Leadership digital des dirigeant.e.s d’entreprise : de nets progrès, mais « peut encore mieux faire »…

De longue date, je vous ai entretenus sur ce blog de l’importance pour les dirigeant.e.s d’incarner pleinement leur entreprise et leur(s) marques, quitte à en devenir les premiers « storytellers » ¹.

Et de fait, ces dernières années, nous avons assisté à une véritable libération de la parole des patron.ne.s de grands groupes et d’organisations, une sorte de « Printemps du leadership » à la fois bien vu et bienvenu, les capitaines d’industries et autres dirigeant.e.s d’institutions et d’associations hésitant de moins en moins à s’exprimer en dehors des thématiques convenues liées à leur business et à la performance de leur entité.

Cette incarnation vertueuse des entreprises par leur CEOs, plébiscitée par les collaborateurs.trices et par les consommateurs, en attente de davantage d’engagement de la part des marques, a néanmoins mis un certain nombre d’années avant de se traduire sur les réseaux et médias sociaux. Pas toujours à l’aise avec les nouveaux outils du « web 2.0 » ni avec ses codes, certain.e.s ont en effet mis beaucoup de temps à se lancer…

Mais voilà, ça y est : ainsi que le dévoilait il y a quelques jours l’agence Angie+1, en délivrant la deuxième édition de son étude « TOP 100 du leadership digital » ², cette fois il semblerait qu’une majorité de P-DG de grandes entreprises s’y soit mis, avec plus ou moins d’assiduité et de pertinence il est vrai, mais le pas est franchi. Et les exemples de dirigeant.e.s à la stratégie digitale exemplaire, ayant mis en oeuvre une vraie ligne éditoriale tenant compte des atouts et spécificités de chaque plateforme, ne sont plus des cas isolés.

Ainsi, comme vous pourrez le voir ci-dessous, Patrick Pouyanné (Total), Emmanuel Faber (Danone) et Isabelle Kocher (Engie) trustent activement les 3 premières places du classement établi sur la base de 7 critères par l’agence Angie+1. Et des dirigeant.e.s d’entreprises et d’organisations de nombreux autres secteurs d’activité sont également représentés, témoignant d’une vraie prise de conscience de l’importance et des possibilités du leadership digital, en lien avec les stratégies d’employee advocacy des entreprises.

Une bonne occasion de rediscuter de l’importance de l’incarnation des marques par leur dirigeant.e.s et des facteurs clés de succès d’un véritable leadership digital avec François Guillot, directeur associé d’Angie+1 et Mathilde Aubinaud, créatrice de la Saga des audacieux et auteure d’un mémoire de référence sur « la figure du dirigeant à travers sa marque ».

…Et ainsi que vous le verrez, la « raison d’être » est encore une fois au coeur du sujet ce matin sur le BrandNewsBlog, puisque les dirigeant.e.s d’entreprise les plus dynamiques et les plus influents n’hésitent pas à mettre leur compte au service des engagements de leurs entreprises et à appuyer leur leadership sur l’affirmation d’un « purpose », au service de la société toute entière…

Le BrandNewsBlog : François, tout d’abord bravo à vous pour cette deuxième édition de votre étude « Top 100 du leadership digital ». De par le nombre de dirigeants dont vous avez ausculté l’activité, la richesse et la profondeur des critères que vous avez croisés et la masse de publications que vous avez du brasser, on comprend que cela a du représenter un travail considérable ! Pouvez-vous nous en dire plus sur la méthodologie utilisée et les 4 principaux critères retenus pour cette étude ?

François Guillot : Merci Hervé. L’idée de départ de l’étude était de prendre une photo très globale d’un phénomène que l’on perçoit tous mais qui méritait d’être objectivé : la tendance croissante des patrons français à utiliser les réseaux sociaux. Plutôt que de s’arrêter au traditionnel CAC 40 ou de faire une liste de « patrons influents », ce qui aurait sans doute conduit à une sur-représentation des patrons de start-ups, nous avons voulu regarder l’activité des CEOs de grandes entreprises françaises, pour nous intéresser au tissu économique de façon beaucoup plus globale et transversale.

La première étape a donc consisté à réunir notre « corpus » : nous avons cherché du côté du SBF 120, de l’AFEP, des EPIC, des grandes marques… et nous avons mené en parallèle des recherches sur les grandes entreprises en rentrant secteur par secteur, notamment. A la suite de ce travail, nous avons identifié 150 CEOs particulièrement actifs sur les réseaux sociaux (contre 120 l’an dernier).

La deuxième étape de notre travail a consisté à mesurer le leadership digital de ces dirigeant.e.s et nous l’avons réalisé à l’aune de 4 familles de critères : 1) l’audience (= plus je suis suivi, plus j’ai des chances d’élargir le public qui me suit) ; 2) l’activité (= si je ne suis pas actif, je n’exprime pas mon leadership). Par exemple, Xavier Niel, qui est suivi par près de 200 000 comptes sur Twitter mais n’a tweeté que deux fois en 2018, a été sorti du corpus ; 3) l’engagement, un critère classique sur les réseaux sociaux (= cela nous dit quel niveau d’interaction suscite le CEO) ; et enfin 4) l’attractivité, qui a été mesurée à l’aune de l’audience de la page Wikipédia de ces P-DG (quand ils.elles en ont une), et qui est une autre manière de mesurer l’intérêt qui leur est porté.

Le BrandNewsBlog : Dans l’introduction de votre document de synthèse, vous évoquez le travail minutieux de « data crunching » que vous avez du effectuer, « en partie en utilisant des algorithmes, en partie a la mano ». En quoi a consisté ce data crunching ? Et pourquoi avoir choisi d’examiner en priorité Twitter, LinkedIn et Wikipedia, à l’exclusion des autres plateformes sociales et des blogs ? Certains blogs fameux de dirigeants, comme celui de Michel-Edouard Leclerc, soutiennent leur leadership digital : pourquoi ne pas avoir retenu ces canaux ? L’influence digital de MEL n’en a-t-elle pas pâti (il apparaît seulement à la 11ème place de votre classement) ?

