elle n’aura pas été totalement vaine…

Marion Darrieutort : Tous ces leviers sont très pertinents. Et c’est déjà un beau programme !

J’ajouterais peut-être le fait d’oser sortir des clous, de faire le pas de côté, d’accepter parfois d’être dans une logique de « coups » pour être un peu moins dans le tout scolaire, processé, planifié…

Car dans les périodes de crise, tout bouge : les lignes, les positions, les postures… Et il faut surveiller ces mouvements car il y a parfois des places à prendre dans les petits espaces qui se libèrent.

 

 

Notes et légendes :

(1) Marion Darrieutort, fondatrice du cabinet ELAN, puis Présidente de l’agence ELAN Edelman, a récemment créé fin 2020 le cabinet The Arcane. Ardente avocate, depuis des années, de l’engagement sociétal des entreprises et des marques et passionnée par les questions de raison d’être et de brand purpose, elle est également co-présidente de l’association Entreprise & Progrès.

(2) Assaël Adary, personnalité également bien connue des communicant.e.s, est Président du cabinet Occurrence ; Secrétaire général de l’association de communicant.e.s Com-Ent ; Président des Alumni du Celsa ; auteur de nombreux ouvrages de référence sur la communication et co-auteur du célèbre Communicator, dont il a supervisé plusieurs éditions (dernière édition en date : Communicator 9).

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, Marion Darrieutort, Assaël Adary, The BrandNewsBlog 2021, X, DR.

Marketeurs et communicants : 7 bonnes résolutions pour 2021 !

Après plusieurs longues semaines de trêve éditoriale sur le BrandNewsBlog (rien de tel qu’une bonne « digital detox » hivernale pour démarrer la nouvelle année avec appétit), je ne pouvais évidemment reprendre la souris sans vous présenter mes meilleurs voeux pour 2021…

Tout au long de l’année 2020, nous avons tous expérimenté – et parfois durement éprouvé – une crise sanitaire inédite, dont nous commençons seulement à entrevoir l’issue, avec l’arrivée des premières doses de vaccins et la perspective d’une future immunité collective contre les différentes variantes de la Covid-19.

Qui l’eût cru ? A part quelques austères Cassandre, bien peu d’entre nous auraient pu imaginer en janvier de l’an dernier que cette pandémie dure plus d’un an, et nous plonge au passage dans un marasme sans précédent. Et bien peu également, pour être plus optimiste, auraient parié au deuxième trimestre 2020 sur la mise au point et la livraison aussi rapides de l’antidote sensé enrayer les progrès du virus.

Pour les marketeurs.euses et communicant.e.s que nous sommes, comme pour bien d’autres professionnels, l’année fut rude et presque constamment « sous tension », au gré des vagues successives de la pandémie et des épisodes de confinement et de déconfinement… Et si un certain nombre d’entreprises ont été particulièrement touchées, au point de mettre durablement leur activité à l’arrêt et leur personnel en chômage partiel, d’autres ont au contraire du se réinventer dans l’urgence, s’organiser et communiquer pour assurer l’approvisionnement de leurs clients ou faire face à de nouveaux besoins.

« Tendue » donc, en « mode crise permanente », mais également « intense », « hyper productive », « créative » et « psychologiquement épuisante », aux dires des marketeurs et des communicants que j’ai pu interroger durant toute cette période, 2020 aura aussi participé, qu’on se le dise, à la revalorisation de la dimension stratégique de la communication, à commencer évidemment par la communication interne.

Sans cesse aux avant-postes, pour « informer, maintenir le lien avec leurs publics, mais aussi démontrer l’utilité de leur organisation et de leur marque… », les professionnels de la com’ et du marketing ont en effet fait preuve d’audace et d’agilité comme jamais, réinventant leur métier sous la contrainte et s’appropriant de nouveaux outils, osant aussi de nouvelles modalités de travail et de collaboration…

Et pour 2021, me direz-vous ? A quoi s’attendre ? Quels nouveaux enjeux, quelles tendances… et comment communiquer efficacement ?

