Leadership digital des dirigeant.e.s d’entreprise : de nets progrès, mais « peut encore mieux faire »…

De longue date, je vous ai entretenus sur ce blog de l’importance pour les dirigeant.e.s d’incarner pleinement leur entreprise et leur(s) marques, quitte à en devenir les premiers « storytellers » ¹.

Et de fait, ces dernières années, nous avons assisté à une véritable libération de la parole des patron.ne.s de grands groupes et d’organisations, une sorte de « Printemps du leadership » à la fois bien vu et bienvenu, les capitaines d’industries et autres dirigeant.e.s d’institutions et d’associations hésitant de moins en moins à s’exprimer en dehors des thématiques convenues liées à leur business et à la performance de leur entité.

Cette incarnation vertueuse des entreprises par leur CEOs, plébiscitée par les collaborateurs.trices et par les consommateurs, en attente de davantage d’engagement de la part des marques, a néanmoins mis un certain nombre d’années avant de se traduire sur les réseaux et médias sociaux. Pas toujours à l’aise avec les nouveaux outils du « web 2.0 » ni avec ses codes, certain.e.s ont en effet mis beaucoup de temps à se lancer…

Mais voilà, ça y est : ainsi que le dévoilait il y a quelques jours l’agence Angie+1, en délivrant la deuxième édition de son étude « TOP 100 du leadership digital » ², cette fois il semblerait qu’une majorité de P-DG de grandes entreprises s’y soit mis, avec plus ou moins d’assiduité et de pertinence il est vrai, mais le pas est franchi. Et les exemples de dirigeant.e.s à la stratégie digitale exemplaire, ayant mis en oeuvre une vraie ligne éditoriale tenant compte des atouts et spécificités de chaque plateforme, ne sont plus des cas isolés.

Ainsi, comme vous pourrez le voir ci-dessous, Patrick Pouyanné (Total), Emmanuel Faber (Danone) et Isabelle Kocher (Engie) trustent activement les 3 premières places du classement établi sur la base de 7 critères par l’agence Angie+1. Et des dirigeant.e.s d’entreprises et d’organisations de nombreux autres secteurs d’activité sont également représentés, témoignant d’une vraie prise de conscience de l’importance et des possibilités du leadership digital, en lien avec les stratégies d’employee advocacy des entreprises.

Une bonne occasion de rediscuter de l’importance de l’incarnation des marques par leur dirigeant.e.s et des facteurs clés de succès d’un véritable leadership digital avec François Guillot, directeur associé d’Angie+1 et Mathilde Aubinaud, créatrice de la Saga des audacieux et auteure d’un mémoire de référence sur « la figure du dirigeant à travers sa marque ».

…Et ainsi que vous le verrez, la « raison d’être » est encore une fois au coeur du sujet ce matin sur le BrandNewsBlog, puisque les dirigeant.e.s d’entreprise les plus dynamiques et les plus influents n’hésitent pas à mettre leur compte au service des engagements de leurs entreprises et à appuyer leur leadership sur l’affirmation d’un « purpose », au service de la société toute entière…

Le BrandNewsBlog : François, tout d’abord bravo à vous pour cette deuxième édition de votre étude « Top 100 du leadership digital ». De par le nombre de dirigeants dont vous avez ausculté l’activité, la richesse et la profondeur des critères que vous avez croisés et la masse de publications que vous avez du brasser, on comprend que cela a du représenter un travail considérable ! Pouvez-vous nous en dire plus sur la méthodologie utilisée et les 4 principaux critères retenus pour cette étude ?

François Guillot : Merci Hervé. L’idée de départ de l’étude était de prendre une photo très globale d’un phénomène que l’on perçoit tous mais qui méritait d’être objectivé : la tendance croissante des patrons français à utiliser les réseaux sociaux. Plutôt que de s’arrêter au traditionnel CAC 40 ou de faire une liste de « patrons influents », ce qui aurait sans doute conduit à une sur-représentation des patrons de start-ups, nous avons voulu regarder l’activité des CEOs de grandes entreprises françaises, pour nous intéresser au tissu économique de façon beaucoup plus globale et transversale.

La première étape a donc consisté à réunir notre « corpus » : nous avons cherché du côté du SBF 120, de l’AFEP, des EPIC, des grandes marques… et nous avons mené en parallèle des recherches sur les grandes entreprises en rentrant secteur par secteur, notamment. A la suite de ce travail, nous avons identifié 150 CEOs particulièrement actifs sur les réseaux sociaux (contre 120 l’an dernier).

La deuxième étape de notre travail a consisté à mesurer le leadership digital de ces dirigeant.e.s et nous l’avons réalisé à l’aune de 4 familles de critères : 1) l’audience (= plus je suis suivi, plus j’ai des chances d’élargir le public qui me suit) ; 2) l’activité (= si je ne suis pas actif, je n’exprime pas mon leadership). Par exemple, Xavier Niel, qui est suivi par près de 200 000 comptes sur Twitter mais n’a tweeté que deux fois en 2018, a été sorti du corpus ; 3) l’engagement, un critère classique sur les réseaux sociaux (= cela nous dit quel niveau d’interaction suscite le CEO) ; et enfin 4) l’attractivité, qui a été mesurée à l’aune de l’audience de la page Wikipédia de ces P-DG (quand ils.elles en ont une), et qui est une autre manière de mesurer l’intérêt qui leur est porté.

Le BrandNewsBlog : Dans l’introduction de votre document de synthèse, vous évoquez le travail minutieux de « data crunching » que vous avez du effectuer, « en partie en utilisant des algorithmes, en partie a la mano ». En quoi a consisté ce data crunching ? Et pourquoi avoir choisi d’examiner en priorité Twitter, LinkedIn et Wikipedia, à l’exclusion des autres plateformes sociales et des blogs ? Certains blogs fameux de dirigeants, comme celui de Michel-Edouard Leclerc, soutiennent leur leadership digital : pourquoi ne pas avoir retenu ces canaux ? L’influence digital de MEL n’en a-t-elle pas pâti (il apparaît seulement à la 11ème place de votre classement) ?

François Guillot : Et bien quand je parle de « data crunching » et en ce qui concerne par exemple Twitter, notre équipe spécialisée en data a lancé des scripts qui permettent d’éliminer tous les abonnés « morts », afin de reconstituer une « vraie audience ». En faisant cela, nous avons remarqué que l’audience « morte » sur Twitter pouvait aller de 10 à 75% selon les P-DG étudiés. Nous avons également fait ce travail d’identifier les comptes certifiés et les comptes de journalistes parmi les bases d’abonnés des dirigeant.e.s que nous avons étudié.e.s, et nous les avons en définitive « sur-pondérés », pour donner une note globale d’audience qualifiée dépassant le seul nombre de followers, qui ne veut plus dire grand-chose…

En ce qui concerne les plate-formes analysées, nous avons bien sûr retenu Twitter parce que c’est le lieu du débat public, de l’influence, de l’actu chaude, du live. Nous avons aussi regardé de près LinkedIn parce qu’il permet, à travers la publication d’articles sur LinkedIn Pulse notamment, de développer un véritable point de vue. Et dans ce contexte, le dirigeant est typiquement dans un exercice de prise de hauteur.

L’alliance de ces deux plateformes crée une belle complémentarité et à ce titre, notre classement distingue les patrons qui sont particulièrement présents et actifs sur ces deux réseaux. Concernant Wikipédia, il me semble que la mesure des audiences (et des écarts importants qui existent d’une personnalité à l’autre) est également très révélatrice de leur attractivité respective. C’est à cet égard un critère assez étonnant et fascinant.

En ce qui concerne enfin les blogs et les autres plates-formes sociales, nous avons considéré que leur usage était trop minoritaire et que les inclure serait susceptible de poser d’importants problèmes méthodologiques. Peu de patron.ne.s ont un blog en réalité, et Michel-Edouard Leclerc, l’un des rares à en avoir, y publie les mêmes articles que sur Facebook et Linkedin : nous n’avons donc pas eu l’impression de dévaluer son influence. En fait, le nouveau format de blog aujourd’hui dans le business, c’est LinkedIn. Après, il faut noter qu’il y a également des CEOs présents sur Instagram (Isabelle Kocher, et Alexandre Ricard par exemple) ou Facebook, mais c’est assez minoritaire, et cela a encore peu d’impact pour le moment.

Le BrandNewsBlog : Votre classement 2019 fait ressortir un certain nombre de dirigeants charismatiques, en particulier Patrick Pouyanné (Total, 1er du classement), Emmanuel Faber (Danone, 2ème) et Isabelle Kocher (Engie, 3ème), qui figuraient déjà tous les trois dans votre tiercé de tête en 2018. Les 7 P-DG suivants (cf tableau ci-dessous) sont eux aussi des représentants de grandes entreprises, majoritairement du CAC 40… Est-ce à dire qu’on a aucune chance de viser le haut du classement si on est patron d’une entreprise plus modeste, du SBF 120 et au-delà ? N’y-a-t-il pas pourtant des dirigeants digitalement exemplaires dans ces structures ?

François Guillot : Emmanuel Faber était quatrième l’an dernier (le trio était à l’époque complété par Carlos Ghosn). Les résultats favorisent effectivement des patrons « connus », notamment parce que le critère Wikipédia leur ajoute des points et parce que la célébrité engendre aussi l’audience et l’engagement. C’est plus facile pour un patron déjà présent dans le débat public que pour un inconnu qui part de zéro sur les réseaux sociaux, c’est évident.

Mais je suis bien sûr persuadé que des patrons de structures moins exposées peuvent aussi avoir une excellente communication sur les réseaux sociaux, au service des enjeux de leur entreprise. En dehors du CAC, on a par exemple Alain Dehaze d’Adecco qui est 8ème, Gérald Karsenti de SAP France qui est dixième, Pascal Demurger de la MAIF qui est treizième…

Le BrandNewsBlog : J’ai tout de même noté, dans les 30 premières places, et crédités d’un « score de leadership digital » de plus de 30, la présence de deux dirigeants de grandes écoles : Isabelle Barth d’une part (INSEEC, 12ème) et Loïc Roche (Grenoble Ecole de Management, 26ème). Comment ces dirigeants d’institutions ont-ils réussi à se glisser dans ce classement très orienté grandes entreprises ? De même, quand on examine les résultats détaillés de chaque CEO par plateforme, en fonction de leur activité ou de leur taux d’engagement, on s’aperçoit que les classements peuvent significativement varier (Cf infographies ci-dessous). Est-ce à dire que le trio de tête des leaders digitaux est plutôt bon en moyenne sur toutes les plateformes, sans figurer parmi les premiers sur aucune d’entre elles ? Quels enseignements faut-il en tirer ?

François Guillot : Concernant les Ecoles Supérieures de Commerce, nous nous sommes posé la question et nous avons fait le choix de les inclure. Beaucoup de leurs dirigeant.e.s ont un usage des réseaux sociaux très intéressant, et le classement a d’ailleurs vocation à fournir un benchmark à tous ceux qui se posent la question de la communication digitale des dirigeants. A ce titre, on peut considérer qu’au-delà de l’effectif salarié, une école rassemble aussi des centaines de professeurs experts, donc une surface proche de celle d’une ETI, voire d’une grande entreprise.

Et oui, pour répondre à la question sur les différents classements présents dans notre étude, il est clair que l’addition de 7 critères différents favorise les CEOs qui ont des « bonnes notes » un peu partout, sans avoir de « trou dans leur raquette ». C’est pour ça que l’étude comporte un certain nombre de zooms, critères par critères, qui sont assez révélateurs.

Alexandre Bompard a ainsi l’audience la plus qualifiée sur Twitter, Frédéric Oudéa sur LinkedIn. Dominique Schelcher est le plus actif sur Twitter, Loick Roche sur LinkedIn. Stéphane Richard est celui qui génère le plus d’engagement sur Twitter tandis que c’est Patrick Koller qui en génère le plus sur LinkedIn. Enfin, celui qui est le plus recherché et visité sur Wikipédia est Guillaume Pépy. On ne retrouve donc aucun des top 3 en tête sur un critère en particulier, en effet.

