Argentique, numérique et toujours mythique : la marque Leica a 100 ans

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Inventeur en 1914 du premier prototype d’appareil photo portable, Oskar Barnak n’a pas seulement révolutionné la photographie. Il a profondément marqué son époque et influencé le regard de ses contemporains. Il a contribué à créer une marque légendaire, qui a su rester à la pointe de son industrie, traverser les décennies et s’adapter à la nouvelle donne numérique.

Marque fétiche des plus grands photographes, des amoureux de la photo et des stars, cette pépite du made in Germany est restée une référence. Et son branding s’appuie à la fois sur son histoire et les personnages prestigieux qui l’ont utilisée, mais également sur les valeurs qu’elle a su préserver et un positionnement haut de gamme réaffirmé. Une magnifique saga, en somme, que ses dirigeants actuels ont eu l’intelligence de conjuguer à tous les temps…

Une innovation de rupture… mise au point par un ingénieur asthmatique

Toutes les grandes marques ont de belles histoires à raconter. Celle d’Oskar Barnak, ingénieur dans l’entreprise d’optique allemande Leitz au début du siècle dernier, n’échappe pas à la règle. La légende veut en effet que l’inventeur se soit penché sur la miniaturisation des appareils photo parce qu’il était asthmatique et ne supportait plus de transporter l’imposant matériel dont les professionnels se servaient à l’époque. En s’inspirant du procédé des films déjà employés par le cinéma, il eut l’idée de remplacer les appareils monumentaux par un boîtier guère plus grand qu’une grosse boîte d’allumette et les grandes plaques utilisées par les photographes par des pellicules au format 24×36. C’est ainsi que naquit en 1914 l’Ur-Leica, premier prototype d’appareil photo portable.

… Une révolution à peu près comparable au saut qualitatif réalisé dans une toute autre industrie par Apple avec le lancement de son iPhone. Car le premier appareil Leica, commercialisé en 1925, séduit rapidement les professionnels, auxquels il permet désormais des prises de vue non posées et sans artifice, montrant la réalité crue des évènements dont le photographe est témoin. C’est ainsi que de nouveaux genres apparaissent, qui vont connaître un succès fulgurant et mondial : la photo de rue et le reportage. Légers, silencieux et discrets, les premiers Leica permettent en effet de saisir des scènes sur le vif, dont le dynamisme et la fraîcheur vont rapidement conquérir la presse quotidienne.

Totalement acquis à la marque, les premiers utilisateurs en font rapidement un usage exclusif, comme la photojournaliste allemande Ilse Bing (baptisée « la reine du Leica »), le photographe de l’agence Magnum Robert Capa ou bien le peintre cubiste Henri-Cartier Bresson…

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Des clients célèbres parmi les plus grands photographes, une qualité et une fiabilité exceptionnelles

Converti à la photo à l’âge de 24 ans, le jeune peintre cubiste Cartier Bresson restera en effet fidèle toute sa vie à la marque Leica, réalisant d’immortels chefs d’oeuvre comme Les Bords de Marne (1938), tandis que Robert Capa immortalise la guerre d’Espagne avec le même type d’appareil. Dans les décennies suivantes, ce sont d’autres géants, comme Robert Doisneau, Marc Riboud, Sebastiao Salgado et ses reportages sociaux au Mexique, ou bien encore Elliott Erwitt qui figureront parmi les ambassadeurs des célèbres Leica « M », dont les modèles sont commercialisés à partir de 1954.

Il faut dire qu’en plus de leurs avantages sur le plan pratique, les boîtiers et optiques Leica sont réputés d’une qualité et d’une robustesse exceptionnelles. Pour preuve, Robert Capa utilisa seulement 7 appareils dans toute sa carrière, qu’il emmena avec lui aux quatre coins du monde.

Techniquement au dessus des appareils concurrents, les modèles à la petite pastille rouge offrent un océan de possibilités aux photographes, même si, comme le souligne le photographe Jean-Christophe Béchet*, « très peu nombreux sont ceux à pouvoir exploiter le potentiel élevé du Leica. On voit toujours tout net dans le viseur, mais en réalité on ne sait jamais ce que ça donnera« .

Ce côté magique propre à la photo argentique et les faibles concessions laissées aux automatismes constituent longtemps la « signature » de la marque. Au photographe en effet de faire corps avec son appareil, de savoir choisir les bons réglages et d’apprécier la meilleure façon de tirer parti de son matériel. Encore de nos jours, utiliser une pellicule plutôt de s’en remettre aux confortables propositions du digital demeure le credo d’un grand nombre d’amoureux de la marque.

La résurrection de Leica ou l’histoire d’un sauvetage « par le haut »

A partir des années 90, le développement sans précédent des technologies numériques et la perte de parts de marché des appareils argentiques aurait pu être fatals à Leica, malgré la qualité reconnue de ses produits. A l’orée des années 2000, les ventes de la firme allemande tombent dans le rouge et la situation devient critique, d’autant que comme l’explique a posteriori son directeur produits, Stephan Daniel «nous ne pouvions pas partir de zéro dans le développement très onéreux de ces nouvelles technologies numériques, face à la puissance des groupes japonais»**.