Vous l’aurez deviné, c’est à ces sujets que j’entends bien consacrer mes articles dans les prochaines semaines. Mais en attendant, conformément à une tradition qui m’est chère sur ce blog, je ne saurai commencer l’année sans vous proposer ci-dessous quelques bonnes résolutions marketing-com’ de mon crû… A découvrir en deux temps, ce dimanche et jeudi prochain, pour alimenter vos propres réflexions, éveiller votre curiosité ou vous accompagner en ce début d’année, au choix !

Bonne lecture donc, et du fond du coeur, tous mes vœux aux marketeurs.euses, aux communicant.e.s et à tous mes lecteurs.trices, pour une année 2021 à la fois créative, innovante et plus sereine. Et que l’inspiration vous accompagne et nous aide collectivement à répondre aux enjeux de ce nouveau millésime !

>> BONNE RESOLUTION N°1 : le présentiel et la proximité tu chériras, dès que tu le pourras…

« Cultiver le lien », « maintenir le lien », « renforcer la relation » avec les collaborateurs, les clients et les autres parties prenantes, tout en étant parfois ensemble et le plus souvent à distance… Comme un leitmotiv entêtant, les entreprises et les communicant.e.s auront tout fait en 2020 pour conserver la connexion la plus vivace possible avec celles et ceux qui leurs étaient les plus chers.

Et qu’on le veuille ou non, cet objectif a minima du b.a.ba communicant demeurera encore un des enjeux essentiels de l’année 2021, tant que perdureront les contraintes sanitaires avec lesquelles nous composons déjà depuis des mois…

Oh certes, obligation et accélération de la transformation numérique aidant, nous avons pu surmonter certaines de ces contraintes en un temps record, de manière parfois assez remarquable. Et su exploiter au maximum les outils de visioconférence et autres nouvelles modalités de travail collaboratif, pour ne citer que ces exemples.

Mais ainsi que l’exprimait encore récemment Gilles Fichteberg, cofondateur et directeur de la création de l’agence Rosapark¹, il subsiste encore moult activités, y compris de communication, qui ne peuvent s’exercer de manière satisfaisante à distance, par les seuls canaux numériques. Partir humer l’air du temps ; écouter la vibration de l’époque quand rien ne vibre plus ; aller à la découverte d’une expo ; brainstormer efficacement ; cultiver le pas de côté et la disruption, ou bien l’art de la rencontre imprévue et de l’échange inopiné ; mobiliser et engager une équipe, des collaborateurs ; partager autour d’une stratégie…

La période que nous vivons aura certainement eu le mérite de faire émerger durablement de nouveaux standards, de nouvelles pratiques et outils, mais sans doute aussi n’en apprécieront nous que mieux, une fois la crise sanitaire passée, les opportunités du présentiel, l’utilité des échanges physiques, l’attrait de la rencontre in situ. 

Et je gage pour ma part que les dirigeants d’entreprise, les commerciaux, communicants et marketeurs sauront aussi soutenir la filière évènementielle, si durement touchée en 2020, dès lors que les salons et autres évènements professionnels pourront de nouveau être organisés sans risque…

Il en va certes de l’avenir d’un secteur entier, de l’emploi de dizaines de milliers de professionnels et de métiers dans lesquels la France a souvent excellé, mais aussi d’un levier de communication et d’engagement toujours précieux pour les entreprises, ne l’oublions pas !

Et si le digital a fait d’énorme progrès ces dernières années, sur le terrain même de la relation clients/utilisateurs, grâce à l’UX, aux technologies immersives et à l’intelligence artificielle notamment, n’oublions pas les bienfaits d’un regard connivent, le pouvoir de la rencontre et l’émulation collective qui manquent aujourd’hui si cruellement à nos étudiants privés d’amphi… pour ne citer qu’eux.