Le BrandNewsBlog : Vous le soulignez, dans cette édition 2019, un des plus puissants leviers du leadership digital – en tous cas un point commun à tous les P-DG en tête de votre classement –  est de porter haut et fort la « cause », la « raison d’être » ou le combat de leur entreprise… A ce titre, en quoi Emmanuel Faber (patron de Danone) et Pascal Demurger (DG de la Maif) vous paraissent-ils tous deux exemplaires ? En une slide de synthèse (cf ci-dessous), vous résumez par ailleurs finement la stratégie éditoriale vertueuse utilisée par les P-DG pour traiter ce thème de la raison d’être sur les réseaux sociaux, en utilisant les spécificités de chaque plateforme : pouvez-vous nous en résumer les points saillants ?

François Guillot : Emmanuel Faber s’est fait un nom et une réputation avec son discours sur la justice sociale à HEC, qui a été vu des millions de fois sur les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs très intéressant comme mécanique d’accès à la célébrité, surtout pour un patron (je pense que c’est le premier patron « star du web », d’une certaine façon…). Depuis, il est devenu le pionnier de la réflexion sur la mission des entreprises et il ne parle pas forcément beaucoup, mais chacune de ses prises de parole est forte. Son article sur la justice sociale sur LinkedIn est de ce point de vue très symbolique, il creuse de façon argumentée le discours tenu à HEC, qui jouait davantage sur l’émotion.

Pascal Demurger s’inscrit également dans cette dynamique : loi Pacte, entreprise à mission, lutte contre les inégalités, surconsommation, réchauffement climatique…

On assiste à une éclosion passionnante de dirigeants qui veulent changer le monde, et qui utilisent leur position pour cela. Et ils sont largement suivis, car il existe une forte demande de changement positif et beaucoup de salariés d’entreprises ressentent le besoin de participer à ce changement.

A l’heure où on se demande ce que peuvent vraiment faire les pouvoirs publics, les citoyens ou les consommateurs, et où beaucoup de changements dans nos vies quotidiennes sont impulsés par les entreprises, on peut se légitimement demander si les avancées sociétales et environnementales ne doivent pas être impulsées en premier lieu par ces acteurs économiques. Que des dirigeant.e.s souhaitent faire bouger les lignes dans ces domaines a donc beaucoup de sens !

Le BrandNewsBlog : De nombreuses études, comme le Trust barometer 2019 publié récemment par l’agence Elan Edelman soulignent à quel point les internautes et les citoyens ont tendance à faire davantage confiance aux institutions et représentants qui leur sont proches (à commencer par leur patron d’entreprise) plutôt qu’aux institutions et autorités plus distantes. De même, vous venez de le souligner, il semble qu’il y ait une attente croissante au sein du grand public pour davantage de prises de parole des CEO, sur les sujets sociétaux notamment. En quoi cette incarnation de la parole de l’entreprise par leur P-DG vous paraît-elle particulièrement importante ? Et quelle plateforme vous semble la plus qualitative pour partager cette vision aujourd’hui : vous recommandez beaucoup LinkedIn (utilisée par 70% des patrons) avant même Twitter (pourtant utilisée par 90% d’entre). Pourquoi ? Quels sont les avantages de l’un et de l’autre de ces plateformes pour les dirigeants ?

François Guillot : Vous avez raison, la confiance des publics obéit en effet à des lois de proximité : c’est assez normal de faire confiance à celles et ceux que je connais, donc davantage à ma ou mon P-DG davantage qu’à celui ou celle des autres d’ailleurs. Si, à cette loi naturelle, s’ajoute une proximité créée et soutenue par une bonne communication (= je lis ce patron > je comprends ce qu’il dit > je trouve ça intéressant > je me sens proche), alors il y a beaucoup à gagner pour les dirigeants et pour les entreprises.

De plus, il faut noter qu’il y a toujours eu un intérêt pour la personnalité des patron.ne.s. On le voit depuis longtemps dans la presse business, qui angle généralement ses histoires sur l’action du capitaine d’industrie plutôt que celle de son entreprise. Les réseaux sociaux, en permettant d’être en prise directe avec ces CEOs, satisfont ce besoin.

Après, en ce qui concerne les plates-formes, chacune a ses caractéristiques et ses qualités spécifiques, mais je pense que LinkedIn a longtemps été sous-estimé par les dirigeant.e.s qui ont été davantage attiré.e.s par ce formidable objet médiatique qu’est Twitter. C’est pour cela qu’ils y sont aujourd’hui encore plus nombreux. Mais Twitter recquiert aussi davantage de maturité en communication : il faut potentiellement avoir un avis sur tout, entrer dans une dynamique d’interaction, participer au débat…

LinkedIn a pour lui d’être plus « rassurant », plus safe : on sait où on est, en l’occurrence sur un réseau professionnel plutôt bienveillant. Mais un réseau très puissant également, comme en témoignent les nombres d’abonnés, statistiques d’engagement, etc. Donc je pense que dans la maturation digitale d’un dirigeant, c’est plus facile de commencer par LinkedIn, avant de descendre dans « l’arène » de Twitter…

Le BrandNewsBlog : Si vous soulignez une progression collégiale de l’ensemble des patrons que vous avez suivis en matière de maîtrise digitale (le score de leadership moyen augmentant de 9% par rapport à 2018), plus de la moitié des P-DG de votre classement a une note inférieure à 30, c’est à dire plutôt faible voire médiocre… Et sans trahir de secret, je crois savoir que beaucoup de P-DG, y compris parmi les premiers de votre classement ont tendance à publier rarement eux-mêmes/elles-mêmes, préférant confier la gestion et l’animation de leurs comptes sociaux à leur équipe ou à des agences. Quels sont les avantages et les inconvénients d’une telle délégation ? Et quels conseils donneriez vous aux P-DG ayant encore un score de leadership inférieur à 30 pour mieux faire l’année prochaine ?

François Guillot : La délégation est tout à fait dans l’ordre des choses. Il faudrait en effet être naïf pour croire qu’un.e P-DG, même très investi.e en communication, a les moyens et le temps d’opérer sur tous ses réseaux sociaux lui-même/elle-même.

Certains co-opèrent au fil de leurs inspirations et c’est déjà très bien. Ce qui compte, c’est leur investissement dans la communication, d’avoir quelque chose à dire, le fait de voir leur équipe de communication maîtriser ce sujet, de définir avec elle les orientations, de comprendre ce qui s’y passe… Comprendre également que le monde a changé et que la communication ne se borne pas/plus à faire partir un communiqué de presse quand on croit avoir quelque chose à dire !

On peut avoir l’impression d’enfoncer des portes ouvertes en disant cela, mais il nous appartient en tant que communicant.e.s d’achever de changer le regard des dirigeants sur la communication.

Concernant les notes attribuées à la plupart des dirigeants étudiés, elles sont « mi-figues mi-raisin » en effet. Mon article sur l’étude de l’an dernier s’intitulait « le verre d’eau à moitié plein ». On peut en effet considérer qu’il y a une cinquantaine de CEOs qui disposent d’une réelle stratégie digitale, même imparfaite, alors que les autres sont encore dans l’improvisation ou une phase de découverte…

Ils.elles pourraient souvent faire beaucoup mieux, et les équipes de communication qui les accompagnent sont très souvent frustrées de ne pas faire davantage car elles réalisent parfaitement le potentiel inexploité. Mais le sujet dépasse évidemment la seule problématique des réseaux sociaux : il s’agit de mettre la communication au service du leadership des dirigeant.e.s, d’avoir quelque chose à dire, et d’avoir mûri dans sa relation au numérique…

De ce point de vue, après les geeks, les jeunes et les moins jeunes, les politiques, les marques, les entreprises, les salariés… les patrons sont un peu le dernier maillon de la chaîne à investir les réseaux sociaux… Mais la maturation est en train de se faire. Il y a 15 ans, on avait un seul patron blogueur : Michel-Edouard Leclerc. Aujourd’hui, on en a 150 qui sont actifs sur les médias sociaux.

Et dieu merci, la phase de doute existentiel en mode « Mais que fait-on quand on a des messages négatifs ? », qui était si bloquante chez certain.e.s, semble enfin révolue. On n’entend plus, heureusement, ce genre de remarques. Tant mieux… La transformation est en marche. Donc, le meilleur conseil c’est d’y aller et de ne pas / de ne plus avoir peur !

Le BrandNewsBlog : Parmi les CEO les plus actifs sur Twitter et LinkedIn, c’est à dire celles et ceux ayant le plus fort volume ou la plus haute fréquence de publications, il me semble que beaucoup sont eux-mêmes/elles-mêmes souvent à la manoeuvre sur leurs comptes de réseaux sociaux, au moins une partie du temps  Et qu’ils.elles n’hésitent pas à interagir ou à entrer en conversation avec les autres internautes, ce que font plus rarement les P-DG ayant une activité uniquement pilotée par leurs communicant.e.s… Cette spontanéité n’est-elle pas vertueuse ? Et a contrario, n’existe-t-il pas un risque, au travers de prises de parole de CEO trop formatées et pilotées/planifiées, que cette parole devienne à son tour « aseptisée » et déceptive, même si on compte sur la force des réseaux d’ambassadeurs et l’employee advocacy pour relayer cette parole de dirigeant ?

François Guillot : Si, bien sûr, la spontanéité est vertueuse et l’analyse de celles et ceux qui sont les plus actifs laisse en effet penser qu’ils interviennent et publient régulièrement eux-mêmes. Laurent Vimont de Century 21 en est un exemple vertueux fréquemment cité. On aimerait tendre vers ça mais l’étape de délégation et de communication plus prudente est souvent nécessaire. Il faut en effet voir la maturation comme un process : de l’hostilité à l’acceptation puis à l’envie, du test à la stratégie, du discours officiel à la vision et l’expression personnelle et interactive. On ne devient pas un champion de Twitter en quelques jours : on passe par plusieurs étapes et il y a aussi un « apprentissage de la spontanéité » qui requiert une réflexion sur soi, sur sa communication, et une compréhension des codes de la culture digitale (je ne parle pas des émojis mais d’un état d’esprit : le « ça se tweete ou pas »).

De ce point de vue, beaucoup de communicant.e.s doivent encore apprendre à « lâcher prise » et à encourager la spontanéité… Il ne faut pas perdre de vue que le véritable objectif du communicant, pendant longtemps, était la maîtrise du risque. C’est moins vrai aujourd’hui, mais on est encore en partie dans « l’effet diligence » des réseaux sociaux. C’est à dire le fait d’utiliser une innovation comme celle qui l’a précédé, comme au far west où les premiers wagons de train avaient un look de diligence… Donc sur les réseaux sociaux, certains veulent avant tout pousser des messages « sans risque », comme on le faisait dans l’ancien monde (souvent avec une absence d’impact, mais sur les réseaux sociaux, l’absence d’impact se voit).

Or pour une communication moins aseptisée, on a besoin des vrais gens. L’expression de la marque corporate n’emporte pas tout : elle est souvent très contrainte et tentée par le lissage. Les individus, dont les CEOs font partie, peuvent proposer davantage d’aspérités, et on a tous davantage envie d’être en contact avec des vrais gens plutôt que des entités désincarnées !

Plus généralement, je crois qu’on n’est encore qu’au tout début de l’employee advocacy, au sens prise de parole (pas forcément seulement sur les réseaux sociaux d’ailleurs) du CEO, mais aussi du reste du Comex, des experts, des patrons de régions ou d’entités, des enthousiastes, etc. Peut-être dans un futur proche verra-ton des directions de la communication créer des directions de l’employee advocacy d’ailleurs, au même titre qu’une direction des relations publiques…

Le BrandNewsBlog : Bonjour Mathilde. Vous qui avez travaillé sur l’incarnation de la marque à travers son/ses dirigeants, que vous inspirent les résultats de ce « top 100 du leadership digital » ? Etes-vous notamment surprise de la faible proportion de femmes dans ce classement (elles sont 16 pour 84 hommes cette année, contre 18 pour 82 hommes en 2018, avec 2 femmes seulement parmi les 20 premières places) ? A l’exception notable d’Isabelle Kocher (3ème), cette faible visibilité numérique vous paraît-elle correspondre à la sous-représentation des femmes à la tête des entreprises, ou bien y-a-t’il d’autres facteurs d’explication à votre avis ?

