Marque corporate, marque commerciale, marque employeur: et si on arrêtait enfin de travailler en silos ?

A l’heure de l’intelligence artificielle, de la transformation des entreprises et des organisations « agiles », le modèle traditionnel de gestion des marques est-il encore adapté et peut-il perdurer ? 

Je l’écrivais dans les colonnes de ce blog il y a déjà un moment et cette conviction n’a fait que se renforcer depuis : pour moi, la réponse est évidemment « non ».

Sur le papier, tous les services intervenant sur la/les marques au sein d’une entreprise devraient en effet travailler ensemble et dans la même direction. Dans les faits, le poids de l’histoire, les objectifs intrinsèquement différents poursuivis par chacun des acteurs – sans parler de certains réflexes de défense de territoire – laissent encore entrevoir une réalité assez différente…

Et ce sont hélas des fonctionnements « en silos » qui continuent le plus souvent de prédominer, au détriment d’une vision globale des attentes des clients, des collaborateurs, des partenaires ou des candidats.

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Pourtant, on ne peut pas dire que les experts aient ménagé leur temps ni leur efforts pédagogiques pour nous prévenir contre les dangers d’un manque de coordination… Et dans leur excellent ouvrage collectif très justement intitulé Management transversal de la marque*, publié dès 2013 et coordonné par Géraldine Michel, les différents contributeurs nous exhortaient déjà à décloisonner d’urgence le brand management.

Au-delà d’une coordination accrue entre les responsables directement en charge des différentes dimensions de la marque (corporate, commerciale, marque employeur…) et à la faveur des transformations en cours au sein de la plupart des entreprises, l’opportunité est en effet plus belle que jamais de fédérer les acteurs de l’entreprise autour de valeurs et d’objectifs communs. D’autant que ce décloisonnement est porteur d’innovation et contribue directement à la pérennité des entreprises !

Considérez donc mon article du jour comme un énième appel à la cohérence et à la coordination, en espérant que les arguments que j’y développe, aussi évidents puissent-ils paraître, fassent enfin mouche auprès de celles et ceux qui ne seraient pas déjà convaincus…

Une perception tronquée des attentes des clients, des candidats… et des autres parties prenantes

C’est un constat régulièrement dressé (mais trop rarement pris en compte à mon avis) : les entreprises ont souvent une perception imparfaite de leurs parties prenantes. Comme par un « jeu de miroirs brisés », le prisme actuel de la gestion de marque (toujours morcelée entre marque corporate/marque commerciale/et marque employeur) renvoie à chacun dans l’entreprise une image incomplète de son environnement.

Dans cette vision tronquée, le client est encore assis bien sagement aux côtés du candidat, lui même distinct du journaliste, du salarié et de l’actionnaire…

Pourtant, dans le monde réel, nous savons bien qu’un client peut se retrouver demain en situation de postuler à une offre d’emploi de l’entreprise ; le journaliste peut être l’ami ou le conjoint d’une de vos collaboratrices ; le prospect ou le salarié figurer parmi vos plus gros actionnaires, etc.

Mais tout se passe comme si une majorité d’acteurs dans l’entreprise – à l’exception des directions de la communication qui ont pour la plupart déjà compris cette notion de porosité des publics – feignait encore de ne pas percevoir la totalité du paysage, nécessairement complexe.

On comprend dès lors à quel point les organisations en silos peuvent être inadaptées à saisir la globalité des attentes de leurs cibles. Et cette « myopie » ne date pas d’hier, puisqu’elle est en premier lieu un héritage de l’histoire…

Une gestion de la marque qui s’est complexifiée et « diluée » au fil des décennies

Fabienne Berger-Rémy et Marie-Eve Laporte le rappelaient déjà dans le chapitre qu’elles consacraient à « la marque, levier stratégique de l’entreprise » * : l’organisation et les méthodes de gestion des marques commerciales encore en vigueur dans la plupart des entreprises aujourd’hui découlent de recommandations formulées il y a plus de 80 ans (!)

C’est en effet par le biais d’un mémo, rédigé le 13 mai 1931 à l’attention du président de Procter & Gamble USA, que Neil McElroy posa les bases du brand management system. Un ensemble de principes dont le plus important stipulait que « chaque marque doit avoir ses propres managers et assistants dédiés à la communication publicitaire et à l’ensemble des activités marketing ». De fait, depuis ce « McElroy Memo », la gestion des marques produits n’a cessé de se sophistiquer. Le recrutement de chefs de produits en charge du management et de la performance des marques s’est encore accéléré depuis les années 70 et 80, accentuant dans les esprits l’association de la marque et du marketing.

Pourtant, et c’est bien ce que déplorent Fabienne Berger-Rémy et Marie-Eve Laporte, cette « intrumentalisation » de la marque a largement contribué à diluer son rôle stratégique. D’une préoccupation quotidienne des dirigeants, engageant leur responsabilité personnelle, le brand management est devenu un domaine de plus en plus technique, géré par des managers de moins en moins expérimentés et décisionnaires…

Des considérations historiques différentes sont à l’origine de la naissance et du développement de la marque employeur, à partir de la fin des années 90. Outre la nécessité perçue par les entreprises de mettre en place une communication spécifique à l’attention des candidats et des collaborateurs internes, il faut se souvenir qu’il s’est aussi agi à l’époque, pour un certain nombre de DRH, de renforcer leurs prérogatives et d’élargir leur périmètre d’action en se dotant de ressources et d’équipes ne dépendant pas des directions communication (en le disant ainsi, je suis conscient de pouvoir heurter. Mais je me souviens très bien de mes échanges d’alors avec un certain nombre de DRH, pour avoir eu la chance de participer au lancement en France du concept de marque employeur, au sein de l’agence Guillaume Tell**).

Les pistes pour décloisonner le brand management au sein de l’entreprise

On le voit, si les considérations historiques expliquent la stratification et l’empilement des systèmes de gestion de marque, les médias sociaux et la porosité croissante des publics réclament évidemment aujourd’hui une gestion décloisonnée et transversale de la marque.