>> BONNE RESOLUTION N°2 : la culture tu n’oublieras pas, quelle que soit sa forme

Oh certes, grâce aux confinements successifs partout dans le monde, les plateformes de streaming ont fait un carton en 2020… et continueront assurément de progresser en 2021.

Netflix se targuait ainsi, aux dernières nouvelles, d’avoir gagné 25 millions de nouveaux abonnés au premier semestre (+ 15 millions au premier trimestre, + 10 millions au second), atteignant à fin septembre le chiffre faramineux de 195 millions d’abonnés. Et gageons qu’avec la seconde vague de l’épidémie, l’entreprise californienne aura dépassé au dernier trimestre les 200 millions d’abonnés payants.

Tirant lui aussi son épingle du jeu, le monde du livre a su faire bonne figure, malgré une année en dents de scie. Privés de sortie durant le premier confinement, 29% des Français auraient lu davantage de livres et près de 20% en auraient acheté plus que d’habitude, une tendance confirmée dès la réouverture des librairies puis soutenue au deuxième semestre, grâce au « click and collect » notamment et au boom des liseuses électroniques.

Mais que dire du cinéma, des musées, du théâtre, de l’opéra et du spectacle vivant en général, frappés de plein fouet, comme l’hôtellerie-restauration par des couvre-feux mortifères ? Des pans entiers de la culture sont aujourd’hui menacés, et attendent également notre soutien, après avoir déployé des trésors d’imagination et d’innovation pour rester accessibles et offrir le cas échéant une expérience en ligne à leurs publics, comme ont si bien su le faire un certain nombre de musées et de compagnies théâtrales, notamment.

Mais quid de la réouverture des cinémas, des hauts lieux de la gastronomie, et de ces autres lieux de vie et de divertissement populaires que sont les cafés, bars et boîtes de nuit ? Si je ne suis guère inquiet pour les terrasses où l’on aura toujours plaisir à se retrouver, il est plus que probable que de nombreux lieux et institutions du jour et de la nuit ne rouvrent jamais leurs portes, comme une Atlantide à jamais engloutie par la Covid-19 et la désertion des publics, prompts à trouver de nouvelles distractions.

Alors là aussi, de grâce, dès qu’ils rouvriront, volons au secours de ceux de ces lieux et institutions que nous préférons : ils auront bien besoin de nous ! Et aux dircoms et entreprises mécènes qui me lisent : sachons nous souvenir que culture et communication sont étroitement liées, et que la première ne peut souvent prospérer sans le soutien actif de la seconde et l’appui éclairé des entreprises… Il en va de pans entiers de notre patrimoine !

>> BONNE RESOLUTION N°3 : des fake news et des faux prophètes tu te défieras…

Pardon d’être plus grave que les années précédentes, dans ces premières bonnes résolutions 2021. Il se trouve qu’outre l’apparition de contraintes inédites, 2020 nous aura aussi apporté, à grande échelle, la confirmation de tendances de fond et d’un certain nombre de déviances, dont nous avions déjà constaté l’émergence, mais dont nous avons pu mesurer cette année tous les effets délétères et les dangers.

Théories du complot, fake news, instrumentalisation de l’information à des fins militantes ou politiques, manœuvres de déstabilisation : jamais autant qu’en 2020 les faits et chiffres n’auront été tordus et malmenés, au gré des intérêts et croyances des uns et des autres.

Dans ce contexte, « dire le vrai » de la manière la plus neutre et la plus factuelle, ou bien rétablir tout simplement la vérité, quand les fake news circulent 6 fois plus rapidement et plus loin que les vraies², relève tout simplement de la gageure… et devient à mon sens un des points d’attention critiques – je dirais même une co-responsabilité citoyenne – des journalistes et des communicant.e.s.