Mathilde Aubinaud : L’écart est manifeste. Et cela persiste dans l’imaginaire collectif. Les représentations et les incarnations du leadership demeurent liées à un univers masculin. Ce sont bien souvent les hommes dirigeants qui s’emparent de la parole dans l’espace médiatique et se font davantage entendre.

Fort heureusement, on perçoit une évolution. Les barrières se lèvent peu à peu, l’autocensure tend à se perdre son importance. Vous évoquez Isabelle Kocher. Celle-ci prend la parole de façon très régulière sur les réseaux sociaux. La DG d’Engie y expose sa vision de la société et des enjeux clés comme la révolution énergétique que nous sommes en train de vivre. Une vision qu’elle entend défendre en tant que dirigeante. Une vision qui dépasse le seul prisme de son industrie. Elle fait d’ailleurs partie du Top 10 des influenceurs LinkedIn de l’année 2018 tout comme Clara Gaymard, qui entend sensibiliser, avec Gonzague de Blignières, à l’importance d’une économie bienveillante avec le MEB initié en 2018.

De plus en plus, les dirigeantes s’emparent des réseaux sociaux et les investissent à un rythme régulier à l’image de Sophie Bellon, citée dans le classement d’Angie +1 et Présidente du conseil d’administration de Sodexo, qui a rejoint Twitter en début d’année. Elle met en lumière la raison d’être du Groupe dès son premier tweet : « At @SodexoGroup, our ambition is to improve #qualityoflife for 1 billion people around the world. »

Le BrandNewsBlog : Dans votre mémoire « De l’audace d’entreprendre. La figure du dirigeant à travers sa marque », vous aviez choisi de faire un zoom sur 4 P-DG charismatiques ayant eux-mêmes construit leur marque de services : Steve Jobs, Richard Branson, Bernard Arnaud et Xavier Niel. Les deux derniers cités sont d’ailleurs absents du classement des leaders digitaux dévoilé par Angie + 1. Est-ce à dire qu’un dirigeant peut avoir une grande aura médiatique (voire un nombre de followers important sur les plateformes où il est présent, comme Xavier Niel), sans être pour autant un leader digital, en tous cas sans être proactif sur les réseaux sociaux et sans stratégie digitale ??

Mathilde Aubinaud : Dans ce mémoire, je souhaitais interroger les liens entre ces figures identifiées du grand public et les marques que celles-ci portent. Leur posture, l’image véhiculée et les enjeux qui se posent.

Leur aura s’affirme, en effet, bien au-delà de leurs secteurs respectifs et cela depuis longtemps. Si l’on met l’accent sur le digital, les prises de parole des dirigeant.e.s ne s’y limitent pas et heureusement. L’enjeu est d’éviter de diluer sa prise de parole en se dispersant. Il est crucial de revenir sur les fondamentaux de la communication. A quels publics souhaitent-ils s’adresser ? Puis vient, ensuite seulement, la question du canal. Celui-ci se doit d’être cohérent avec les publics visés et le message véhiculés. Il s’agit bien entendu d’adapter les supports de prise de parole aux parties prenantes qu’entend viser la marque et de s’y inscrire en cohérence.

Le BrandNewsBlog : Vous faites évidemment partie des experts de la communication qui estiment que l’incarnation de la marque par son/ses dirigeants est un atout pour l’entreprise, notamment en termes de visibilité, de notoriété et d’image. Et dans votre excellent mémoire, vous analysiez notamment le storytelling efficace mis en oeuvre par les patrons les plus charismatiques. A ce titre, vous avez du être sensible à la typologie en 8 profils de leaders (voir infographies ci-dessous) proposée par Angie + 1 dans son analyse : « L’ambassadeur », « Le visionnaire », « Le citoyen »… Est-ce cela correspond aux différents types de storytelling de dirigeant.e.s que vous avez pu relever sur les réseaux sociaux ??

Mathilde Aubinaud : La manière dont le.la dirigeant.e porte et incarne sa marque est en effet cruciale pour l’inscrire dans la durée. Même si notre échelle de temps s’assimile de plus en plus à celle du social media, l’enjeu est bien celui de créer une préférence sur le long terme.

Les profils de leaders proposés par Angie + 1 reflètent bien la diversité des postures sur les réseaux sociaux. Chacun adopte une posture qui lui est propre en fonction de sa personnalité et de l’engagement qu’il entend porter. L’enjeu est bien pour les dirigeant.e.s de quitter une dimension unidirectionnelle afin de s’inscrire dans la conversation, en laissant transparaître leur état d’esprit et leur vision.

Dans la pratique, il faut bien reconnaître que ce n’est pas si souvent le cas. Il s’agit de quitter, en partie, le discours attendu pour faire ressortir leurs traits de personnalité, la manière dont ils portent leurs équipe, dont ils.elles appréhendent la marque. Quand un.e dirigeant.e prend la parole sur les réseaux sociaux, cela se ressent d’emblée et permet de ressérer les liens avec les publics auxquels il.elle entend s’adresser.

Le BrandNewsBlog : Mathide, vous êtes aussi une ardente supportrice des entrepreneurs audacieux et de l’audace en général, comme en témoigne bien votre blog « La Saga des audacieux ». Quels sont justement, parmi les leaders classés dans ce top 100 du leadership numérique, celles et ceux qui vous impressionnent le plus par l’audace de leur prise de parole, ou par la qualité du storytelling qu’ils.elles ont su déployer ? Et pourquoi?

Mathilde Aubinaud : Pour ma part, je retiens notamment les prises de parole de Gérald Karsenti, DG de SAP France et de Laurent Vimont, Président de Century 21. J’admire la manière dont ils appréhendent la construction du leadership, loin des lectures habituelles.

 

Notes et légendes :

(1) « Brand leaders, storytellers, digital evangelists : les nouvelles casquettes des dirigeants de demain », Hervé Monier – The BrandNewsBlog, 14 juin 2016

(2) Accès à la présentation slideshare de synthèse de l’étude « TOP 100 du leadership digital » réalisée par l’agence Angie+1

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, Angie+1, Mathilde Aubinaud, The BrandNewsBlog 2019.

Le storytelling digital, remède imparable contre l’infobésité et l’érosion de l’attention des publics ?

La semaine dernière, j’ai consacré mon dernier billet de blog aux résultats édifiants du 1er « Observatoire du sens » lancé par l’agence Wellcom et par le cabinet d’étude ViaVoice.

Dans le cadre d’une interview croisée, Thierry Wellhoff, Président de Wellcom et François Miquet-Marty, Président de ViaVoice, insistaient notamment sur la nécessité pour les entreprises de mettre en œuvre une narration et un storytelling puissants et inspirants, susceptibles de susciter l’adhésion des publics autour du « sens symbolique ou sublimé » co-construit avec chacune des parties prenantes de l’organisation.

Dans le droit fil de cet échange, et à la suite d’un atelier que j’ai eu la chance de co-animer cet été avec Jeanne Bordeau¹, dans le cadre des master-class organisées par l’école de la communication d’Orange, il me semblait important de revenir aujourd’hui sur ce sujet du storytelling, et en particulier sur le storytelling digital, tant celui-ci se trouve aujourd’hui à la croisée de nombreux enjeux de communication…

Objet de moult confusions (notamment avec les diverses formes de brand content mais aussi du fait de l’essor des fameuses « stories » sur les différentes plateformes de réseaux sociaux), le storytelling est hélas de moins en moins clairement appréhendé par les professionnels… Et paradoxalement, sa pratique a même semblé galvaudée ces derniers temps par les nouvelles techniques et les nouveaux outils digitaux, alors que sa pertinence et sa raison d’être n’ont jamais été aussi fortes qu’aujourd’hui !

Sous-estimé et parfois incompris, l’art de la narration à l’heure de la révolution numérique et de la conversation méritait décidément que je lui consacre un billet de blog. Et c’est évidemment en compagnie de la brillante Jeanne Bordeau, inlassable apôtre de la qualité du langage et fondatrice de l’Institut de la qualité de l’expression, que j’ai choisi d’aborder à nouveau ce sujet passionnant. A la fois pour tordre le cou à un certain nombre d’idées reçues et réhabiliter le storytelling dans toute sa puissance et dans son ambition première : celle d’ordonner le monde qui nous entoure et avant tout les discours pour redonner du sens à l’action et à la mission de l’entreprise, entre autres.

Qu’est-ce que le storytelling et le storytelling digital en particulier ? Quelle différence avec le brand content et le content marketing ? Pourquoi tous les récits et autres « stories » 2.0 ne se valent pas et ne constituent pas une narration ordonnée et un véritable storytelling ? Quelles conditions et quels schémas narratifs pour fonder une véritable mise en récit de l’entreprise, inspirante et efficace ? Et comment passer d’une narration « à plat » à un véritable storytelling digital et transmédia, à la fois fluide et cohérent, susceptible de susciter la conversation et l’adhésion des publics ? En quoi cela contribue-t-il, pour finir, à capter plus efficacement l’attention des publics et incidemment à lutter contre l’infobésité?

C’est à toutes ces questions – rien de moins – que l’entretien ci-dessous se propose de répondre… Et je tiens à remercier encore très chaleureusement Jeanne Bordeau pour avoir bien voulu éclairer les colonnes de ce blog de ses lumières et de sa vision si riche et ambitieuse de l’art de la narration et de la communication.

Bonne lecture à tous.toutes et bonne inspiration à chacun.e !

Le BrandNewsBlog : Tout d’abord Jeanne, pourriez-vous définir pour nous ce qu’est exactement le storytelling et pourquoi il est si important pour les entreprises de capitaliser sur leur histoire et sur la narration ? Quels en sont les avantages à l’heure de l’explosion des modes d’expression digitaux ? Et qu’est-ce exactement que le storytelling digital, par rapport au storytelling « traditionnel » ?

Jeanne Bordeau : Le storytelling est une mise en récit transversale sur l’ensemble de l’écosystème d’une marque. Il crée un ordonnancement et un fil directeur indispensables à l’ère du digital puisqu’il structure et crée de l’ordre et de la progression dans le discours d’une marque.

C’est cette cohérence qu’apporte le storytelling. Un vrai récit fidélise les consommateurs, spectateurs et acteurs par une grande histoire, qu’elle soit explicite ou implicite. Bien que la mise en récit puisse être amenée à évoluer, elle a pour objectif de créer une visée globale qui contribue à exprimer la stratégie de l’entreprise au fur et à mesure de son développement.

Pour que le storytelling soit vrai et efficace, il doit s’attacher à suivre une trame narrative étroitement pensée en lien avec la culture et les aspirations de l’entreprise dont il est au service. Pour cela, le récit doit être puisé dans la parole des collaborateurs et/ou des clients qui racontent et ressentent le mieux les valeurs, l’histoire et l’expérience que leur fait vivre l’entreprise.

Le storytelling digital est particulièrement créatif, puisqu’il relie son, texte et image et offre une interaction privilégiée entre les marques et leurs communautés. Mais attention, le digital et le web encouragent la multiplicité d’histoires juxtaposées et rarement composées. C’est là où le storytelling entre en jeu : il doit être comme le chef d’orchestre, il tisse des liens intelligents entre les nombreux contenus ou petites histoires imaginés par les marques. Il est incarné par des dirigeants ou porte-paroles de l’entreprise ou par des héros inventés auxquels les clients s’associent.