Impossible en effet pour cette grosse PME au chiffre d’affaires de 160 millions d’euros de lutter contre la puissance de feu et le rythme des innovations des mastodontes Canon ou Nikon. Pour surmonter la crise, Leica et son nouveau propriétaire, l’homme d’affaires autrichien Andreas Kaufmann, prennent alors trois décisions salvatrices : 1) en finir avec la stratégie monoproduit et le dogme « tout-argentique » de la marque 2) nouer une alliance stratégique avec un champion du numérique 3) tout miser sur son nom et son positionnement haut de gamme 4) Opter pour un mode de distribution exclusif, via un réseau de boutiques Leica.

Concrètement, pour relever ces énormes défis, Leica s’allie dès 2001 avec Panasonic, qui lui apporte son savoir-faire dans le domaine du traitement de l`image. Les premiers fruits de cette alliance seront d’une part un appareil d’entrée de gamme : le Lumix, brandé sous la marque Panasonic, et d’autre part les appareils C-Lux et D-Lux signés Leica.

Et en l’espace de 9 ans, Leica acquiert l’ensemble des technologies entrant dans la conception d’un appareil numérique haut de gamme. C’est grâce à cette mue technologique capitale que la firme allemande est en mesure de sortir en 2009 le M9, digne descendant de sa fameuse série M, mais en version numérique et 100 % Leica. Prix du boîtier seul : 6 000 euros. Malgré ce tarif élevé, les ventes excèdent de près 60 % les prévisions…

Désormais présente dans toutes les gammes de produits, depuis le compact D-Lux à 600 euros, jusqu’à l’appareil professionnel S2 à 18 000 euros, en passant par les jumelles et les microscopes, Leica se considère aujourd’hui comme une marque de luxe à part entière. « Nos vrais concurrents s’appellent Montblanc, Hermès ou Porsche… Nous sommes dans l’univers du plaisir », précise à juste titre Cyril Thomas, directeur de la marque. Rien d’étonnant dès lors à trouver trace, dans son actionnariat et à l’origine de son renouveau au début des années 2000 d’un actionnaire prestigieux, la marque Hermès justement.

Sortie du capital de Leica en 2006, Hermès lui a sans doute inspiré son modèle de distribution : comme Apple, la marque allemande s’appuie en effet sur un réseau de quelques 120 Leica Store à travers le monde… Et une centaine de nouvelles ouvertures sont envisagées dans les 15 années à venir, dont 20 % devraient être gérées en direct par la marque.

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Des fans indéfectibles de la marque aux people, en passant par les clients des pays émergents : le monde entier célèbre Leica

Depuis toujours, Leica a su s’appuyer sur une large communauté d’amoureux de la photo et bien peu de marques peuvent se targuer de susciter une telle vénération auprès de leurs fans. Sur le forum Leica (www.l-camera-forum.com), qui compte près de 100 000 membres, ces derniers passent leur temps à discourir sur les mérites comparés des différents modèles. Et dans les Leica Store, comme celui de Paris, tout est fait pour entretenir la magie et le mythe.

Tandis que les clients du monde entier affluent dans les boutiques (en particulier les nouveaux riches en Asie et en Russie), les people assurent aussi la promotion de la marque (redevenue furieusement « tendance ») en se montrant avec leur Leica fétiche en bandoulière (voir la galerie ci-contre).

Aujourd’hui réconciliée avec un passé prestigieux qu’elle avait quelque peu mis entre parenthèses durant ses heures les plus sombres, Leica célèbre son centième anniversaire en grandes pompes. Sur son site de production historique de Wetzlar près de Francfort, Leica a inauguré en mai dernier une véritable « Leicaland » en verre et en béton, qui tient à la fois du musée et de l’usine et comprend son nouveau site de fabrication, le siège de l’entreprise, un Leica Store et une partie exposition.

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En plus du livre à découvrir (Témoin d’un siècle, d’Alessandro Pasi / Editions Le Bec en l’air), 2 belles expos seront consacrées à la marque : à Hambourg, 100 Years of Leica Photography se tiendra du 24 octobre 2014 au 11 janvier 2015 tandis que la Leica Gallery de New York, consacrée aux expos de photographes « ambassadeurs » de la marque est ouverte en permanence. Signalons pour finir ce site de passionnés : La Vida Leica! (http://lavidaleica.com), animé par d’authentiques fans également…

Sources :

« Une légende made in Germany : pas un pas sans Leica » – article du 19 juin 2014, Challenges n°210

Leica : une icône, un objet de collection et… un marché – article du 23 mai 2014, Le Monde.fr

La renaissance de Leica vu par le magazine Challenges.fr – Challenges.fr 

Celebrities with their Leica camera – article du 27 décembre 2012, Shootingfilm.net 

Click it if you can afford it – article du 19 septembre 2012, The NYTimes.com

Crédit photo : Leica / The BrandNewsBlog

 

Nation branding : pas d’oral de rattrapage pour la Marque France

C’est la saison des examens et le plus célèbre d’entre eux rendra son verdict la semaine prochaine. L’occasion de juger du travail d’une année et de décerner aux candidats méritants le précieux sésame pour les études supérieures, tandis que les cas tangents se voient offrir une dernière chance d’échapper au redoublement…

En ce qui concerne le lancement de la Marque France, initialement prévu en janvier ou février, point de miracle à attendre en ce début d’été. Le « repiquage » de notre marque pays est hélas assuré.

Il faut dire qu’après une rentrée en grandes pompes (début 2013, voir mon point 1 ci-dessous), les impétrants Montebourg, Lentschener et autres camarades de la Mission Marque France* se sont sérieusement essoufflés. De projet de marque pour notre pays, plus aucune nouvelle. Et niveau implication des citoyens dans la démarche, c’est le « 0 » pointé.

