Influenceur autoproclamé, véritable expert ou ambassadeur: quel influenceur BtoB êtes-vous ?

C’est un constat que j’ai déjà pu dresser à plusieurs reprises dans les colonnes de ce blog¹: depuis l’émergence puis l’explosion des réseaux sociaux, le marketing d’influence n’a cessé de prendre de l’ampleur, au point d’être devenu une discipline incontournable aujourd’hui. Et quel que soit le secteur d’activité considéré, force est de reconnaître que les partenariats entre annonceurs et influenceurs se sont multipliés ces dernières années, selon des modalités variées et avec des résultats néanmoins inégaux, il faut bien le dire.

Mais qu’à cela ne tienne : la course à l’influenceur est désormais bien lancée… Et sur certains marchés BtoC, cette course a déjà tourné à la frénésie et à la déraison parfois, au point de susciter quelques dérapages et bad buzz mémorables, quand la moralité et les pratiques des influenceurs.euses sollicité.e.s n’étaient pas au niveau escompté notamment.

Il n’en reste pas moins que les marques grand public restent particulièrement friandes de ces collaborations. Et qu’il n’est pas un jour sans qu’on parle de ces Youtubers, gamers et autres instagramers « stars » qui font aujourd’hui rêver dans les cours d’école (et pas seulement) : de Cyprien à Enjoy Phoenix, en passant par Gotaga, Emma CakeCup ou Axel Lattuada, pour ne citer que ceux-ci…

A des années-lumières de ces « macro-influenceurs » déjà reconnus et des autoroutes – pas encore si bien balisées – de l’influence en BtoC, il est à mon sens des sentiers encore moins bien éclairés à ce jour : ceux du marketing d’influence BtoB.

Et c’est assurément le grand mérite du très dynamique CMIT (le Club des marketeurs de la Tech²), associé à l’agence Faber Content³, d’avoir publié cette semaine un remarquable Livre blanc de synthèse sur le sujet, intitulé « L’influence B2B, une histoire de gourou, de leader d’opinion ou d’expert », auquel j’ai eu le plaisir et l’honneur de contribuer*.

Et de quoi est-il question dans ce Livre blanc, me direz-vous ? Et bien de marketing d’influence bien entendu, et plus précisément de ce qu’est exactement un influenceur dans les secteurs BtoB, sur quoi repose son influence et comment il est possible de collaborer avec lui.elle ou de l’engager vis-à-vis de votre marque, en particulier.

Où l’on apprend notamment – et cela ne sera peut-être pas une surprise pour vous – que les modalités d’actions, budgets et moyens alloués par les entreprises BtoB au marketing d’influence n’ont en définitive pas grand chose à voir avec les pratiques de leurs consoeurs grand public… Et qu’à défaut de « gourou » (dont il n’est pas vraiment question dans le Livre blanc en définitive), les meilleurs moteurs de l’influenceur BtoB – ce qui le distingue – sont avant tout son expertise, sa passion, son dévouement à sa communauté et sa faculté à produire des contenus intéressants et partagés… Les critères de notoriété et de taille de communauté n’étant pas toujours les plus pertinents à prendre en compte pour un influenceur BtoB, puisqu’un bon ambassadeur-salarié ou un pair peut rayonner parfois aussi fort qu’un influenceur ou un spécialiste autoproclamé.

Pour vous donner un premier aperçu du très riche contenu de cette publication, à laquelle ont contribué de nombreux experts et que je vous incite évidemment à découvrir et à lire in extenso ici, mais aussi pour résumer les enseignements de la très intéressante étude réalisée à cette occasion par le CMIT et Faber Content, je n’ai pas résisté à vous en livrer ma propre synthèse ci-dessous. A ma manière bien entendu, alors n’hésitez pas à réagir à cet article et à me faire part de vos commentaires, ici et sur les réseaux sociaux, pour continuer à échanger sur ce sujet passionnant !

Influence et influenceurs BtoB : quelques point communs avec le marketing d’influence BtoC… mais surtout de vraies différences !

Il faut tout d’abord féliciter Jean-Denis Garo, Président du CMIT et Fabrice Frossard, ex journaliste et fondateur de Faber Content, d’avoir su si bien préparer et synthétiser la très dense matière de ce Livre blanc, et d’avoir su pour l’occasion s’entourer de si nombreux experts.

Pas moins de 39 opérationnels du marketing, des SI et de la communication (dont un certain nombre d’influenceurs comme Camille Jourdain, Alban Jarry, Cyrille Franck ou Fabienne Billat) ont en effet accepté de participer à cette publication et de donner leur avis sur cette matière en pleine évolution qu’est l’influence BtoB.

Et là où, dans la multiplication des points de vues et avis, on aurait pu redouter une certaine dilution voire une cacophonie – ou à tout le moins une vision pointilliste du sujet – ce sont a contrario quelques grandes lignes de force qui ressortent de cet ouvrage choral, bien mises en perspective par les résultats très cohérents de l’étude CMIT-Faber Content sur le marketing d’influence BtoB…

Et le premier constat de l’ouvrage, plutôt factuel et largement partagé par les différents contributeurs et confirmé par l’étude, est le suivant : plutôt que des « gourous », des « stars » ou des influenceurs autoproclamés, la plupart des influenceurs en BtoB sont avant tout des experts, passionnés par leur métier et reconnus comme tels par leur communauté, auprès de laquelle ils apparaissent « légitimes ».

Créateurs de contenus originaux pour la plupart, voire talentueux agrégateurs de contenus tiers (plus marginalement : cf infographie ci-dessous), les influenceurs BtoB sont appréciés pour la veille qu’ils.elles proposent, leur analyse pertinente et la lecture critique de l’actualité de leur secteur… plutôt que leur capacité à se rehausser du col et à se faire « mousser ».

CQFD : voilà qui commence bien et qui a le mérite de remettre les moutons de l’influence au milieu du pré, pour celles et ceux qui auraient eu encore des doutes à ce sujet !

Et parmi d’autres contributeurs et contributrices, Sandra Requena (Directeur Marketing et Communication d’ITS Group)  d’être l’une des plus explicites : « L’influenceur de qualité reste finalement celui qui ne souhaite pas en être un, dont la passion et le naturel irradient les posts et non celui qui pourrait se laisser séduire par un statut grisant uniquement axé sur l’opportunisme » […] « Choyer et être honnête avec sa communauté, privilégier la qualité à la quantité, apporter son œil d’expert sont certainement les principaux ingrédients à privilégier si demain l’ambition de devenir influenceur BtoB vous titille ».

Directrice Marketing Opérationnel et Communication d’Orange Business Services, Fabienne Kellay renchérit : « Ce ne sont pas des influenceurs en définitive, ce sont des passionnés soucieux de partager, d’apprendre, d’apporter des points de vue à une communauté. Ils sont les piliers de nos écosystèmes et à ce titre sont de vrais leaders d’opinion ! »

De fait, et on retrouve là la deuxième dimension constitutive de l’influence, cette capacité à partager sa passion pour un secteur donné et à produire des contenus de qualité, sans rétribution ni contrepartie financière le plus souvent, en connaissant bien les attentes de sa communauté/de ses publics et en y répondant, est justement ce qui permet aux influenceurs d’exercer un pouvoir de prescription auprès de leurs followers et d’être considérés comme de véritables « leaders d’opinions » (cf graphe ci-dessous) plutôt que de vulgaires « dealers d’opinions » comme le souligne Jean-Denis Garo.

Pour mémoire, un influenceur est en effet au sens premier « un individu qui de par sa position, son statut ou son expression médiatique, peut influencer les comportements de consommation dans un univers donné » (définition très proche de celle du « leader d’opinion » donnée par Paul Lazarsfeld dans les années 50 : voir illustration ci-dessus).

A cet égard, que penser d’un influenceur qui serait référent en termes de contenu et de veille, mais n’aurait aucun pouvoir de prescription ? Sans doute conviendrait-il de le désigner par un autre terme alors, car la capacité à influencer les publics online ou offline, à avoir un réel impact sur les professionnels de sa communauté, demeure évidemment clé !

Autre enseignement de l’étude CMIT-Faber Content et des témoignages des contributeurs de ce Livre blanc : là où l’influence digitale des Youtubers, instagramers et autres blogueurs semble désormais irrésistible dans la plupart des segments de marché BtoC (cosmétique-beauté, tourisme, loisirs, etc), l’influence BtoB est encore largement exercée, dans le monde physique comme le monde virtuel, par des acteurs institutionnels ou ces acteurs traditionnels que sont les journalistes et la presse spécialisée, les analystes de grands cabinets de conseil tels que Gartner, Forrester, IDC ou CXP-PAC pour ne citer que ceux qui interviennent dans le secteur de l’IT par exemple.

A cette influence « traditionnelle » ou institutionnelle, viennent pour ainsi dire s’ajouter l’influence et le pouvoir de prescription des professionnels influents (experts, ambassadeurs-salariés, partenaires, clients des entreprises), disposant de communautés plus ou moins importantes et qui utilisent en premier lieu Twitter, LinkedIn, mais également les blogs (de plateforme ou leurs propres blogs) pour faire entendre leurs voix et diffuser leurs analyses (cf graphe ci-dessous sur les canaux d’influence BtoB les plus utilisés).

L’influence BtoB… Une expertise et une passion dont les influenceurs vivent rarement   

Autre point bien souligné par l’étude CMIT-Faber Content : le marketing d’influence BtoB, bien qu’en net développement, n’en est encore qu’à ses prémices et incomparable en termes de budget et de maturité avec ce qui se pratique aujourd’hui en BtoC…

J’en veux pour preuve les très faibles montants consacrés annuellement par les entreprises à des partenariats avec des influenceurs : le plus souvent ponctuelles (cf graphe ci-dessous) les collaborations ne dépassent un montant cumulé de 5 000 euros par an que dans 25% des entreprises, 75% des marques y consacrant un budget inférieur ou pratiquant uniquement des contreparties en nature (dans 36,5% des cas).

Cela est d’ailleurs cohérent avec les propos tenus par les contributeurs du Livre blanc, dont plusieurs évoquent l’importance croissance du marketing d’influence BtoB… avant de reconnaître qu’ils.elles n’ont aucun budget dédié à y consacrer au sein de leur entreprise (!).

Autres constats un peu déroutants, outre le fait que 60% des répondants à l’enquête déclarent encore ne jamais faire appel à des influenceurs BtoB (une proportion importante qui relativise tout de même les jolies déclarations d’intention des uns et des autres), on voit que la plupart des collaborations des entreprises avec des influenceurs restent très classiques, avec des sollicitations pour des conférences – pas toujours rétribuées d’ailleurs – et la rédaction de contenus publi-promotionnels plus ou moins à la gloire de la marque.

De même, les KPI utilisés pour mesurer a posteriori l’impact de ces opérations ponctuelles demeurent très limités et le plus souvent concentrés sur des métriques d’engagement ou de notoriété de la marque, et non de contribution au business, comme le regrette Yvanie Trouilleux, Manager marketing de Mitel France…

« Si l’objectif de l’influence marketing est d’augmenter la contribution au funnel (la priorité du marketing depuis quelques années), il est paradoxal de constater que ces mêmes marketeurs s’intéressent beaucoup  plus à des KPIs relevant uniquement de la notoriété.  D’après l’étude CMIT-Faber Content, le nombre de vues ou d’impressions semble effectivement être davantage plébiscité au détriment des taux de conversion et de complétion ».

Vous l’aurez compris : si les pratiques des entreprises dans ce domaine de l’influence BtoB trahissent encore un manque de maturité (manque de maturité également perceptible en BtoC dans le domaine de la mesure de la performance des opérations et des partenariats), il est encore rarissime que les influenceurs BtoB puissent vivre de cette influence et de leurs collaborations encore épisodiques avec les entreprises.

Des influenceurs BtoB davantage perçus comme ressources pour la veille que  partenaires potentiels pour des opérations d’influence…

En complément de la statistique que j’énonçais ci-dessus (60% des répondants à l’enquête CMIT-Faber Content déclarant ne jamais faire appel à des influenceurs BtoB), il semble bien en effet que la première utilité perçue pour ces leaders d’opinion soit avant tout de représenter une source de veille, les entreprises n’ayant pas toujours le réflexe ou le budget pour faire davantage en effet.

A ce titre, comme l’indiquent les auteurs de l’étude, « les influenceurs ne seraient donc que des sources d’information au même titre que d’autres », même si quelques marques plus motivées et mieux dotées que les autres commencent à faire appel à eux.