Le BrandNewsBlog : Ainsi que je l’expliquais en introduction, le storytelling est de plus en plus souvent confondu avec le fameux « brand content », voire avec ces historiettes ou « stories » dont les marques sont de plus en plus friandes sur les différentes plateformes sociales (Instagram…). En quoi le storytelling, et en particulier le storytelling digital, se différencient-ils de ces différents contenus de marque, que vous jugez parfois avec sévérité en les qualifiant de « snacking content » ?

Jeanne Bordeau : «Aucune philosophie, aucune analyse, aucun aphorisme, aussi profonds qu’ils soient, ne peuvent se comparer en intensité, en plénitude de sens, avec une histoire bien racontée» écrivait Hannah Arendt. Je promeus la même idée. Un grand récit, avec une trame narrative construite et un héros identifié emporte le lecteur. Les contenus de marque créatifs ne jouent pas dans la même cour. Ils offrent des histoires plus courtes bien que souvent scénarisées. Celles-ci n’ont pas la même magie d’ordonnancement et de récit.

Les contenus de marque n’ont pas la même essence ni les mêmes objectifs que le storytelling. Ils sont créés dans l’optique de transmettre un message de marque, de vendre et d’engager une conversation avec les publics. Tous ces contenus de marque peuvent cohabiter et jouent différents rôles.

Je distingue quatre typologies de contenus de marques : 1) serviciel, 2) pédagogique, 3) ludique, 4) créatif.

  1. Le contenu serviciel conseille le client. Alan, l’assurance santé simple, utilise habilement ce contenu. Il guide ses internautes grâce à une description claire et accessible du monde de l’assurance, pour mieux vendre son offre.
  2. Le contenu ludique, lui, incite à jouer. Il est très apprécié de l’agroalimentaire et des marques telles que Kellogs, Burger King ou Oasis pour créer buzz et notoriété.
  3. Le contenu pédagogique, très populaire chez les marques de beauté et de santé, s’appuie le plus souvent sur des tutos.
  4. Enfin, le contenu de marque créatif, souvent confondu avec le storytelling, nous livre de petites histoires qui installent simplement une atmosphère. Le brand content, c’est Maupassant face à Shakespeare, ce sont des courtes nouvelles face à un grand récit. Mais, bien que ces courtes histoires ne construisent pas un grand récit, et qu’elles ne mettent pas toujours un héros en scène, elles peuvent être de grande qualité. Une marque comme Lidl est très forte en contenu créatif : de petites histoires qui donnent avec justesse envie de consommer. On peut vouloir être juste une marque qui vend !

Il est intéressant de noter que se distinguent de plus en plus du contenu de marque créatif le customer content, contenu co-créé avec le consommateur pour mieux interagir avec lui, et les contenus « employee advocacy », co-créés avec les collaborateurs. Dans le customer content, souvent, le fruit des réponses obtenues par le contenu de marque serviciel et pédagogique, tisse une conversation qui installe elle aussi une pérennité. De jeunes marques conquérantes aiment jouer de ce registre, comme Les 2 Marmottes ou Véja.

Le BrandNewsBlog : Dans un précédent ouvrage¹, vous posiez déjà les neuf lois principales de la mise en récit… et les fondements du storytelling. Pourriez-vous nous rappeler ces lois et nous dire en quoi elles sont toutes si indispensables à une narration efficace ? Vous dites notamment que le storytelling « provoque l’attention » : est-ce une des ses caractéristiques ou un de ses objectifs premiers ? Et en quoi cela le différencie-t-il justement de la plupart des contenus produits par les marques aujourd’hui, qui y parviennent si difficilement ?

Jeanne Bordeau : Oui, dans mon ouvrage Storytelling et contenu de marque, paru en 2012, les fondements de la mise en récit s’appuient sur neuf lois principales…

  1. Le storytelling crée une visée. Il possède un fil conducteur et génère un ordonnancement.
  2. Il installe une atmosphère sensible, crée de l’émotion.
  3. Il est authentique quand il provient des paroles, des témoignages, du vécu des salariés ou/et des consommateurs.
  4. Le storytelling est fondé sur le partage et l’écoute.
  5. Il peut identifier un héros.
  6. Le storytelling fait référence à des stéréotypes qui rassurent et facilitent la compréhension.
  7. Le storytelling entraîne durée et fidélité.
  8. Le storytelling, toujours relié à un zeste de légende, transfigure mais ne défigure pas.
  9. Le storytelling provoque l’attention.

Mais le grand avantage est qu’il provoque l’attention sur la durée, car le consommateur suit le parcours rationnel, l’avancée de l’histoire. Par le maniement du sensible engendré par les héros ou l’émotion de l’histoire, le consommateur est touché et s’associe durablement au scénario déroulé. L’amour actuel des séries en témoigne.

Le BrandNewsBlog : Dans l’excellente étude que vous avez menée en début d’année, en analysant les mises en récit d’une cinquantaine d’entreprises – étude qui a donné matière à la publication de votre dernier Cahier de tendances sur le storytelling digital², que je recommande vivement à nos lecteurs – vous avez identifié un certain nombre de thèmes récurrents auxquels les marques font référence : mythologies du « lieu d’origine » ou du « progrès », thématiques de la matière, du savoir-faire ou du voyage… Pourriez-vous nous donner quelques exemples de marques recourant à ces thématiques ? Et nous dire pourquoi, selon vous, les récits illustrés s’appuyant sur ces thèmes ne constituent pas pour autant un véritable storytelling ?

Jeanne Bordeau : L’analyse des 50 marques de notre cahier de tendances a en effet souligné la récurrence de certains thèmes qui donnent un fondement à la marque, la lie à un symbole ou éclaire la mission principale de la marque.

Le lieu d’origine est en effet l’un des grands thèmes : Volvic est au cœur des volcans d’Auvergne, l’Occitane est naturellement liée à la Provence, le Slip Français aux différentes régions françaises. Mais il y a aussi les thèmes du progrès et de la science, souvent mis en exergue par les entreprises industrielles et technologiques telles que Apple, Air Liquide, IBM, Saint-Gobain. On relève également le voyage en effet, récurrent chez LVMH depuis toujours, ou chez Maison Intègre qui part à la rencontre d’artisans en Afrique, tandis que Polaar fait aussi revivre le voyage en Arctique de son fondateur…

Bien que ces thèmes soient indispensables à une mise en récit, j’aime dire qu’ils « décorent le récit » mais ils ne le fondent pas. Car le récit est comme une maison, il faut le construire avant de l’orner d’un décor que seraient thèmes et tournures qui contribuent à signer la ligne éditoriale de votre marque. On peut dire que ces thèmes ont le mérite de donner de la couleur au récit et de diffuser une ambiance, mais ils n’exploitent qu’une petite partie de tout ce qu’autorise un vrai storytelling, qui prend le temps d’installer tout un univers de façon pérenne dans les mémoires. Steve Jobs est de ce point de vue inoubliable.

Le BrandNewsBlog : Un certain nombre de grandes marques, dans les secteurs du luxe et de la haute technologie notamment (comme Chanel ou Apple) capitalisent beaucoup, dans leur communication, sur leur histoire et sur leur « mythe fondateur ». Cet « historytelling » ainsi que vous le qualifiez, malgré sa mise en scène et le souffle qu’il peut donner au récit de la marque, ne suffit pas non plus d’après vous à construire une narration ordonnée et pérenne. Est-ce à dire que les entreprises qui se concentreraient uniquement sur cet élément de leur identité risquent de voir leur récit tourner court, notamment quand un des éléments du mythe fondateur s’effondre (quand le créateur charismatique de l’entreprise disparaît, par exemple) ?

Jeanne Bordeau : Les grandes marques ont en effet tendance à mettre en récit leur genèse. C’est ce qu’on appelle l’historytelling : la marque s’appuie sur l’histoire du fondateur ou sur l’idée originelle de l’entreprise pour raconter la marque. Bien que l’historytelling mobilise la corde sensible – et c’est rare d’y réussir – et qu’il embarque le lecteur/internaute, il possède ses limites… Que se passe-t-il quand le mythe fondateur meurt ? Quand Steve Jobs a disparu, on a beaucoup plus senti pour Apple que l’on était dans du marketing et pas dans un concept disruptif qui domine comme à l’époque de son vivant. Steve Jobs était un storytelleur surdoué, il était créateur d’un monde et d’un nouveau comportement, Think different. A-t-il été remplacé ? À vous de juger…

Quant à Chanel, nous pouvons nous demander à quel point il faut toujours et encore s’appuyer sur la figure de Coco Chanel ? Raconter encore et toujours l’histoire de la créatrice contribue-t-il à donner le sentiment de modernité à des jeunes communautés ? Cet angle sera-t-il toujours inspirant ? Comment Chanel pourrait-elle davantage s’ancrer dans son époque ? Et lancer « Gabrielle », était-ce moderne ?

Les petites histoires des contenus de marque, ainsi que l’historytelling, ont un « zeste » de construction narrative mais n’ont pas de trame narrative riche et suivie qui puisse réellement « ravir » le client consommateur, au sens du « rapt ».

Le BrandNewsBlog : Schéma narratif problème-solution ou « en escalier » ; schéma narratif « en éventail » ; schéma narratif « en mosaïque » ; schéma « fil d’Ariane »… Vous identifiez et décrivez en définitive 4 types de schémas narratifs, qui sont les plus couramment utilisés par les marques mettant en œuvre un véritable storytelling. Quelles sont les spécificités de chacun de ces schémas ? Qu’est-ce qui les caractérise ? Et pouvez-vous nous donner pour chacun un exemple de marque qui l’utilise ?

Jeanne Bordeau : Les schémas narratifs apportent cohérence, ordonnancement et visée. Les meilleures histoires, celles qui nous emportent, sont celles construites sur des fondements solides qui sont rehaussés par la justesse de l’univers sensible choisi pour peindre le propos, l’intrigue. Les histoires justes touchent à la fois l’esprit et le coeur.

Dans l’analyse de nos 50 marques, quatre trames narratives principales sont apparues…

1) Le schéma « en escalier » est un schéma binaire, problème-solution. Il déploie des problématisations successives sur un même thème. Si ce schéma était un film, il serait « Annie Hall », de Woody Allen, parce que les histoires possèdent une structure simple. Dans ce schéma, il y a une mise en option de ce qui est avec ce qui pourrait être. À chaque problème est confrontée une solution. Il y a une avancée marche par marche, (« en escalier »). La force de ce schéma est d’impliquer rationnellement le consommateur, de le prendre par la main grâce à une démonstration pédagogique.
Il illustre bien la stratégie narrative de Saint-Gobain. De nombreuses histoires sont construites sur la visée du groupe qui est de « concevoir, produire et fournir des matériaux pensés pour le bien-être de chacun et l’avenir de tous. » Chaque innovation fait l’objet d’une courte histoire. Il existe aussi des petites histoires « preuves » avec des témoignages de clients.

2) La tendance la plus fréquente est le schéma narratif « en éventail » proche de la construction de « Lalaland ». Le principe est de développer des petites histoires autour d’une idée centrale, qui peut être la mission de l’entreprise ou un thème prépondérant. Bien que distrayant, puisque chaque histoire vient corroborer le thème central, cette trame peut sembler répétitive dans sa construction. Dans « Lalaland » on vit les saisons, les unes à la suite des autres : printemps, été, automne, hiver. C’est le « chronos » du logos. Simple chronologie.

La marque Bobbies par exemple déploie ses histoires autour du thème du voyage grâce à sa mascotte Jean-Bobbi. Le Slip Français a choisi le made in France, le 100% français. Il nous déshabille l’histoire de la fabrication des slips, des collections. On vit les tribulations de Francis, l’un des personnages représentatifs de la marque. C’est l’énonciateur qui n’est autre que l’équipe du Slip Français qui fait le lien entre toutes ces courtes histoires pour composer un récit. L’énonciateur donne au storytelling une visée en mettant en perspective les missions du héros de la marque, « mon slip ce héros ».