Soucieux de « tirer du positif » pour remotiver un candidat au nation branding plutôt mal parti, le BrandNewsBlog s’est efforcé de relever les points positifs de la copie, sans faire l’impasse sur les (nombreux) points d’amélioration… Comme au foot, on serait tenté de dire COCORICO, mais pas trop tôt quand même, hein, parce que ce n’est pas vraiment gagné !

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1) Lancement de la démarche de nation branding (coeff. 1) >> note du BrandNewsBlog : 17 sur 20

Pour ceux qui auraient loupé les épisodes précédents (voir à ce sujet mes premiers articles ici, ici, ici et ici), la France est engagée depuis bientôt un an et demi dans une démarche de réflexion et de construction d’une marque pays.

C’est en effet le 30 janvier 2013 qu’était lancée par le gouvernement la mission de réflexion et de concertation destinée à « mettre en lumière les enjeux et les moyens de mise en œuvre d’une stratégie de marque nationale fondée sur un marketing pays ». Une démarche ambitieuse parrainée par 4 ministres (pas moins) : Arnaud Montebourg, Nicole Bricq, Sylvia Pinel et Fleur Pellerin.

Autant dire que « côté emballage », le lancement était plutôt réussi et qu’on avait mis les petits plats dans les grands pour introniser la « Mission marque France », ce collège d’experts piloté par Philippe Lentschener* et sensé remettre ses recommandations sur la Marque France dès le 1er avril 2013 à Jean-Marc Ayrault…

2) Pré-rapport sur la marque France (coeff. 2) >> 16 sur 20

Après un premier décalage dans le timing de bouclage de ce pré-rapport, celui-ci était finalement présenté aux ministres commanditaires en juin 2014. A dire vrai, bien qu’il accorde une importance démesurée aux avis des experts et autres « représentants des milieux autorisés » (professionnels du branding et décideurs triés sur le volet), les constats, analyses et recommandations formulés dans ce pré-rapport étaient plutôt inspirés et inspirants.

Certes, un certain nombre de représentants territoriaux et d’élus locaux s’émurent dès l’automne de ne pas avoir été intégrés dans la phase de consultation en amont de ce pré-rapport. Hormis ce vice de forme (tout de même assez révélateur pour la suite), la réflexion semblait bien lancée et (sans doute trop) cadrée. Je conseille néanmoins à tous la lecture de ce mémoire passionnant, qui présente de manière pédagogique les grands enjeux du nation branding à la Française…

3) Consultation et implication des Français dans la démarche (coeff. 3) >> 0 sur 20

C’est après la publication du pré-rapport sur la Marque France que les choses se sont quelque peu gâtées. Alors qu’une « grande consultation » des forces vives du pays était organisée au sujet de notre marque pays (curieusement, en plein été 2013…) aucune communication ou presque n’a été faite pour en faire la promotion. Quelques partenaires ont bien été sollicités pour relayer l’information, comme le réseau des CCI, mais avec un résultat plus que mitigé (à peine plus de 478 répondants parmi les particuliers au final, dont votre serviteur : voir ici la synthèse de cette consultation, disponible sur le site de la Marque France).

Hormis cette initiative et quelques réunions organisées en région par la Mission Marque France, l’encéphalogramme de la mobilisation est resté désespérément plat…

4) Respect du timing annoncé (coeff. 4) >> 6 sur 20

Après la restitution des résultats de la consultation et la réalisation d’une rapide étude par TNS Sofres, l’étape suivante devait être celle de la présentation de l’identité graphique et du slogan de la marque France, dont la révélation aurait du avoir lieu a priori à l’occasion du « Conseil stratégique de l’attractivité » organisé par François Hollande le 17 février 2014.

Las, pour des raisons encore non élucidées (mais que le magazine Challenges a cru deviner : voir ici l’article à ce sujet), le logo de notre Marque pays n’était pas prêt et la présentation n’a pu en être faite.

Elections municipales puis europénnes obligent, le planning initialement prévu pour le lancement de la Marque France a ensuite « explosé » (les échéances initiales indiquées sur le site de la Marque France ont d’ailleurs été retirées dès le 4ème trimestre 2013, même si on en trouve encore trace ici).

Et depuis, silence radio au sujet de notre marque pays. Impossible d’en apprendre davantage sur l’état d’avancement du projet, que ce soit auprès des cabinets ministériels concernés ou de Matignon, tandis que les personnalités qui composaient la Mission Marque France n’osent plus s’exprimer sur le sujet.

5) Communication autour de la démarche (coeff. 5) >> 4 sur 20

Depuis le lancement de la réflexion sur la Marque France, les prises de parole se comptent sur les doigts d’une main. Et au vu du retard maintenant accumulé, on ne s’attend pas à une déclaration d’Arnaud Montebourg avant la rentrée de septembre, au mieux… Prisonnière d’un calendrier illisible (à coup sûr), de querelles d’ego (vraisemblablement) et des fortes contraintes budgétaires du moment (à n’en pas douter), notre démarche de nation branding semble être en cale sèche.

… VERDICT : note moyenne sur la démarche = 6,2 sur 20

… On est encore très loin de la moyenne ! Alors certes, les spécialistes du branding me diront que la Marque France n’a pas attendu les initiatives gouvernementales pour « exister ». Toute marque pays est avant tout, en effet, le produit des perceptions que peuvent en avoir ses partenaires ou « clients » : touristes, institutions et investisseurs étrangers… Et depuis des années, des études et baromètres mesurent régulièrement la place de la « marque » France dans le concert des nations.