Une hypothèse corroborée par les réponses à la question « Pourquoi suivez-vous des influenceurs BtoB ? » (voir ci-dessous) dans laquelle les fonctions de « veille », « détection des tendances », « alimentation d’une curation », voire « recherche d’avis sur un nouveau produit » demeurent archi-dominantes.

Comment identifier un influenceur BtoB  et travailler avec lui de manière efficace dans la durée ?

On le voit : si tous les professionnels du marketing et de la communication semblent avoir un avis sur l’influence BtoB, bien peu semblent en quelque sorte en avoir un échantillon sur eux ;-) Et les expériences sont encore une fois partielles et ponctuelles, quand collaboration il y a eu.

Nonobstant, la plupart des professionnels sont tous d’accords sur les 4 à 5 étapes et recommandations suivantes  pour réussir un partenariat avec un influenceur BtoB :

1 – Mettre en place une « veille influenceurs », pour identifier les leaders d’opinion réellement influents de votre secteur d’activité

Cette veille peut se dérouler en 3 temps :

>> 1) Identifier qui parle de vous ? Comment en parlent-ils ? Comment parlent-ils de vos concurrents et de vos partenaires ? Cette recherche portera sur le nom de votre marque, sur les réseaux sociaux et sur Google, mais il est évidemment intéressant et pertinent d’élargir votre recherche à tous les mots-clés ou hashtags significatifs sur lesquels vous avez besoin de vous positionner. Sans oublier d’identifier les leaders d’opinion traditionnels (journalistes de la presse spécialisée, analystes) dont tous n’ont pas nécessairement une activité débordante sur les réseaux sociaux mais n’en sont pas moins visibles et influents.

>> 2) Valider parmi ces différents experts, qui sont réellement des influenceurs pertinents pour votre secteur : en déterminant lesquels sont réellement créateurs de contenus et producteurs d’analyses critiques, lesquels a contrario ne sont que des curateurs ? Quelle est l’audience et l’influence réelle de chacun, sa capacité à engager sa communauté ? Quelle est leur niveau de crédibilité et d’éthique ?

>> 3) Sur cette base, il s’agit alors de faire des choix en examinant, sur les moyens et long termes, qui est vraiment présent et intéressant pour la marque, qui serait susceptible de lui apporter une plus-value, en se positionnant sur quelques influenceurs à cibler en priorité.

2 – Nouer contact

Pour cette étape, je ne saurai trop conseiller d’avoir préalablement examiné attentivement les productions et le public des influenceurs ciblés… Quels sont les sujets de prédilection de l’expert ? Quels sont les liens et les habitude qui l’unissent à sa communauté ? A t-il déjà collaboré avec des marques ou jamais par le passé ?

Ces précautions vous sembleront peut être superflues, mais pour recevoir nombre de propositions moi-même, combien de communiqués de presse et de prises de contact maladroites, non ciblées, proposant des sujets ou des coopérations aux antipodes des domaines d’intérêt et des habitudes de l’influenceur considéré ? La remarque est ici la même que pour les influenceurs BtoC, que certaines agences et entreprises continuent de traiter « en masse » comme des journalistes ou pigistes indifférenciés de leur secteur.

Que le leader d’opinion BtoB soit abordé à l’occasion d’un salon, d’une conférence de presse  ou lors d’une autre occasion, ne pas oublier que ce sont des professionnels qui exercent parallèlement à leur passion un véritable métier. Ils ont donc peu de temps et des délais de réponse qui leur appartiennent, aux antipodes de la presse classique le plus souvent.

3 – Proposer et organiser une collaboration

Pour les experts intéressés par la marque, et susceptibles d’être ouverts à une coopération, les précautions à prendre avec ces nano ou micro-influenceurs sont souvent les mêmes que pour les influenceurs BtoC : il s’agit que les coopérations proposées soient vraiment des « win-win », offrant l’opportunité à l’expert de faire croître sa communauté (son premier objectif bien souvent, au delà des contreparties financières ou en nature).

A ce titre, on veillera à lui laisser carte blanche dans les domaines créatifs et à ne pas imposer à tout crin sa charte d’entreprise et ses éléments de langage, si ceux-ci sont très éloignés du ton et des pratiques de l’influenceur en question. Il s’agit en effet que celui-ci / celle-ci ait en effet envie de recommencer l’expérience, et d’engager un partenariat dans la durée.

4 – Mesurer l’efficacité du partenariat et viser un partenariat pérenne plutôt que des « one shots »

Le montage d’opérations communes exigeant un minimum de confiance réciproque et une connaissance mutuelle, qui ne pourra se développer qu’avec la répétition des partenariats, les marques ont tout intérêt à viser le moyen et le long termes plutôt que des collaborations ponctuelles, quand elles en ont les moyens évidemment.

Cela suppose d’être exigeant également sur l’analyse des retombées des opérations, en ne se contentant pas des statistiques d’engagement parfois assez vagues fournis par certains, mais en mettant évidemment sur pied ses propres outils de veille, pour voir combien de fois les hashtags ou mots clés ont été repris, le nom de la société a été cité, par qui et avec quel ton (positif/neutre/négatif) bien évidemment…

Là encore : des conseils de bon sens, mais pas forcément appliqués par toutes les entreprises…

Et les ambassadeurs-salariés dans tout ça ? Et les clients-partenaires ?

A celles et ceux qui auraient une définition particulièrement restrictive de l’influence, rappelons que tout individu a la capacité d’influencer autrui. Et en ligne, cela a été suffisamment souligné, les fameux « nano-influenceurs » – que peuvent être les ambassadeurs, des clients ou des partenaires – ont un impact et une crédibilité vis-à-vis de leurs pairs bien supérieure aux « macro-influenceurs ».

Ainsi, les ambassadeurs-salariés peuvent avoir un véritable pouvoir de prescription, et c’est bien dans cette optique – je serai amené à en reparler – qu’un certain nombre d’entreprises ont commencé à booster les programmes de formation de leurs collaborateurs en matière de social selling, comme IBM France, qui s’est fixé des objectifs ambitieux dans ce domaine.

Si tout un chacun n’est en effet pas un influenceur, au sens premier du terme, il reste évident que chacun a un réel pouvoir d’influence et de prescription. Et il appartient aux entreprises de laisser une latitude suffisante à leurs collaborateurs dans leur politique d’employee advocacy et dans leur expression sur les réseaux sociaux notamment, pour ne pas transformer ceux-ci en vulgaires « porte-voix » des messages corporate ou commerciaux de la marque… Chacun y perdrait en effet en crédibilité auprès de sa communauté.

 

 

 

Notes et légendes :

(1) Parmi mes précédents articles, à découvrir ou redécouvrir sur la thématique du marketing d’influence, je vous recommande notamment ceux-ci : « Influence 2.0 : et si on mettait enfin le marketing d’influence au service du parcours client ? » et « La nano-influence : nouvelle pilule miracle de la pharmacopée digitale ou poudre de perlimpinpin ? »  

(2) Le CMIT ou Club des Marketeurs de la Tech, fondé en 2003, réunit à ce jour plus d’une centaine d’adhérents autour de problématiques Business to Business. Présidé par Jean-Denis Garo, International Integrated Marketing Director chez Mitel, ce Club a en particulier pour mission de « promouvoir la valeur et la contribution des métiers du marketing et de la communication au sein de son écosystème ».  

Pour plus d’information sur les activités de ce Club, ses nombreux évènements et livres blancs précédents, vous pouvez en découvrir davantage sur le site du CMIT.

(3) Fondée par Fabrice Frossard, ex journaliste, Faber Content est une agence de communication qui accompagne les entreprises dans la définition et la mise en place de leur stratégie de contenu, la création de contenus experts (blogs, infographies, livres blancs, vidéos…) et leur amplification.

* Retrouvez ci-dessus ma contribution au Livre blanc du CMIT et de Faber Content : « Influenceur B2B : un passionné reconnu pour son expertise et ses contenus par une communauté de professionnels ».

 

Crédit photos et illustration : 123RF, CMIT-Faber Content, TheBrandNewsBlog 2019, X, DR.

 

 

 

Leadership digital des dirigeant.e.s d’entreprise : de nets progrès, mais « peut encore mieux faire »…

De longue date, je vous ai entretenus sur ce blog de l’importance pour les dirigeant.e.s d’incarner pleinement leur entreprise et leur(s) marques, quitte à en devenir les premiers « storytellers » ¹.

Et de fait, ces dernières années, nous avons assisté à une véritable libération de la parole des patron.ne.s de grands groupes et d’organisations, une sorte de « Printemps du leadership » à la fois bien vu et bienvenu, les capitaines d’industries et autres dirigeant.e.s d’institutions et d’associations hésitant de moins en moins à s’exprimer en dehors des thématiques convenues liées à leur business et à la performance de leur entité.

Cette incarnation vertueuse des entreprises par leur CEOs, plébiscitée par les collaborateurs.trices et par les consommateurs, en attente de davantage d’engagement de la part des marques, a néanmoins mis un certain nombre d’années avant de se traduire sur les réseaux et médias sociaux. Pas toujours à l’aise avec les nouveaux outils du « web 2.0 » ni avec ses codes, certain.e.s ont en effet mis beaucoup de temps à se lancer…

Mais voilà, ça y est : ainsi que le dévoilait il y a quelques jours l’agence Angie+1, en délivrant la deuxième édition de son étude « TOP 100 du leadership digital » ², cette fois il semblerait qu’une majorité de P-DG de grandes entreprises s’y soit mis, avec plus ou moins d’assiduité et de pertinence il est vrai, mais le pas est franchi. Et les exemples de dirigeant.e.s à la stratégie digitale exemplaire, ayant mis en oeuvre une vraie ligne éditoriale tenant compte des atouts et spécificités de chaque plateforme, ne sont plus des cas isolés.

Ainsi, comme vous pourrez le voir ci-dessous, Patrick Pouyanné (Total), Emmanuel Faber (Danone) et Isabelle Kocher (Engie) trustent activement les 3 premières places du classement établi sur la base de 7 critères par l’agence Angie+1. Et des dirigeant.e.s d’entreprises et d’organisations de nombreux autres secteurs d’activité sont également représentés, témoignant d’une vraie prise de conscience de l’importance et des possibilités du leadership digital, en lien avec les stratégies d’employee advocacy des entreprises.

Une bonne occasion de rediscuter de l’importance de l’incarnation des marques par leur dirigeant.e.s et des facteurs clés de succès d’un véritable leadership digital avec François Guillot, directeur associé d’Angie+1 et Mathilde Aubinaud, créatrice de la Saga des audacieux et auteure d’un mémoire de référence sur « la figure du dirigeant à travers sa marque ».

…Et ainsi que vous le verrez, la « raison d’être » est encore une fois au coeur du sujet ce matin sur le BrandNewsBlog, puisque les dirigeant.e.s d’entreprise les plus dynamiques et les plus influents n’hésitent pas à mettre leur compte au service des engagements de leurs entreprises et à appuyer leur leadership sur l’affirmation d’un « purpose », au service de la société toute entière…

Le BrandNewsBlog : François, tout d’abord bravo à vous pour cette deuxième édition de votre étude « Top 100 du leadership digital ». De par le nombre de dirigeants dont vous avez ausculté l’activité, la richesse et la profondeur des critères que vous avez croisés et la masse de publications que vous avez du brasser, on comprend que cela a du représenter un travail considérable ! Pouvez-vous nous en dire plus sur la méthodologie utilisée et les 4 principaux critères retenus pour cette étude ?

François Guillot : Merci Hervé. L’idée de départ de l’étude était de prendre une photo très globale d’un phénomène que l’on perçoit tous mais qui méritait d’être objectivé : la tendance croissante des patrons français à utiliser les réseaux sociaux. Plutôt que de s’arrêter au traditionnel CAC 40 ou de faire une liste de « patrons influents », ce qui aurait sans doute conduit à une sur-représentation des patrons de start-ups, nous avons voulu regarder l’activité des CEOs de grandes entreprises françaises, pour nous intéresser au tissu économique de façon beaucoup plus globale et transversale.

La première étape a donc consisté à réunir notre « corpus » : nous avons cherché du côté du SBF 120, de l’AFEP, des EPIC, des grandes marques… et nous avons mené en parallèle des recherches sur les grandes entreprises en rentrant secteur par secteur, notamment. A la suite de ce travail, nous avons identifié 150 CEOs particulièrement actifs sur les réseaux sociaux (contre 120 l’an dernier).