François Guillot : Et bien quand je parle de « data crunching » et en ce qui concerne par exemple Twitter, notre équipe spécialisée en data a lancé des scripts qui permettent d’éliminer tous les abonnés « morts », afin de reconstituer une « vraie audience ». En faisant cela, nous avons remarqué que l’audience « morte » sur Twitter pouvait aller de 10 à 75% selon les P-DG étudiés. Nous avons également fait ce travail d’identifier les comptes certifiés et les comptes de journalistes parmi les bases d’abonnés des dirigeant.e.s que nous avons étudié.e.s, et nous les avons en définitive « sur-pondérés », pour donner une note globale d’audience qualifiée dépassant le seul nombre de followers, qui ne veut plus dire grand-chose…

En ce qui concerne les plate-formes analysées, nous avons bien sûr retenu Twitter parce que c’est le lieu du débat public, de l’influence, de l’actu chaude, du live. Nous avons aussi regardé de près LinkedIn parce qu’il permet, à travers la publication d’articles sur LinkedIn Pulse notamment, de développer un véritable point de vue. Et dans ce contexte, le dirigeant est typiquement dans un exercice de prise de hauteur.

L’alliance de ces deux plateformes crée une belle complémentarité et à ce titre, notre classement distingue les patrons qui sont particulièrement présents et actifs sur ces deux réseaux. Concernant Wikipédia, il me semble que la mesure des audiences (et des écarts importants qui existent d’une personnalité à l’autre) est également très révélatrice de leur attractivité respective. C’est à cet égard un critère assez étonnant et fascinant.

En ce qui concerne enfin les blogs et les autres plates-formes sociales, nous avons considéré que leur usage était trop minoritaire et que les inclure serait susceptible de poser d’importants problèmes méthodologiques. Peu de patron.ne.s ont un blog en réalité, et Michel-Edouard Leclerc, l’un des rares à en avoir, y publie les mêmes articles que sur Facebook et Linkedin : nous n’avons donc pas eu l’impression de dévaluer son influence. En fait, le nouveau format de blog aujourd’hui dans le business, c’est LinkedIn. Après, il faut noter qu’il y a également des CEOs présents sur Instagram (Isabelle Kocher, et Alexandre Ricard par exemple) ou Facebook, mais c’est assez minoritaire, et cela a encore peu d’impact pour le moment.

Le BrandNewsBlog : Votre classement 2019 fait ressortir un certain nombre de dirigeants charismatiques, en particulier Patrick Pouyanné (Total, 1er du classement), Emmanuel Faber (Danone, 2ème) et Isabelle Kocher (Engie, 3ème), qui figuraient déjà tous les trois dans votre tiercé de tête en 2018. Les 7 P-DG suivants (cf tableau ci-dessous) sont eux aussi des représentants de grandes entreprises, majoritairement du CAC 40… Est-ce à dire qu’on a aucune chance de viser le haut du classement si on est patron d’une entreprise plus modeste, du SBF 120 et au-delà ? N’y-a-t-il pas pourtant des dirigeants digitalement exemplaires dans ces structures ?

François Guillot : Emmanuel Faber était quatrième l’an dernier (le trio était à l’époque complété par Carlos Ghosn). Les résultats favorisent effectivement des patrons « connus », notamment parce que le critère Wikipédia leur ajoute des points et parce que la célébrité engendre aussi l’audience et l’engagement. C’est plus facile pour un patron déjà présent dans le débat public que pour un inconnu qui part de zéro sur les réseaux sociaux, c’est évident.

Mais je suis bien sûr persuadé que des patrons de structures moins exposées peuvent aussi avoir une excellente communication sur les réseaux sociaux, au service des enjeux de leur entreprise. En dehors du CAC, on a par exemple Alain Dehaze d’Adecco qui est 8ème, Gérald Karsenti de SAP France qui est dixième, Pascal Demurger de la MAIF qui est treizième…

Le BrandNewsBlog : J’ai tout de même noté, dans les 30 premières places, et crédités d’un « score de leadership digital » de plus de 30, la présence de deux dirigeants de grandes écoles : Isabelle Barth d’une part (INSEEC, 12ème) et Loïc Roche (Grenoble Ecole de Management, 26ème). Comment ces dirigeants d’institutions ont-ils réussi à se glisser dans ce classement très orienté grandes entreprises ? De même, quand on examine les résultats détaillés de chaque CEO par plateforme, en fonction de leur activité ou de leur taux d’engagement, on s’aperçoit que les classements peuvent significativement varier (Cf infographies ci-dessous). Est-ce à dire que le trio de tête des leaders digitaux est plutôt bon en moyenne sur toutes les plateformes, sans figurer parmi les premiers sur aucune d’entre elles ? Quels enseignements faut-il en tirer ?

François Guillot : Concernant les Ecoles Supérieures de Commerce, nous nous sommes posé la question et nous avons fait le choix de les inclure. Beaucoup de leurs dirigeant.e.s ont un usage des réseaux sociaux très intéressant, et le classement a d’ailleurs vocation à fournir un benchmark à tous ceux qui se posent la question de la communication digitale des dirigeants. A ce titre, on peut considérer qu’au-delà de l’effectif salarié, une école rassemble aussi des centaines de professeurs experts, donc une surface proche de celle d’une ETI, voire d’une grande entreprise.

Et oui, pour répondre à la question sur les différents classements présents dans notre étude, il est clair que l’addition de 7 critères différents favorise les CEOs qui ont des « bonnes notes » un peu partout, sans avoir de « trou dans leur raquette ». C’est pour ça que l’étude comporte un certain nombre de zooms, critères par critères, qui sont assez révélateurs.

Alexandre Bompard a ainsi l’audience la plus qualifiée sur Twitter, Frédéric Oudéa sur LinkedIn. Dominique Schelcher est le plus actif sur Twitter, Loick Roche sur LinkedIn. Stéphane Richard est celui qui génère le plus d’engagement sur Twitter tandis que c’est Patrick Koller qui en génère le plus sur LinkedIn. Enfin, celui qui est le plus recherché et visité sur Wikipédia est Guillaume Pépy. On ne retrouve donc aucun des top 3 en tête sur un critère en particulier, en effet.