Qui plus est, les prochains défis de l’intelligence artificielle et la nécessité de partager la data au sein de l’entreprise, pour obtenir enfin une vision exhaustive et actualisée des besoins des différentes parties prenantes et leur répondre de manière personnalisée, se font aussi de plus en plus pressants…

Alors que penser, dans ce contexte, de ces trop nombreuses entreprises qui, adulées par leurs clients, continuent dans le même temps d’être décriées par leurs salariés sur les réseaux sociaux (Amazon est un exemple récurrent mais il en existe bien d’autres) ? N’est-il pas prévisible qu’au-delà de leur marque employeur, leur image globale et leur performance en soient tôt ou tard affectées ?

De même, comment peut-on soutenir qu’une crise (comme l’affaire Kerviel à la Société Générale ou les suicides des salariés chez Orange il y a quelques années) n’aura pas de répercussion sur l’image et la marque « globales » de l’entreprise ? Seul les partisans les plus acharnés d’une gestion en silo de la marque (mais il en reste hélas dans toutes les entreprises) oseront dire « que cela ne pose pas forcément de problème du point de vue de la marque employeur »…

C’est donc une conviction que je partage depuis plusieurs années avec les auteurs du Management transversal de la marque : il est plus que jamais indispensable aujourd’hui de diffuser dans toute l’entreprise une culture partagée de la marque… et de la (re)penser comme un outil stratégique !

Comme l’écrit Géraldine Michel : « une marque utile pour l’organisation n’est pas uniquement celle qui identifie et différencie l’offre sur le marché. C’est aussi celle qui permet de fédérer, de faire partager une même vision stratégique de l’entreprise, donc en interne. C’est d’ailleurs bien souvent la réflexion sur la marque qui initie et oriente la stratégie globale d’une organisation, en provoquant une interrogation sur des concepts fondamentaux tels que le métier, les valeurs, la mission ou les territoires de marque, qui orientent tout le développement de l’entreprise. »

Développer l’identité de marque de façon dynamique ; au-delà de la diffusion d’une simple « plateforme de marque », mettre en place une structure transversale de management (comme une « direction de la marque ») en support de tous les autres départements ; évaluer régulièrement le capital et l’apport de la marque non seulement sur les plans financier et concurrentiel, mais aussi du point de vue du capital-humain et de son apport pour les collaborateurs sont de premières pistes pour le déploiement de cette conception transversale et plus équilibrée de la marque.

Cela passe évidemment au départ par l’identification du « noyau central de la marque » et la formalisation de son territoire. Cela passe aussi, assurément, par l’implication de tous les acteurs de l’entreprise et la consolidation des actions à mettre en œuvre par chacun pour animer et faire vivre cette marque. Promouvoir un véritable management des hommes par la marque (s’appuyer notamment sur des « champions de la marque » en interne) ;  mobiliser toutes les énergies dans l’objectif de faire des parties prenantes de l’entreprise de véritables « ambassadeurs de la marque » dans le cadre de politiques d’advocacy sont encore des objectifs ambitieux pour de nombreuses entreprises… mais il s’agit de défis motivants pour tous !

A ces conditions seulement, on pourra bientôt parler « d’une vision globale, plus intégrée et transversale de la marque » qu’elle ne l’est aujourd’hui dans la plupart des organisations…

 

Pour en savoir plus :

* Management transversal de la marque – Editions Dunod, septembre 2013.

** Didier Pitelet, aujourd’hui Directeur général du groupe Moon’s Factory, revendique (à raison) le titre de créateur du concept de marque employeur. Il publia en effet dès la fin des années 90 les premiers ouvrages sur la question.

 

Crédit iconographique :

« Status quo » est une peinture à l’huile de Lily Stockman (merci à elle)

Sourd, myope, obèse et imberbe : et si homo sapiens tombait bientôt en panne des sens ?

Coincé comme beaucoup d’automobilistes ce samedi entre deux barrages filtrants et trois rangées de gilets jaunes, voici la question incongrue qui m’a traversé l’esprit en repensant à une lecture récente : et si, au-delà de l’inflation exponentielle des taxes indirectes, des prix à la pompe et de la raréfaction des ressources pétrolières, la prochaine pénurie qui guettait homo sapiens n’était pas celle de l’essence ni du gasoil, mais bien l’extinction de ses 5 sens, de plus en plus agressés par notre vie urbaine et l’utilisation de toutes sortes de prothèses technologiques ?

Vous devez penser que j’ai de drôles de sujets de réflexion au volant – ce n’est pas faux, surtout à l’arrêt dans des bouchons – mais après tout, ce n’est pas moi qui le dit… Et tous les scientifiques sont à peu près d’accords sur cet inquiétant paradoxe : alors que nos 5 sens n’ont jamais été autant sollicités qu’aujourd’hui, par toutes sortes de stimuli, il se pourrait bien qu’un des grands fléaux des prochaines décennies soit leur altération irréversible, tant il est vrai que notre ouïe, notre odorat, notre vision, notre toucher et notre goût sont aujourd’hui menacés par une conjonction de facteurs environnementaux.

Et si un certain nombre d’entreprises et de marques se sont déjà saisies depuis un moment des opportunités et des marchés colossaux que représente cette détérioration continue de nos sens, nul acteur ne semble plus audacieux sur ces sujets que les GAFA, dont le projet transhumaniste nous promet un « homme augmenté », par le renforcement ou le prolongement artificiel de nos 5 sens, au moyen de toutes sortes de technologies…

Quels sont les risques de ces bouleversements ? Pourquoi la préservation « naturelle » de nos sens devrait d’ores et déjà constituer une priorité et un des grands enjeux de santé publique ? Comment les entreprises et les marques peuvent contribuer à la prise de conscience et par quels moyens conjurer le spectre de la panne définitive des sens, qui plane sur toute l’humanité ?

C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui et jeudi prochain, en listant d’abord les différentes indicateurs témoignant de cette dégradation préoccupante de chacun de nos sens, puis en envisageant les différentes manières d’y remédier et le rôle et les responsabilités de chacun (individus, entreprises et autorités). Je m’appuierai pour ce faire sur un certain nombre de publications, dont l’excellent article de Kyrill Nikitine paru dans la revue We Demain¹, que je vous recommande, et sur les contributions d’experts tels que Jérôme Goffette².