Sur le papier, celle-ci est plutôt avantageuse d’ailleurs, à en juger par le 6ème rang mondial attribué en termes de valeur financière à notre marque nationale, d’après le dernier classement du cabinet Brand Finance notamment.

Il n’en reste pas moins qu’au regard du premier objectif poursuivi par le gouvernement, à savoir reconquérir les investisseurs étrangers, dont les implantations en France sont en recul depuis 3 ans, on peut se poser quelques questions. Pas sûr en effet que l’interventionnisme exacerbé et les pressions exercées par notre Ministre de l’économie sur les entreprises étrangères, comme General Electric récemment, soient de nature à rassurer les investisseurs potentiels et à redresser l’attractivité économique de la France, de plus en plus considérée comme un pays économiquement « à part » (et bien trop complexe…).

Moralité : derrière les meilleures intentions affichées, via ce chantier sur notre marque pays, attention aux comportements de « pompiers pyromanes »… Et après un démarrage laborieux, souhaitons en tout cas à la Marque France de voir rapidement le jour ! Car même si les classements ne semblent pas le traduire, il y a un réel besoin de développer notre aura et notre influence économique au niveau mondial, tout le monde est au moins d’accord là-dessus.

 

Notes :

* La Mission Marque France, destinée à étudier les conditions de mise en oeuvre d’une marque pour notre pays et à en assurer dans la foulée le lancement, a été confiée au publicitaire Philippe Lentschener (Président de McCann Ericsson France) et à 4 autres personnalités : Michel Gardel, Clara Gaymard, Robert Zarader et Agnès B.

Crédit photo : X, DR, TheBrandNewsBlog

 

La communication et les communicants dans une mauvaise passe ?

Les communicants sont-ils en train de devenir les têtes de turc préférées des politiques et de l’opinion ? Si l’on se fie à un certain nombre de signaux convergents et aux analyses éclairantes de quelques observateurs avertis, il semblerait que oui.

Il faut dire qu’après l’onde de choc de l’affaire Bygmalion, la tentation est forte de faire l’amalgame : « méthodes de ripoux = habitude de tout communicant = tous pourris » et de désigner l’ensemble d’une profession à la vindicte populaire. Les politiques eux-mêmes, bien que friands des conseils des communicants et à l’origine de nombreuses déviances, n’ont pas hésité à reprendre à leur compte les critiques les plus virulentes, en réclamant par exemple avec plus ou moins de discernement une réduction des effectifs de communication au sein des administrations et des entreprises.

C’est pour éviter de sombrer dans ce genre de démagogie et dénoncer les pratiques d’une poignée de « gourous » et autres « spin doctors » que des professionnels tels que Jean-Luc Letouzé ou Olivier Cimelière ont jugé bon de monter au créneau*… Le BrandNewsBlog ne pouvait qu’approuver leurs coups de gueule et contribuer au débat…

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Les pratiques (aussi condamnables soient-elle) de quelques acteurs ne peuvent suffire à condamner une profession…

L’affaire Bygmalion recèle tous les ingrédients d’un mauvais polar communicant. Une agence évènementielle peu regardante sur la loi et les questions d’éthique, un candidat en quête de fonds pour terminer sa campagne, un parti politique et des dirigeants a minima complaisants, de grandes entreprises naviguant en eaux troubles et une cohorte de « seconds rôles » aux responsabilités encore à déterminer… Bref : une bonne dose de magouilles mâtinées de mensonges et autres trahisons, le tout dans une parfaite opacité cela va sans dire. Soit un condensé de toutes les déviances qui n’ont cessé depuis des années de creuser le fossé entre l’opinion et nos « élites » : journalistes, politiciens, dirigeants d’entreprise et ceux qu’on décrit parfois comme leurs « âmes damnées », les communicants bien sûr.

Rien d’étonnant, dès lors, à constater le discrédit dont souffrent les représentants de ces « autorités en mal d’autorité ». Le baromètre de l’UDA-Harris Interactive 2013 (voir ici) et les résultats du célèbre Trust barometer notamment, quantifient et démontrent année après année une érosion spectaculaire de la crédibilité de nos élites, et l’ampleur de cette défiance généralisée représente hélas une terrible épée de Damoclès pour nos démocraties.

Pour autant, chacun admet que les pratiques de quelques intermédiaires et agences de communication « véreuses » ne sont pas forcément représentatives des comportements d’une profession. Et de fait, la réalité de la plupart des agences et communicants que je connais est à des années lumières des pratiques délictueuses imputées à Bygmalion. Confrontées à la crise, aux coupes budgétaires et autres réductions d’effectifs, la plupart des marketeurs et communicants en est plutôt à se serrer la ceinture et à négocier âprement la moindre marge de manœuvre qu’à rouler sur l’or ou à surfacturer allégrement.

La faute aux spin doctors et autres « gourous » de la com’ ?