3) Plus riche et nourri que les deux schémas précédents, le troisième schéma est le schéma en mosaïque, c’est le film « Les uns les autres » de Lelouch. Les petites histoires publiées sont comparables à des touches de couleurs d’un tableau impressionniste : rassemblées grâce à une ligne éditoriale forte, elles créent un tableau harmonieux. Il y a un ordre profond dans le désordre apparent. Les messages émanent d’énonciateurs divers et sont surtout de formes variées : cas, témoignages, vidéos, citations de journalistes, articles. Mais elles sont obsessionnellement au service de la ligne éditoriale poursuivie.
IBM a choisi ce schéma pour structurer son offre profuse et nous invite à voyager dans un thème qui lui est propre : l’innovation et l’inventivité au service du client. Les messages sont de formats divers mais illustrent toujours leur credo « I think therefore IBM ». Ce n’est jamais écrit de la même façon. C’est la diversité des formes qui sert le fond du propos.

4) Enfin, le schéma narratif « en fil d’Ariane » pourrait sembler sans doute le plus puissant car le plus complet. Il déroule le fil d’une histoire ordonnée, faite de rebonds et incarnée par un héros et quelques autres personnages. Il mobilise notre attention puisqu’il nous faire vivre une aventure, il prend le consommateur par la main. Son récit monte en puissance, exactement comme dans « Autant en emporte le vent ». On vit une saga. Cette stratégie narrative est notamment utilisée par Apple, ou encore Innocent.

L’équipe des délicieux smoothies détaille son récit source, l’histoire de trois amis, sur leur site internet, puis déroule leur fil conducteur : l’engagement RSE de la marque. Il faut sauver les clients de la malbouffe en offrant des jus sains et bons pour leur bien-être. La marque veille à respecter cet engagement tout au long du récit : 10% des bénéfices sont reversés à des ONG, une fondation est créée, des actions sont montées pour contribuer au bien-être des collaborateurs… Tel un véritable texte orchestré avec une situation initiale (un monde où l’on se nourrit mal), un héros sauveur (le saint Innocent), un adjuvant (les jus Innocent), le dénouement (une meilleure santé), Innocent nous fait voguer à 100% dans ses jus de fruit.

Le BrandNewsBlog : Sans aller jusqu’à établir une hiérarchie entre ces différents schémas narratifs, qui ont chacun leurs avantages, on comprend néanmoins que le plus sophistiqué, c’est à dire le schéma en « fil d’Ariane » a votre préférence. S’appuyant sur les canons du schéma narratif aristotélicien, il s’articule autour d’un personnage central (le héros) qui va faire face à des difficultés mais trouvera sur son chemin des alliés pour l’aider dans sa quête, des ennemis et pourra compter sur un adjuvant qui facilitera sa réussite. En dehors de l’exemple d’Innocent et de celui d’Apple, dont le mythe fondateur s’est beaucoup nourri de la vision de son démiurge Steve Jobs, l’adjuvant de sa réussite étant l’inventivité, quels autres storytellings s’appuient sur ce schéma ? Vous évoquez notamment Red Bull…

Jeanne Bordeau : Le fil d’Ariane est puissant, mais… La limite est quand le héros est le fondateur. Car même un héros fondateur meurt ! Red Bull a donc fait beaucoup plus fort et a réussi à faire en sorte que les héros soient ses clients. Dans ces cas-là, le fil d’Ariane est infini, multiple et une toile d’araignée se construit. Et de toiles … n’est-ce pas ce dont le web rêve ?

Le BrandNewsBlog : Ainsi que vous l’expliquez de manière très pédagogique dans votre Cahier de tendances, si le schéma narratif est indispensable car il pose en quelques sortes les fondations de cet édifice que constituent le storytelling, le style narratif, la langue adoptée et les visuels mis en avant, de même que les canaux retenus pour diffuser l’histoire en constituent quant à eux l’indispensable décoration… A ce sujet, vous militez pour une langue différenciatrice, incarnée et authentique, nourrie des expressions et des vocables métiers employés par les salariés eux-mêmes, mais aussi pour un storytelling transmedia, associant à la fois son, texte et image. Qu’est-ce exactement qu’un storytelling « transmedia » ? Et pourquoi est-il aussi important pour vous d’associer tous les modes d’expression pour bâtir une narration efficace sur les canaux digitaux ?

Jeanne Bordeau : Je me bats surtout pour que chacun parle la langue qui le singularise, que chaque entreprise et marque parle et écrive la langue qui lui ressemble. Être singulier et pas puriel.

Le storytelling transmedia, qui jongle avec les textes, les vidéos, les photos, les sons donne cette possibilité aux marques d’avoir un discours riche et complet, construit et kinesthésique, multisensoriel. Pour signer au mieux leur identité, si en créant la trame narrative, en colorant les propos avec des thèmes, les traits de personnalité de la marque, ses valeurs restent les codes obsessionnels qui irriguent tout le territoire sémantique de la marque, la cohérence s’installe. Cohérence, mot tant prisé et recherché ces temps derniers. Il convient donc de respecter la ligne éditoriale : toute histoire doit respirer le style de la marque. Qui utiliserait la même histoire ou la même tonalité pour parler de Céline et de Moschino, de Dacia ou de Porsche ? De YouTube à Facebook, en passant par le site web, les newsletters, les supports print ou les podcasts et les légendes Instagram, les communicants deviennent scénaristes, réalisateurs, monteurs. Le meilleur est à inventer !

Tous ces modes d’expression sont parfaitement conjugués chez Red Bull, qui possède une house media d’une centaine de personnes pour bâtir cette narration transmedia pensée et anticipée. Site internet, RedBull TV, webmagazine, et les réseaux sociaux… Et si Red Bull n’était pas loin de commencer à faire son cinéma ? L’histoire de la boisson énergisante est multidimensionnelle ; elle crée une expérience client pour chaque domaine du sport et signe une cohérence, une manière d’être Red Bull. On peut être multidimensionnel et consistant.

Le BrandNewsBlog : Au final, la qualité du langage et de l’expression demeure plus que jamais votre cheval de bataille, même à l’heure des réseaux sociaux, de la conversation et malgré l’érosion globalisée de l’attention des publics. En quoi une narration structurée par un schéma bien déterminé, associée à un langage original et différenciateur permet-elle à une marque d’être à la hauteur des grands enjeux de communication contemporains à votre avis ? Et dans ces domaines de la qualité du langage et du storytelling transmédia, quelles sont les meilleures pratiques et les marques « best in class » ?

Jeanne Bordeau : Actuellement, il y a des marques justes dans le déploiement de leur récit, par exemple Maison Standards. Lush et Fabienne Alagama sont des jeunes marques qui ont posé de très bonnes fondations. Mais quand on sait que « la planète Netflix est habitée par plus d’une centaine de millions de consommateurs » comme le commente Xavier Couture, on commence d’entrapercevoir ce que sera l’exigence des specta-consommateurs quant à la qualité des histoires que chaque marque choisira pour se raconter.

Le BrandNewsBlog : Le storytelling le plus réussi, n’est-ce pas au final celui qui arrive à transformer le client en véritable héros du récit raconté par la marque ? Et à lui donner les moyens de devenir véritablement un acteur de l’aventure, comme y parvient si bien la marque Innocent, justement ?

Jeanne Bordeau : Transformer le client en héros du récit raconté par la marque est en effet l’un des objectifs du storytelling. La marque Innocent, s’adresse directement à l’internaute avec un ton informel et convivial pour entrer en conversation avec lui – « mets ton bonnet » « dans le coin ? » « envie de papoter ? » « vous êtes curieux ?- et ensuite le faire participer à l’engagement de la marque. Comment ? En s’inscrivant dans la galerie des tricoteurs et en épinglant sa photo à la vue de tous. Faire tricoter un consommateur en 2018. Chapeau !

Mais il y a des storytellings qui retiennent notre attention, dont on ne souhaite pas pour autant devenir le héros. Prenez AXA par exemple : leur série « Born to protect » capte des catastrophes. Elles sont prenantes mais est-ce pour autant que nous avons envie d’imaginer notre prochain péril et signer chez Axa ?

Allianz a posté ses vidéos « Je suis l’imprevu », les vidéos retiennent l’attention mais avons-nous envie d’être confrontés à un imprévu aussi incarné ? Allianz doit réfléchir à la capacité de conviction à proposer au consommateur face à ce défi qui fait frissonner pour provoquer et construire une réassurance qui ne reste pas une simple promesse.

Le BrandNewsBlog : On le voit à travers votre Cahier de tendances et vos propos : bâtir un storytelling digital efficace, cela ne s’improvise pas et cela demande à la fois compétences digitales, rigueur, cohérence et méthode… ce qui n’est pas si facile à mettre en musique au quotidien ! En termes opérationnels justement, au sein des directions de la communication, quel type d’organisation vous semblerait la plus propice et la plus adaptée pour atteindre de tels objectifs et développer un storytelling digital efficace ? Faut-il promouvoir de véritables newsrooms, animée par des rédacteurs en chef ayant droit de regard sur tous les contenus émis par la marque ? Ou bien une autre organisation permettrait-elle de relever ces défis ? Et quelles sont le cas échéant les (nouvelles) compétences requises ou à acquérir d’urgence au sein des services com’ à votre avis ?

Jeanne Bordeau : Je crois de plus en plus à une modélisation de la chaine éditoriale et à des process fondés qui exacerbent la qualité d’écriture mais qui ne l’aplatissent pas. L’intelligence artificielle aide à l’ordonnancement, c’est sain. Elle professionnalise l’écriture, elle aide à concevoir des chaines de production éditoriale où les rôles des plumes sont pensés et complémentaires. Et précisément, le récit possède cela : structure et visée. Toutefois, il ajoute à ces process sensibilité, âme, poésie et vibration… Cela n’a pas échappé aux GAFA qui depuis quelques temps convoquent les poètes en Californie…

De même, le grand succès des écoles américaines de scénaristes, ce sont les travaux en ateliers. La conjonction de talents complémentaires, la richesse de sensibilités conjuguées. Désormais, l’écriture se pense.

Ce qu’il faut, c’est fonder des organisations quelles qu’elles soient. Elles doivent être conçues en lien avec le secteur d’activité de la marque. Oui, il y a des war room et des social room : elles concentrent l’écriture, les compétences, les organisent-elles toujours ?
Il faut rétablir l’écrit en interne, travailler en ateliers, être sensibilisés et formés, posséder une stratégie éditoriale, une signature sémantique et se rendre compte que la chaine de production d’écriture est au service d’un outil sérieux et exigeant, le langage, qui ne peut plus se construire sur la simple intuition d’une créa.

C’est une nouvelle ère parce que l’intelligence artificielle elle-même a ouvert notre cerveau. Il faut être inspiré pour écrire, mais pas que : il faut comprendre un contexte, une situation, avoir un objectif, connaître le champ sémantique de l’entreprise, respecter sa ligne éditoriale. Si je ne compose pas dans la musique du lieu pour lequel j’écris, cela n’ira pas. Goldman n’a pas composé de la même manière pour Johnny Hallyday que pour Céline Dion. Tout génie au service d’une marque doit y songer.

Le créatif doit faire partie d’une équipe où la complémentarité va jouer à la hauteur de l’attente que l’entreprise possède et de la stratégie qu’elle s’est imposée.

Le BrandNewsBlog : Une dernière question Jeanne, si vous le permettez… Toutes les marques sont-elles au final légitimes à faire du storytelling ?

Jeanne Bordeau : Il n’y a pas de règle, tout dépend des souhaits et des aspirations de la marque. Chaque marque peut construire un storytelling mais toutes les marques n’en ont pas forcément le besoin ni d’ailleurs l’envie…

Les marques qui sont plus prédisposées au storytelling sont celles qui veulent être plus qu’une marque, celles qui ont une volonté réelle d’engagement ou de distinction, celles qui agissent comme une entreprise (personne morale) et veulent transporter dans leur trajectoire leurs collaborateurs, leurs clients. Ces entreprises et marques possèdent alors un propos qui sera citoyen ou qui sera éventuellement porté par des dirigeants incarnés. Cela n’est pas obligatoire, mais ce sont des entreprises et des marques qui souhaitent souvent s’expliquer et partager avec leur communauté la vérité de leur parcours et cultiver une relation qui possède un petit plus.