La deuxième étape de notre travail a consisté à mesurer le leadership digital de ces dirigeant.e.s et nous l’avons réalisé à l’aune de 4 familles de critères : 1) l’audience (= plus je suis suivi, plus j’ai des chances d’élargir le public qui me suit) ; 2) l’activité (= si je ne suis pas actif, je n’exprime pas mon leadership). Par exemple, Xavier Niel, qui est suivi par près de 200 000 comptes sur Twitter mais n’a tweeté que deux fois en 2018, a été sorti du corpus ; 3) l’engagement, un critère classique sur les réseaux sociaux (= cela nous dit quel niveau d’interaction suscite le CEO) ; et enfin 4) l’attractivité, qui a été mesurée à l’aune de l’audience de la page Wikipédia de ces P-DG (quand ils.elles en ont une), et qui est une autre manière de mesurer l’intérêt qui leur est porté.

Le BrandNewsBlog : Dans l’introduction de votre document de synthèse, vous évoquez le travail minutieux de « data crunching » que vous avez du effectuer, « en partie en utilisant des algorithmes, en partie a la mano ». En quoi a consisté ce data crunching ? Et pourquoi avoir choisi d’examiner en priorité Twitter, LinkedIn et Wikipedia, à l’exclusion des autres plateformes sociales et des blogs ? Certains blogs fameux de dirigeants, comme celui de Michel-Edouard Leclerc, soutiennent leur leadership digital : pourquoi ne pas avoir retenu ces canaux ? L’influence digital de MEL n’en a-t-elle pas pâti (il apparaît seulement à la 11ème place de votre classement) ?

François Guillot : Et bien quand je parle de « data crunching » et en ce qui concerne par exemple Twitter, notre équipe spécialisée en data a lancé des scripts qui permettent d’éliminer tous les abonnés « morts », afin de reconstituer une « vraie audience ». En faisant cela, nous avons remarqué que l’audience « morte » sur Twitter pouvait aller de 10 à 75% selon les P-DG étudiés. Nous avons également fait ce travail d’identifier les comptes certifiés et les comptes de journalistes parmi les bases d’abonnés des dirigeant.e.s que nous avons étudié.e.s, et nous les avons en définitive « sur-pondérés », pour donner une note globale d’audience qualifiée dépassant le seul nombre de followers, qui ne veut plus dire grand-chose…

En ce qui concerne les plate-formes analysées, nous avons bien sûr retenu Twitter parce que c’est le lieu du débat public, de l’influence, de l’actu chaude, du live. Nous avons aussi regardé de près LinkedIn parce qu’il permet, à travers la publication d’articles sur LinkedIn Pulse notamment, de développer un véritable point de vue. Et dans ce contexte, le dirigeant est typiquement dans un exercice de prise de hauteur.

L’alliance de ces deux plateformes crée une belle complémentarité et à ce titre, notre classement distingue les patrons qui sont particulièrement présents et actifs sur ces deux réseaux. Concernant Wikipédia, il me semble que la mesure des audiences (et des écarts importants qui existent d’une personnalité à l’autre) est également très révélatrice de leur attractivité respective. C’est à cet égard un critère assez étonnant et fascinant.

En ce qui concerne enfin les blogs et les autres plates-formes sociales, nous avons considéré que leur usage était trop minoritaire et que les inclure serait susceptible de poser d’importants problèmes méthodologiques. Peu de patron.ne.s ont un blog en réalité, et Michel-Edouard Leclerc, l’un des rares à en avoir, y publie les mêmes articles que sur Facebook et Linkedin : nous n’avons donc pas eu l’impression de dévaluer son influence. En fait, le nouveau format de blog aujourd’hui dans le business, c’est LinkedIn. Après, il faut noter qu’il y a également des CEOs présents sur Instagram (Isabelle Kocher, et Alexandre Ricard par exemple) ou Facebook, mais c’est assez minoritaire, et cela a encore peu d’impact pour le moment.

Le BrandNewsBlog : Votre classement 2019 fait ressortir un certain nombre de dirigeants charismatiques, en particulier Patrick Pouyanné (Total, 1er du classement), Emmanuel Faber (Danone, 2ème) et Isabelle Kocher (Engie, 3ème), qui figuraient déjà tous les trois dans votre tiercé de tête en 2018. Les 7 P-DG suivants (cf tableau ci-dessous) sont eux aussi des représentants de grandes entreprises, majoritairement du CAC 40… Est-ce à dire qu’on a aucune chance de viser le haut du classement si on est patron d’une entreprise plus modeste, du SBF 120 et au-delà ? N’y-a-t-il pas pourtant des dirigeants digitalement exemplaires dans ces structures ?

François Guillot : Emmanuel Faber était quatrième l’an dernier (le trio était à l’époque complété par Carlos Ghosn). Les résultats favorisent effectivement des patrons « connus », notamment parce que le critère Wikipédia leur ajoute des points et parce que la célébrité engendre aussi l’audience et l’engagement. C’est plus facile pour un patron déjà présent dans le débat public que pour un inconnu qui part de zéro sur les réseaux sociaux, c’est évident.

Mais je suis bien sûr persuadé que des patrons de structures moins exposées peuvent aussi avoir une excellente communication sur les réseaux sociaux, au service des enjeux de leur entreprise. En dehors du CAC, on a par exemple Alain Dehaze d’Adecco qui est 8ème, Gérald Karsenti de SAP France qui est dixième, Pascal Demurger de la MAIF qui est treizième…

Le BrandNewsBlog : J’ai tout de même noté, dans les 30 premières places, et crédités d’un « score de leadership digital » de plus de 30, la présence de deux dirigeants de grandes écoles : Isabelle Barth d’une part (INSEEC, 12ème) et Loïc Roche (Grenoble Ecole de Management, 26ème). Comment ces dirigeants d’institutions ont-ils réussi à se glisser dans ce classement très orienté grandes entreprises ? De même, quand on examine les résultats détaillés de chaque CEO par plateforme, en fonction de leur activité ou de leur taux d’engagement, on s’aperçoit que les classements peuvent significativement varier (Cf infographies ci-dessous). Est-ce à dire que le trio de tête des leaders digitaux est plutôt bon en moyenne sur toutes les plateformes, sans figurer parmi les premiers sur aucune d’entre elles ? Quels enseignements faut-il en tirer ?

François Guillot : Concernant les Ecoles Supérieures de Commerce, nous nous sommes posé la question et nous avons fait le choix de les inclure. Beaucoup de leurs dirigeant.e.s ont un usage des réseaux sociaux très intéressant, et le classement a d’ailleurs vocation à fournir un benchmark à tous ceux qui se posent la question de la communication digitale des dirigeants. A ce titre, on peut considérer qu’au-delà de l’effectif salarié, une école rassemble aussi des centaines de professeurs experts, donc une surface proche de celle d’une ETI, voire d’une grande entreprise.

Et oui, pour répondre à la question sur les différents classements présents dans notre étude, il est clair que l’addition de 7 critères différents favorise les CEOs qui ont des « bonnes notes » un peu partout, sans avoir de « trou dans leur raquette ». C’est pour ça que l’étude comporte un certain nombre de zooms, critères par critères, qui sont assez révélateurs.

Alexandre Bompard a ainsi l’audience la plus qualifiée sur Twitter, Frédéric Oudéa sur LinkedIn. Dominique Schelcher est le plus actif sur Twitter, Loick Roche sur LinkedIn. Stéphane Richard est celui qui génère le plus d’engagement sur Twitter tandis que c’est Patrick Koller qui en génère le plus sur LinkedIn. Enfin, celui qui est le plus recherché et visité sur Wikipédia est Guillaume Pépy. On ne retrouve donc aucun des top 3 en tête sur un critère en particulier, en effet.

Le BrandNewsBlog : Vous le soulignez, dans cette édition 2019, un des plus puissants leviers du leadership digital – en tous cas un point commun à tous les P-DG en tête de votre classement –  est de porter haut et fort la « cause », la « raison d’être » ou le combat de leur entreprise… A ce titre, en quoi Emmanuel Faber (patron de Danone) et Pascal Demurger (DG de la Maif) vous paraissent-ils tous deux exemplaires ? En une slide de synthèse (cf ci-dessous), vous résumez par ailleurs finement la stratégie éditoriale vertueuse utilisée par les P-DG pour traiter ce thème de la raison d’être sur les réseaux sociaux, en utilisant les spécificités de chaque plateforme : pouvez-vous nous en résumer les points saillants ?

François Guillot : Emmanuel Faber s’est fait un nom et une réputation avec son discours sur la justice sociale à HEC, qui a été vu des millions de fois sur les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs très intéressant comme mécanique d’accès à la célébrité, surtout pour un patron (je pense que c’est le premier patron « star du web », d’une certaine façon…). Depuis, il est devenu le pionnier de la réflexion sur la mission des entreprises et il ne parle pas forcément beaucoup, mais chacune de ses prises de parole est forte. Son article sur la justice sociale sur LinkedIn est de ce point de vue très symbolique, il creuse de façon argumentée le discours tenu à HEC, qui jouait davantage sur l’émotion.

Pascal Demurger s’inscrit également dans cette dynamique : loi Pacte, entreprise à mission, lutte contre les inégalités, surconsommation, réchauffement climatique…

On assiste à une éclosion passionnante de dirigeants qui veulent changer le monde, et qui utilisent leur position pour cela. Et ils sont largement suivis, car il existe une forte demande de changement positif et beaucoup de salariés d’entreprises ressentent le besoin de participer à ce changement.

A l’heure où on se demande ce que peuvent vraiment faire les pouvoirs publics, les citoyens ou les consommateurs, et où beaucoup de changements dans nos vies quotidiennes sont impulsés par les entreprises, on peut se légitimement demander si les avancées sociétales et environnementales ne doivent pas être impulsées en premier lieu par ces acteurs économiques. Que des dirigeant.e.s souhaitent faire bouger les lignes dans ces domaines a donc beaucoup de sens !

Le BrandNewsBlog : De nombreuses études, comme le Trust barometer 2019 publié récemment par l’agence Elan Edelman soulignent à quel point les internautes et les citoyens ont tendance à faire davantage confiance aux institutions et représentants qui leur sont proches (à commencer par leur patron d’entreprise) plutôt qu’aux institutions et autorités plus distantes. De même, vous venez de le souligner, il semble qu’il y ait une attente croissante au sein du grand public pour davantage de prises de parole des CEO, sur les sujets sociétaux notamment. En quoi cette incarnation de la parole de l’entreprise par leur P-DG vous paraît-elle particulièrement importante ? Et quelle plateforme vous semble la plus qualitative pour partager cette vision aujourd’hui : vous recommandez beaucoup LinkedIn (utilisée par 70% des patrons) avant même Twitter (pourtant utilisée par 90% d’entre). Pourquoi ? Quels sont les avantages de l’un et de l’autre de ces plateformes pour les dirigeants ?

François Guillot : Vous avez raison, la confiance des publics obéit en effet à des lois de proximité : c’est assez normal de faire confiance à celles et ceux que je connais, donc davantage à ma ou mon P-DG davantage qu’à celui ou celle des autres d’ailleurs. Si, à cette loi naturelle, s’ajoute une proximité créée et soutenue par une bonne communication (= je lis ce patron > je comprends ce qu’il dit > je trouve ça intéressant > je me sens proche), alors il y a beaucoup à gagner pour les dirigeants et pour les entreprises.

De plus, il faut noter qu’il y a toujours eu un intérêt pour la personnalité des patron.ne.s. On le voit depuis longtemps dans la presse business, qui angle généralement ses histoires sur l’action du capitaine d’industrie plutôt que celle de son entreprise. Les réseaux sociaux, en permettant d’être en prise directe avec ces CEOs, satisfont ce besoin.

Après, en ce qui concerne les plates-formes, chacune a ses caractéristiques et ses qualités spécifiques, mais je pense que LinkedIn a longtemps été sous-estimé par les dirigeant.e.s qui ont été davantage attiré.e.s par ce formidable objet médiatique qu’est Twitter. C’est pour cela qu’ils y sont aujourd’hui encore plus nombreux. Mais Twitter recquiert aussi davantage de maturité en communication : il faut potentiellement avoir un avis sur tout, entrer dans une dynamique d’interaction, participer au débat…

LinkedIn a pour lui d’être plus « rassurant », plus safe : on sait où on est, en l’occurrence sur un réseau professionnel plutôt bienveillant. Mais un réseau très puissant également, comme en témoignent les nombres d’abonnés, statistiques d’engagement, etc. Donc je pense que dans la maturation digitale d’un dirigeant, c’est plus facile de commencer par LinkedIn, avant de descendre dans « l’arène » de Twitter…

Le BrandNewsBlog : Si vous soulignez une progression collégiale de l’ensemble des patrons que vous avez suivis en matière de maîtrise digitale (le score de leadership moyen augmentant de 9% par rapport à 2018), plus de la moitié des P-DG de votre classement a une note inférieure à 30, c’est à dire plutôt faible voire médiocre… Et sans trahir de secret, je crois savoir que beaucoup de P-DG, y compris parmi les premiers de votre classement ont tendance à publier rarement eux-mêmes/elles-mêmes, préférant confier la gestion et l’animation de leurs comptes sociaux à leur équipe ou à des agences. Quels sont les avantages et les inconvénients d’une telle délégation ? Et quels conseils donneriez vous aux P-DG ayant encore un score de leadership inférieur à 30 pour mieux faire l’année prochaine ?