Et pardon d’avance à celles et ceux qui m’en voudront de prendre un peu de hauteur par rapport aux préocuppations du jour : pouvoir d’achat, pression fiscale, ras-le-bol exprimé par les gilets jaunes… Car c’est le parti pris de ce blog de conserver un regard décalé. Et voir plus loin que le bout de son nez n’empêche nullement de prêter l’oreille à la colère qui gronde, tout en touchant du doigt les défis de demain ;-)

1 – Notre VUE… affectée par la consultation prolongée des écrans et la multiplication des cas de myopie (x 2 en 50 ans)

Certes, comme le rappelle à juste titre le médecin et anthropologue Alain Froment, notre acuité visuelle n’a cessé de se détériorer depuis 8 000 ans. Ainsi, en passant du statut de classeur-cueilleur à celui d’agriculteur, la vue de l’homme du néolithique s’était déjà bien dégradée, car « en pratiquant l’élevage et l’agriculture, nos ressources alimentaires étaient désormais sous nos yeux ».

Mais d’après toutes les études, il en est hélas de même du gamer et des addicts du smartphone qui, à force de fixer un petit écran rectangulaire, voit eux aussi leurs capacités visuelles diminuer considérablement. Ainsi, alors qu’un aborigène voit jusqu’à 50 kilomètres, les cas de myopie se multiplient comme une épidémie dans nos contextes urbains, car homo sapiens n’a pas été conçu pour voir d’aussi près… Et à l’échelle mondiale, les cas de myopie ont tout simplement doublé ces 50 dernières années, le phénomène ayant même augmenté de plus de 60% en Asie du Sud-Est, où 80% des moins de 30 ans sont myopes désormais.

Les coupables désignés ? Au-delà du facteur héréditaire, qui joue évidemment un rôle important car le risque de myopie est doublé quand un des parents est atteint (et triplé si les deux le sont), c’est bien la consultation abusive des écrans qui est en question. Car d’après une étude réalisée en France par l’ASNAV (Association nationale pour l’amélioration de la vue), un individu entre 16 et 24 ans passerait près de 10 heures par jour devant les écrans (TV, tablettes, ordinateurs et autres smartphones confondus…).

Dixit Catherine Jegat de l’ASNAV qui résume bien tout le problème : « Si nous n’obligeons pas régulièrement notre oeil à regarder sous une lumière naturelle ou à voir de loin et sous différents angles, il est évident que ses capacités diminuent »…

2 – Notre OUIE… plus que jamais menacée par la pollution sonore et l’utilisation des technologies auditives

1,1 milliard de malentendants et de personnes de 35 à 45 ans risquant la surdité : c’est la prévision effrayante et hélas réaliste de l’Organisation mondiale de la santé pour 2050… En cause, la fréquentation de lieux bruyants et le recours trop intensif à des technologies auditives telles que casques et écouteurs. Au point que la pollution sonore serait identifiée comme le deuxième plus important facteur de risque environnemental dans le monde après la pollution atmosphérique.

En 2015, ce sont pas moins de 32 millions d’enfants (soit 0,5% de la population mondiale) qui étaient déjà atteints d’une déficience auditive d’autant plus handicapante que les cellules de l’oreille interne ne se régénèrent pas, comme le rappelle Pierre Anhoury, médecin à l’institut Curie. « Toutes les nuisances sonores accélèrent hélas la destruction des cellules de l’oreille interne, qui ne se régénèrent pas et sont en nombre limité à notre naissance. Et aucun médicament n’existe pour les faire repousser ».

Souvent perçu exclusivement comme un facteur de stress, le bruit représente par ailleurs un véritable danger pour homo sapiens. Car si un stress sonore prolongé augmente la sécrétion d’hormones comme l’adrénaline et le cortisol, contribuant aux troubles du sommeil dont souffre 1 Français sur 3, les effets directs du bruit peuvent aller jusqu’à l’apparition de maladies cardio-vasculaires comme les tachycardies. Et des troubles sonores peuvent apparaître chez l’humain à partir d’une exposition de plusieurs heures à 40 dB seulement, un seuil relativement bas quand on sait que le bruit d’une voiture équivaut déjà à 68 dB !

Cerise sur le gateau, comme le souligne l’acousticienne Catherine Lavandier, cette détérioration de nos capacités auditives serait d’autant plus pernicieuse qu’elle n’est pas détectée tout de suite. Et « ce n’est que lorsque nous vieillissons que nous prenons conscience de notre surdité » : on comprend d’autant mieux les projections quelque peu alarmistes de l’OMS devant l’usage de plus en plus fréquent et prolongé des technologies auditives, dans le cadre de la vie privé comme du bureau, qui ne fait qu’aggraver la situation, quand celles ci sont utilisées à des niveaux sonores trop élevés, ce qui est régulièrement le cas.

3 – Notre GOUT… peu à peu détraqué par les produits trop gras, salés et sucrés

Selon Loïc Briand, chercheur à l’INRA, nous serions à fin 2018 plus d’un milliard d’êtres humains en surpoids et la planète compterait pas moins de 300 millions d’obèses. De plus en plus addicts aux produits à la fois gras et sucrés, incluant les édulcorants synthétiques et les protéines au goût sucré, nos contemporains sont par voie de conséquence de plus en plus sujets au diabète, aux maladies cardio-vasculaires, à l’hypertension et à de nombreux cancers…

Plus préoccupant encore à moyen et long termes, la modification progressive de notre palette de saveurs et le dérèglement de nos récepteurs gustatifs, répartis de notre cerveau à notre sexe, en passant par nos intestins, occasionneraient un dysfonctionnement progressif de notre système immunitaire, car les récepteurs gustatifs, sous forme de protéines, jouent un rôle crucial dans le déclenchement de notre système d’auto-défense et la destruction de nombreuses bactéries.

Exemple : alors que les goûts sucré, salé, acide et l’umami ne possèdent qu’une seule sorte de récepteur gustatif, il existerait pas moins de 25 types différents pour détecter l’amertume… de moins en sollicités en cas de déséquilibre alimentaire. Conséquence parmi d’autres de cette dérégulation de notre système gustatif, la sinusite chronique affecterait de plus en plus d’être humains (35 millions d’américains en sont affectés), la prise prolongée d’antibiotique contribuant encore à accroître la dégradation de notre palette de saveurs…

4 – Notre ODORAT… bien diminué par la perte des deux tiers de ses gènes !