Innocent ne pourrait faire que du contenu de marque mais c’est son storytelling qui a sculpté son engagement. Agnès b. est allée plus loin que la création de mode : elle a mis derrière sa marque une intention et un récit avec sa fondation sur l’art, s’est engagée sur des modes de comportements… Et pourtant le storytelling n’était pas encore à la mode mais Agnès b. a su raconter son histoire : on se souviendra d’elle !

En revanche, une marque comme Lidl, d’origine allemande, est excellente dans son contenu de marque mais elle ne cherche pas à faire connaitre ses porte-paroles et son origine allemande par exemple. Elle ne cherche pas à faire du storytelling à tout prix. C’est une marque qui veut vendre au meilleur prix. Nous intéresser, nous informer et nous distraire et c’est noble. Vendre est l’acte le plus difficile pour une entreprise et une marque.

Que l’on soit une marque jeune comme Maison Standards et Lush ou une marque plus ancrée telle que Michelin ou Hermès, on construit un storytelling quand on a une perspective, une volonté d’ancrage, un souhait de fidélisation et que l’on souhaite faire comprendre que son entreprise ou sa marque possède une âme. Tous les consommateurs n’ont pas besoin d’un zeste de rêve et de poésie en plus. Ce qui est certain en revanche, c’est que toutes les marques ont un point commun dès le départ : elles veulent vendre. Chacun a son art et la manière.

 

 

Notes et légendes :

(1) Storytelling et contenu de marque, par Jeanne Bordeau – Editions Ellipses, 2012

(2) Cahier de tendances sur le storytelling digital – Institut de la qualité de l’expression, février 2018 (Ce document peut être commandé directement auprès de l’Institut, au prix de 180 euros, en écrivant à Pauline Clauzel).

 

Crédits photos et illustrations : Jane B, TV5 Monde, The BrandNewsBlog 2018, X, DR

 

Brand leaders, storytellers, digital evangelists : les nouvelles casquettes des dirigeants de demain…

56755d015e89a10cdf3715f9232a99207b84ae32La vie d’un patron est-elle réellement plus dure ou plutôt moins dure que celle d’un salarié ? Ah ah : je vous sens frémir… Mais rassurez-vous : l’objet de mon billet du jour n’est aucunement de ranimer le feu de la polémique déclenchée en début d’année par Emmanuel Macron¹. Je laisse aux partisans et aux détracteurs de notre Ministre de l’économie le soin de débattre de cette épineuse (et ô combien navrante) question.

Une tendance me paraît en revanche évidente : plus les années passent, plus les missions et les compétences/qualités attendues des dirigeants d’entreprises, d’associations ou d’administrations se diversifient et se complexifient. Et cette complexité croissante du leadership ne fait que s’accentuer avec la révolution numérique, qui n’en finit pas de bouleverser les habitudes et les attentes de toutes les parties prenantes des organisations (salariés, actionnaires, clients, médias, candidats, société environnante…).

Pour ceux qui en douteraient encore, il est bien révolu ce temps où certains dirigeants (parfois les plus brillants produits de nos plus grandes écoles, d’ailleurs) pouvaient diriger leur entreprise à la baguette, en purs gestionnaires, une calculette greffée dans le cerveau en guise de traducteur universel des émotions et des mouvements d’humeur du « petit personnel ».

Définitivement passés de mode, les patrons condescendants, autocrates et/ou narcissiques qui refusaient de sortir de leur tour d’ivoire, si ce n’est une fois la crise venue, pour s’étonner en des termes souvent maladroits de la souffrance de leurs ouailles et réclamer, comme cet ancien dirigeant de France Telecom, que cesse « cette mode du suicide qui évidemment choque tout le monde »² ! 

Avec la transformation digitale de l’économie, l’émergence puis l’explosion des réseaux sociaux, les dirigeants sont invités à s’exprimer de manière plus régulière, plus empathique et à devenir de véritables « médias » tout en veillant – risques de bad buzz et fact checking obligent – à la cohérence de leurs prises de parole et à leur exemplarité. Premiers brand managers de leur organisation, quand il s’agit de décider et de partager la stratégie de leur marque, les patrons d’aujourd’hui (et encore davantage ceux de demain) ont/auront en effet toute légitimité pour en devenir les narrateurs inspirés, en incarnant le storytelling de leur organisation. De plus en plus communicants et précurseurs, on attend également d’eux qu’ils encouragent les nouvelles méthodes de travail et de coopération (Intranet collaboratif…), impulsent l’innovation et la transformation digitale de leur organisation, entre autres.

On le voit : la fiche de fonction des « patrons 3.0 » est devenue plus longue et plus riche. Et au-delà de leurs compétences pour gouverner l’entreprise et s’entourer, au-delà même de leurs talents de stratège, les qualités à posséder sont devenues si diverses que la recherche d’un nouveau CEO tend de plus en plus à ressembler à la quête de l’oiseau rare. Comme le résumait récemment Jeanne Bordeau³, « le pouvoir [de cette nouvelle génération de patrons] sera dans le savoir, mais aussi dans le dire et le voir. Le chef de demain devra être légitime et tellement empli de qualités paradoxales qu’il sera rare, presque introuvable. » 

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Une majorité de patrons encore peu habitués à prendre la parole, peu concernés par le digital et par la transformation numérique ?

Après cette introduction, j’en vois déjà qui haussent le sourcil et les épaules : ne serais-je pas en train de confondre les rêves et la réalité, en présentant une vision aussi flatteuse de l’évolution du leadership ? Et de citer les (nombreux) exemples d’entreprises et de patrons pour lesquels rien n’a vraiment changé, rivés qu’ils sont à leurs habitudes et à des méthodes plus que traditionnelles.

De fait, que ce soit à la lecture de cet article récent, « Ces patrons trop frileux face aux réseaux sociaux »ou bien en parcourant les résultats de l’Observatoire Social de l’Entreprise sur la Transition numérique, publié il y a un mois par Ipsos et le CESI, des tendances très convergentes ressortent… illustrées parfois par des verbatim très voisins. Ainsi, en partant interviewer les dirigeants de TPE et de PME relativement avant-gardistes, leaders sur le marché, Corinne Dillenseger a-t-elle pu obtenir ce genre de propos : « J’ai une aversion profonde pour Facebook et Twitter. Je ne leur trouve aucune utilité et leur intrusion me gêne beaucoup. Ni l’un ni l’autre ne sont des outils de développement pour nous. Je ne crois d’ailleurs pas qu’ils vont durer. C’est une mode, les gens vont s’en lasser. » Une formule à rapprocher de la façon dont la transition numérique est encore perçue par un grand nombre de patrons selon l’étude IPSOS-CESI… (=> voir les 2 graphes ci-dessous).

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Dans un cas comme dans l’autre, on ne peut que regretter le manque de clairvoyance de ces jeunes et moins jeunes dirigeants ou entrepreneurs, qui assimilent les réseaux sociaux, tout comme la révolution numérique, à de vulgaires « phénomènes de mode » !

Mais en creusant un tant soit peu ces résultats, notamment ceux de l’étude IPSOS-CESI, on s’aperçoit que le scepticisme est sensiblement plus fort dans les petites organisations que dans les grandes, les chefs d’entreprise de plus de 250 salariés étant 70% à penser que la transition numérique « constitue plutôt une opportunité »… contre seulement 28% dans les entreprises de 1 à 9 salariés !

Nonobstant, il semblerait que ce soit encore la « frilosité » qui l’emporte chez beaucoup de patrons : frilosité face aux médias sociaux et aux réseaux sociaux, dont l’utilité réelle dans la relation avec les parties prenantes n’est pas forcément perçue, de même que l’apport concret à la communication ou au business de l’entreprise ; frilosité également quant à la perception de la transition numérique, trop de chefs d’entreprise estimant encore « ne pas être concernés » ou n’en voyant pas l’intérêt.

Une révolution des usages et des attentes des parties prenantes…

Pourtant, chacun le reconnaît, la révolution numérique bouleverse chaque jour davantage les habitudes et la relation des différentes parties prenantes aux institutions et aux entreprises. Tandis que les pratiques de consommation médias ont radicalement changé ces dix dernières années, les consom’acteurs ont appris à s’informer, comparer voire acheter en ligne, plébiscitant les marques qui leur apportent une réelle valeur ajoutée produit ou service et se montrent les plus transparentes dans leur communication.

Tandis que la dématérialisation et l’innovation sont les nouveaux sésames d’une expérience client érigée au rang de dogme, les différents publics de l’entreprise se montrent par ailleurs de plus en plus sensibles à la dimension citoyenne des entreprises et au respect de l’environnement. Premiers ambassadeurs de leur employeur vis-à-vis des publics externes, les collaborateurs (tout comme les clients) sont en attente d’un discours sincère et incarné de la part de leur(s) dirigeant(s), dont la vision et l’exemplarité sont de plus en plus « challengées ».

Après l’ère des patrons gestionnaires puis celle des « super managers », c’est au patron chef d’orchestre et storyteller qu’on demande aujourd’hui d’exprimer sa vision et de faire se lever les foules…

L’heure des dirigeants communicants et éditorialistes en chef a sonné !

Parmi les nouvelles casquettes des dirigeants de demain, la maîtrise de la communication est une des compétences les plus recherchées et les plus appréciées. Non qu’il s’agisse de remplacer les dircom et autres experts des relations publiques dans la mise en œuvre des stratégies de communication ou le choix des outils, ni de tourner brusquement le dos aux autres missions « régaliennes » des dirigeants. Mais plus que jamais, à l’heure du digital, il revient au chef de prendre la parole et d’incarner, vis-à-vis des différents publics, la vision et les ambitions de leur entreprise.

Ainsi que le rappelle Jeanne Bordeau, dans l’ouvrage que je viens de citer, la notion de chef induit et implique aujourd’hui de l’inspiration : « le chef est celui qui possède l’auctoritas, ‘l’autorité’. Auctor ‘auteur’, il inspire vision et confiance dans le projet. Le chef est celui qui est source, celui qui se porte garant de ce qui est déployé ». Et d’ajouter pour étayer son propos et compléter la description de cette perle rare : « Au pays des idées fécondes, un chef doit penser ‘ample’. Il doit penser vite, en plusieurs dimensions, agréger des paramètres jamais réunis jusqu’alors : progrès, rentabilité et développement durable, efficacité, compétitivité et bien-être du collaborateur, transparence et protection des savoir-faire »… Tandis que la communication corporate traditionnelle tend à s’estomper et disparaître, étouffée par les réseaux sociaux, par la conversation et la vie « quotidienne » du langage de la marque, il est de la responsabilité du chef de porter le sens de l’entreprise. Car « plus que jamais sa parole incarne la cohérence de l’écosystème complexe d’une entreprise devenue média [•••] Au coeur du numérique et grâce au texte et à l’image, [le chef] doit devenir le narrateur, le storyteller le plus souple et le plus ample de son image et son groupe ».

Pour ceux qui douteraient de l’importance de cette nouvelle mission (et ils sont encore nombreux, notamment parmi les communicants de profession ;), la récente étude de l’agence W, consacrée aux « nouveaux langages des patrons du CAC 40 à l’heure du digital »* devrait achever de les convaincre. Elle démontre sans ambiguïté comment, en l’espace de quelques années seulement, le discours des dirigeants est devenu une composante incontournable de la stratégie de la marque.