François Guillot : La délégation est tout à fait dans l’ordre des choses. Il faudrait en effet être naïf pour croire qu’un.e P-DG, même très investi.e en communication, a les moyens et le temps d’opérer sur tous ses réseaux sociaux lui-même/elle-même.

Certains co-opèrent au fil de leurs inspirations et c’est déjà très bien. Ce qui compte, c’est leur investissement dans la communication, d’avoir quelque chose à dire, le fait de voir leur équipe de communication maîtriser ce sujet, de définir avec elle les orientations, de comprendre ce qui s’y passe… Comprendre également que le monde a changé et que la communication ne se borne pas/plus à faire partir un communiqué de presse quand on croit avoir quelque chose à dire !

On peut avoir l’impression d’enfoncer des portes ouvertes en disant cela, mais il nous appartient en tant que communicant.e.s d’achever de changer le regard des dirigeants sur la communication.

Concernant les notes attribuées à la plupart des dirigeants étudiés, elles sont « mi-figues mi-raisin » en effet. Mon article sur l’étude de l’an dernier s’intitulait « le verre d’eau à moitié plein ». On peut en effet considérer qu’il y a une cinquantaine de CEOs qui disposent d’une réelle stratégie digitale, même imparfaite, alors que les autres sont encore dans l’improvisation ou une phase de découverte…

Ils.elles pourraient souvent faire beaucoup mieux, et les équipes de communication qui les accompagnent sont très souvent frustrées de ne pas faire davantage car elles réalisent parfaitement le potentiel inexploité. Mais le sujet dépasse évidemment la seule problématique des réseaux sociaux : il s’agit de mettre la communication au service du leadership des dirigeant.e.s, d’avoir quelque chose à dire, et d’avoir mûri dans sa relation au numérique…

De ce point de vue, après les geeks, les jeunes et les moins jeunes, les politiques, les marques, les entreprises, les salariés… les patrons sont un peu le dernier maillon de la chaîne à investir les réseaux sociaux… Mais la maturation est en train de se faire. Il y a 15 ans, on avait un seul patron blogueur : Michel-Edouard Leclerc. Aujourd’hui, on en a 150 qui sont actifs sur les médias sociaux.

Et dieu merci, la phase de doute existentiel en mode « Mais que fait-on quand on a des messages négatifs ? », qui était si bloquante chez certain.e.s, semble enfin révolue. On n’entend plus, heureusement, ce genre de remarques. Tant mieux… La transformation est en marche. Donc, le meilleur conseil c’est d’y aller et de ne pas / de ne plus avoir peur !

Le BrandNewsBlog : Parmi les CEO les plus actifs sur Twitter et LinkedIn, c’est à dire celles et ceux ayant le plus fort volume ou la plus haute fréquence de publications, il me semble que beaucoup sont eux-mêmes/elles-mêmes souvent à la manoeuvre sur leurs comptes de réseaux sociaux, au moins une partie du temps  Et qu’ils.elles n’hésitent pas à interagir ou à entrer en conversation avec les autres internautes, ce que font plus rarement les P-DG ayant une activité uniquement pilotée par leurs communicant.e.s… Cette spontanéité n’est-elle pas vertueuse ? Et a contrario, n’existe-t-il pas un risque, au travers de prises de parole de CEO trop formatées et pilotées/planifiées, que cette parole devienne à son tour « aseptisée » et déceptive, même si on compte sur la force des réseaux d’ambassadeurs et l’employee advocacy pour relayer cette parole de dirigeant ?

François Guillot : Si, bien sûr, la spontanéité est vertueuse et l’analyse de celles et ceux qui sont les plus actifs laisse en effet penser qu’ils interviennent et publient régulièrement eux-mêmes. Laurent Vimont de Century 21 en est un exemple vertueux fréquemment cité. On aimerait tendre vers ça mais l’étape de délégation et de communication plus prudente est souvent nécessaire. Il faut en effet voir la maturation comme un process : de l’hostilité à l’acceptation puis à l’envie, du test à la stratégie, du discours officiel à la vision et l’expression personnelle et interactive. On ne devient pas un champion de Twitter en quelques jours : on passe par plusieurs étapes et il y a aussi un « apprentissage de la spontanéité » qui requiert une réflexion sur soi, sur sa communication, et une compréhension des codes de la culture digitale (je ne parle pas des émojis mais d’un état d’esprit : le « ça se tweete ou pas »).

De ce point de vue, beaucoup de communicant.e.s doivent encore apprendre à « lâcher prise » et à encourager la spontanéité… Il ne faut pas perdre de vue que le véritable objectif du communicant, pendant longtemps, était la maîtrise du risque. C’est moins vrai aujourd’hui, mais on est encore en partie dans « l’effet diligence » des réseaux sociaux. C’est à dire le fait d’utiliser une innovation comme celle qui l’a précédé, comme au far west où les premiers wagons de train avaient un look de diligence… Donc sur les réseaux sociaux, certains veulent avant tout pousser des messages « sans risque », comme on le faisait dans l’ancien monde (souvent avec une absence d’impact, mais sur les réseaux sociaux, l’absence d’impact se voit).

Or pour une communication moins aseptisée, on a besoin des vrais gens. L’expression de la marque corporate n’emporte pas tout : elle est souvent très contrainte et tentée par le lissage. Les individus, dont les CEOs font partie, peuvent proposer davantage d’aspérités, et on a tous davantage envie d’être en contact avec des vrais gens plutôt que des entités désincarnées !

Plus généralement, je crois qu’on n’est encore qu’au tout début de l’employee advocacy, au sens prise de parole (pas forcément seulement sur les réseaux sociaux d’ailleurs) du CEO, mais aussi du reste du Comex, des experts, des patrons de régions ou d’entités, des enthousiastes, etc. Peut-être dans un futur proche verra-ton des directions de la communication créer des directions de l’employee advocacy d’ailleurs, au même titre qu’une direction des relations publiques…

Le BrandNewsBlog : Bonjour Mathilde. Vous qui avez travaillé sur l’incarnation de la marque à travers son/ses dirigeants, que vous inspirent les résultats de ce « top 100 du leadership digital » ? Etes-vous notamment surprise de la faible proportion de femmes dans ce classement (elles sont 16 pour 84 hommes cette année, contre 18 pour 82 hommes en 2018, avec 2 femmes seulement parmi les 20 premières places) ? A l’exception notable d’Isabelle Kocher (3ème), cette faible visibilité numérique vous paraît-elle correspondre à la sous-représentation des femmes à la tête des entreprises, ou bien y-a-t’il d’autres facteurs d’explication à votre avis ?

Mathilde Aubinaud : L’écart est manifeste. Et cela persiste dans l’imaginaire collectif. Les représentations et les incarnations du leadership demeurent liées à un univers masculin. Ce sont bien souvent les hommes dirigeants qui s’emparent de la parole dans l’espace médiatique et se font davantage entendre.

Fort heureusement, on perçoit une évolution. Les barrières se lèvent peu à peu, l’autocensure tend à se perdre son importance. Vous évoquez Isabelle Kocher. Celle-ci prend la parole de façon très régulière sur les réseaux sociaux. La DG d’Engie y expose sa vision de la société et des enjeux clés comme la révolution énergétique que nous sommes en train de vivre. Une vision qu’elle entend défendre en tant que dirigeante. Une vision qui dépasse le seul prisme de son industrie. Elle fait d’ailleurs partie du Top 10 des influenceurs LinkedIn de l’année 2018 tout comme Clara Gaymard, qui entend sensibiliser, avec Gonzague de Blignières, à l’importance d’une économie bienveillante avec le MEB initié en 2018.

De plus en plus, les dirigeantes s’emparent des réseaux sociaux et les investissent à un rythme régulier à l’image de Sophie Bellon, citée dans le classement d’Angie +1 et Présidente du conseil d’administration de Sodexo, qui a rejoint Twitter en début d’année. Elle met en lumière la raison d’être du Groupe dès son premier tweet : « At @SodexoGroup, our ambition is to improve #qualityoflife for 1 billion people around the world. »

Le BrandNewsBlog : Dans votre mémoire « De l’audace d’entreprendre. La figure du dirigeant à travers sa marque », vous aviez choisi de faire un zoom sur 4 P-DG charismatiques ayant eux-mêmes construit leur marque de services : Steve Jobs, Richard Branson, Bernard Arnaud et Xavier Niel. Les deux derniers cités sont d’ailleurs absents du classement des leaders digitaux dévoilé par Angie + 1. Est-ce à dire qu’un dirigeant peut avoir une grande aura médiatique (voire un nombre de followers important sur les plateformes où il est présent, comme Xavier Niel), sans être pour autant un leader digital, en tous cas sans être proactif sur les réseaux sociaux et sans stratégie digitale ??

Mathilde Aubinaud : Dans ce mémoire, je souhaitais interroger les liens entre ces figures identifiées du grand public et les marques que celles-ci portent. Leur posture, l’image véhiculée et les enjeux qui se posent.

Leur aura s’affirme, en effet, bien au-delà de leurs secteurs respectifs et cela depuis longtemps. Si l’on met l’accent sur le digital, les prises de parole des dirigeant.e.s ne s’y limitent pas et heureusement. L’enjeu est d’éviter de diluer sa prise de parole en se dispersant. Il est crucial de revenir sur les fondamentaux de la communication. A quels publics souhaitent-ils s’adresser ? Puis vient, ensuite seulement, la question du canal. Celui-ci se doit d’être cohérent avec les publics visés et le message véhiculés. Il s’agit bien entendu d’adapter les supports de prise de parole aux parties prenantes qu’entend viser la marque et de s’y inscrire en cohérence.

Le BrandNewsBlog : Vous faites évidemment partie des experts de la communication qui estiment que l’incarnation de la marque par son/ses dirigeants est un atout pour l’entreprise, notamment en termes de visibilité, de notoriété et d’image. Et dans votre excellent mémoire, vous analysiez notamment le storytelling efficace mis en oeuvre par les patrons les plus charismatiques. A ce titre, vous avez du être sensible à la typologie en 8 profils de leaders (voir infographies ci-dessous) proposée par Angie + 1 dans son analyse : « L’ambassadeur », « Le visionnaire », « Le citoyen »… Est-ce cela correspond aux différents types de storytelling de dirigeant.e.s que vous avez pu relever sur les réseaux sociaux ??

Mathilde Aubinaud : La manière dont le.la dirigeant.e porte et incarne sa marque est en effet cruciale pour l’inscrire dans la durée. Même si notre échelle de temps s’assimile de plus en plus à celle du social media, l’enjeu est bien celui de créer une préférence sur le long terme.

Les profils de leaders proposés par Angie + 1 reflètent bien la diversité des postures sur les réseaux sociaux. Chacun adopte une posture qui lui est propre en fonction de sa personnalité et de l’engagement qu’il entend porter. L’enjeu est bien pour les dirigeant.e.s de quitter une dimension unidirectionnelle afin de s’inscrire dans la conversation, en laissant transparaître leur état d’esprit et leur vision.

Dans la pratique, il faut bien reconnaître que ce n’est pas si souvent le cas. Il s’agit de quitter, en partie, le discours attendu pour faire ressortir leurs traits de personnalité, la manière dont ils portent leurs équipe, dont ils.elles appréhendent la marque. Quand un.e dirigeant.e prend la parole sur les réseaux sociaux, cela se ressent d’emblée et permet de ressérer les liens avec les publics auxquels il.elle entend s’adresser.

Le BrandNewsBlog : Mathide, vous êtes aussi une ardente supportrice des entrepreneurs audacieux et de l’audace en général, comme en témoigne bien votre blog « La Saga des audacieux ». Quels sont justement, parmi les leaders classés dans ce top 100 du leadership numérique, celles et ceux qui vous impressionnent le plus par l’audace de leur prise de parole, ou par la qualité du storytelling qu’ils.elles ont su déployer ? Et pourquoi?

Mathilde Aubinaud : Pour ma part, je retiens notamment les prises de parole de Gérald Karsenti, DG de SAP France et de Laurent Vimont, Président de Century 21. J’admire la manière dont ils appréhendent la construction du leadership, loin des lectures habituelles.