Le BrandNewsBlog : Vous le soulignez, dans cette édition 2019, un des plus puissants leviers du leadership digital – en tous cas un point commun à tous les P-DG en tête de votre classement –  est de porter haut et fort la « cause », la « raison d’être » ou le combat de leur entreprise… A ce titre, en quoi Emmanuel Faber (patron de Danone) et Pascal Demurger (DG de la Maif) vous paraissent-ils tous deux exemplaires ? En une slide de synthèse (cf ci-dessous), vous résumez par ailleurs finement la stratégie éditoriale vertueuse utilisée par les P-DG pour traiter ce thème de la raison d’être sur les réseaux sociaux, en utilisant les spécificités de chaque plateforme : pouvez-vous nous en résumer les points saillants ?

François Guillot : Emmanuel Faber s’est fait un nom et une réputation avec son discours sur la justice sociale à HEC, qui a été vu des millions de fois sur les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs très intéressant comme mécanique d’accès à la célébrité, surtout pour un patron (je pense que c’est le premier patron « star du web », d’une certaine façon…). Depuis, il est devenu le pionnier de la réflexion sur la mission des entreprises et il ne parle pas forcément beaucoup, mais chacune de ses prises de parole est forte. Son article sur la justice sociale sur LinkedIn est de ce point de vue très symbolique, il creuse de façon argumentée le discours tenu à HEC, qui jouait davantage sur l’émotion.

Pascal Demurger s’inscrit également dans cette dynamique : loi Pacte, entreprise à mission, lutte contre les inégalités, surconsommation, réchauffement climatique…

On assiste à une éclosion passionnante de dirigeants qui veulent changer le monde, et qui utilisent leur position pour cela. Et ils sont largement suivis, car il existe une forte demande de changement positif et beaucoup de salariés d’entreprises ressentent le besoin de participer à ce changement.

A l’heure où on se demande ce que peuvent vraiment faire les pouvoirs publics, les citoyens ou les consommateurs, et où beaucoup de changements dans nos vies quotidiennes sont impulsés par les entreprises, on peut se légitimement demander si les avancées sociétales et environnementales ne doivent pas être impulsées en premier lieu par ces acteurs économiques. Que des dirigeant.e.s souhaitent faire bouger les lignes dans ces domaines a donc beaucoup de sens !

Le BrandNewsBlog : De nombreuses études, comme le Trust barometer 2019 publié récemment par l’agence Elan Edelman soulignent à quel point les internautes et les citoyens ont tendance à faire davantage confiance aux institutions et représentants qui leur sont proches (à commencer par leur patron d’entreprise) plutôt qu’aux institutions et autorités plus distantes. De même, vous venez de le souligner, il semble qu’il y ait une attente croissante au sein du grand public pour davantage de prises de parole des CEO, sur les sujets sociétaux notamment. En quoi cette incarnation de la parole de l’entreprise par leur P-DG vous paraît-elle particulièrement importante ? Et quelle plateforme vous semble la plus qualitative pour partager cette vision aujourd’hui : vous recommandez beaucoup LinkedIn (utilisée par 70% des patrons) avant même Twitter (pourtant utilisée par 90% d’entre). Pourquoi ? Quels sont les avantages de l’un et de l’autre de ces plateformes pour les dirigeants ?

François Guillot : Vous avez raison, la confiance des publics obéit en effet à des lois de proximité : c’est assez normal de faire confiance à celles et ceux que je connais, donc davantage à ma ou mon P-DG davantage qu’à celui ou celle des autres d’ailleurs. Si, à cette loi naturelle, s’ajoute une proximité créée et soutenue par une bonne communication (= je lis ce patron > je comprends ce qu’il dit > je trouve ça intéressant > je me sens proche), alors il y a beaucoup à gagner pour les dirigeants et pour les entreprises.

De plus, il faut noter qu’il y a toujours eu un intérêt pour la personnalité des patron.ne.s. On le voit depuis longtemps dans la presse business, qui angle généralement ses histoires sur l’action du capitaine d’industrie plutôt que celle de son entreprise. Les réseaux sociaux, en permettant d’être en prise directe avec ces CEOs, satisfont ce besoin.

Après, en ce qui concerne les plates-formes, chacune a ses caractéristiques et ses qualités spécifiques, mais je pense que LinkedIn a longtemps été sous-estimé par les dirigeant.e.s qui ont été davantage attiré.e.s par ce formidable objet médiatique qu’est Twitter. C’est pour cela qu’ils y sont aujourd’hui encore plus nombreux. Mais Twitter recquiert aussi davantage de maturité en communication : il faut potentiellement avoir un avis sur tout, entrer dans une dynamique d’interaction, participer au débat…

LinkedIn a pour lui d’être plus « rassurant », plus safe : on sait où on est, en l’occurrence sur un réseau professionnel plutôt bienveillant. Mais un réseau très puissant également, comme en témoignent les nombres d’abonnés, statistiques d’engagement, etc. Donc je pense que dans la maturation digitale d’un dirigeant, c’est plus facile de commencer par LinkedIn, avant de descendre dans « l’arène » de Twitter…

Le BrandNewsBlog : Si vous soulignez une progression collégiale de l’ensemble des patrons que vous avez suivis en matière de maîtrise digitale (le score de leadership moyen augmentant de 9% par rapport à 2018), plus de la moitié des P-DG de votre classement a une note inférieure à 30, c’est à dire plutôt faible voire médiocre… Et sans trahir de secret, je crois savoir que beaucoup de P-DG, y compris parmi les premiers de votre classement ont tendance à publier rarement eux-mêmes/elles-mêmes, préférant confier la gestion et l’animation de leurs comptes sociaux à leur équipe ou à des agences. Quels sont les avantages et les inconvénients d’une telle délégation ? Et quels conseils donneriez vous aux P-DG ayant encore un score de leadership inférieur à 30 pour mieux faire l’année prochaine ?