On appelle ce phénomène la « pseudogénisation » et si cette disparition des gènes qui constituaient initialement notre système olfactif touche également d’autres espèces animales sur terre, force est de constater qu’elle a été particulièrement massive chez l’homme puisque sur nos 950 gènes olfactifs d’origine, seuls 350 – soit un gros tiers – sont encore fonctionnels. Et les autres, dits pseudogènes ou gènes fossiles ont subi une importante détérioration.

Selon le neuroscientifique André Holley, comme pour la diminution de la vision chez l’homme du néolithique, ce déclin olfactif serait en grande partie dû à l’évolution du rôle et de la fonction de l’odorat au sein de l’espèce humaine : « Si une espèce peut perdre beaucoup de gènes de récepteurs olfactifs sans voir son avenir compromis, c’est qu’elle n’a plus un besoin crucial des fonctions auxquels ces gènes étaient autrefois associés ».

Entre facteurs pour ainsi dire « naturels » liés à l’évolution l’espèce humaine et impacts tout aussi conséquents de la pollution et de la dégradation de notre environnement, il est néanmoins difficile de dire jusqu’à quel niveau continuera l’érosion de notre odorat. L’homo sapiens de la fin de ce siècle n’aura-t-il plus de nez ? Il est encore tôt pour le dire et ainsi que le confirme Denis Perron, chercheur en physiopathologie, il n’existe pas vraiment de « base olfactive minimum et autosuffisante » en deçà de laquelle on pourrait parler à ce jour de perte irrémédiable de notre odorat. Le déclin de notre système olfactif peut donc se prolonger encore un certain moment…

Il est néanmoins certain, d’après toutes les études, que cette dégradation de notre système olfactif depuis des millénaires a été considérablement accélérée par la pollution d’un environnement citadin dont la qualité de l’air est de plus en plus médiocre. Et comme la muqueuse de notre nez – aussi appelée épithélium olfactif –  fonctionne aussi comme un véritable filtre, sensé empêcher la diffusion dans notre corps de molécules toxiques, cette fonction n’est hélas plus possible quand les degrés de pollution au plomb ou à l’ozone dans l’air s’avèrent trop élevés. C’est notamment le cas au Mexique où plus d’un habitant sur cinq serait victime de dérèglement olfactif sévère.

5 – Notre TOUCHER… piégé par la chasse aux poils et notre mode de vie hygiénique

Si le toucher est encore celui de nos 5 sens qui fonctionne le mieux et a été le moins endommagé par des facteurs environnementaux, cette bonne santé relative pourrait ne pas durer…

En cause, la chasse aux poils et la mode du rasage intégral, selon le chercheur en neurobiologie Marcel Crest, mais également les effets collatéraux de nos modes de vie de plus en plus hygiéniques, qui contribuent à la disparition des bactéries, ces précieux alliés dans la lutte contre les maladies.

Considérons la mode du rasage intégral : selon Marcel Crest, « ce modèle imberbe, cultivé dans nos sociétés, a un réel impact. Nous avons l’habitude d’associer le sens du toucher à nos mains, mais les récepteurs tactiles sont présents sur tout notre corps. Et effacer leurs extensions comme les poils, c’est risquer de réduire beaucoup de nos sensations, comme le plaisir. »

Beaucoup plus important dans notre évolution qu’on ne le pense, cette précieuse interface tactile qu’est notre épiderme est aussi affectée par la pollution extérieure et la pratique du tout-stérilisé, qui participe malgré nous au développement de maladies difficiles à soigner. En éradiquant peu à peu ces bactéries qui vivent à la surface de notre épiderme, nous nous fragilisons, et une réduction drastique de ces microbes fragiliserait l’ensemble de notre systèmes tactiles : il est donc important, ainsi que le prouvent les scientifiques de rester exposés dès le plus jeune âge aux microbes, faute de quoi nous pourrions ralentir durablement le développement et l’efficacité de notre système immunitaire.

Les prothèses et autres parades « traditionnelles » pour nous rendre la vue, l’ouïe, le goût…

Certes, la dégradation de nos cinq sens n’a rien de nouveau et l’usage de pierres précieuses ou semi-précieuses pour corriger la myopie est connu depuis l’antiquité. Cet usage s’est d’ailleurs singulièrement développé à partir du Moyen-âge, quand les moines copistes ont commencé à s’équiper de bésicles (XIIIème siècle), ces premières lunettes devenant rapidement sur toutes les représentations symboles de savoir.

De même, beaucoup plus tardivement il est vrai, le premier cornet acoustique, inventé par Frederic Charles Reim au début du XIXème siècle, a été le précurseur d’une grande variété de prothèses auditives, dont la technologie n’a cessé de s’améliorer à partir de la fin du 19ème siècle. Pour l’anecdote, on raconte d’ailleurs que c’est en échouant dans sa tentative de créer une nouvelle forme de prothèse pour aider sa jeune femme qui était sourde, qu’Alexander Graham Bell inventa le téléphone en mars 1876.

Et même si les parades pour lutter contre la perte du goût et de l’odorat semblent plus complexes (et moins efficaces) – la pseudogénisation de notre système olfactif étant par exemple irréversible – l’homme n’a cessé de chercher des solutions pour lutter contre ce handicap que représente l’altération de nos sens.

Les prolongements technologiques de « l’homme augmenté » et la promesse du transhumanisme

Google glass et autres équipements de réalité augmentée, robotique, bio- et nanotechnologies, informatique et sciences cognitives, intelligence artificielle… Les prothèses mécaniques, digitales et divers prolongements conçus par les nouveaux géants du numérique sont souvent présentés comme les remèdes ultimes à l’imperfection et à la finitude du corps humain.

Et dans le cadre de ce grand mouvement culturel et intellectuel contemporain qu’est le transhumanisme, les nouveaux gourous de la technologie n’hésitent pas à prêcher pour leur paroisse en prônant le développement des sciences et des techniques pour améliorer la condition humaine et les capacités physiques et mentales de chacun d’entre nous. Ainsi, désormais perçus comme indésirables, la détérioration des sens, le handicap, la maladie, le vieillissement et la mort sont combattus par Google & consorts, et chacun travaille à construire cet « homme augmenté » et connecté, dont les capacités n’auront bientôt – en théorie – plus de limite.