 

Notes et légendes :

(1) « Brand leaders, storytellers, digital evangelists : les nouvelles casquettes des dirigeants de demain », Hervé Monier – The BrandNewsBlog, 14 juin 2016

(2) Accès à la présentation slideshare de synthèse de l’étude « TOP 100 du leadership digital » réalisée par l’agence Angie+1

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, Angie+1, Mathilde Aubinaud, The BrandNewsBlog 2019.

La « nano-influence » : nouvelle pilule miracle de la pharmacopée digitale ou poudre de perlimpinpin ?

S’il y a bien une qualité qu’il faut reconnaître aux expert.e.s du marketing digital, c’est leur créativité sémantique. Pas une semaine ne se passe sans que je découvre ici ou là une nouvelle expression et un nouveau concept, généralement (mal) traduits de l’anglais ou pas du tout traduits d’ailleurs, au point d’en avoir presque le tournis…

Irrésistible appétit pour la nouveauté, de la part de lecteurs et de médias avides de néologismes et d’idées « disruptives » ? En même temps que les nouveaux parfums des macarons de saison, j’avoue être tombé (seulement) cette semaine sur cette notion de « nano-influence », à laquelle Guillaume Mikowski¹ consacrait un article sur le site L’ADN².

Et le moins que l’on puisse dire, même si le concept se traduit pour le coup de la même façon en français et en anglais (et malgré l’indéniable expertise de l’auteur), c’est que je n’ai pas vraiment tout compris de prime abord…

La faute sans doute à un début d’article qui ne clarifie pas vraiment les choses : « En fonction des domaines, on la nomme différemment. Si en marketing d’influence on parle effectivement de nano influence (l’après micro-influence), en social media on évoque plutôt la recommandation sociale, en communication interne on parle d’Employee Advocacy, en branding de Brand Advocacy, pour les clients de Customer Advocacy… »

Et bien : que de notions a priori distinctes compilées en si peu d’espace et de mots… voilà qui commençait bien mal !

La suite de l’article – et surtout un détour par cette autre ressource, plus explicite en termes de définitions – allait m’apprendre que les milieux autorisés découpent l’influence et segmentent les influenceurs digitaux en 3 sous-groupes : 1) la « macro-influence », royaume des « macro-influenceurs » dépassant les 100 000 abonnées ; 2) la « micro-influence », ventre-mou au demeurant très proéminent puisque sensé regrouper les influenceurs ayant de 1 000 à 100 000 abonnés ; et enfin 3) la fameuse « nano-influence » ou « l’influence pour les nuls » (moins de 1 000 abonnés), en tout état de cause pas si nuls que cela puisque – tenez-vous bien – leur pouvoir de prescription serait près de 4 fois supérieur aux macro-influenceurs et environ deux fois supérieur aux micro-influenceurs… Et paf !

Et les experts de nous expliquer – courbes d’engagement à l’appui – tout l’intérêt pour les marques de cibler désormais des micro-influenceurs et surtout ces fameux « nano-influenceurs » (en gros : vous, moi et tout un chacun) qui disposent eux-mêmes d’une audience bien plus ciblée et qualitative que les « macro- » et d’un pouvoir d’influence tellement plus fort… Ou comment recycler et transposer à tout l’écosystème digital les principes du bon vieux bouche à oreille ! Rien de vraiment nouveau sous le soleil, en d’autres termes ?

Is Nano So Beautiful ??

Vous allez me dire : si le nano-influenceur n’est pas un influenceur de petite taille (je sais, elle était facile ;) et si tout un chacun doit être considéré comme influent (au moins auprès de des proches et sa communauté), sommes-nous tous, pour autant, de vrais « influenceurs » ? Et surtout : quel marketing influenceur pratiquer désormais, s’il s’agit en réalité de s’adresser à tous et de retomber dans les travers du marketing de masse ??

A l’aune de ces interrogations et de l’extrême réserve exprimée encore la semaine dernière, dans ces colonnes, par Assaël Adary (voir sa citation ci-dessous), au sujet de ces questions d’influence et du dévoiement auxquelles elles donnent lieu aujourd’hui, il me fallait interroger deux experts de l’influence, pour recueillir leur avis. Et essayer de déterminer ce que vaut réellement cette notion de « nano-influence »…

Entre les doutes sur les taux d’engagement réels suscités par chacune des catégories d’influenceurs (les études mises en avant sur la « nano-influence » se basent beaucoup sur le réseau Instagram, mais quid de l’engagement suscité sur les autres réseaux : celui-ci n’est pas forcément si important et souvent moindre que celui généré par les micro- et les macro-influenceurs), et le mélange des genres voire le flou lexical le plus complet entre les différentes typologies d’influence, il me fallait en effet d’urgence l’avis de deux professionnels reconnus pour y voir plus clair…

Pascale Azria, Directrice générale associée de l’agence Kingcom et Présidente du Syntec Conseil en Relations Publics, et Nicolas Chabot, Executive Vice-President de Traackr³, ont eu la gentillesse de bien vouloir répondre, sur le pouce, aux 3 questions que je leur ai posées sur le sujet.

…D’où il ressort 1) que la « nano-influence », en tant qu’interaction sociale, a toujours existé (sous d’autres appellations en l’occurrence, comme le « bouche à oreille ») ; 2) que si la nano-influence existe, et que chacun d’entre nous est particulièrement influent dans certains domaines ou auprès de certaines personnes (fort pouvoir de prescription), nous ne sommes pas tous pour autant des « influenceurs » (l’influenceur étant une personne qui par définition a plus de pouvoir d’influence que les autres ou que la moyenne) ; 3) que la nano-influence n’est sans doute pas de la « poudre de perlimpinpin », mais qu’on aurait tort de privilégier une forme d’influence par rapport à une autre et d’oublier les micro- et surtout les macro-influenceurs, dont le pouvoir de prescription est peut-être moins puissant que celui des nano-influenceurs, mais plus large ; et que 4) la confusion sémantique entretenue par les uns et les autres autour de ces notions complexes que sont l’influence, la prescription et la recommandation, ou encore la brand advocacy… ne profite en réalité à personne et n’incite pas vraiment à l’amélioration continue des techniques du marketing digital !

Il appartient en effet aux professionnels de clarifier les notions et d’expliquer pédagogiquement les techniques plutôt que d’ajouter à la confusion générale en inventant tous les quatre matins de nouvelles terminologies, qui recouvrent des phénomènes pas forcément si neufs… et ne sont pas forcément utiles !

Le BrandNewsBlog : Pascale, Nicolas, que vous inspire cette notion de « nano-influence », qui est semble-t-il apparue en premier lieu dans le discours de quelques patrons d’agences digitales, avant d’être reprise dans certains articles comme celui de L’ADN cette semaine ? Partagez-vous le scepticisme d’Assaël Adary sur ce type de concept et les dévoiements qui viennent en quelque sorte « galvauder » selon lui la notion d’influence ?

Pascale Azria : Cette discussion et ces réflexions ont lieu aujourd’hui car le marketing tente de tout modéliser et l’accès à la data nous y incite. En réalité, rien de nouveau sous le soleil en effet !

Nous ne sommes pas devenus des « nano-influenceurs »… nous l’avons toujours été ! Je suis par exemple depuis toujours influencée dans mes lectures par une amie parce que nous avons les mêmes goûts littéraires et que j’ai confiance dans son avis, et en cuisine par telle autre personne de mon entourage, chez qui j’adore aller dîner… La différence aujourd’hui pour les professionnels que nous sommes, c’est que nous nous en rendons compte, nous le modélisons et nous tentons de créer un effet de levier, de l’orienter et de l’utiliser au profit de telle ou telle marque. 

Ainsi, nous n’avons pas besoin de démontrer le pouvoir de la recommandation, tout le monde en est convaincu (nous le vivons au quotidien et de nombreuses études le confirment). Nous devrions nous concentrer sur les enjeux et la mesure de cette influence en fonction du niveau sur l’échelle (« top »/ »macro »/ »micro »/ »nano »). J’espère en revanche que nous ne pousserons pas le vice jusqu’au « pico », « femto », « atto », « zepto », « yocto » ! ;-)… Bien sûr que les influences d’un top-influenceur et d’un micro-influenceur n’ont pas le même type d’impact sur leur entourage ou sur leur communauté : on passe d’une forte visibilité associée à une proximité et une crédibilité moindres, à une visibilité restreinte avec des fortes proximité et affinité.

Le sujet central à mon avis reste de définir le bon influenceur qui est cohérent avec la marque, qui sera crédible et dont le contenu créatif répondra aux objectifs. Ainsi, l’enjeu majeur devient la vérification des données, comme dans l’approche #NoFakeInfluencer.

Nicolas Chabot : Pour ma part, je ne suis pas tout à fait d’accord avec la citation d’Assaël Adary. Le mot « influence » n’est en définitive pas si puissant, si aristocratique (quel mot étrange ici) ni « sacré ». Que voudrait dire « galvauder » l’influence ? Il est tout à fait exact de rappeler, comme le font les notions de micro- et de nano-influence, qu’on peut avoir une faible influence, en tout cas une influence de faible portée…

Je suis en effet d’accord avec l’affirmation que tout individu a de l’influence, en particulier sur ses proches. On revient aux notions de recommandation et de bouche à oreille. Et il ressort clairement des études que les avis de la famille et des amis sont ceux qui créent le plus d’impact sur les comportements et sur les opinions des personnes (et impact = influence). Je ne vois donc pas de contradiction entre ces notions d’influence/de prescription/de bouche à oreille, au contraire…

Là où nous nous ne rejoignons finalement avec ton introduction et tes doutes Hervé, c’est sur le constat que cette nouvelle terminologie de « nano-influence » est complètement inutile… Gardons tout simplement le mot d’influence, il est amplement suffisant.

Le BrandNewsBlog : Au-delà des travers de la « novlangue digitale » et du buzz recherché par les auteurs de ce genre de concepts, qu’est-ce qu’est susceptible d’apporter cette notion de « nano influence » ? Ne vaudrait-il pas mieux parler de bouche-à-oreille ou de prescription dans certains cas, comme le préconise Assaël Adary ? Et à partir de quand choisir de travailler avec des « nano-influenceurs », et comment ?

Pascale Azria : Dans la sémantique, je dirais qu’il faut surtout arrêter de vouloir tout complexifier. Nous sommes dans un écosystème qui s’organise encore et dont les frontières et les règles du jeu ne sont pas totalement posées. Mais il y a urgence à le faire car je rejoins Assaël sur un point : à force de vouloir « faire briller » l’influence, certains risquent de la tuer. Il est donc temps d’organiser, clarifier et authentifier…

Est-ce que nous obtenons un effet de levier via des nano-influenceurs ? Evidemment moindre que via des personnes dont l’influence dépasse l’entourage et rayonne auprès d’une communauté plus large. Alors faut-il les prendre en compte ? Je pense que cela dépend du secteur, du sujet. Certaines communautés ont des membres qui ne se parlent qu’entre eux et ne concernent que très peu de personnes. Les « HNWI » par exemple (pour « High Net Worth Individuals ») sont environ 500 000 en France et ne sont pas influencés par des top- ni des micro-influenceurs. Ils ne suivent pas la masse… L’influence en ce qui les concerne s’exerce plutôt sous forme d’échange en one-to-one ou one-to-few.

Nicolas Chabot : Ce qui est intéressant ici, je crois, c’est de bien clarifier que les processus et objectifs d’un marketing de prescription (donc de nano-influence) ou encore « d’advocacy » seront différents – complémentaires mais très différents – de ceux d’un marketing tourné vers les influenceurs…

J’avais d’ailleurs écrit il y a longtemps  (aïe, aïe… je lis 2013 !) sur le fait que les programmes de recommandation avaient besoins d’influenceurs. Ce court slide share (de 2015 celui-là) articule simplement ces concepts.

En bref : 1) Advocacy/Nano influence = engagement de masse (donc non personnalisé) avec tous ; 2) Programme influenceurs = engagement personnalisé avec des individus qui créent beaucoup d’impact.

Je vois aujourd’hui beaucoup de marques qui s’engagent vers de la micro-influence (presque nano-) avec des concepts erronés qui n’apporteront pas de retour sur investissement.

Quelques chiffres issus d’une analyse de 20 000 influenceurs beauté aux Etats Unis, réalisée avec Traackr, me semblent intéressants : cette étude démontre que les 14% des influenceurs les plus importants délivrent plus de 75% de l’engagement, quand les 56% les plus « petits » délivrent seulement 7% de l’engagement (et on ne parle même pas des « nano- » en l’occurrence).