François Guillot : La délégation est tout à fait dans l’ordre des choses. Il faudrait en effet être naïf pour croire qu’un.e P-DG, même très investi.e en communication, a les moyens et le temps d’opérer sur tous ses réseaux sociaux lui-même/elle-même.

Certains co-opèrent au fil de leurs inspirations et c’est déjà très bien. Ce qui compte, c’est leur investissement dans la communication, d’avoir quelque chose à dire, le fait de voir leur équipe de communication maîtriser ce sujet, de définir avec elle les orientations, de comprendre ce qui s’y passe… Comprendre également que le monde a changé et que la communication ne se borne pas/plus à faire partir un communiqué de presse quand on croit avoir quelque chose à dire !

On peut avoir l’impression d’enfoncer des portes ouvertes en disant cela, mais il nous appartient en tant que communicant.e.s d’achever de changer le regard des dirigeants sur la communication.

Concernant les notes attribuées à la plupart des dirigeants étudiés, elles sont « mi-figues mi-raisin » en effet. Mon article sur l’étude de l’an dernier s’intitulait « le verre d’eau à moitié plein ». On peut en effet considérer qu’il y a une cinquantaine de CEOs qui disposent d’une réelle stratégie digitale, même imparfaite, alors que les autres sont encore dans l’improvisation ou une phase de découverte…

Ils.elles pourraient souvent faire beaucoup mieux, et les équipes de communication qui les accompagnent sont très souvent frustrées de ne pas faire davantage car elles réalisent parfaitement le potentiel inexploité. Mais le sujet dépasse évidemment la seule problématique des réseaux sociaux : il s’agit de mettre la communication au service du leadership des dirigeant.e.s, d’avoir quelque chose à dire, et d’avoir mûri dans sa relation au numérique…

De ce point de vue, après les geeks, les jeunes et les moins jeunes, les politiques, les marques, les entreprises, les salariés… les patrons sont un peu le dernier maillon de la chaîne à investir les réseaux sociaux… Mais la maturation est en train de se faire. Il y a 15 ans, on avait un seul patron blogueur : Michel-Edouard Leclerc. Aujourd’hui, on en a 150 qui sont actifs sur les médias sociaux.

Et dieu merci, la phase de doute existentiel en mode « Mais que fait-on quand on a des messages négatifs ? », qui était si bloquante chez certain.e.s, semble enfin révolue. On n’entend plus, heureusement, ce genre de remarques. Tant mieux… La transformation est en marche. Donc, le meilleur conseil c’est d’y aller et de ne pas / de ne plus avoir peur !

Le BrandNewsBlog : Parmi les CEO les plus actifs sur Twitter et LinkedIn, c’est à dire celles et ceux ayant le plus fort volume ou la plus haute fréquence de publications, il me semble que beaucoup sont eux-mêmes/elles-mêmes souvent à la manoeuvre sur leurs comptes de réseaux sociaux, au moins une partie du temps  Et qu’ils.elles n’hésitent pas à interagir ou à entrer en conversation avec les autres internautes, ce que font plus rarement les P-DG ayant une activité uniquement pilotée par leurs communicant.e.s… Cette spontanéité n’est-elle pas vertueuse ? Et a contrario, n’existe-t-il pas un risque, au travers de prises de parole de CEO trop formatées et pilotées/planifiées, que cette parole devienne à son tour « aseptisée » et déceptive, même si on compte sur la force des réseaux d’ambassadeurs et l’employee advocacy pour relayer cette parole de dirigeant ?

François Guillot : Si, bien sûr, la spontanéité est vertueuse et l’analyse de celles et ceux qui sont les plus actifs laisse en effet penser qu’ils interviennent et publient régulièrement eux-mêmes. Laurent Vimont de Century 21 en est un exemple vertueux fréquemment cité. On aimerait tendre vers ça mais l’étape de délégation et de communication plus prudente est souvent nécessaire. Il faut en effet voir la maturation comme un process : de l’hostilité à l’acceptation puis à l’envie, du test à la stratégie, du discours officiel à la vision et l’expression personnelle et interactive. On ne devient pas un champion de Twitter en quelques jours : on passe par plusieurs étapes et il y a aussi un « apprentissage de la spontanéité » qui requiert une réflexion sur soi, sur sa communication, et une compréhension des codes de la culture digitale (je ne parle pas des émojis mais d’un état d’esprit : le « ça se tweete ou pas »).

De ce point de vue, beaucoup de communicant.e.s doivent encore apprendre à « lâcher prise » et à encourager la spontanéité… Il ne faut pas perdre de vue que le véritable objectif du communicant, pendant longtemps, était la maîtrise du risque. C’est moins vrai aujourd’hui, mais on est encore en partie dans « l’effet diligence » des réseaux sociaux. C’est à dire le fait d’utiliser une innovation comme celle qui l’a précédé, comme au far west où les premiers wagons de train avaient un look de diligence… Donc sur les réseaux sociaux, certains veulent avant tout pousser des messages « sans risque », comme on le faisait dans l’ancien monde (souvent avec une absence d’impact, mais sur les réseaux sociaux, l’absence d’impact se voit).

Or pour une communication moins aseptisée, on a besoin des vrais gens. L’expression de la marque corporate n’emporte pas tout : elle est souvent très contrainte et tentée par le lissage. Les individus, dont les CEOs font partie, peuvent proposer davantage d’aspérités, et on a tous davantage envie d’être en contact avec des vrais gens plutôt que des entités désincarnées !

Plus généralement, je crois qu’on n’est encore qu’au tout début de l’employee advocacy, au sens prise de parole (pas forcément seulement sur les réseaux sociaux d’ailleurs) du CEO, mais aussi du reste du Comex, des experts, des patrons de régions ou d’entités, des enthousiastes, etc. Peut-être dans un futur proche verra-ton des directions de la communication créer des directions de l’employee advocacy d’ailleurs, au même titre qu’une direction des relations publiques…

Le BrandNewsBlog : Bonjour Mathilde. Vous qui avez travaillé sur l’incarnation de la marque à travers son/ses dirigeants, que vous inspirent les résultats de ce « top 100 du leadership digital » ? Etes-vous notamment surprise de la faible proportion de femmes dans ce classement (elles sont 16 pour 84 hommes cette année, contre 18 pour 82 hommes en 2018, avec 2 femmes seulement parmi les 20 premières places) ? A l’exception notable d’Isabelle Kocher (3ème), cette faible visibilité numérique vous paraît-elle correspondre à la sous-représentation des femmes à la tête des entreprises, ou bien y-a-t’il d’autres facteurs d’explication à votre avis ?