Comme beaucoup d’entre-vous en effet, j’ai notamment été frappé fin 2020 par le succès fulgurant du film complotiste « Hold-up », dont les ressort émotionnels ont été largement décryptés depuis sa sortie (notamment dans ce bon article du journal L’Echo). Surfant sur l’angoisse bien légitime générée par la pandémie de Covid-19, mais également sur l’incertitude et les informations contradictoires concernant le virus, l’incurie et les erreurs des gouvernements ainsi que les nombreux désaccords et controverses au sein de la communauté scientifique, les théories conspirationnistes et autres discours antivaccins ont prospéré sans réel contrepoint, ni contradicteurs réellement audibles, ainsi que l’analysait récemment Olivier Cimelière, dans ces deux articles successifs : « Pourquoi la communication reste le meilleur vaccin antivax » et « Crise du Covid-19 : la communication sanitaire est une clé de voute essentielle… mais pas improvisée ».

Hélas, trois fois hélas, par leurs désaccords et leurs incertitudes (certes compréhensibles), mais aussi du fait de guerres intestines et de quelques conflits d’ego, les représentants de la sphère scientifique et médicale furent loin d’être exemplaires…

Et, pour ne citer que lui, on ne peut être qu’être étonné de l’indulgence voire du soutien inconditionnel affiché encore aujourd’hui envers le professeur Raoult – aux affirmations pourtant maintes fois contredites par les faits – par ceux-là mêmes qui se montrèrent et se montrent toujours les plus intransigeants envers les erreurs (certes nombreuses ;) des autorités.

Comme quoi, être catalogué « anti-système » vaut tous les diplômes et tous les certificats de vertu, aux yeux de celles et ceux qui recherchent davantage dans les infos la confirmation de leurs propres opinions que la manifestation de la vérité en tout cas ;-)

>> BONNE RESOLUTION N°4 : Sur les mots et les maux de l’année 2020 tu te retourneras…

« Covid-19 », « pandémie », « virus », « confinement », « couvre-feu », « distanciation », « tests », « masques », « soignants », « hydroxychloroquine », « vaccins »… Evidemment, dans son génial palmarès des mots de l’année écoulée, dont je ne manque jamais de faire écho sur ce blog³, l’experte du langage Jeanne Bordeau a ménagé une large place au lexique issu de la crise sanitaire.

Dans cette année qui n’aura ressemblé à nulle autre autre, c’est en effet à une véritable avalanche de mots, et à l’irruption de milliers de mots nouveaux, qu’on a assisté dans notre vocabulaire et dans les médias, témoignant du caractère exceptionnel et de l’intensité d’une crise sans précédent.

Profondément impactées, parfois sens dessus-dessous, les sphères économique, politique et sociale, n’auront pas échappé à ce tsunami  lexical, lourd de l’incertitude, des tensions et des angoisses de l’époque. Ainsi, à côté des termes vedettes « plan de relance », « télétravail » ou « visioconférence », notre économie en berne aura été maladroitement divisée entre « activités essentielles » et « non  essentielles », tandis que la violence s’insinuait dans les champs sociétal et politique, avec la montée des « violences conjugales », la dénonciation des « violences policières » mais également des « casseurs » et des « black-blocks ».

La « haine en ligne », « l’insécurité » et « l’ensauvagement » auront été souvent évoqués, avec la résurgence des attentats à l’automne et de l’hydre du « terrorisme » et du « radicalisme », tandis que les « fake news » et autres « théories du complot » auront été omniprésentes, comme je le faisais remarquer dans la bonne résolution précédente.

Plus encourageants et agréables à l’oreille, les termes « verdir », « reverdir », « réparer », « vélo » et le néologisme « vélorution » témoignent quant à eux de la prise de conscience écologique de nos concitoyens, dans une année également placée sous le sceau de la « solidarité », des « élans solidaires », de « l’anti-racisme » et du mouvement Black Lives Matter…

On ne saurait aborder au mieux 2021 sans se replonger dans cette rétrospective lexicale 2020 particulièrement riche de sens, à réécouter avec bonheur dans l’interview ci-dessous, donnée par Jeanne Bordeau à Sud Radio…

>> BONNE RESOLUTION N°5 : L’esprit d’innovation et la volonté d’entreprendre tu conserveras

Lors de la dernière conférence « Tendances Communication », organisée fin novembre par l’institut Comundi et animée par votre serviteur*, nous avions eu la bonne idée de convier Marion Darrieutort, ex présidente de l’agence Elan Edelman et récente fondatrice du cabinet de conseil en communication The Arcane, pour notre keynote d’ouverture.