Le BrandNewsBlog : J’y reviens encore, mais là où le bât blesse, n’est-ce pas de considérer que nous sommes tous des « influenceurs » (même nano-), plutôt que des individus influents ? Et de mélanger constamment les typologies d’influence ? Comment travailler à partir de tels postulats, ce qui est loin d’être aussi facile dans la pratique ?

Pascale Azria : Comme je le disais à l’instant, tout dépend du sujet. Les entreprises doivent apprendre à travailler avec différentes « focales » simultanément. Je peux à la fois, par exemple, être une nano-influenceuses sur le bien-être (uniquement reconnue et influente dans mon entourage, mais du coup très influente) et une micro-influenceuse sur la communication (plus visible sur le sujet, mais bien moins influente ;-)

Nicolas Chabot : En ce qui me concerne, en induisant cette terminologie de « nano-influenceur » que tu évoques Hervé, je considère que tu touches au coeur du sujet et de la problématique…

Cette terminologie de « nano-influenceur » n’a a priori pas de sens selon moi puisque l’influenceur se définit comme « celui qui a une influence disproportionnée par rapport aux autres ». Un « micro-influenceur » est un « faible sens », un « nano-influenceur » est à mon avis un contre-sens complet !

N’oublions pas que les anglo-saxons parlent de « influencer marketing » (marketing influenceur), pas de « marketing d’influence ». Je crois que l’anglais est ici plus précis que le Français pour désigner une pratique particulière qui est différente de l’advocacy ou de la recommandation client par exemple.

 

 

Notes et légendes :

(1) Guillaume Mikowski est Chief Executive Officer de l’agence Brainsonic.

(2) « Nano influence : le secret des actions de com’ nouvelle génération » par Pierre Mikowski, site L’ADN, 2 juillet 2018.

(3) Solution de gestion des relations influenceurs, Traackr est utilisée par de nombreuses entreprises BtoB et BtoC (L’Oréal, The Coca Cola Company, Samsung, Microsoft, Intel, SAP, Orange, Merck, Roche…) pour optimiser leurs programmes d’influence.

 

Crédits photos et illustrations : The BrandNewsBlog 2018, 123RF, Randy Glassbergen, X, DR.

 

 

Pour en finir une bonne fois avec les classements d’influenceurs et autres « tops » en toc…

C’est l’équivalent de ces marronniers qui ressortent à échéance régulière dans les médias « traditionnels » : les réseaux sociaux raffolent de statistiques, classements et autres « tops » souvent plus farfelus et incomplets les uns que les autres… mais qu’il est toujours de bon ton de partager pour avoir l’air à la page.

S’agissant de statistiques et de classements d’influenceurs, il faut dire que l’appétit des socionautes pour ces jolis tableaux et dataviz, le plus souvent produits par des médias en ligne ou des éditeurs de solutions en mal de notoriété, rencontre parfois les tendances un brin égotistes des influenceurs en question, dont certain(e)s finissent par ne courir qu’après cette onction en ligne : le bonheur de recueillir un énième ranking qui viendra confirmer qu’ils/elles demeurent parmi les 5, 10 ou 100 socionautes les plus influents de leur secteur ou sur une thématique donnée… Vanitas vanitatum !

C’est ainsi que de camemberts « MakeMeStat » en « top des Twittos les plus influents » sur Paris ou Garges-les-Gonesses, les pseudos-experts du e-marketing et autres champions du chiffre vite-fait-mal-fait ne sont jamais à court de nouvelles idées de classements et de palmarès, qu’ils s’empressent de publier sur les réseaux sociaux pour faire le buzz… et que les internautes (voire les entreprises) ont hélas le tort de prendre un peu trop pour argent comptant.

Car pour un classement exact et utile/intéressant, combien de « tops » incomplets, sans intérêt ou tout simplement faux, sous couvert d’une pseudo rigueur mathématique ? Le flou méthodologique le plus total (puisque personne ou presque ne se donne la peine d’accompagner de telles publications de précisions concernant l’échantillon ou les critères de calcul) demeure la règle, et les vaches à lait de l’influence continuent d’être hélas (bien mal) gardées…

Evidemment, il serait malhonnête de ma part de prétendre que tous y ont succombé. Hormis les vrais professionnels du marketing d’influence, de plus en plus d’influenceurs et de socionautes influents (j’en connais tout de même un certain nombre) réclament désormais d’être retirés de palmarès où ils n’ont rien à faire ou dont les bases méthodologiques leur paraissent bancales. Tandis que les observateurs les plus sages ont pris le parti depuis longtemps de ne jamais commenter le moindre classement, sans doute fatigués de jouer à « qui a la plus longue » et d’assister aux échanges de congratulations et auto-congratulations auxquels ce type de publications donne généralement lieu.

Pour illustrer mon propos sans créer la polémique (car ce n’est pas le but et le sujet n’en vaut pas la peine), je me suis permis ci-dessous de prendre quelques exemples… Que les professionnels cités ne m’en veuillent pas, car ils ne sont pour rien dans les errements des concepteurs des classements. Et pour ce qui est des influenceurs, je n’en vise aucun non plus, car ils ne tirent aucun bénéfice direct des publications incriminées, dont ils seraient plutôt les « victimes collatérales » à bien y réfléchir, même si j’admets que le terme est un peu fort (car après tout la course à l’influence n’est pas mortelle et une once de flatterie n’a jamais tué personne ;)

Du top extra-light aux classements de celles et ceux qui ont la plus longue (liste de followers)…

Certain(e)s d’entre vous seront peut-être choqué(e)s que j’ai l’outrecuidance d’aborder le sujet des tops et autres classements d’influenceurs, après avoir moi-même si souvent commis des listes de Twittos et d’autres socionautes à suivre dans les domaines du marketing et de la communication (voir notamment ici), de la marque employeur et des RH (voir ) , de la communication territoriale (par ici) ou du numérique (par là), entre autres…

On me reprochera aussi, peut-être, d’avoir contribué au mélange des genres que je dénonce, en publiant des listes d’experts éminemment subjectives et incomplètes.

Peut-être bien… Mais pour celles et ceux qui ont déjà lu ces articles, ils se souviendront que j’ai toujours mis en évidence,  en introduction de telles listes, un avertissement on ne peut plus clair sur leur caractère « manuel » et éminemment subjectif… Point d’outil statistique en effet à l’origine de tels billets, mais des heures et des heures de recherche, en complément des ressources déjà connues de mon réseau + une volonté explicite de parité, en citant systématiquement autant de femmes que d’hommes. Et un double objectif systématique : fournir des listes de comptes auxquelles s’abonner très simplement, en m’efforçant toujours d’apporter une valeur ajoutée informationnelle complémentaire : soit en classant les experts par métier ou spécialité, soit au travers de mini-bios et d’une qualification personnelle du profil des socionautes mis en avant…

A contrario, dans la jungle des « tops », classements et autre listes copiées-collées d’influenceurs dont Internet regorge, le moins que l’on puisse dire est que les précautions méthodologiques et de tels avertissements sont plutôt rares… Et quand les classements ou listes de comptes sont fiables, c’est le plus souvent que leur auteur est lui-même un expert de son sujet (donc à même de garder un minimum de recul), comme ce fut le cas lorsqu’Olivier Cimelière, Nicolas Bordas, Clément Pellerin ou Camille Jourdain recommandèrent chacun sur leur propre blog des listes de comptes (et non des « tops ») à suivre, ou bien que des entreprises sérieuses et ayant pignon sur rue s’y sont collées…

Las, voilà que la sociosphère est inondée sous un déluge de statistiques et autres classements d’influenceurs plus ou moins frelatés et/ou inutiles, la simplicité et la puissance de certains outils de mesure donnant des aîles à tous les Marc Toesca numériques de la terre, plus empressés les uns que les autres de presser leur propre « TOP 50 » à la bonne huile de truffe… Et pour la rigueur mathématique et le croisement des critères de classement, vous repasserez !

« Top 100 des influenceurs du web français », « Top 5 des influenceurs ‘startup’ français », « Top 100 des comptes Twitter les plus influents à Paris », « Top 10 des influenceurs RH sur Twitter »… Je pourrais égrener la liste des exemples pendant des heures, tant l’inventivité des concepteurs de classements est grande… Du plus sérieux au plus bancal et au plus arbitraire, le point commun de la plupart est en général de reposer sur des méthodes nébuleuses (ainsi que je le disais ci-dessus), et de ne retenir que quelques critères de tri, dont le premier – vous l’aurez deviné – demeure le sacro-saint nombre d’abonnés ou de followers, qui s’il ne prouve rien et a pu être « gonflé » artificiellement à coups de « mass-follows » et autres pratiques douteuses, demeure le juge de paix de la plupart de ces classements extra-lights...

…Le grand bazar méthodologique des classements d’influence, plus subjectifs qu’objectifs

Il est vrai que sur ce manque de rigueur et d’objectivité des classements d’influence, beaucoup a déjà été dit et écrit, mieux que je ne le saurais le faire, par plusieurs spécialistes du web 2.0. Pour n’en citer qu’un, je vous renvoie volontiers à cet excellent billet de… septembre 2011, dans lequel Cyril Rimbaud alias Cyroul, « creative technologist, enseignant au Celsa et casseur de mythes publicitaires digitaux », démystifiait « ces outils de mesure de l’influence qui se mesurent d’abord eux-mêmes » et alimentent des classements nécessairement biaisés, puisqu’avec la meilleure volonté du monde on ne juge jamais qu’à l’aune de ses propres critères.

De fait, tandis que la plupart des classements ne retiennent souvent qu’un critère de mesure (le nombre d’abonnés ou de followers, en premier lieu) ou bien une combinaison de 2 à 3 critères seulement, en mélangeant joyeusement les indicateurs de notoriété, d’influence (scores Klout et consorts) ou d’engagement (nombre moyen de likes ou de retweets par publication…), une mesure un tant soit peu fiable et objective de l’influence réelle nécessiterait la prise en compte et le croisement d’une multitude de facteurs (éléments de contexte, d’intentionnalité, de perception…), ce qui s’avère autrement plus complexe, raison pour laquelle personne ou presque ne s’y est hasardé.

C’est ainsi qu’à y regarder de plus près, beaucoup de « tops » offrent souvent un mélange des genres détonnant, comme ce « Top 100 des comptes Twitter les plus influents à Paris » publié par Evan Carmichael et dans lequel les comptes Twitter officiels de grands médias côtoient ceux de personnalités de la politique, de youtubeurs ou d’influenceurs… les comptes les plus sérieux le disputant aux profils plus ou moins bidons boostés aux pratiques les plus douteuses (@FranceNympho…). Même constat ci-dessous, dans ce classement déniché pas plus tard qu’hier par Delphine Foviaux (« classement des influenceurs du #Web2day »), dans lequel des comptes plus ou moins « influents » sont joyeusement mélangés à des profils 100% bots !

Entre flagornerie gratuite et intérêts mercantiles : cherchez à qui le top profite…

Cyril Rimbaud l’avait déjà suffisamment pointé : les juges de l’influence sont quasiment toujours partisans… Entre ceux qui veulent flatter à tout prix ou faire plaisir (ce qui n’a rien de répréhensible en soi mais peut fortement nuire à l’objectivité d’un classement) et ceux qui créent des outils de mesure de l’influence ou des classements pour s’ouvrir un marché (quitte à faire quelques petits arrangements avec la déontologie statistique de base), les ornières et risques de dérapage sont nombreux, auxquels succombent hélas trop d’apprentis sorciers 2.0.

De fil en aiguille, un classement récurrent et à succès peut également dériver et se « corrompre » de lui-même, comme ce classement Wikio évoqué par Cyroul dans son article, en modifiant progressivement ces critères ou en devenant de lui-même pourvoyeur de trafic (le comble pour un top des experts SEO), pour ne citer que cet exemple…

Le diable se cache (souvent) dans les détails : un exemple parmi d’autres…

Evidemment, les métiers du marketing et de la communication ne sont pas à l’abri de cette manie des rankings. Et pour ne citer qu’un cas parmi d’autres, dans cet univers qui est aussi celui que je connais le mieux et dont j’ai eu l’occasion d’identifier et mettre en avant une partie des professionnels influents, le « top des directeurs communication sur Twitter » publié trimestriellement par le site l’Important est un exemple assez édifiant, que ses concepteurs ont eu l’intelligence de faire évoluer au fil du temps, en intégrant plusieurs de mes remarques (et je les en félicite ! :-)

A l’occasion d’une première version publiée début 2017 (voir ci-dessous), ce classement comportait une vingtaine de comptes Twitter seulement, dont j’ai certes eu l’occasion de mentionner une bonne partie dans mes propres listes de comptes de dircom à suivre (la plupart étant hyperconnectés et exemplaires), mais qui était à mon sens loin d’être parfaitement représentative et complète…

De fait, en ne pré-sélectionnant dans son « panel » de départ que des directeurs communication de très grandes entreprises, l’Important faisait l’impasse sur des pans entiers de l’économie (collectivités, associations, entreprises de taille moyenne…) et des dircom plus qu’influents, pour peu que cette appellation ait réellement un sens dans notre domaine d’activité ;)

Après plusieurs échanges avec Claude Posternak, ce top a été complété et amendé au deuxième trimestre 2017 (voir la deuxième livraison ci-dessous) en passant désormais à 30 comptes et en étant intitulé beaucoup plus judicieusement et sobrement « Twitter : Top 30 des directeurs de la communication de grandes entreprises ». Tout en accusant encore des oublis majeurs (quid par exemple de Sophie Déroulèle et Marie Coudie, alias @SoDeroulede et @mcoudie, pour ne citer que certains des comptes que je connais), des dircoms reconnus ont été réintégrés (comme Frédéric Fougerat) et le titre du classement reflète beaucoup mieux son contenu : un amélioration salutaire, à signaler.