Tout en constatant cette multiplication exponentielle des solutions techniques et médicales sensées pallier la défection de nos sens, Jérôme Goffette demeure réservé quant à leur efficacité finale. Et ne manque pas de rappeler que « si un des effets du vieillissements est le renforcement du lien entre les êtres humains et leurs outils sensoriels, chaque dispositif apporte une part de remède et une dépendance. Par exemple, la vision va nécessiter des lunettes, ce qui induit des soucis spécifiques : nettoyage, brouillage par temps de pluie, oubli ici ou là, détérioration, absence d’évolution au rythme du changement de l’oeil, etc. Ces soucis impliquent des embarras en cas de panne et des soucis financiers. Donc même lorsqu’il existe des outils performants, la vie est beaucoup plus compliquée ».

De même, l’anthropotechnie des sens et l’augmentation des capacités sensorielles prônées par les GAFA et le transhumanisme posent également question. Outre les considérations éthiques et philosophiques, quid de la maîtrise de ces technologies et de leurs conséquences sur le corps ainsi « augmenté », de la capacité du cerveau à accompagner et gérer ces changements et extensions physiques et psychiques ? Et quid de la relation au corps de l’autre/des autres ?

« Potentiellement, à long terme [toutes ces technologies] permettraient d’amplifier notre accès au monde. Voir les infrarouges, être capables de zoomer, augmenter notre discrimination des couleurs… Entendre sur un spectre plus large, avec une capacité plus large, un contrôle du volume, etc. Amplifier le toucher tactile ou le toucher érogène, etc. Accéder à un odorat plus développé. Mais là encore, en même temps que nous aurons des effets positifs, il y aura des risques, des incertitudes, un usage à maîtriser, donc des soucis. Peut-être allons-nous vers une sensorialité à la fois augmentée et beaucoup plus compliquée… »

De la nécessité impérieuse de la prévention et de la préservation de nos sens « innés et acquis »

Pour Jérôme Goffette, avant de songer à amplifier notre accès au monde, il s’agit surtout de préserver à tout prix les capacités sensorielles que nous avons déjà, car la plupart des dérèglements sensoriels sont – et resteront encore longtemps – irréversibles (perte du goût, de l’odorat, surdité…).

Le rôle de la prévention, malgré la difficulté aujourd’hui à en faire passer les messages, est donc primordial : limitation du temps d’exposition aux écrans, aux bruits stressants, usages de casques protecteurs ou de gants : tout ce qui peut concourir à protéger notre précieux capital sensoriel doit avant tout être mobilisé.

Et les marques peuvent y concourir, en se faisant le relai de cette prévention et en concevant des produits adaptés ! 

Car ainsi que Jérôme Goffette le reconnaît lui-même : « Nous devons nous réjouir de vivre de plus en plus vieux., mais ce vieillissement est concomitant à des soucis sensoriels. La prévention est donc essentielle. Dans l’environnement professionnel, les casques antibruit et les gants protecteurs évitent les atteintes de l’ouïe, du toucher. Dans nos vies personnelles, on pourrait aussi parler d’une hygiène sensorielle à accentuer : regarder les écrans de plus loin ; utiliser davantage de lumière naturelle pour éviter la myopie ; éviter les ambiances sonores surpuissants. Ce type de message, qui met en avant un bénéfice à long terme aux dépens d’un plaisir à court terme, n’est jamais facile à faire passer ! »

 

 

 

Notes et légendes :

(1) « Panne des sens ? », article de Kyrill Nikitine – Revue We Demain n°21, mars 2018  

(2) Maître de conférence en philosophie des sciences à l’université de Lyon, Jérôme Goffette est l’auteur de « Naissance de l’anthropotechnie – De la médecine au modelage de l’humain » aux éditions Vrin 

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, The BrandNewsBlog 2018, X, DR.

 

 

Le « badvertising » ou l’art de la provocation en communication… et ses limites

Au lecteur ou à la lectrice qui découvrirait aujourd’hui ce blog dédié au marketing et à la communication, je le confesse d’emblée : j’adore ausculter les nouveaux concepts et autres mots-valises (généralement anglophones) dont nos professions sont si friandes. C’est devenu un péché mignon. Et lors d’une récente consultation, j’avais d’ailleurs analysé cette intriguante notion de « nano-influence », dans un article que vous pouvez retrouver ici...

Le mot-valise du jour ne nous vient directement ni d’outre-Manche ni d’outre-Atlantique : il a été réinterprété par Julie Rivoire, planneuse stratégique de l’agence Oxygen à Paris. Et il a le grand mérite d’être immédiatement « parlant » et aisément compréhensible, même si – comme bien d’autres concepts sur lesquels je me suis penché – la technique qu’il décrit n’a en définitive rien de vraiment nouveau…

Pour l’anecdote, il offre néanmoins un pendant intéressant au concept de « Goodvertising¹« , cette « publicité créative responsable » popularisée et défendue par l’excellent Thomas Kolster, dont j’avais déjà parlé sur ce blog et dont je reparlerai sans doute prochainement.

Mais qu’est-ce donc que ce « badvertising » dont nous parle Julie Rivoire, me direz-vous ? Et bien c’est tout simplement « l’art de mettre en scène un scandale, en le créant de toutes pièces ou en l’orchestrant, pour générer une importante visibilité médiatique et sociale pour son auteur et/ou pour la marque, qu’il s’agisse d’une personnalité, d’un parti ou d’une entreprise ».

Et l’objectif final de cette stratégie de provocation ? Détourner ou monopoliser l’attention bien sûr, dans cette bataille pour exister que se livrent tous les émetteurs dans le flot ininterrompu d’informations déversé par les chaînes d’info en continu, par les médias sociaux et par tous les créateurs et diffuseurs de contenus.

Théorisée sous sa forme primitive au 20ème siècle par ces redoutables stratèges qu’étaient les propagandistes, la méthode a été moult fois employée depuis, et poussée pour ainsi dire à son paroxysme par Donald Trump et ses équipes, dans le champ politique. Mais le badvertising et la provocation ont également fait des émules en France et en Europe depuis des années, comme en témoigne parmi d’autres cette confidence de Sophia Chikirou, glissée au Monde en mai 2017 : « L’affrontement avec les journalistes, en 2012, c’était pensé, organisé, théorisé. Je mettais en œuvre ‘le bruit et la ­fureur’ : on partait de 3 %, c’était notre seule chance d’exister ».