Mathilde Aubinaud : L’écart est manifeste. Et cela persiste dans l’imaginaire collectif. Les représentations et les incarnations du leadership demeurent liées à un univers masculin. Ce sont bien souvent les hommes dirigeants qui s’emparent de la parole dans l’espace médiatique et se font davantage entendre.

Fort heureusement, on perçoit une évolution. Les barrières se lèvent peu à peu, l’autocensure tend à se perdre son importance. Vous évoquez Isabelle Kocher. Celle-ci prend la parole de façon très régulière sur les réseaux sociaux. La DG d’Engie y expose sa vision de la société et des enjeux clés comme la révolution énergétique que nous sommes en train de vivre. Une vision qu’elle entend défendre en tant que dirigeante. Une vision qui dépasse le seul prisme de son industrie. Elle fait d’ailleurs partie du Top 10 des influenceurs LinkedIn de l’année 2018 tout comme Clara Gaymard, qui entend sensibiliser, avec Gonzague de Blignières, à l’importance d’une économie bienveillante avec le MEB initié en 2018.

De plus en plus, les dirigeantes s’emparent des réseaux sociaux et les investissent à un rythme régulier à l’image de Sophie Bellon, citée dans le classement d’Angie +1 et Présidente du conseil d’administration de Sodexo, qui a rejoint Twitter en début d’année. Elle met en lumière la raison d’être du Groupe dès son premier tweet : « At @SodexoGroup, our ambition is to improve #qualityoflife for 1 billion people around the world. »

Le BrandNewsBlog : Dans votre mémoire « De l’audace d’entreprendre. La figure du dirigeant à travers sa marque », vous aviez choisi de faire un zoom sur 4 P-DG charismatiques ayant eux-mêmes construit leur marque de services : Steve Jobs, Richard Branson, Bernard Arnaud et Xavier Niel. Les deux derniers cités sont d’ailleurs absents du classement des leaders digitaux dévoilé par Angie + 1. Est-ce à dire qu’un dirigeant peut avoir une grande aura médiatique (voire un nombre de followers important sur les plateformes où il est présent, comme Xavier Niel), sans être pour autant un leader digital, en tous cas sans être proactif sur les réseaux sociaux et sans stratégie digitale ??

Mathilde Aubinaud : Dans ce mémoire, je souhaitais interroger les liens entre ces figures identifiées du grand public et les marques que celles-ci portent. Leur posture, l’image véhiculée et les enjeux qui se posent.

Leur aura s’affirme, en effet, bien au-delà de leurs secteurs respectifs et cela depuis longtemps. Si l’on met l’accent sur le digital, les prises de parole des dirigeant.e.s ne s’y limitent pas et heureusement. L’enjeu est d’éviter de diluer sa prise de parole en se dispersant. Il est crucial de revenir sur les fondamentaux de la communication. A quels publics souhaitent-ils s’adresser ? Puis vient, ensuite seulement, la question du canal. Celui-ci se doit d’être cohérent avec les publics visés et le message véhiculés. Il s’agit bien entendu d’adapter les supports de prise de parole aux parties prenantes qu’entend viser la marque et de s’y inscrire en cohérence.

Le BrandNewsBlog : Vous faites évidemment partie des experts de la communication qui estiment que l’incarnation de la marque par son/ses dirigeants est un atout pour l’entreprise, notamment en termes de visibilité, de notoriété et d’image. Et dans votre excellent mémoire, vous analysiez notamment le storytelling efficace mis en oeuvre par les patrons les plus charismatiques. A ce titre, vous avez du être sensible à la typologie en 8 profils de leaders (voir infographies ci-dessous) proposée par Angie + 1 dans son analyse : « L’ambassadeur », « Le visionnaire », « Le citoyen »… Est-ce cela correspond aux différents types de storytelling de dirigeant.e.s que vous avez pu relever sur les réseaux sociaux ??

Mathilde Aubinaud : La manière dont le.la dirigeant.e porte et incarne sa marque est en effet cruciale pour l’inscrire dans la durée. Même si notre échelle de temps s’assimile de plus en plus à celle du social media, l’enjeu est bien celui de créer une préférence sur le long terme.

Les profils de leaders proposés par Angie + 1 reflètent bien la diversité des postures sur les réseaux sociaux. Chacun adopte une posture qui lui est propre en fonction de sa personnalité et de l’engagement qu’il entend porter. L’enjeu est bien pour les dirigeant.e.s de quitter une dimension unidirectionnelle afin de s’inscrire dans la conversation, en laissant transparaître leur état d’esprit et leur vision.

Dans la pratique, il faut bien reconnaître que ce n’est pas si souvent le cas. Il s’agit de quitter, en partie, le discours attendu pour faire ressortir leurs traits de personnalité, la manière dont ils portent leurs équipe, dont ils.elles appréhendent la marque. Quand un.e dirigeant.e prend la parole sur les réseaux sociaux, cela se ressent d’emblée et permet de ressérer les liens avec les publics auxquels il.elle entend s’adresser.

Le BrandNewsBlog : Mathide, vous êtes aussi une ardente supportrice des entrepreneurs audacieux et de l’audace en général, comme en témoigne bien votre blog « La Saga des audacieux ». Quels sont justement, parmi les leaders classés dans ce top 100 du leadership numérique, celles et ceux qui vous impressionnent le plus par l’audace de leur prise de parole, ou par la qualité du storytelling qu’ils.elles ont su déployer ? Et pourquoi?

Mathilde Aubinaud : Pour ma part, je retiens notamment les prises de parole de Gérald Karsenti, DG de SAP France et de Laurent Vimont, Président de Century 21. J’admire la manière dont ils appréhendent la construction du leadership, loin des lectures habituelles.