Influenceur(euse) reconnu(e), professionnel(le) influent(e) ou pas du tout : et si l’Important était ailleurs ? 

On le voit très bien avec ce dernier exemple de « top » publié par l’Important : un autre (et sans doute le plus important) biais méthodologique de la plupart de ces publications, en dehors du manque de transparence des critères d’évaluation et de classement, réside dans le fait que les comptes cités sont d’abord sélectionnés arbitrairement avant d’être « notés » et classés selon les critères d’influence retenus.

En effet, et je me suis fait confirmer ce point ces derniers jours par plusieurs éditeurs, la plupart des outils statistiques disponibles n’ont pas la capacité d’aller identifier de manière un tant soit peu rigoureuse les influenceurs d’un métier donné sur les réseaux…

La seule identification possible, à un instant t ou sur une période donnée, étant d’aller « requêter » les socionautes s’exprimant sur une ou plusieurs thématiques, un ou plusieurs hashtags… ou ceux qui mentionnent leur profession dans leur profil (ce qui s’avère dans la pratique plus que lacunaire et aléatoire). Cela biaise nécessairement d’entrée tous les classements « généralistes » d’influenceurs, dont la fiabilité ne peut être améliorée que par itération au fil du temps, en faisant remarquer à leurs concepteurs tous les comptes qu’ils ont pu zapper, qu’ils s’empressent en général d’ajouter (« signalez-nous les comptes que nous aurions pu oublier »). Un peu comme si, pour dresser le classement des meilleurs humoristes de France, on commençait par noter l’humour de son premier cercle d’amis… en se disant qu’on finira bien par avoir les autres.

Mais ainsi que l’ont compris depuis un moment les plus raisonnables des internautes, auxquels je faisais allusion tout à l’heure et dont j’envie souvent la sagesse : toute la force et l’intérêt des réseaux vont fort heureusement bien au-delà de ces questions de classement et d’influence. Et in fine, dix internautes passionnés et compétents qui échangent librement, régulièrement et sans tabou autour de leurs sujets d’intérêt favoris auront une conversation bien plus riche et intéressante à suivre que la plupart des « influenceurs » du web, reconnus tels ou autoproclamés :-)

Et si l’important sur les réseaux, au-delà de l’influence (réelle ou supposée), c’était la passion ? Il serait bon de se le remémorer régulièrement, et à chaque publication d’un nouveau classement « super-extra-top » d’influenceur…

 

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, The BrandNewsBlog, X, DR.

 

#MustRead : le vibrant plaidoyer communicant de Thierry Wellhoff…

twellhoff2Si j’osais… Oui, si j’osais, je rajouterais bien rétrospectivement une « septième bonne résolution de rentrée » à la petite liste que je recommandais aux marketeurs et communicants il y a quelques jours

Il faut dire, pour ma défense, qu’au moment de poser mes recommandations sur le clavier fin août, je n’avais pas encore pris connaissance de l’ouvrage dont je vais vous parler aujourd’hui. Et pour cause, Le procès de la communication¹, instruit et rédigé par Thierry Wellhoff², n’est paru que cette semaine.

J’avoue d’ailleurs l’avoir découvert avec gourmandise, tant est grand mon appétit pour les sujets communicants. Puis dévoré en quelques heures, séduit par le concept et la construction originale du livre, la plume alerte de l’auteur et la qualité de l’argumentation.

Certes, Thierry Wellhoff n’est pas le premier professionnel (ni le dernier, assurément) à prendre la plume pour redorer le blason de cette discipline controversée qu’est la communication. Pas le premier non plus à vouloir prendre la défense de ceux qui la pratiquent : les communicants. Mais, contrairement à ses prédécesseurs, lui pousse son concept rédactionnel jusqu’au bout, en menant au fil des pages, à charge et à décharge, ce procès équitable de la communication que ses détracteurs s’obstinent en général à lui refuser. Un procès avec une procédure établie, des magistrats au caractère trempé et un déroulé crédible : examen des pièces à conviction, réquisitoire d’un procureur acerbe, défense subtile d’un avocat méticuleux et pédagogue… Tout le contraire, en somme, des partis pris et truismes dont nous gratifient trop souvent les ouvrages « monolithiques » de quelques grands pontes de la profession…

Au final, si chacun est invité à se prononcer sur la culpabilité de la prévenue, le contrat de la défense est quant à lui rempli : Thierry Wellhoff nous présente une vision nuancée, riche et éclairée de notre discipline, encore trop souvent perçue comme « superficielle », « manipulatrice » et/ou « polluante ».

Pour les lecteurs du #BrandNewsBlog, l’auteur a bien voulu se prêter au jeu des questions-réponse au sujet de son ouvrage. Qu’il soit ici remercié pour son accueil, sa disponibilité et les lumières dont il a bien voulu éclairer ce procès très communicant…

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The BrandNewsBlog : Tout d’abord Thierry, félicitations pour cet ouvrage. Vous réussissez le tour de force de conjuguer originalité de l’approche, pédagogie et rigueur, dans la construction et la progression de l’argumentation notamment. De fait, le livre est passionnant aussi bien pour des étudiants que des communicants aguerris, et plus largement pour tous ceux qui se posent des questions sur la communication. Etait-ce dans votre objectif initial d’adresser des publics aussi différents ?

Thierry Wellhoff : grand merci pour tes félicitations et ces appréciations positives sur mon livre. Pour en venir à la question de l’objectif, oui il était et reste de toucher le plus grand nombre possible de lecteurs, aussi bien le profane que l’expert. Pour quelle raison ? Elle se devine facilement : la communication est systématiquement brocardée, vilipendée. Moi-même en démarrant l’écriture de ce livre, je n’étais pas si sûr de pratiquer un métier vraiment estimable. Or, au fur et à mesure de son écriture et des recherches documentaires, je me suis rendu compte que la communication est peut-être bien un des plus beaux métiers du monde. J’exagère ? Peut-être, mais pas tant que cela. Car à bien y réfléchir, rien, depuis la nuit des temps, rien ne peut se faire et se fait sans communication.
Les philosophes de l’antiquité, les grandes figures de l’histoire, d’Alexandre le Grand à Churchill en passant par Louis XIV ou Napoléon, dans la religion de Jésus à Luther sans oublier Mahomet, et de grands hommes comme Gandhi, Mandela, Luther King… Tous, sans exception aucune, ont pratiqué un art consommé de la communication.

Rien, absolument rien, n’aurait pu et ne peut se faire sans elle. Elle aide les hommes à se comprendre pour faire progresser l’humanité et les civilisations. Mais, hélas, elle est aussi utilisée pour les détruire. Le nazisme comme l’islamisme radical en sont des exemples terrifiants. La communication, est rarement en cause, mais plutôt ceux qui l’utilisent, de quelle manière et dans quel but.

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Bien sûr, la communication n’est pas sans excès, sans erreur, mais le problème essentiel est qu’on ne parle de la communication qu’au  travers de ses excès. Un petit peu comme si on parlait des métiers de la santé pour n’évoquer que des erreurs médicales, des scandales sanitaires… Cela existe, mais est ce qu’on s’avise pour autant de dire  que les métiers de la santé ne seraient pas un bienfait? Non, bien évidemment. Pour autant, qui, spontanément, serait prêt à reconnaître que la communication est un bienfait ? Pour l’économie, mais aussi plus généralement pour et la vie en société. Certes, cela va à l’encontre des idées reçues, mais, à y regarder de plus près, on se rend vite compte que la communication est non seulement nécessaire mais également souhaitable.

Il convient désormais de faire cesser cette idée reçue que le monde serait meilleur sans communication. Sans la communication, rien n’existerait dans le monde.

The BrandNewsBlog : D’où l’idée vous est-elle venue d’instruire ainsi (avec arguments, témoins et pièces à charge ou à décharge) ce « procès de la communication » ? Si les droits de la défense sont souvent déniés à cette discipline, au sujet de laquelle s’expriment il est vrai tant de « pré-jugés », n’avez-vous pas le sentiment de faire en partie le jeu de ses détracteurs et d’un certain populisme ambiant avec un tel livre ? 

Thierry Wellhoff : Nous sommes non pas face à des opinions objectives mais face à un problème d’image et de croyances fortement ancrées. Si j’avais fait un livre sur la communication du type « cette discipline indispensable », cela n’aurait pas retenu l’attention de grand monde. Je me suis donc dit qu’il fallait entrer en communication avec le public d’abord au travers de ce qu’il pensait déjà et ce dont à quoi il pourrait porter attention (ce que l’on appelle le biais de confirmation) pour pouvoir ensuite l’amener à au moins écouter les arguments de la défense. Libre à lui ensuite de condamner ou acquitter l’accusée.

A l’image des hommes politiques qui demandent à être mis en examen pour pouvoir se défendre, j’ai utilisé ce procédé pour permettre à la communication de se défendre en reprenant les chefs d’accusation et en revisitant la communication au service des personnes, des entreprises, de la politique, des ONG, des organisations militantes… Contrairement à une idée largement partagée, la communication ne sert pas que les politiques et les entreprises. Ce livre se présente donc sous la forme d’un procès, en présence d’un avocat, du juge, mais aussi de grands témoins qui pour la plupart ne sont pas des communicants, appelés à la barre.

The BrandNewsBlog Comme vous ne manquez pas de le souligner, ceux qui condamnent le plus sévèrement les travers de « la com' » sont souvent ceux qui en usent et en abusent le plus (politiques, médias, personnalités publiques…). Dénoncer « le coup de com » » n’est-il pas devenu une posture et une « figure imposée » du débat public, un expédient facile pour discréditer à moindre frais les propos d’un adversaire, sans avoir besoin d’argumenter à son tour ?

Thierry Wellhoff : Je suis bien évidemment d’accord, c’est une facilité. Mais elle est tellement répandue dans l’esprit de tous qu’on ne saurait les blâmer vraiment mais plutôt vouloir les aider à en prendre conscience. La plupart d’entre nous, face à quelque chose qui est dissonant avec ce que l’on pense d’une personne ou d’une action, dit aujourd’hui « c’est de la com’ » plutôt que « c’est superficiel », « c’est juste une posture » ou même  « c’est un mensonge ». Il nous faut nous reprogrammer.

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The BrandNewsBlog : « Superficielle », « manipulatrice » et « polluante », telles sont les trois grandes familles de reproches formulés le plus souvent au sujet de la communication, et sur lesquelles le procureur de votre tribunal articule d’ailleurs son réquisitoire dans votre livre… Si tant est que ces reproches soient (au moins en partie) fondés, pourriez-vous les illustrer par trois exemples de dérives, trois « flagrants délits » de superficialité, manipulation et de pollution qui viennent mettre de l’eau au moulin des détracteurs de la communication ?

Thierry Wellhoff : Cela ne devrait pas mettre de l’eau au moulin des détracteurs mais plutôt les aider à comprendre que ce n’est pas la communication en elle-même qui est condamnable mais plutôt ses excès.
Excès par superficialité quand il y a un décalage trop important entre le réel et l’image projetée, comme par exemple lorsqu’un homme politique se met à chanter ou à se promener auprès des vaches pour se donner un look plus proche du peuple. Excès par manipulation quand les communications automobiles vantent les dimensions écologique des voitures en les montrant dans une route forestière (il y a eu législation depuis). La pollution constitue hélas l’excès le plus fréquent, on le constate en permanence avec l’affichage aux abords et dans les villes ou sur le net avec ses displays et interstitiels envahissants. Sur ce point le procureur me semble bien plus percutant que l’avocat.