Le scénario et le « casting » de l’affaire Bygmalion seraient sans doute incomplets sans l’ambition dévorante d’un de ces « gourous de la com’ » qu’affectionnent tant le grand public et les médias. Ancien collaborateur de Jean-François Copé à l’UMP, Bastien Millot, le fondateur de Bygmalion, était connu et apprécié depuis des années des milieux politiques et d’affaires, pour ses relations et son entregent. Patron d’agence, faiseur et défaiseur de réputations, chroniqueur dans le grand Bazar des médias sur Europe 1, il était en quelque sorte, au fait de sa gloire, le pendant droitier du beaucoup plus discret Robert Zarader, grand communicant et conseiller de l’ombre de François Hollande. Aujourd’hui « retiré des affaires », Bastien Millot est devenu avocat au barreau de Marseille… (=> lire ici l’article que lui consacrait récemment Paris Match).

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Voilà d’ailleurs un des paradoxes de cette équation communicante : le public décrie et raffole en même temps des personnages de l’ombre et autres spin doctors auxquels on attribue volontiers la réussite (ou l’échec) de leurs poulains. Il suffit de lire cet article récent des Enjeux-Les Echos sur Robert Zarader pour s’en convaincre : dans l’imaginaire collectif, le bon communicant se doit d’abord d’être un manœuvrier hors pair, doublé d’un homme/une femme d’expérience au carnet d’adresses bien rempli. Son influence supposée auprès de la presse, en particulier, et sa connivence avec les grands journalistes politiques ou économiques, demeurent un des moyens de mesurer son pouvoir et son aura. Car le gourou de la com’ rend volontiers des services, c’est bien connu. En échange desquels il est naturellement en droit d’attendre quelques retours d’ascenceurs…

Dans son billet-coup de gueule, l’excellent Olivier Cimelière (que je cite souvent mais ses écrits le méritent), ne manque pas de dénoncer le tort que ces bidouilleurs (de génie parfois), ont causé et continuent de causer aux communicants. Incarnant à eux seuls une bonne partie des clichés en vogue sur la communication, ils en ont sapé la crédibilité et les dernières illusions morales, tandis que la plupart des professionnels s’évertuent à faire la preuve de comportements plus éthiques.

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Des communicants condamnés à la pédagogie et à lutter contre les clichés…

Dans un précédent article, j’insistais sur les « 6 bonnes raisons de croire en la communication… et de ne pas désespérer des communicants ». De fait, la plupart des communicants « 2.0 » appliquent aujourd’hui des méthodes bien différentes de leurs prédécesseurs et n’hésitent pas à promouvoir et mettre en pratique une véritable transparence. Les attentes des publics et l’avènement des médias sociaux aidant, ils envisagent leur métier d’une manière plus éthique et responsable, soucieux d’engager leurs entreprises dans une relation durable avec leurs parties prenantes.

C’est aussi pour réhabiliter la communication et les communicants que Jean-Luc Letouzé est parti en croisade contre les clichés qui stigmatise sa profession*. Répondant à une petite phrase de Ségolène Royal, qui estimait dernièrement nécessaire de tailler dans les « effectifs pléthoriques » de communicants au sein des administrations et des banques en particulier, le Président de l’association Communication et entreprise rappelait récemment dans le magazine Stratégies les 5 raisons d’être de la communication corporate : 1) Apporter du sens et faire partager l’ambition stratégique des entreprises // 2) Créer de la valeur au travers de la marque, une bannière permettant à la fois d’identifier l’entreprise et la positionner sur ses marchés et face à ses concurrents // 3) Répondre aux interrogations et besoins d’information des publics internes et externes // 4) Favoriser l’évolution des organisations et accompagner les changements de l’entreprise // 5) Cultiver les responsabilités de l’entreprise, via la RSE qui devient un levier clé de création de valeur.

Ces deux plaidoyers en forme de coups de gueule le prouvent : régulièrement désignés comme « inutiles », « dépensiers », « manipulateurs » voire « nuisibles à la démocratie », les communicants ont encore un long chemin à faire pour tordre le cou aux idées reçues, braver les critiques démagogiques qui leur sont adressées et faire reconnaître l’utilité de leurs missions.

Facilitateurs sociaux et interfaces entre les organisations et leurs publics, leur rôle et leur apport souvent contestés n’en restent pas moins primordiaux. Et j’aurai nécessairement l’occasion d’y revenir dans ce blog, en répondant point par point à chacun des clichés qui polluent l’image des communicants… Clichés dont je vous livre ci-dessous un petit « florilège » :

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* Sources :

« Communication : dépense ou investissement ? Réponse à Ségolène Royal » de Jean-Luc Letouzé – 30 avril 2014

« Bygmalion & spin doctors : il faut absolument changer de logiciel communicant ! » d’Olivier Cimelière – 15 juin 2014

« 6 bonnes raisons de croire en la communication… et de ne pas désespérer des communicants«  – BrandNewsBlog – 11 février 2014

« Robert Zarader, le confident de l’Elysée » d’Henri gibier – Enjeux Les Echos, 1er mai 2014

« Bastien Millot, un ambitieux assoiffé de reconnaissance », de David Le Bailly et François labrouillère, Paris Match – 11 juin 2014

 

Crédits photos : X, DR, TheBrandNewsBlog 2014

 

 

 

Le crowdsourcing et les plates-formes collaboratives plébiscités par les marques

Kick Starter, oDesk, Quirky, eYeka, MoFilm, Zooppa Ces noms ne vous disent peut-être rien, mais la plupart des grandes marques les connaissent bien : ce sont, en nombre de contributeurs, les plus importantes plateformes collaboratives mondiales. Des sites plébiscités par un nombre croissant d’entreprises, désireuses de « puiser l’imagination à la source » en multipliant les projets de crowdsourcing.