 

Notes et légendes :

(1) « Brand leaders, storytellers, digital evangelists : les nouvelles casquettes des dirigeants de demain », Hervé Monier – The BrandNewsBlog, 14 juin 2016

(2) Accès à la présentation slideshare de synthèse de l’étude « TOP 100 du leadership digital » réalisée par l’agence Angie+1

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, Angie+1, Mathilde Aubinaud, The BrandNewsBlog 2019.

Marketeurs et communicants : 6 bonnes résolutions pour bien commencer 2016

Solly-Azar-Assurances-Bonnes-Resolutions

Et oui, le constat est sans appel. Et il fallait bien une étude du professeur Wiseman, de l’université de Hertfordshire*, pour nous le prouver : seuls 12% d’entre nous tiennent leurs bonnes résolutions de début d’année… Et pour ceux que ce sujet intéresse (voir à ce sujet cet édifiant article), il paraît même que ce sont les Babyloniens qui ont eu les premiers l’idée de profiter de la nouvelle année pour se lancer un certain nombre de défis et essayer de devenir une meilleure personne.

Le petit problème au niveau de l’exécution ? C’est en général que les bonnes résolutions ne résistent guère au-delà de l’Epiphanie (surtout lorsqu’on se promet de maigrir ou de moins manger, étonnamment ;). Tandis que les hommes pêchent le plus souvent par excès de confiance et par irréalisme dans la définition de leurs objectifs, les femmes « manqueraient quant à elles d’ambition et se garderaient d’afficher ces bonnes résolutions vis-à-vis de leurs proches », ce qui serait également un facteur d’échec (et ce n’est pas moi qui le dit mais le Professeur Wiseman – alias « l’homme raisonnable », ça ne s’invente pas – évoqué ci-dessus).

Bref : pour ne pas vous rendre la tâche insurmontable cette année, j’ai donc décidé de vous prémâcher le boulot. Dans le billet qui suit, je vous propose des défis pas trop ambitieux et facilement réalisables. Vous n’aurez qu’à en juger par vous-mêmes… Et pour ceux qui auraient la sagesse d’appliquer l’une de mes recommandations, je vous promets même la fugace auto-satisfaction du devoir accompli, à moindre frais. Que souhaiter de plus, je vous le demande ??

=> Alors lâchez immédiatement cette part de galette des rois et conjurons ensemble la malédiction des bonnes résolutions de début d’année jamais suivies d’effet…

>> BONNE RESOLUTION N°1 : en janvier, courez voir l’exposition de Jeanne Bordeau alias Jane B**

Comme moi, vous n’êtes jamais rassasié(e) des analyses et brillants décryptages proposés par des personnalités hautes en couleur et vous n’avez pas encore atteint l’overdose en matière de rétrospective 2015 ? Alors je vous recommande vivement, pour ceux qui ne les connaîtraient pas encore, les travaux de Jeanne Bordeau.

31 2010_Communication

Depuis près de dix ans maintenant, cette éminente linguiste, présidente et fondatrice du très pertinent Institut de la Qualité de l’Expression, propose dans le cadre d’une exposition annuelle une série de tableaux qui retracent, autour d’une dizaine de thématiques sociétales fortes, les 1 000 mots qui ont marqué l’année écoulée… Véritables « photos » linguistiques et sémantiques de l’époque, ces oeuvres uniques nous livrent une illustration à la fois visuelle, dense et inspirante des dernières tendances et évolutions du langage, en puisant dans le corpus des mots et expressions mises en avant par les médias, par des personnalités influentes ou bien encore les réseaux sociaux…

Rien d’étonnant, dès lors, que cette exposition à l’inspiration aussi scientifique qu’artistique soit devenue année après année un rendez-vous incontournable du calendrier communicant. D’ailleurs, les médias ne s’y trompent pas, qui ne manquent pas une occasion de solliciter Jeanne Bordeau pour partager ses analyses et fulgurances sémantiques. Je vous recommande vivement, pour ceux qui ne l’aurait pas entendue, cette interview de synthèse accordée récemment par Jeanne à Sud Radio, ou bien encore le bon portrait qu’en dresse ici Olivier Cimelière.

> BONNE RESOLUTION N°2 : découvrez « Fabrique-nous un dieu », le nouveau roman du branding expert Georges Lewi

Qui ne connaît pas encore Georges Lewi ? Pour ceux qui suivent régulièrement le BrandNewsBlog, vous devez vous souvenir que je ne manque jamais de faire écho des dernières publications de notre plus célèbre mythologue et expert du branding français***. Si le coeur vous en dit, je vous invite d’ailleurs à découvrir ou redécouvrir ici l’article que j’ai consacré en mars dernier au livre de Georges sur le storytelling ou bien celui consacré à son ouvrage dédié à l’e-branding (le branding des marques à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux).

Auteur prolixe et facétieux (et maintenant éditeur, depuis qu’il a pris les rênes des Editions François Bourin), Georges s’y entend comme personne pour brouiller les pistes et surprendre ses lecteurs, à chaque nouvelle parution. Après un premier roman réussi (Bovary21) dans lequel il dépeignait le destin rocambolesque d’Emma, descendante directe d’Emma Bovary, marketeuse pour une marque de soda et blogueuse accro aux médias sociaux, il nous livre en ce début d’année son deuxième roman, tout aussi impertinent et contemporain.

Dans « Fabrique-nous un dieu », qui se lit d’une traite, Georges nous raconte les mésaventures de Moïse, jeune chercheur idéaliste et imprévisible en quête de la molécule miraculeuse sensée abolir la souffrance des hommes et tripler leur espérance de vie…

Des affres de la recherche universitaire internationale aux turbulences du lancement d’une start-up organisée sous forme de coopérative, ce grand escogriffe dégingandé devra emprunter bien malgré lui les habits du leader charismatique, comme Steve Jobs ou Mark Zuckerberg, pour fédérer derrière lui les énergies parfois centripètes de ses équipes et mener à bien (ou pas : vous le découvrirez en lisant le livre ;-) son grand projet.