Invitée à s’exprimer sur l’année 2020, que j’ai qualifié d’emblée « d’année charnière », mais également sur les perspectives de l’année 2021 pour la filière marketing-com’, Marion nous insuffla à tous une grande bouffée d’énergie et d’optimisme. Nous démontrant d’abord en quoi la crise sanitaire et ses contraintes ont agi en quelque sorte comme un « wake-up call » salutaire pour notre filière, mise en demeure d’innover et se transformer pour faire face aux nouveaux enjeux, elle souligna les réussites et les progrès évidents accomplis ces derniers mois par les marketeurs.euses et communicant.e.s, qui ont su informer utilement leurs publics, trouver les canaux les plus adaptés voire de nouveaux outils, multiplier les formats pertinents, et apporter du sens tout en consolidant les liens dont je parlais en introduction…

Marion nous exhorta ensuite à l’audace et à la prise de risque, dont elle a elle-même su faire preuve en fin d’année 2020, en quittant une situation confortable et une agence reconnue, pour repartir de zéro et relever de nouveaux défis. Une décision et un choix personnels, certes, mais également dictés par ce qui lui est apparu comme un impératif au fil des mois et de la crise sanitaire : la nécessité de se réinventer, d’accompagner la transformation de nos métiers en en saisissant toutes les opportunités.

A ce titre, Marion insista sur l’importance de tirer tous les enseignements des mois écoulés : être plus que jamais à l’écoute d’un monde incertain ; demeurer agiles et frugaux, au besoin, pour rester connectés en temps réels aux besoins du business ; développer de nouvelles pratiques, plus vertueuses et éthiques ; et affirmer cette épaisseur et cet ancrage stratégiques de nos métiers, qui nous ont été reconnus plus que jamais pendant la crise, mais que nous devons conforter. Car c’est bien là que se trouve le salut de nos métiers : dans l’innovation et l’anticipation des grandes transformations de notre environnement et des besoins de nos publics.

>> BONNE RESOLUTION N°6 : A la découverte de nouveaux communicant.e.s et marketeurs.euses, mais également de nouvelles sources d’inspiration tu partiras

A défaut de pouvoir circuler complètement librement, de pouvoir nous réunir et d’échanger aussi souvent que nous le voudrions entre professionnels, garder le lien entre pairs et avec différentes sources d’inspiration demeure plus que jamais essentiel.

Comme je le fais chaque début d’année, je ne manquerai pas cette année encore de vous recommander la lecture de mes blogs préférés en communication et en marketing. Le blog du communicant d’Olivier Cimelière, Superception de Christophe Lachnitt (Superception) ou encore L’idée qui tue de Nicolas Bordas restent évidemment des références incontournables de qualité et de pertinence pour nos métiers.

Dans des thématiques et registres un peu différents, j’avais également mentionné l’an dernier La Saga des Audacieux de Mathilde Aubinaud, Mediaculture de Cyrille Franck, Le sens du client de Thierry Spencer ou encore l’excellent Management & RSE de Martin Richer, que je vous recommande de nouveau. Sans oublier les très bons blogs collectifs Les éclaireurs de la com’, We are com ou bien Siècle digital, pour ne citer que ce dernier dans les domaines du numérique et de la tech.

A ces précieuses ressources, on se doit d’ajouter quelques podcasts de référence : Superception, le rendez-vous bimensuel proposé par l’excellent Christophe Lachnitt en complément de ses articles de blog. Tous les podcasts disponibles à ce jour sont accessibles depuis cette page, et écoutables également sur toutes les grandes plateformes (Deezer, Spotify, iTunes, Overcast, Soundcloud…).