Pas en reste sur les professionnels de la politique, un certain nombre de marques se sont fait depuis des années une spécialité de ce type de stratégies de communication agressives, que ce soit vis-à-vis de leurs concurrents ou du grand public (comme Ryanair en Europe, Abercrombie & Fitch ou T-Mobile notamment). Mais dans un autre registre, les exemples du trublion Free, de Darty ou du précurseur Benetton peuvent également être cités… avec des fortunes diverses pour chacune de ces marques.

En effet, le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Les marques peuvent-elles durablement profiter d’une stratégie de badverstising, et sous quelles conditions ? Quels sont les risques ?

Comme en témoignent les exemples de bad buzz subis par chacune des marques citées ci-dessous, les risques réputationnels de ces stratégies demeurent très importants. Et pour un bénéfice somme toute relativement éphémère en termes d’audience et de notoriété, quels impacts à long terme pour l’image de l’entreprise ?

Ce sont ces différentes questions que je vous propose d’aborder aujourd’hui, en vous expliquant les avantages et les limites du badvertsing et en reprenant les recommandations de plusieurs experts pour les marques souhaitant absolument s’engager dans une telle stratégie.

Le badvertising, ou l’art de jouer avec les limites et de susciter le bad buzz

Stratégie de rupture ou stratégie du chaos, le badvertising présente notamment l’avantage pour une marque « d’exister » médiatiquement et de se faire remarquer rapidement sur un marché encombré.

C’est une des armes de choix pour des marques « trublion » et il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les turbulents Michael O’Leary (créateur de Ryanair) ou John Legere (P-DG de T-Mobile) s’en soient si abondamment servis, non seulement par calcul, mais aussi en accord avec leur propre personnalité et leur tempérament « volcanique ».

« L’attention est bien sûr le nerf de la guerre, nous rappelle ainsi Julie Rivoire. Mais c’est une denrée très difficile à se procurer… Il s’agit donc de se tourner vers des stratégies de communication agressives. Une vraie prise de risque car il faut accepter de ne pas tout contrôler. » Et le bad buzz est évidemment le plus souvent au rendez-vous, comme lorsque la compagnie Ryanair annonça qu’elle allait faire payer l’accès aux toilettes sur ses appareils, créer une section où les passagers seraient obligés de voyager debout ou imposer aux passagers en surpoids une « taxe sur les gros » ! De pures provocations à chaque fois, dont les propos ne furent pas suivis d’effet, mais avaient pour principal objectif de faire parler très largement de la compagnie low-cost.

Et en l’espace de quelques années, il faut bien dire que les bad buzz consécutifs à des stratégies de badvertising se sont multipliés : ainsi les exemples de Perrier, Darty (visuels ci-dessous) ou encore Tefal (visuel ci-dessus) ont pour point commun de s’en prendre de manière délibérée aux femmes, au travers de créations publicitaires dont la misogynie laisse pantois²…

Une stratégie tentante pour des marques naturellement « clivantes » ou cherchant à renforcer leur polarisation…

Si toutes les marques pratiquant le badvertising ne sont pas nécessairement « clivantes », recourir au registre de la provocation permet de cultiver et renforcer la « polarisation » de la marque, ainsi que je l’expliquais dès 2014 dans cet article : « 5 bonnes raisons de vous intéresser à la polarisation de votre marque ».

En effet, pour des marques suscitant naturellement au sein du grand public autant d’attrait que de rejet (comme McDonald’s, Starbucks, BP ou T-Mobile par exemple), 2 types de stratégies opposées peuvent être déployées : tandis que la première consiste à tenter d’apaiser ses détracteurs (comme s’y est efforcé ces dernières années Ryanair, abandonnant progressivement son statut de marque « trublion »), le second type de stratégies peut consister à renforcer la polarisation et par là-même la différenciation de la marque : 1) en alimentant le désamour des « haters » pour faire encore plus parler de soi ; 2) en amplifiant les attributs clivants de la marque, comme le firent T-Mobile ou Free ; 3) en semant la zizanie en terme d’offre ; ou 4) en capitalisant sur des publicités volontairement provovatrices…

4 conseils pour maîtriser l’art de la provocation en communication… et ne pas transformer le scandale en crise

Dans son étude et ses recommandations concernant le « badvertising » – qu’elle considère comme une stratégie de communication aussi valable qu’une autre – la planneuse stratégique³ de l’agence Oxygen formule 4 recommandations à suivre à mon avis à la lettre, pour ne pas basculer du scandale à la crise…

1 – Tout d’abord, dès la conception de la provocation ou du scandale, imaginer la ou les réponses, la ou les solutions qu’on va apporter en phase de révélation… Pour ne pas avoir imaginé ces « issues de secours » ou pour avoir négligé d’étudier les différentes options de sortie de scandale, en fonction de la réaction des publics, certains bad buzz sont restés des bad buzz et n’ont pas profité autant qu’ils auraient pu à la marque, laissant une image mitigée à celle-ci… Ce fut le cas dans la plupart des effets d’annonce de Ryanair, Michael O’Leary ne prenant pas le soin de revenir sur ses propos provocateurs.

2 – Faire preuve d’autodérision et assumer ses défauts. Si une véritable erreur a été commise et que ses conséquences ne sont pas graves ni insurmontables, comme dans le cas d’une stratégie de badvertising assumée, il s’agit de ne pas dévier d’un fil et de mener son action jusqu’à la révélation, en s’efforçant de retourner la réaction du public de positive à négative. Cela passe par la reconnaissance de ses erreurs ou la révélation du badvertising et une grande dose d’autodérision, pour surmonter la rancœur des personnes qui se seraient fait berner.

Ainsi, quand Carambar annonça la fin de ses traditionnelles blagues, les remontées négatives furent si nombreuses et rapides que l’agence fut contrainte d’avancer de plusieurs jours la révélation de sa supercherie, mais s’en tint tout de même à sa stratégie initiale, avec un impact positif non négligeable sur les ventes de Carambar après l’opération.