Bien qu’encore peu fréquent en France, le recours à ces plates-formes se développe. Et il n’est pas anodin que le groupe Auchan ait choisi de s’associer fin 2012 à une société new-yorkaise pour lancer un incubateur d’innovations produits. Mis en ligne en septembre 2013, Quirky revendiquait déjà 659 000 contributeurs à la fin 2013, contre 5,4 millions à la plate-forme Kick starter (financement de projets créatifs) et 4,5 millions à la plate-forme oDesk, premier site collaboratif « historique », créé en 2005.

Des plates-formes appréciées par les contributeurs… et précieuses pour les entreprises

Parmi les faits d’armes de la toute jeune plate-forme franco-américaine : 379 innovations produits qui découlent directement des idées proposées par des particuliers, dont une multi-prise révolutionnaire baptisée Pilot Power, qui s’est déjà vendue à 600 000 exemplaires. Quirky n’a évidemment pas manqué d’en faire la promotion, en mettant en avant aussi bien l’inventeur que son invention…

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Récemment interviewé au sujet de ces plates-formes collaboratives, auxquelles Deloitte a consacré une étude, Sébastien Ropartz* résume bien l’intérêt que représentent ces sites pour les contributeurs et les entreprises : « ces plates-formes sont d’autant plus précieuses qu’elles sécurisent une partie de la relation d’échange entre entreprises et contributeurs et permettent de prendre en charge les questions qui se posent sur la protection intellectuelle, le traitement des données personnelles ou les droits d’auteur« .

Elles permettent aussi de répondre au prochain grand défi des marques : celui de l’industrialisation du crowdsourcing. Déjà conquises par les deux vertus majeures de la co-conception et du travail collaboratif (le faible coût de la ressource, car les contributeurs travaillent en général pour une rémunération nulle ou faible + la capacité à accéder à des ressources pointues disséminées à travers le monde), les entreprises qui recourent au crowdsourcing veulent aujourd’hui aller encore plus loin et plus vite dans leurs projets. Et quel meilleur moyen d’y parvenir que d’utiliser des plateformes déjà fiabilisées et reconnues par des millions d’utilisateurs ?

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Le crowdsourcing, un concept à la réussite fulgurante et une mine d’or pour les marques

Souvenez-nous, c’était hier : le terme de « crowdsourcing » (= « externalisation vers les foules ») a été utilisé pour la première fois en juin 2006 dans le magazine Wired (par Jeff Howe en l’occurrence).

Et c’est en 2008,  dans le livre « Crowdsourcing, how the power of the crowd is driving the future of business ? » qu’on trouve la première définition du terme. En anglais dans le texte : « Simply defined, crowdsourcing represents the act of a company or institution taking a function once performed by employees and outsourcing it to an undefined (and generally large) network of people in the form of an open call. This can take the form of peer-production (when the job is performed collaboratively), but is also often undertaken by sole individuals. The crucial prerequisite is the use of the open call format and the large network of potential laborers. ». Les deux critères distinctifs du crowdsourcing sont ainsi posés : d’une part, l’externalisation de masse vers la plus large communauté possible d’internautes possible et d’autre part, l’appel à projet ou appel d’offres ouvert, mettant chacun sur un pied d’égalité.

Comme chacun le sait, cette « formule magique » a immédiatement été plébiscitée par les plus grandes marques. Au-delà de l’énorme réservoir d’innovations que représente le crowdsourcing et de l’alliance idéale de la créativité et de la rentabilité qu’offre la démarche, celle-ci recèle aussi un autre inestimable avantage… Elle permet de manière presque optimale de « créer du lien », un enjeu majeur dans toute stratégie de communication digitale. Echanger, informer et passionner différentes communautés en les impliquant dans le développement de l’entreprise, constituent évidemment des leviers de séduction et de fidélisation puissants.

Rien d’étonnant donc à ce que les marques (américaines en premier lieu), se soient emparées du crowdsourcing, le plus souvent pour booster leur image et leur communication, en faisant appel à la créativité de photographes, vidéastes, designers ou graphistes, pour imaginer leur prochaines campagnes de pub notamment (les exemples dans le tableau ci-dessus se rattachent majoritairement à ce registre)…

Plus stratégiquement, c’est aussi l’innovation produit, voire la recherche fondamentale que les grandes entreprises ont commencé à « crowdsourcer » (de nombreuses entreprises ayant commencé à externaliser ces missions depuis quelques années).

Illustration de la pertinence et de l’intérêt du crowdsourcing, la démarche audacieuse du propriétaire des mines d’or Goldcorp fait figure de cas d’école… Rompant avec les traditions de son secteur d’activité, Rob McEwen décida en 1998 de faire appel au grand public pour découvrir les prochains gisements aurifères à prospecter. Il organisa donc une véritable  « Ruée vers l’or en ligne », en rendant publiques toutes les données géologiques dont disposait son entreprise, ce qui suscita à la fois la confiance et l’engouement des internautes.

Résultat des courses : moyennant une récompense de 500 000 dollars pour le contributeur le plus méritant, Rob Mc Ewen reçut une montagne d’informations et de données, qui lui permit de découvrir quelques 110 nouveaux sites de prospection exploitables. Le bénéfice de son entreprise à la suite de ce concours est estimé à 3 milliards de dollars en une seule année ! (voir ici le résumé de cette extraordinaire success-story).