The BrandNewsBlog Vous êtes vous-mêmes, Thierry, un expert aguerri en communication. Dans cette « bataille culturelle » pour réhabiliter notre profession et ceux qui la pratiquent, ne craignez-vous pas qu’on vous reproche d’être à la fois « juge et partie »? Et bien que vous fassiez une large place à l’accusation, quel crédit accorder à l’avocat de ce livre, dont vous révélez que ce procès est « le combat de sa vie ? » Ne serait-ce pas un peu vous, d’ailleurs, cet avocat ? Avouez tout : quels étaient vos mobiles et votre ambition avant de commettre ce plaidoyer communicant ?

Thierry Wellhoff : On m’en a bien entendu déjà fait le reproche mais, à date, ce ne sont que quelques exceptions. Sous couvert d’un procès mon livre est, vous l’avez compris, un plaidoyer. Mais un plaidoyer honnête.
Tout d’abord parce que je ne nie pas les accusations et leur laisse toute leur place pour mieux les combattre d’ailleurs. Ensuite, parce que j’avance à visage découvert. Je signe ce livre de mon nom et la quatrième de couverture indique clairement que je suis un communicant.
Mon mobile et mon ambition ? Je l’avoue sans peine : faire comprendre que la communication, loin d’être assimilable à ses excès, est un bienfait. Et, par la même occasion, donner ou redonner de la fierté à tous ceux qui l’utilisent ou la pratiquent comme activité professionnelle, qu’ils soient en entreprise ou en agence.

The BrandNewsBlog : Dans ce procès minutieux que vous menez, page après page, vous ne manquez pas d’établir de nombreuses passerelles, en expliquant le rôle de la communication dans l’histoire, dans la politique et la gestion de la cité, dans l’émergence et le développement des religions, dans l’art, la finance, la promotion et la vulgarisation scientifique, le sport… Vous faites d’ailleurs intervenir, dans la deuxième partie de l’ouvrage, un certain nombre de personnalités d’horizons très divers : un avocat-pénaliste, un chef d’orchestre, une philosophe, le journaliste Franz-Olivier Giesbert, le skipper Michel Desjoyaux ou bien encore Stéphane Richard (entre autres). Quel est le rôle de ces grand témoins et que nous apprennent-ils ? Leur témoignage est-il à inscrire à charge ou à décharge… ou bien les deux ?

Thierry Wellhoff : J’ai eu assez rapidement l’idée d’appeler à la barre des grands témoins qui ne sont pas pour la plupart des hommes de communication mais des utilisateurs de la communication. Il viennent en effet d’horizons très différents. A cela une raison : je voulais faire comprendre que lorsqu’on parle de la communication, c’est le plus souvent pour la critiquer et on la limite à son utilisation dans le business ou dans la politique sans réaliser que tout le monde, sans exception, utilise la communication.
Je dois dire qu’en allant rencontrer ces grands témoins, j’espérais secrètement qu’ils allaient m’en dire plutôt du bien. Et là, surprise ! Dans leur très grande majorité, même si certains avis sont plus nuancés, ils m’ont confié : «  mais mon métier, c’est la communication ». Bien au-delà d’en dire du bien, la plupart considère que la communication fait partie intégrante de leur métier, qu’elle leur est indispensable quand ce n’est pas la finalité même de leur travail, pour ce qui concerne le chef d’orchestre Jean-Philippe Sarcos.

The BrandNewsBlog Chacun de ces grands témoins rend compte d’une expérience différente et d’une relation presque intime à la communication, dont on s’aperçoit qu’elle revêt en réalité de nombreux visages et poursuit des objectifs fondamentaux très variés, suivant le métier et le secteur d’activité considérés : tactique dans le sport et le droit ; informative et performative dans la finance ; spirituelle, expressive et esthétique dans la musique et la conduite d’un orchestre… S’il fallait, du coup, faire ressortir parmi ces différentes expériences de la com’ un Plus Petit Commun Dénominateur et une dimension transcendante expérimentée et plébiscitée par tous, laquelle serait-elle ?

Thierry Wellhoff : J’aborde ce point dans le livre. Quel que soit l’objet de la communication, il me semble qu’elle vise toujours à mettre en commun, ou si vous préférez, partager et influencer.
Influencer ? Le mot provoque la polémique mais l’influence est positive quand elle se fait à visage découvert et ne doit en aucun cas être confondue avec la manipulation. Sans être influencé, comment apprendre ? Comment s’enrichir ? Comment se structurer ? Comment progresser et avancer ? L’avocat s’en explique largement.
Ici comme ailleurs, c’est l’excès d’influence quand il tend à devenir manipulation qui pose problème.

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The BrandNewsBlog : De par la variété des perspectives et angles sous lesquels vous étudiez la communication, l’étendue des sujets abordés et la densité de l’argumentation, on ne saurait évidemment résumer le plaidoyer de la défense en quelques lignes. Mais en quoi tient, selon vous, l’art d’une communication réussie et quels en sont les principaux bénéfices, pour la société comme pour chacun d’entre nous ?

Thierry Wellhoff : Une communication réussie est tout simplement celle qui atteint le but qu’elle s’est fixé. La difficulté résidant à la fois dans les moyens que l’on se donne et la façon dont on va la mettre en œuvre. Les moyens, cela concerne bien entendu les ressources dont on dispose et l’énergie que l’on va y mettre, mais pas seulement. C’est aussi comprendre, au-delà de la recherche de visibilité, les trois fonctions essentielles de la communication : la séduction pour créer de l’intérêt, la relation pour engendrer de la confiance, la stimulation pour générer du comportement. Si vous ne vous souciez que d’une seule de ces trois dimensions, votre socle est bancal et vous visez à côté.
La façon dont vous allez la mettre en œuvre réfère à l’éthique. Dans le domaine de la communication, cela consiste à se soucier du récepteur au moins autant que du but que l’on cherche à atteindre et de reconnaître l’autre comme un autre soi-même. Si vous l’oubliez, cela vous rattrape forcément tôt ou tard.
Cela renvoie à d’autres concepts développés dans le livre. Mais pour rester synthétique, ils laissent présager le bénéfice possible d’une meilleure communication et d’une société qui devient plus harmonieuse.

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The BrandNewsBlog Ainsi que vous le rappelez, et comme l’ont démontré avant vous bon nombre de penseurs et de grands philosophes, la communication est bien consubstantielle à la parole et à toute activité humaine. « Monsieur le Procureur : aussi nécessaire que l’air que l’on respire » faites-vous même dire à l’avocat de la prévenue. Pour autant, elle peut être manipulatoire, quand une marque vante des bénéfices-produits qui n’existent pas, ou plus gravement, quand elle est utilisée à des fins de propagande par un Etat (comme l’Etat islamique auquel vous consacrez un passage dans l’ouvrage). Dans de tels cas, qui est fautif ? Ces travers manipulatoires tendent-ils à disparaître ou existeront-ils toujours ?

Thierry Wellhoff : Oui, la communication est aussi nécessaire que l’air que l’on respire, cela a d’ailleurs été (malheureusement) démontré avec des nourrissons qui ne recevaient aucune communication. Et hélas oui il y aura, sans aucun doute, toujours des excès comme dans toute discipline. Aucune n’en est exclue, pas même la médecine, pas même la justice, pas même le journalisme. Donc oui, il y aura toujours des excès et des entreprises, des politiques voire même des associations qui auront des tentations manipulatrices pour en tirer profit. Ce n’est donc pas la communication qui est en cause mais celui qui l’utilise.
Une bonne nouvelle cependant. L’avènement des réseaux sociaux rend de plus en plus difficile le mensonge et la manipulation.
Il suffit pour s’en convaincre de voir les vidéos de fact checking qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux. J’ai tendance à penser que les choses vont néanmoins dans le bon sens.

The BrandNewsBlog : Dans votre ouvrage Thierry, vous ne consacrez pas de chapitre au digital et n’en faites pas non plus, finalement, un des points centraux de votre argumentation. Pourtant, la révolution numérique et l’émergence d’Internet et des médias sociaux ont sensiblement modifié la pratique de notre métier. Pourquoi un tel parti pris ? Et en quoi, avec cette irruption du numérique, la donne a-t’elle le plus changé, en bien ou en mal, selon vous ?

Thierry Wellhoff : On m’a déjà fait le reproche de ne pas parler davantage du digital dans le livre, bien qu’il soit abordé à plusieurs reprises. Mais, même si j’entends la critique, l’objet du livre n’est pas de faire le point sur la communication aujourd’hui mais de s’attaquer à un problème qui me semble majeur : la compréhension de ce qu’est, au fond, la communication.

Avec le digital, domaine dans lequel l’agence que je dirige peut revendiquer d’être plutôt en avance car nous nous avons intégré le digital depuis 1993, tout change et rien ne change. Tout change, car les relations entre les émetteurs, les marques, les entreprises et leurs publics sont désormais soumis à des évolutions permanentes. Le digital a impliqué et implique toujours de nombreux bouleversements qui modifient les modalités de la relation.

J’en retiens trois principaux. Le premier bouleversement est connu. Il concerne à la fois l’espace et le temps. Les prises de parole et la circulation de l’information ne connaissent pas les frontières, elles sont immédiates et continues voir simultanées. C’est ce que certains appellent d’ailleurs la dictature de l’instantanéité.

Le second s’applique à la relation en tant que telle. Parce que les publics sont multiples, connectés et interconnectés, parce qu’ils peuvent même devenir des médias à part entière, les organisations ne sont plus les propriétaires de leur communication mais n’en sont devenues que de simples parties prenantes. Certes essentielles, certes centrales, mais parties prenantes seulement. Nous sommes passés d’une communication verticale, maîtrisée, à des interactions horizontales, multiples et incessantes. Dans ce cadre, les émetteurs de la communication sont amenés à mettre en œuvre des stratégies relationnelles à la fois innovantes, et conversationnelles.

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Le troisième bouleversement concerne l’autorité. On ne fait plus autorité par sa puissance mais relativement par ce que l’on apporte à la société. Cela implique le déploiement de stratégies qui portent à la fois du sens, de la cohérence et de l’utilité.

Donc oui, tout change, mais pour autant, rien ne change ! Les fondamentaux de séduction, de relation et de stimulation restent les mêmes. Ivy Lee, plus que jamais d’actualité, disait dans les années 30 (soit il y a bientôt un siècle) à propos des entreprises, qu’elles « ne pourront subsister et croître qu’avec l’autorisation de leurs publics ». N’est-ce pas criant d’actualité ?

The BrandNewsBlog Vous terminez votre ouvrage en laissant vos lecteurs se faire leur propre opinion des arguments de l’accusation et de la défense. Et chacun est appelé à prononcer son propre verdict… Néanmoins, avec le recul et si le procès était à rejouer, en cour d’appel par exemple, quels seraient les arguments à charge et à décharge que vous souhaiteriez ajouter ? Certains commentateurs de l’ouvrage ont regretté que vous ne faisiez davantage de place aux antipubs ou à l’ARPP par exemple… Que leur répondez-vous ?

Thierry Wellhoff : Toutes les critiques sont bonnes à prendre, mais je souhaitais surtout éviter que l’on assimile la communication à la publicité qui n’en constitue qu’une partie. Une partie certes très visible et notoirement envahissante, mais qu’une partie tout de même. Il faut compter avec toutes les autres possibilités de communiquer comme par exemple, vous l’avez d’ailleurs évoqué, avec le digital et les relations publics. On peut donc être contre la publicité, ce qui n’est pas mon cas et bien que j’en déplore les excès, et pour la communication. C’est contre-intuitif mais tout à fait possible.

quote10-copie… Merci encore à vous pour votre disponibilité et ces éclairages Thierry : et à chacun, s’il le souhaite, de rejouer ce procès et d’apporter ses arguments, à charge ou à décharge !

 

 

Notes et légendes :

(1) « Le procès de la communication – Accusée, levez-vous ! » de Thierry Wellhoff – Editions Manitoba / Les belles lettres, septembre 2016

(2) Expert en communication, Thierry Wellhoff a fondé et dirige depuis 35 ans Wellcom, première agence française indépendante de Communication et de Relations publics. Président de Syntec-Conseil en Relations Publics, il est l’auteurs de plusieurs ouvrages sur la communication et l’entreprise : « 15 ans de signatures publicitaires» (Editions Dunod-1991) ; « Les Valeurs : Donner du sens, gérer la communication, construire la réputation » (Editions Eyrolles-2009 et 2010) ; « Le Guide Social Media » (Publication Wellcom-2010) ; « L’entreprise en 80 valeurs » (Editions Liaisons-2011)

 

Crédit photos et illustrations : Thierry Wellhoff, Les belles lettres, TheBrandNewsBlog 2016

 

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