Quand l’affaire de « l’homme tout nu » éclaboussa la Redoute, après que des clients aient repéré sur une photo de leur catalogue un homme nu à proximité d’enfants, cette erreur profita néanmoins à la marque. Plutôt que de se fendre d’un simple mea culpa, celle-ci choisit en effet une stratégie d’autodérision en cachant 10 autres photos incongrues dans son catalogue et en incitant ses clients à les débusquer.

Mais ainsi que l’ont souligné sur Twitter deux lecteurs du BrandNewsBlog, à la suite de la publication de la première partie de cet article, assumer une telle stratégie de badvertising peut s’avérer compliqué a posteriori.

Ainsi, dans l’opération de badvertising organisée en 2014 par le site Rue du commerce (« Rue du commerce interdit aux femmes »), ces deux professionnels ne manquent pas de souligner que cette grossière provocation fut en réalité très pénible à assumer en interne par les femmes de l’entreprise, qui durent gérer le bad buzz puis détromper toutes les personnes n’ayant pas compris qu’il s’agissait en réalité d’une opération marketing avant Noël. Malgré tout (cf tweets ci-dessous), ces deux internautes précisent que les ventes furent sensiblement plus fortes durant la période des fêtes que l’année précédente.

3 – Ne pas rompre le contrat de confiance avec la marque. Julie Rivoire l’indique clairement : dans l’exercice du badvertising, la limite ultime est évidemment de toucher, au-delà d’une simple supercherie ou de la blague de mauvais goût, à des questions de société beaucoup plus graves, susceptible de briser la relation de confiance entre la marque et ses clients…

Ainsi, si les slogans sexistes utilisés lors d’une campagne par Darty n’ont pas entamé le crédit ni le célèbre « contrat de confiance » revendiqué par la marque, celle-ci les a néanmoins rapidement abandonnés car cette stratégie n’était pas en ligne avec sa plateforme de marque ni avec l’image que l’entreprise voulait en réalité véhiculer.

A contrario, le scandale touchant Findus suite à la découverte de viande de cheval dans ses lasagnes ne relevait certes pas du badvertising mais touchait directement le lien de confiance entre la marque et ses consommateurs. Dans ce cas, le scandale se transforme en crise et ne peut être surmonté, raison pour laquelle Julie Rivoire rappelle qu’orchestrer ou « surfer » sur un scandale ne peut être envisagé quand on porte directement atteinte aux valeurs ou à l’identité même de la marque.

Et la communicante de confirmer : « La différence entre un scandale négatif et un scandale positif, c’est que le premier privilégie les intérêts de l’entreprise au détriment du peuple (santé, trahison, vol…). C’est la frontière à ne pas dépasser, au risque de créer non pas un scandale, mais une crise. » 

4 – Adopter la « Trump method ». Certaines marques ont choisi de fonder leur image sur la polémique et la provocation permanentes, quitte à aller régulièrement au-delà des limites, à la manière du Président des Etats-unis. Ainsi, en faisant l’apologie de la maigreur et en inventant une taille XXX-S, puis en bannissant les tailles XL et XXL, la marque de mode Abercrombie & Fitch s’est mis à dos une bonne partie de l’opinion et est devenue la marque clivante par excellence.

« Cette démarche polémique très forte est comparable à de la politique. c’est la méthode Trump : polariser à fond les électeurs / consommateurs. C’est à dire capitaliser sur les clients déjà acquis, puisqu’on ne peut pas plaire à tout le monde. On aime ou on déteste, mais cela demeure une très bonne stratégie » affirme Julie Rivoire.

Au risque de la détromper pour le coup, je rappellerai néanmoins que suite à plusieurs bad buzz et à des opérations de boycott, cette marque de mode également propriétaire d’Hollister a perdu des centaines de millions de dollars et vu ses résultats plonger dramatiquement, tandis que son image a été durablement écornée. Si le noyau dur des consommateurs de la marque est resté, comme ce fut le cas pour Benetton, la marque précurseur du badvertising, les limites d’une telle stratégie apparaissent clairement avec cet exemple, et celle-ci demeure à manier avec parcimonie… et la plus grande prudence.

Car comme toujours, les bénéfices à court terme en termes d’engagement ou de notoriété peuvent être réels, mais ils peuvent en définitive s’avérer contradictoires avec la création d’une marque pérenne et digne de confiance… A chacun de choisir la stratégie qui lui paraît la plus appropriée en fonction de ses objectifs, mais construire une marque dans la durée exige de dépasser les visions court-termistes, c’est une certitude.

 

 

Notes et légendes :

(1) « Engagement 2.0 : et si on passait au « goodvertising » et à la communication responsable ? », article du BrandNewsBlog du 19 mars 2017  

(2) « Pourquoi les clichés existes font hélas encore recette dans la pub… », article du BrandNewsBlog du 14 juillet 2017  

(3) Suis-je plus royaliste que le roi et plus féministe que les féministes en l’occurrence ? J’ai féminisé à dessein la profession de « planneur stratégique », car je ne vois pas pourquoi on ne parlerait pas de « planneuse stratégique » : quitte à faire bouger quelques mentalités dans les agences et dans la pub, je pense que c’est possible ;-) 

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, The BrandNewsBlog 2018, X, DR.

 

 

 

Quel avenir pour le marketing et la communication à l’ère des plateformes IA et des assistants virtuels ?

Les marques ont-elles vraiment les moyens de reconquérir la confiance des consommateurs ? A en croire les dernières tendances révélées par l’agence Edelman, dans le cadre de la 18ème édition de son Trust Barometer, ce n’est pas forcément gagné d’avance…

Car en dépit de tous leurs efforts pour mieux connaître les besoins de leurs clients et leur proposer des expériences toujours plus personnalisées et gratifiantes, les entreprises suscitent toujours la méfiance voire une défiance a priori, comme en témoigne cette statistique parmi d’autres : « 62% de nos concitoyens ne seraient en définitive pas prêts aujourd’hui à renoncer à la confidentialité de leurs données, même contre la promesse d’un service et d’une expérience d’achat améliorés ».