… Attention néanmoins au statut des « mineurs de fond »

Loué par les entreprises utilisatrices et par une majorité de contributeurs, ravis de participer au développement des entreprises, les plates-formes collaboratives et le crowdsourcing ne font pas l’unanimité pour autant.

Leurs détracteurs dénoncent à la fois le statut précaire des contributeurs (leur faible niveau de protection juridique et le « flou » autour de leurs droits d’auteur), mais également leurs niveaux de rémunération ou de rétribution globalement dérisoires, au détriment des équipes internes des entreprises ou de leurs prestataires, qui ne peuvent que rarement rivaliser en termes de productivité et de coût face à cette externalisation d’un nouveau genre.

C’est ainsi qu’un free-lance de l’Oregon vient d’attaquer la plate-forme américaine Crowd-Flower. Société d’intérim aux pratiques douteuses, celle-ci le rétribuait moins que le salaire minimum… De même, on peut citer les critiques régulièrement adressées à la plate-forme « Mechanical Turk » d’Amazon. Destinée à faire faire par les internautes des taches sans intérêt et à faible valeur ajoutée, son modèle frisant l’exploitation est souvent dénoncé.

On atteint là une des limites du crowdsourcing : pour que la démarche puisse être industrialisée de façon pérenne et viable, il faudra nécessairement que son cadre juridique et le statut des contributeurs soient beaucoup plus encadrés qu’aujourd’hui… Moyennant quoi « l’externalisation vers les foules » a de beaux jours devant elle.

 

 

Pour aller plus loin…

> Article « Quand les entreprises puisent l’imagination à la source« , d’Isabelle Lesniak – Enjeux Les Echos, mai 2014 

> Article « Crowdsourcing : devenir une ressource intelligente pour les entreprises et plus seulement un compte en banque«  d’Angélique Guest – blog DIG!COM de l’ECS Paris, décembre 2013

> Article « 9 des 10 plus grandes marques font appel au crowdsourcing créatif » de Yannig Roth – blog webmarketing de l’ESSCA, avril 2012

 

Légende :

* Sébastien Ropartz est associé conseil chez Deloitte

 

(Crédit photo : Quirky / Auchan / TheBrandNewsBlog)

 

« Love brands », marques « irrésistibles » et autres « like-marques » : 3 buzzwords au banc d’essai…

img008C’est bien connu : les marketeurs et les communicants affectionnent les nouveaux concepts et les terminologies qui sortent de l’ordinaire. Souvent d’origine anglo-saxonne, les « buzzwords » (= expressions de jargon à la mode) sont en particulier largement employés (voire créés) par les agences de communication et autres cabinets d’étude, toujours en quête d’approches innovantes et de termes différenciateurs pour valoriser leurs méthodologies. Et dans cette novlangue du marketing et de la com’, il faut avouer que les sémantiques réellement novatrices côtoient parfois des concepts « kleenex » aussi éphémères qu’inutiles. Le branding n’échappe pas à la règle, bien sûr. Au point qu’il faut souvent un jugement averti pour distinguer l’innovation « choc » du marketing flop…

A cet égard, 2 articles du magazine Stratégies ont récemment attiré mon attention, l’un évoquant l’initiative et l’offre de TNS Sofres visant à mesurer le quotient « d’irrésistibilité » des marques*, l’autre décrivant les attributs de la « like-marque »**, une marque à la fois plus mâture et plus complexe que la fameuse « love brand » propulsée en son temps par le P-DG de Saatchi & Saatchi.

Autant le dire tout de suite : ces deux articles et les approches qui les sous-tendent me paraissent fondés sur des bases théoriques et méthodologiques consistantes… Des bases d’autant plus intéressantes pour le BrandNewsBlog qu’elles traduisent des « philosophies » du branding à la fois différentes… et plus complémentaires qu’il y paraît.

Pas bête : TNS Sofres teste le « QI » des marques

Qu’on se le dise, une offre d’étude savamment marketée n’est pas forcément synonyme de vide méthodologique et conceptuel !! A cet égard, je dois dire que j’ai été plutôt séduit par l’argumentaire de TNS Sofres, au sujet de son outil de mesure de « l’irrésistibilité » des marques (voir ci-dessous la présentation vidéo synthétique de Fabrice Billard, Directeur Brand Strategy de l’institut)



 

L’irrésistibilité, kesako ?

C’est en effet sur base de 8 000 études Need Scope et d’un double prisme (performance de la marque / besoins des consommateurs) que TNS Sofres a choisi de s’intéresser au critère de l’attractivité, un des facteurs clés du succès des marques, tout aussi important ou presque que leur part de marché, leur influence ou leur notoriété… Avec une innovation « choc » : la mesure synthétique, à l’aune de 8 critères d’irrésistibilité, du QI ou « Quotient d’irrésistibilité » des marques.

Qu’y-a-t’il sous le capot ?