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Confirmant en quelque sorte les propos de Jeanne Bordeau, cités ci-dessus, Denis Gancel, Président de l’agence W, résume en quelques mots tout l’intérêt des dirigeants de s’impliquer personnellement pour porter le discours de leur groupe : « C’est la qualité du récit qui fait l’engagement. Tout grand patron devient un auteur, celui du récit de sa marque »Et de citer les grands exemples de ces dirigeants emblématiques du CAC 40, qui « n’hésitent plus à dire ‘je' » et à se projeter eux-mêmes dans leurs discours. Du précurseur Pierre Bellon, fondateur de Sodexo, qui n’avait pas hésité à composer un poème  pour décrire l’idée qu’il se faisait du service au quotidien, à l’hyperactif Stéphane Richard, président d’Orange, en passant par Frédéric Oudéa (Société Générale), Jean Pascal Tricoire (Schneider Electric) ou Alexandre Ricard (Pernod Ricard), ces précurseurs n’hésitent pas à monter au créneau, aussi souvent qu’ils le peuvent, pour défendre leur vision et expliquer l’ambition de leur entreprise.

Rien d’étonnant, dès lors, de retrouver ces dirigeants dans le peloton de tête du « CEO Content Index », ce classement établi par l’agence W pour rendre compte de la performance des P-DG en termes de présence médiatique et sociale globale (tableau 1 ci-dessous) et surtout en termes d’engagement (tableau 2 ci-dessous).

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Capture d’écran 2016-06-16 à 22.24.09Capture d’écran 2016-06-16 à 22.26.56Qu’ils incarnent le patron « intrépide et discursif », comme Stéphane Richard, un « visionnaire mondialisé » comme Tricoire ou bien encore l’audace de « l’aventurier conquérant », comme Sébastien Bazin, l’innovation demeure souvent un des sujets de prédilection de ces communicants exemplaires, le commentaire des chiffres et résultats de leur entreprise étant un autre champs d’expression privilégié (certes plus classique). Mais à la différence de leurs prédécesseurs, nombre de ces chefs charismatiques osent également s’exprimer aujourd’hui sur l’environnement économique ou des problématiques plus sociétales (création d’entreprise, formation, entrepreneuriat, action de l’Etat…), comme le font régulièrement Xavier Niel (Free), Jacques-Antoine Grangeon (Vente privée) ou encore Frédéric Mazzella (BlaBlaCar). Et chaque fois qu’ils le font, ils suscitent un très fort engagement.

A noter toutefois, comme le confirme également l’étude de l’agence W, que ce ne sont pas nécessairement ceux qui s’expriment le plus qui génèrent le plus d’engagement et de commentaires sur les réseaux sociaux (cf tableau ci-dessus).  Des patrons comme Tom Enders (Airbus Group), Patrick Pouyanné (Total) ou encore Jean-Laurent Bonnafé (BNP Paribas) recueillent ainsi d’excellent scores d’engagement, parce qu’ils s’expriment sur des thématiques pertinentes et « en adéquation avec leur propre personnalité » explique ainsi Denis Gancel.

Digital transformers et « Brand Executive Officers » : des casquettes de plus en plus assumées

On l’a vu à l’instant : la plupart des dirigeants qui s’impliquent personnellement pour porter le discours de leur groupe le font souvent sur des thématiques liés à l’innovation. Et on ne vas pas s’en plaindre ! Au regard des grands enjeux digitaux que j’évoquais précédemment, et de cette transformation numérique qui modifie profondément les attentes et comportements de toutes les parties prenantes de l’entreprise, il est rassurant de constater que les « patrons-médias » que j’évoquais à l’instant se sont largement appropriés et emparés de ces thématiques.

Quand on souhaite impulser de grands changements dans une organisation, et qu’on les matérialise concrètement par la création de nouveaux organes de gouvernance, comme ce shadow comex créé récemment au sein de son groupe par Sébastien Bazin, P-DG d’Accor Hotels, il est de bon aloi de pouvoir l’expliquer devant les média de la manière la plus claire et la plus convaincante.

Cela recquiert non seulement des qualités de communicant, c’est certain, mais aussi et surtout une exemplarité et de véritables convictions dans l’élan digital qu’on souhaite donner à ses troupes. A cet égard, la prise de conscience de Sébastien Bazin et les décisions qui en ont découlé illustre ce qui est de plus en plus attendu des dirigeants modernes : être des digital transformers sincères et crédibles. Et le patron d’Accor Hotels de raconter ainsi son propre « déclic » : « J’étais un jour au volant de ma voiture sur une autoroute normande battue par la pluie quand j’ai pris conscience que je devais tenir compte d’évolutions fortes concernant le monde de l’entreprise et le renouvellement des générations ». Et ce déclic ne s’est pas traduit seulement par la création d’un Shadow comex, mais depuis un an par le lancement d’initiatives très fortes, comme la création d’une plateforme ayant vocation à concurrencer des acteurs tel que Booking.com, après une analyse poussée de l’évolution du marché, de l’impact de ses révolutions digitales successives et des attentes des consommateurs.

Digital transformers ou digital evangelists, montrant l’exemple à tous leurs collaborateurs, mais également Brand Executive Officers pour reprendre l’expression de l’agence W : j’ai déjà évoqué ce sujet (notamment ici) et je n’y reviendrai donc pas aujourd’hui de manière approfondie, mais il s’agit également, pour les chefs d’entreprise, d’être à la hauteur des grands défis à relever par leur entreprises et leur(s) marque(s). A cet égard, sans pour autant être des brand managers « pur jus », bien évidemment (des experts sont payés pour le faire), il revient aux dirigeants de bien connaître et apprécier les grands enjeux de leur portefeuille de marques, de savoir prendre des décisions en parfaite connaissance de cause et de savoir défendre les options et orientations de branding retenues pour leur entreprise.

C’est ce que fait par exemple (et magnifiquement) François-Henri Pinault, dans cet article de la Harvard Business Review, dont j’avais parlé ici.

Bref : c’est aujourd’hui une évidence, les dirigeants voient leurs missions évoluer et se complexifier et le temps du patron silencieux voire muet devant l’évolution de ses marchés est révolu. Au-delà de la présence et l’investissement sur les réseaux sociaux, là aussi bienvenu quand il est sincère et le reflet d’un réel engagement personnel, le fait de maîtriser sa communication personnelle, mais aussi les grand défis du branding de son entreprise et de sa transformation digitale, devient de plus en plus indispensable. Et dans ce domaine, il y a déjà, dans de nombreuses entreprises, des exemples de patrons particulièrement dynamiques et bien inspirés à suivre !

 

 

Notes et légendes :

(1) C’est dans une interview accordée le 20 janvier dernier à BFMTV et RMC, quelques jours après l’annonce par François Hollande d’un nouveau plan d’urgence contre le chômage, qu’Emmanuel Macron avait insisté sur la nécessité de donner plus de visibilité aux chefs d’entreprise, en utilisant cette formule, au demeurant peu renversante mais qui fit polémique dans la bouche d’un Ministre de gauche : «la vie d’un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d’un salarié. Il ne faut jamais l’oublier. Il peut tout perdre, lui, et il a moins de garanties».

(2) C’est à Didier Lombard, qu’on doit cette formule plus que navrante devenue depuis tristement célèbre, prononcée le 16 septembre 2009 : alors que pas moins de 23 salariés de son entreprise s’étaient suicidés dans les 18 mois précédents, le P-DG France Telecom s’était engagé à « mettre un point d’arrêt à cette mode du suicide qui évidemment choque tout le monde » à l’occasion d’une conférence de presse à l’issue de sa rencontre avec le ministre du Travail de l’époque, Xavier Darcos.

(3) Citation extraite du dernier ouvrage de Jeanne Bordeau « Le langage, l’entreprise et le digital », paru récemment aux Editions Nuvis (avril 2016)

* Etude « Le langage des dirigeants du CAC 40 à l’heure du digital » réalisée par Synomia pour le compte de l’agence W et dont le compte-rendu des résultats (passionnants) est à lire dans cette présentation Slideshare.

 

Crédits photos et iconographie : 123RF, Ipsos-CESI, X, DR

 

Storytelling d’entreprise : peu importe le flacon, pourvu qu’il y ait le mythe…

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Pas de grande marque sans histoire(s)… Tel aurait sans doute pu être le titre ou le sous-titre du dernier ouvrage de Georges Lewi*, s’il n’avait opté (pour de bonnes raisons bien sûr) pour cet intitulé plus énigmatique et accrocheur : La fabrique de l’ennemi **.

Dans ce petit livre bien fichu, dont je recommande vivement la lecture, le célèbre expert en branding et e-branding revient sur tous les secrets de fabrication (et l’importance pour les marques) d’un bon storytelling.

Rien de très nouveau sous le soleil, me diront mes lecteurs les plus avertis ?

Qu’ils se détrompent. Tout l’intérêt et la réussite de cet opus résident dans son approche à la fois théorique et pratique. Comme à son habitude, Georges Lewi réussit le tour de force de marier avec beaucoup de pédagogie les concepts et principes fondateurs avec l’exposition des facteurs clés de succès d’un storytelling efficace. Le tout agrémenté de nombreux exemples, bien sûr. Car le mythologue s’y entend comme personne pour décrypter avec brio les storytellings des marques les plus célèbres…

Apple/Samsung, Coca-Cola/Red Bull, Google/Wikipédia, Victoria’s Secret/Diesel, Yves Rocher/L’Oréal… Autant de couples de marques et de storytellings dont les oppositions s’inspirent des grands mythes fondateurs toujours présents dans notre mémoire collective et de 24 couples de « mythèmes » bien décrits et illustrés dans son ouvrage par Georges Lewi.

Pour le BrandNewsBlog, il a bien voulu nous en dire plus… et nous livrer ci-dessous les principaux secrets d’un storytelling de marque réussi…

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Le BrandNewsBlog : Tout d’abord Georges, pourquoi avoir choisi ce titre énigmatique et un brin belliqueux pour votre ouvrage (La Fabrique de l’ennemi) ? Le storytelling serait-il un art de la guerre, à l’usage de ceux qui produisent les récits ? Comment le définiriez-vous/le caractériseriez-vous de la manière la plus simple ?

Georges Lewi : Dans l’univers feutré du marketing, on parle plutôt de concurrents, voire d’adversaires et non d’ennemi. Or le storytelling n’est pas seulement un art de la narration mais une volonté de convaincre, de dominer et si possible d‘éliminer l’autre. C’est la raison pour laquelle, l’expression a d’abord été utilisée en politique. La guerre du « bien contre le mal » des années Bush est désormais reprise par nombre d’autres leaders occidentaux. Le storytelling est l’art de convaincre les spectateurs pour défaire son ennemi. C’est un combat de gladiateurs et non de joyeux troubadours…

Le BrandNewsBlog : Si le storytelling contemporain, cet art de la persuasion destiné à séduire puis convaincre, est d’invention récente (puisqu’il nous vient d’Hollywood et Ronald Reagan, comme vous le rappelez dans l’introduction de votre ouvrage), le besoin de raconter des histoires existe quant à lui depuis la nuit des temps. Qu’est-ce qui a poussé l’homme à vouloir raconter sa vie et son environnement et à se lancer dans cette narration ininterrompue depuis ses origines ?

Georges Lewi : Selon le psychologue Jean Piaget, qui travaillait sur l’évolution du petit enfant : « Le moi se pose en s’opposant ». L’être humain a besoin pour exister, pour s’affirmer, de s’opposer à son entourage. Dès l’origine, le groupe humain a été contraint de s’opposer aux forces de la nature environnante beaucoup plus impressionnantes que lui : la foudre, les éclairs, les grands animaux, les fauves. Il se situait « face à eux » géographiquement et physiquement. On comprend souvent mieux les conflits en étudiant la géographie : le groupe de la plaine/celui de la montagne dominante, celui du bon côté du fleuve/celui du mauvais côté, celui du sud/celui du nord… Le récit humain ne serait souvent qu’une description des situations vécues de manière « sensorielle », c’est-à-dire existentielle.

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Le BrandNewsBlog : Vous soulignez à juste titre que le storytelling est aujourd’hui abondamment utilisé dans des secteurs et à des fins très variés (scénarisation de séries et de films, reportages journalistiques, marketing politique…), mais qu’en est-il plus précisément de son application par les entreprises ? En quoi, selon vous, le storytelling est-il « la pointe la plus visible du branding » (= le marketing de la marque) ?