Fin observateur du milieu universitaire, de la vie des entreprises et des petits et grands travers du marketing, Georges Lewi trouve dans cette divertissante épopée l’occasion de revenir sur ses thèmes de prédilection : l’éternelle actualité des grands mythes fondateurs et le rôle dévolu à l’homme d’exception dans la réussite et le storytelling de toute entreprise innovante (entre autres). Un roman qui offre de multiples niveaux de lecture, donc, et que je vous recommande sans hésitation pour ce début 2016.

BONNE RESOLUTION N°3 : allez faire un tour sur les meilleurs blogs du marketing et de la communication…

Quelle meilleure façon de commencer l’année qu’en allant découvrir ou redécouvrir les meilleures ressources de la blogosphère en matière de communication et de marketing ? Ces deux dernières années, je m’étais fais un devoir de consacrer un article complet à ce sujet, en vous présentant au mois de janvier la shortlist de mes blogs préférés (voir ici ma sélection 2014 et ici ma sélection 2015).

De fait, je ne reviendrai pas en détail cette fois-ci sur chacune des ressources que je vous propose de suivre. Non pas que je sois devenu fainéant en 2016, mais il faut bien reconnaître que la blogosphère ne se renouvelle pas d’une année sur l’autre au point de rendre caduques les shortlists précédentes. D’ailleurs, sur les 10 sites que je mentionnais début 2014, aucun n’a disparu ou réduit son activité éditoriale et les nouveaux blogs de qualité, dans mes champs de prédilection (marketing et com’) ne sont pas légion, hélas.

Pour bien commencer ce nouveau millésime, je vous renverrai donc les yeux fermés vers ces trois ressources incontournables, dont la qualité et la crédibilité n’ont fait que se renforcer en 2015  : 1) le Blog du communicant, d’Olivier Cimelière ; 2) Superception, de Christophe Lachnitt et 3) Reputatio Lab, le « laboratoire de la réputation et des crises » de Nicolas VanderBiest. Tenu et animé par un ancien journaliste devenu depuis dircom’, le Blog du communicant revient à chaque fois avec grand talent sur tous les sujets qui font l’actualité de la communication. Devenu une référence dans notre secteur, il compte des milliers de followers et a été récompensé par un Golden Blog Award en 2010. Toujours aussi infatigable, Christophe Lachnitt publie quant à lui 1 billet par jour (quelle régularité de métronome !) sur son blog Superception. Traitant avec sagesse et lucidité de sujets aussi bien com’, que management, RH ou marketing, ce site vaut aussi pour les convictions empruntes d’humilité que partage son auteur quant à notre métier (convictions que je partage à 100% je dois dire et que Christophe présente de manière limpide). Le Reputatio Lab, en ce qui le concerne, reste à mon avis le meilleur site de la blogosphère sur les questions de réputation et la gestion des crises « 2.0 ». Ajoutant une bonne dose d’humour aux analyses qu’il nous livre, Nicolas Vanderbiest y est souvent brillant.

Capture d’écran 2016-01-10 à 08.54.42

Pour compléter ces trois premières ressources, je citerai les indispensables blogs suivants, qui font également référence :

  • le blog de Marc Thébault, véritable bible 2.0 de la com’ publique ;
  • le non moins excellent Sens du client, « blog des professionnels de la relation client et du marketing client » animé depuis 10 ans par Thierry Spencer ;
  • le blog de Franck La Pinta, précédemment dédié au marketing RH et aux RH 2.0, qui a évolué pour devenir cette année le « blog de la transformation digitale des organisations », avec un périmètre sensiblement élargi et des sujets encore plus variés, intégrant toujours la dimension RH bien sûr ;
  • L’idée qui tue, le blog de Nicolas Bordas, qui relaye inlassablement les meilleures initiatives créatives et publicitaires du moment ;
  • Siècle digital, le blog créé par Valentin Blanchot et Arnaud Verchère, devenu en à peine 3 ans un site d’information incontournable sur l’actualité du marketing digital ;
  • MyDigitalLuxuryGalaxy, le blog très réussi de Raphaël Malka et Stéphanie Mezin, entièrement consacré au marketing digital des marques de luxe.

Je ne saurais clore cette liste sans évoquer deux blogs que j’ai pour ma part découvert cette année : Couscous Royal de Magali Héberard, qui traite aussi bien de publicité et de marketing digital que de communication au sens large et La Saga des Audacieux de Mathilde Aubinaud. Sans être un blog marketing ou communication à proprement parler, ce site à découvrir d’urgence dresse (entre autres) le portrait de nombreux communicants et marketeurs « audacieux », parmi lesquels je citerai notamment Béatrice Mandine, Christine Kelly ou Nicolas Bordas tout récemment. Avec un concept aussi génial et le talent précoce qui la caractérise (mais on sait depuis longtemps que la valeur n’attend pas le nombre des années), quelque chose me dit qu’on entendra beaucoup parler de Mathilde dans les prochaines années… Alors c’est simple: faites-vous vous mêmes votre avis et allez-y voir :-)

Capture d’écran 2016-01-10 à 09.20.41

> BONNE RESOLUTION N°4 : en 2016, résistez au côté obscur de l’endiguement et redevenez maître(sse) de votre destin et de votre temps

Entre les attentats meurtriers de janvier et novembre, le tremblement de terre du premier tour des élections régionales et la multiplication des scandales à grande échelle (dieselgate de Volkswagen…), les motifs bien légitimes de sidération n’ont pas manqué en 2015. Face à ces évènements plus ou moins dramatiques, face à un environnement chaotique et à l’impression de « submersion » suscitée par un tsunami d’informations et de stimuli de plus en plus difficiles à gérer par leurs récepteurs (ce que les spécialistes en politique, en géopolitique mais aussi dans le digital appellent « la vague »), la construction de « digues émotionnelles » et la tentation du repli sur soi sont plus fortes que jamais.

Pour appréhender ces phénomènes et les tendances sociétales qui en découlent, pour échapper aux postures réactionnaires et à une prostration mortiphère, je vous invite en guise de 4ème bonne résolution à découvrir et méditer les résultats de l’étude Trend Observer 2016 (« la vague et la digue ») de l’institut Ipsos Public Affair.