Sur le même concept d’interview d’un invité du marketing, de la com’, mais également d’entrepreneurs ou de patrons de la RSE, l’agence Bababam et Alice Vachet ont en 2019 lancé l’Empreinte, « un podcast qui s’intéresse à la révolution du sens » et se propose d’étudier comment les marques s’engagent et donnent du sens à leurs actions, en se montrant plus soucieuses que jamais de leur impact sur la société environnante… Toutes les interviews qui composent cette série, dont celles d’Eric Lemaire, de Frédéric Fougerat ou de Pierre Auberger sont accessibles sur cette page.

Enfin, pour achever ce tour d’horizon très parcellaire des podcasts marketing-com’, mais également tech et numérique, je citerai volontiers les émissions « Culture numérique » et « Futurs au pluriel » proposées par l’équipe de Siècle digital (> liens d’abonnement sur cette page) ; mais également les podcasts très réussis de Pierre-Philippe Cormeraie, Chief Digital Evangelist du groupe BPCE, sur les thème de la transformation digitale, de la com’ et du marketing notamment, à retrouver en live tous les matins à 7 heures 30 sur Twitter pour #BonjourPPC et une fois par semaine sur LinkedIn pour le #BrownBagLunchLive : un rendez-vous à ne pas manquer tous les lundi à 12 heures 30 !

Enfin, à celles et ceux qui rechercheraient des comptes référents de la communication et du marketing sur Twitter, je vous renvoie vers les listes de comptes que je n’ai pas manqué de proposer chaque début d’année sur ce blog, et dont la dernière édition en date est accessible ici : « 500 Twittos du marketing et de la communication à suivre en 2020 ».

Après 7 années consécutives d’actualisation et d’enrichissement ce cette shortlist qui n’en était plus vraiment une, j’ai annoncé l’an dernier que je ne produirai pas de nouvelle édition, en tout cas certainement pas cette année. Mais si vous faites partie des comptes mentionnés et que vous apercevez une erreur à corriger (compte supprimé, changement de nom ou de pseudo, changement de catégorie…), n’hésitez pas à me la signaler. Je m’efforcerai de la corriger dans les meilleurs délais dans l’article mis en lien ci-dessus.

>> BONNE RESOLUTION N°7 : Le BrandNewsBlog tu continueras de suivre en 2021 ;-) !

Bien que je n’ai pas publié très régulièrement ces derniers mois et que j’ai quelque peu disparu de la blogosphère au mois de décembre, je compte bien continuer à vous informer et à vous intéresser, avec de nouveaux sujets, en 2021.

Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, vous ne m’en voudrez pas de mentionner mon blog après les précieuses ressources que je viens de citer dans ma 6ème bonne résolution :)

Au programme des prochaines semaines et mois : un article sur l’évolution et les enjeux de la communication en 2021, des interviews bien sûr, un post approfondi sur l’univers du luxe… Je ne vous en dit pas plus : tout cela sera à découvrir très prochainement sur votre blog branding et communication !

Tous mes voeux encore à toutes et tous, et à très vite !

 

Notes et légendes :

(1) Gilles Fichteberg, co-fondateur de l’agence Rosapark, dans le cadre de son intervention « Crise sanitaire : une période qui nous pousse à être créatif ? » (Conférence d’actualité Tendances Communication du 24 novembre 2020)

(2) Etude 2017 du Medialab du MIT, menée par Sinan Aral, Deb Roy, Soroush Vosoghi, sur la base d’un corpus de 126 000 histoires partagées 4,5 millions de fois entre 2004 et 2017 sur les réseaux sociaux.

(3) Fresque des 1 000 mots de l’année 2020 – Rétrospective lexicale et artistique : une exposition exceptionnelle présentée par Jeanne Bordeau, le 14 janvier 2021 au campus Molitor.

* Conférence d’actualité « Tendances Communication » 2020, organisée par Comundi le 24 novembre 2020.

Crédits photos et illustrations : 123RF, The BrandNewsBlog 2021, X, DR.