Georges Lewi : Pour exister, une marque a besoin de faire comprendre à ses consommateurs qu’il n’y a pas d’alternative. Elle existe parce que son histoire est la meilleure, ses produits et services les plus adaptés au consommateur visé. Elle prétend être la seule qui lui convienne vraiment. Le branding est l’affirmation d’une exclusivité. Si ce n’est pas le cas, la marque n’existe pas. Le branding (le marketing de la marque) se transforme alors en simple marketing (ce qui n’est pas une insulte mais une insuffisance). Le produit est commercialisation. Il se retrouve dans le « grand bain du marketing », de la segmentation, de la comparaison. La marque est narration. Elle crée dans la mémoire humaine une histoire intemporelle. Le marketing produit peut développer un avantage de circonstance qui sera balayé un jour ou l’autre.

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Le BrandNewsBlog : Vous expliquez très bien, dans la première partie de votre ouvrage, comment la narration obéit en fait à des règles inchangées ou presque depuis des millénaires. S’inspirant de ces modèles éternels, le storytelling emprunte sa structure narrative aux contes de fées, aux fables et à un certain nombre de grands mythes fondateurs. Vous avez ainsi identifié 24 paires de « mythèmes » et pas moins de « 78 manières de construire un mythe et son storytelling ». Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est exactement un mythème et commenter les tableaux ci-dessous ?

Georges Lewi : Le mot mythème a été inventé par Claude Lévi-Strauss qui voulait exprimer au travers de celui-ci l’atome de la pensée, la plus petite structure de la sensibilité humaine. Le mythe est déjà une histoire complexe, une molécule construite à partir de plusieurs atomes. Le mythème est une opposition binaire de base : Mort/vivant, Masculin/féminin, Dominant/dominé, Cru/cuit, Artiste/artisan, Spécialiste/généraliste…

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L’être humain se situe d’abord par son identité « fondamentale » : Homme/femme Dominant/dominé, Artiste/artisan. Ces 24 oppositions fondamentales créent de ce fait 48 possibilités de se positionner en adversité et 24 nouvelles possibilités de faire le lien entre ces deux paradigmes. Conchita Wurst (de L’Eurovision 2014) crée une nouvelle catégorie entre Homme et Femme tout comme Starck qui est à la fois artiste et industriel, créant des pièces uniques multipliées à l’infini (on appelle cela le design, qui n’est tout à fait de l’art ni tout à fait de l’industrie.

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Le BrandNewsBlog : Dans leur communication, on voit bien que toutes les entreprises n’ont pas succombé aux charmes et à l’efficacité des techniques narratives (beaucoup semblent être plus à l’aise dans des registres purement factuels dans la présentation et la promotion de leurs activités). Mais toutes les grandes marques semblent, a contrario, s’appuyer sur de grands récits et une parfaite maîtrise de leur « histoire ». Quelles sont à votre avis les plus grandes championnes dans ce domaine et quels bénéfices tirent-elles de leur storytelling ?

Georges Lewi : IKEA et le mythe de la jeunesse (toujours d’ailleurs, un peu décalée, érotique et impertinente), APPLE bien-sûr et son mythe de l’être unique, Bic et l’accessibilité, Google qui combat toutes les difficultés (rien ne lui résiste)…

Le BrandNewsBlog : Comme je le disais en introduction, vous décryptez dans la seconde partie de votre ouvrage les storytellings de grandes marques, dans différents secteurs d’activité. En commençant par identifier 4 postures de narration et 4 types de narrateur récurrents : le « bon élève », le « prix d’excellence », le « visionnaire » et le « trublion ». Pouvez-vous nous en dire plus ? Et nous donner des exemples d’entreprises / de marques qui les incarnent ?

Georges Lewi : Lorsque les entreprises n’ont pas de « storytelling », elles mettent souvent en scène leur position stratégique sur le marché et leur « culture d’entreprise ». On trouvera, comme dans la vie humaine, de nombreux bons élèves, comme Air Liquide, des prix d’excellence comme LVMH qui ne se contentent pas de « bien faire  le job » mais se « font mousser » au travers de musées, de fondations, des visionnaires comme Apple prêts à tout sacrifier (du temps de Steve Jobs) pour leur vision du monde ou des trublions comme Branson et sa marque Virgin prompts à changer sans cesse de territoires, de marchés pour continuer à être remarqués.

Le BrandNewsBlog : De même qu’il existe des paires ou couples de mythèmes fondamentaux, vous avez su identifier, sur différents marchés, de grandes oppositions narratives entre des marques telles qu’Apple / Samsung et Microsoft, ou bien entre Coca-Cola et Red Bull… Pouvez-vous commenter ces quelques exemples ? En quoi diriez-vous que ces oppositions ont contribué au succès de ces marques et qu’est-ce qu’elles leur apportent au moment d’aller à la rencontre des consommateurs ?

Georges Lewi : Une marque n’a pas intérêt à désigner dans son storytelling son concurrent comme un « ennemi » puisque celui-ci est, en fait une alternative pour les consommateurs. Sauf si…

Sauf si ce concurrent est l’archétype établi d’un mythème, d’une opposition binaire. L’Oréal est l’archétype de la beauté « scientifique », la marque laisse un boulevard à Yves Rocher pour affirmer « la beauté par la nature ». Coca-Cola s’affirme comme « la petite fabrique du bonheur », Red Bull va pouvoir développer ses « bad boys » assoiffés d’extrême, Apple joue l’inaccessibilité et de ce fait a ouvert à Samsung, le territoire de l’accessibilité.

Les marques, comme Samsung, Yves Rocher… qui prennent le contre-pied de marques bien installés sur des territoires mentaux trouvent un double ennemi à combattre : un fléau à combattre et un concurrent à abattre ! C’est alors « dobble win » !

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Notes et légendes :

* Consultant en branding et e-branding au Celsa et à l’Association progrès du management (APM), Georges Lewi est expert en stratégies de marque. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de référence tels que La Marque (Editions Vuibert, 2013) ou Mythologie des marques (Editions Pearson, 2009).

** « La fabrique de l’ennemi – Comment réussir son storytelling », par Georges Lewi – Editions Vuibert, novembre 2014

 

Crédits iconographiques :

> Photos : Georges Lewi, Vuibert

> Infographies : TheBrandNewsBlog

Suite et fin : 150 twittos du marketing et de la communication à suivre en 2015

Pour complémenter la première partie de ma shortlist publiée ce dimanche (voir ici), je vous recommande ci-dessous 75 autres twittos (français ou francophones) à suivre dans les domaines du marketing et de la communication… Encore une fois : n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires et bonne découverte à tous !

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Les experts du digital et des médias sociaux

Omniprésents sur les réseaux (et c’est bien normal puisque c’est leur métier), les experts du digital et des médias sociaux se comptent par milliers, ne serait-ce que sur Twitter. Je n’en citerai donc qu’une infime partie, de nombreuses listes dédiées circulant déjà sur le web, comme celle ci : « la liste des 50 comptes Twitter Social Media à suivre en France ». Hormis les incontournables Frédéric Cavazza (@FredCavazza) ou Loic Le Meur (@loic), je recommande pour ma part les comptes de Cyril Bladier (@businesson_line), Hervé Kabla (@HerveKabla), Gilles Reeb (@giluzful), Isabelle Mathieu (@IsabelleMathieu), Nicolas Antonini (@THEINFORMINE), Clément Pellerin (@ClementPellerin), Pierre Cappelli (@PierreCappelli), Ronan Boussicaud (@RBoussicaud), Delphine Foviaux (@DelpheF), Jonathan Chan (@ChanPerco) ou Valérie Demyttenaere (@ValBdeMytte)…

Les pros du brand content et du storytelling

Champions du contenu et des histoires de marques, ces experts sont souvent issus de la publicité ou du marketing. Ils « ré-enchantent les marques », soit en décortiquant leurs mythes et leurs modes d’expression, soit en utilisant de nouveaux formats de diffusion, adaptés à l’évolution des attentes des consom’acteurs… Qu’il s’agisse de l’expert du storytelling Sébastien Durand (@sebastiendurand), ou bien des spécialistes du brand content Thomas Jamet (@tomnever), Sabrina Greichgauer (@sab_greich), Pascal Béria (@pascal_beria), Isabelle Mufraggi (@imufraggi), Guillaume Louriais (@glouriais) ou Thierry Herrant (@thierryherrant), leurs comptes valent le détour…

Les spécialistes du marketing RH et de la marque employeur

A la croisée du digital et des médias sociaux et à l’aune des attentes évolutives des salariés et des candidats, ces professionnels des ressources humaines et de la communication bâtissent rien moins qu’un nouveau marketing RH. Comme les deux auteurs de l’excellent « Marketing RH » justement*, Vincent Berthelot (@VinceBerthelot) et Franck La Pinta (@flapinta), tous deux férus de web 2.0. et intervenants reconnus sur ces sujets (Franck anime d’ailleurs un blog passionnant, à découvrir ou redécouvrir ici). Blogueuse également (voir ici) et experte reconnue en RH, Agnès Duroni (@ADuroni) propose sur son fil une veille à la fois éclectique et pointue sur les RH. Je recommande aussi chaleureusement ces professionnels hors pair : Benoît Anger (@Benoit_Anger), Thomas Kerjean (@thomasjkerjean), Didier Baichère (@dbaichere), Thierry Delorme (@Thierry_Delorme) ou encore Florent Letourneur (@FloletDrh)…

Les dircoms sont dans la place…

Entre les « précurseurs » et les « suiveurs », les dircoms « addicts » de Twitter et ceux/celles qui se sont bornés à ouvrir un compte qui « vivote », les pratiques des dircoms sur Twitter demeurent variables. Tandis que certains se sont réellement engagés dans la conversation avec leurs pairs ou leurs followers, d’autres ont une politique plus sélective… Je citerai en guise de bonne pratique, parmi les directrices et directeurs de communication à suivre : Pierre Auberger chez Bouygues (@Pierre_Auberger), Frédéric Fougerat chez Altran (@fredfougerat), Coralie Bitan chez Steria (@CoralieBitan), Sophie Déroulède chez RTL (@SoDeroulede)mais également Aurélie Verhulst (@AurelieVerhulst), Marie-Christine Lanne (@Mc_Lanne), Stéphane Fort (@Steven_Strong) ou Antoine Levan (@antoinelevan)…

Omniprésents et bienveillants : les twittos « Triple A »

Comme je l’écrivais déjà l’an dernier, leur discrétion et leur modestie dussent-elles en souffrir, ces professionnels de la com’ et du marketing méritent bien une catégorie à part… Car dans une « économie de l’attention » menacée par l’infobésité, la plupart sont de véritables trésors en leur genre. Hyper-Actifs, Attentionnés et Altruistes, ce sont des championnes et des champions du partage et de la conversation. Bref : des maestros de la véritable communication « 2.0 » ! Pas une tendance ou un contenu à valeur ajoutée qui ne leur échappe (ou presque). Et si peu de jours « sans » ! Incontournables à mon avis, leur dynamisme et leur état d’esprit secouent quotidiennement la twittosphère. Je citerai entre autres, parmi ces infatigables twittos : Nathalie Ollier (@NathOllier), Xavier Quérat (@xavierquerat), Martine Le Jossec (@loutro1990), Stéphane Néreau (@nereaustephane), Fabienne Billat (@fadouce), Natalia Robles (@RoblesNatalia), Sandrine Lagardère (sandrineL78), Nathalie Ruiz (@ruiz_nath), Karine Rubiella (@Karine_Rubiella), Sandrine Fouillé (@sfouille), Alain Perocheau (@isatismktg), Alban Jarry (@Alban_Jarry), Jean-Marc Diviki (@diviki) ou Coryne Nicq (@corynenicq)… Mais la liste des communicants et marketeurs « connectés » est encore longue, signe de la vitalité de cette communauté !

 

=> Retrouvez ici les 75 précédents twittos à suivre…

 

(Crédit iconographique : TheBrandNewsBlog 2015, X, DR)