Menée à partir d’entretiens avec des trendsetters, d’interviews d’experts, mais également à partir d’une veille poussée sur le web et à l’international, cette étude dévoile à la fois les mécanismes de défense et les stratégies de contournement mises en place par ces leaders d’opinion pour échapper au chaos de l’infobésité et reprendre leur destinée en main, à l’aube de 2016.

Concrètement, en terme d’attitude, la construction de ces « digues » évoquées ci-dessus se manifeste chez les trendsetters et autres « prosumers » par le retour à des postures plus conservatrices que par le passé. Recherche des racines familiales et quête d’authenticité, de simplicité voire d’une forme d’essentialité au travers de la consommation ; rejet du « bullshit » et des postures bavardes ou provocatrices dans le discours des marques ; réinvestissement personnel dans la formation et l’éducation (y compris spirituelle et religieuse) des enfants… Les témoins interrogés par Ipsos veulent surtout reprendre la main sur leur agenda et leur projet de vie et mieux maîtriser leur consommation média. Plus question de se noyer dans la sphère digitale et dans un océan de flux : ils s’agit désormais de sélectionner soigneusement les sources dignes d’intérêt et de rééquilibrer temps digital et temps physique non connecté (cf schéma ci-dessous), au profit des vraies rencontres et d’expériences émotionnelles plus intenses et gratifiantes.

La maîtrise du temps et la quête de l’accomplissement personnel redeviennent des priorités, tandis que l’exigence vis-à-vis des marques et l’allergie aux vieilles recettes du marketing se renforcent encore, semble-t-il…

graphe

BONNE RESOLUTION N°5 : faites table rase du « marketing de papa » et osez de nouvelles tactiques et stratégies

Comment ? Malgré tout le bien que j’en ai dit et malgré l’article que je lui ai consacré sur ce blog, vous n’avez pas encore acheté le livre de Florence Touzé « Marketing, les illusions perdues » ? Alors vous pouvez encore réparer cet oubli, au titre de cette cinquième bonne résolution 2016…

Si vous n’avez pas été assez convaincu des errements de la « mercatique de bout de chaîne commerciale » par l’ouvrage de Catherine Heurtebise (« Les petites bêtises du marketing », dont je vous invite à redécouvrir ici ma synthèse « maison »), sans doute serez-vous plus réceptif(tive)  à la démonstration et aux arguments de cette professionnelle expérimentée et repentie, devenue aujourd’hui professeure à la Faculté Audencia Business School.

Chantre du marketing implicatif, une discipline nouvelle et exigeante dont l’objectif est de servir un consommateur émancipé et lucide, Florence Touzé démonte d’abord un à un, dans son ouvrage, les ressorts et vieilles recettes du « marketing de papa », dont l’inefficacité nous apparaît un peu plus chaque jour. Puis elle nous propose, en guise de remède, de nouveaux rapports aux prix et au temps, des contrats de marque rénovés et plus ambitieux et des liens gagnants-gagnants entre l’entreprise et ses différents publics. Une lecture salutaire dans tous les cas, car même dans l’hypothèse où vous n’adhéreriez pas au final aux arguments de l’auteur, son ouvrage vous ouvrira assurément de nouvelles perspectives et pourquoi pas à de nouvelles stratégies marketing, plus responsables (=> revoir ici mon interview de Florence Touzé, au sujet de son ouvrage).

mkg

> BONNE RESOLUTION N°6 : ouvrez-vous aux autres, connectez-vous avec des professionnels via les réseaux sociaux… et rencontrez les « In Real Life »

Personne jusqu’ici ne l’avait aussi bien exprimé qu’Alban Jarry, professionnel reconnu du secteur de l’assurance et expert du web 2.0 : les réseaux sociaux sont une véritable mine de savoirs et de talents. Car « au-delà de leur fonction de communication instantanée, de CVthèques ou de mise à disposition d’une bibliothèque de savoirs, (ils) offrent avant tout l’opportunité de mettre en relation des personnes, voire de générer des rencontres IRL (In Real Life) inattendues ».

CQFD.

De fait, que vous habitiez en Ile-de-France, à l’étranger ou en province ; que vous soyez mobile ou pas ; que vous ayez déjà un réseau relationnel développé ou bien pas tout : les médias sociaux vous offrent une possibilité d’accéder simplement et rapidement à des ressources et des contacts dont vous ne soupçonniez pas l’existence.

Sur Twitter, en particulier, les marketeurs et communicants sont particulièrement actifs et vous abonner à leur compte peut vous ouvrir de nouvelles perspectives, voire faciliter votre intégration dans les cercles toujours intéressants de professionnels connectés.

Pour mémoire et en guise de dernière résolution 2016, je vous renvoie donc à la liste des « 150 twittos du marketing et de la communication » que je vous recommandais en 2015, tout en vous annonçant la publication, dès dimanche prochain, de ma shortlist 2016… Alors ne ratez pas ce rendez-vous ni cette occasion de vous connecter à la communauté particulièrement active des marketeurs et communicants français ! Si cela se trouve, d’ailleurs, en fonction de votre dynamisme sur les réseaux sociaux, votre nom et votre pseudo y figureront… ! A SUIVRE donc, et ce dès ce week-end :-)

 

 

Notes et légendes :

* Etude menée en 2010 par le professeur Wiseman de l’université de d’Hertfordshire, auprès de 3 000 individus, tous volontaires. 

** Jane B. est le nom d’artiste que s’est donnée Jeanne Bordeau, ses tableaux étant aujourd’hui autant reconnus pour leur qualité d’oeuvre d’art que leur valeur linguistique  >> lire à ce sujet cet article précédent du BrandNewsBlog sur le rapport entre les artistes et les marques, dans le cadre duquel je citais déjà Jane B.

*** Consultant en branding, Georges Lewi est expert en stratégies de marque. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de référence tels que La Marque (Editions Vuibert, 2013) ou Mythologie des marques (Editions Pearson, 2009).

Iconographie : 123RF, The BrandNewsBlog

%d blogueurs aiment cette page :