Certes, dans le choix des 3 grands ressorts d’attraction et surtout des « huit principes qui contribuent à rendre les marques désirables« , on retrouve les grands fondamentaux du branding : cohérence interne de la marque / alignement-capacité à démultiplier un même discours / unité / savoir-faire / différenciation… mais pas seulement. TNS Sofres insiste aussi sur ces critères plus dynamiques que sont la vitalité de la marque, la capacité à générer des émotions, ou la puissance de la symbolique de la marque (Voir ci-dessous le tableau synthétique du BrandNewsBlog et ici la présentation détaillées des 8 critères clés de succès  par TNS Sofres).

irresistibilité

L’argument clé, « sonnant et trébuchant » :

TNS Sofres insiste sur le caractère exponentiel du lien entre augmentation du « QI » et intensité du besoin exprimé par les consommateurs : ainsi, l’institut démontre que quelques points seulement de gagnés sur l’indice QI sont de nature à permettre de doubler la part d’usage d’une marque… Une proposition qu’on ne peut décemment rejet d’un revers de main ;)

De la love brand à la like-marque, un changement de décor et d’ambition

Plus prospectif, l’article signé par Thierry Herrant et Yannick Salmon** (respectivement directeur général du pôle image et contenus et directeur chez Publicis Consultants) décrit une marque assez éloignée de la love brand – lovemark chère à Kevin Roberts.

Pour mémoire, dans son ouvrage culte Lovemarks : the future beyond brands (édition powerHouse Books, avril 2004), le P-DG de l’agence Saatchi & Saatchi en appelait à l’amour des consommateurs pour sauver les marques et construire une fidélité client durable. Partant du constat d’une défiance généralisée des publics, Kevin Roberts identifiait 3 ressorts pour atteindre son ambitieux objectif : magnifier la part de mystère et de mythes à travers le storytelling et les contenus de marque ; diversifier l’expérience émotionnelle et sensorielle de la marque ; renforcer le développement de l’intimité client et l’empathie de la marque vis-à-vis de celui-ci… 

La like-marque, kesako ?

Eminemment sociale, la like-marque est en fait la marque à l’heure de l’entreprise « open-source ». Plus ouverte et plus intelligente qu’aujourd’hui (grâce à une intelligence collective supérieure), innovante à la vitesse des idées (et non plus avec un ou deux trains de retard), cette like-marque, qui n’en est aujourd’hui qu’à ses balbutiements d’après les auteurs eux-même, est à la fois une belle promesse et le « seul chemin pour renouer durablement avec la croissance et avec la confiance« .

Qu’y-a-t’il sous le capot ?

D’abord, un excellent constat de la part des auteurs, Thierry Herrant et Yannick Salmon. Celui du bouillonnement d’un monde que l’innovation domine, mais dans lequel « la confiance n’est nulle part« . Une concurrence accrue et mondiale, des échanges et des relations en partie transformée par l’avènements des médias sociaux, une accélération sans précédent des informations et des affaires… La conséquence de ce changement de paradigme est que les organisations et les entreprises doivent « opérer une révolution culturelle plus importante que toutes celles qu’elles ont menées jusqu’ici » pour survivre.

La mise en commun des intelligences, la contribution et la coconstruction, en résumé, la « conception sociale » est promise à un bel avenir. Et la compétence des marques résidera dans leur capacité à attirer, motiver et fidéliser des communautés d’ambassadeurs et de « contributeurs » de marques, intéressés pour participer à l’évolution de ses produits et services, voire de son positionnement. Non des supporters aveugles et autres « fans de marque » prompts à liker quelques messages publicitaires, mais des partenaires avec lesquels il sera nécessaire de construire une relation de confiance « à la fois managée et égalitaire, gratuite et rétribuée ».

L’argument clé :

A l’époque du web 2.0 et de l’innovation accélérée, les entreprises n’ont plus seulement besoin de clients mais d’idées. Or « elles sont là. Dans des cerveaux accessibles – et disponibles – connectés plusieurs heures par jour, qu’il faut approcher et séduire dans un climat de confiance réciproque pour s’en faire des amis » (…) Et pour conquérir et garder ces amis, l’entreprise devra nécessairement s’ouvrir et se réorganiser !

Trois terminologies différentes, mais des « philosophies » du branding plus complémentaires qu’opposées

Si, à première vue, ces trois terminologies (love brands / like-marques / marques irrésistibles) semblent se rattacher à des registres de langage et des conceptions différentes du branding…

=> marque irrésistible = séduction raisonnée / attraction (registre rationnel)

=> love brand / love mark = passion / émotion (registre fusionnel)

=> like-marque = relation « win / win », plus juste et équilibrée (registre de la confiance)

… les constats et hypothèses qui sous-tendent ces différentes approches reposent sur un socle commun :

  1. la défiance croissante des consommateurs envers les institutions et les marques ;
  2. l’accélération des rythmes lié au nouveau paradigme digital, qui oblige notamment les marques à innover sans cesse ;
  3. la nécessité de s’affranchir des arguments purement rationnels qui ne permettent plus de gagner de nouveaux clients
  4. l’investissement par les marques des champs émotionnels et sensoriels
  5. le rééquilibrage des relations entre consommateurs et entreprises-marques : les marques ne pouvant plus tout contrôler adoptent de nouvelles stratégies et s’engagent vis à vis des consommateurs
  6. Transparence, écoute, empathie, réactivité sont les nouvelles vertus cardinales pour conquérir ou fidéliser les clients

 

Légendes :

* Huit conseils pour être irrésistible, de Muriel Jaouën – Revue Stratégies n° 1761 du 20 mars 2014

** Vers la like-marque, de Thierry Herrant et Yannick Salmon – Revue Stratégies n° 1760 du 13 mars 2014

 

Pour en savoir plus :

Lovemarks : the future beyond brands, de Kevin Roberts -Edition powerHouse Books, avril 2004

 

Crédit photos : TNS Sofres