Et n’en déplaise à la brillante Nathalie Rastoin, présidente d’Ogilvy Paris, qui affirmait récemment dans une interview son espoir de voir les marques devenir ou redevenir ces « tiers de confiance que les gens réclament de plus en plus fort pour les protéger »¹, il est d’autant moins certain que celles-ci puissent y parvenir qu’elles risquent bientôt d’être concurrencées dans ce rôle par des compétiteurs aussi redoutables qu’attendus : les plateformes IA et les assistants virtuels.

Pour s’en convaincre, et sans tomber dans la science-fiction ni la sinistrose, il suffit de lire en ce mois de novembre cet article passionnant de Niraj Dawar, dans la dernière édition de la Harvard Business Review  : « Le marketing à l’ère d’Alexa »².

En l’espace de quelques lignes, le professeur de marketing à l’Ivey Business School nous décrit un monde et des rites de consommation complètement bouleversés par l’avènement imminent de plateformes IA de plus en plus sophistiquées. Celles-ci seront aptes à consolider et analyser des quantités exponentielles de données et s’imposeront aussi rapidement que durablement dans la chaîne de valeur entre les marques et les consommateurs… Au point que Niraj Dawar conclut son introduction par cet avertissement aussi lapidaire que prophétique : « les consommateurs, jusque-fidèles à des marques fiables, feront désormais confiance à un assistant virtuel tout aussi fiable »… qui sera en l’occurrence capable de s’occuper tout aussi bien du réassort de notre frigo que de la commande en ligne de nos billets d’avion, de la programmation de nos vacances d’été et/ou de l’analyse comparative de dizaines de contrats d’assurance dont nous pourrions avoir besoin à cette occasion.

Dans cette vision d’un monde « 4.0 » qui n’a plus rien de fantaisiste, car l’IA et les assistants virtuels devraient d’après tous les experts s’imposer dans tous les foyers d’ici 5 à 10 ans, quelle (nouvelle) place pour les marques et les stratégies marketing ? Et de quelle façon les marketeurs et les communicants pourront continuer à exercer efficacement leur métier ?

C’est ce que je vous propose d’évoquer dans mon article du jour (dont la deuxième partie sera à venir dès mercredi), en dépeignant aussi bien les nouveaux défis que vont poser l’IA et les assistants virtuels que la manière pour les marques et les professionnels du marketing de s’y adapter… Non sans vous préciser d’emblée qu’un certain nombre d’évolutions sont évidemment déjà en cours au sein des entreprises, dont les plus innovantes ne manqueront pas d’anticiper ce tournant stratégique, tandis que certains secteurs – comme le BtoB par exemple ou l’univers des marques de luxe par exemple – pourraient être diversement impactés, la nouvelle donne touchant vraisemblablement en premier lieu les biens de consommation les plus interchangeables.

Quoiqu’il en soit, il reviendra bien à tous les marketeurs.euses et aux communicant.e.s de se préparer à ce nouveau paradigme, car nul n’échappera à terme à la révolution IA. Et comme pour tout changement important, celui-ci sera assurément porteur d’autant d’opportunités que de menaces pour les marques. A condition toutefois que celles-ci sachent se concentrer sur cet objectif quasi obsessionnel désormais : obtenir la meilleure reconnaissance et le meilleur référencement sur les grandes plateformes.

Cela supposera d’adapter constamment son offre aux évolutions des attentes des consommateurs, sur la base des big data collectées par les assistants virtuels justement : le plus sûr moyen de demeurer parmi les marques « top of IA », ces nouvelles marques top of mind à l’issue du travail de concaténation et d’analyse réalisé par les intelligences artificielles des plateformes… Soit un effort et un investissement de tous les instants !

Une révolution plus rapide et plus impactante pour la consommation que l’avènement de la grande distribution dans les années 50…

A force de lire un peu tout et son contraire sur les développements de l’intelligence artificielle, et de voir ce sujet si souvent (mal)traité à toutes les sauces, certain.e.s pourraient être tentés de conclure au buzzword… et à l’effet de mode qui finit par faire pschitt.

Il n’en est rien bien sûr, et pour ce qui concerne l’impact potentiel de l’intelligence artificielle et des assistants virtuels sur les modes de consommation, il suffit de se pencher  un instant sur la photo à fin 2018… A date en effet, ainsi que le pointe dans son article Niraj Dawar, tous les plus grands géants de la technologie ont lancé leur propre plateforme d’IA et le domicile des usagers est déjà en voie de colonisation accélérée par les assistants virtuels.

Amazon aurait ainsi vendu à ce jour 25 millions d’exemplaires d’Echo, ces enceintes intelligentes adossées à son assistant vocal Alexa. Ce nombre devrait doubler d’ici 2020 et les équipements susceptibles d’héberger par ailleurs Alexa grâce aux applications d’iOS ou d’Android se comptent également par millions. Via les enceintes intelligentes Google Home ou les téléphones Google Pixel, l’Assistant Google est déjà disponible sur plus de 400 millions d’équipements, tandis qu’Apple a lancé son propre HomePod en début d’année et que Samsung a fait des acquisitions spectaculaires pour renforcer son propre assistant vocal personnel Bixby. Sur ce marché encombré, Microsoft et Tencent ont eux aussi largement investi pour booster leurs assistants IA Cortana et Xiaowei, tandis que des assistants virtuels tels que Chimenwenmen et Xiavoice font un malheur en Chine, avec des dizaines des millions d’utilisateurs chacun… Sans compter les plateformes IA « spécialisées » de plus petite envergure, telles que celles d’Uber ou d’Expedia, qui comptent quant à elles des millions d’utilisateurs également…

La prochaine étape ? D’après tous les experts, un mouvement de concentration est inévitable dans les 5 à 10 prochaines années parmi les grands acteurs des plateformes IA. Car si la douzaine de concurrents sérieux déjà en lice bénéficie d’un avantage concurrentiel et d’une longueur d’avance indéniables sur d’éventuels nouveaux entrants (le ticket d’entrée sur ce marché est en réalité énorme et nécessite des années d’investissement), il y a fort à parier que ne subsisteront in fine que quelques plateformes IA généralistes, car la plupart des usagers n’en utiliseront probablement qu’une, comme cela a finalement été le cas pour les moteurs de recherche, Google s’imposant au détriment de tous ses concurrents. Rien d’étonnant que la bataille de l’IA fasse rage en ce moment, et que les investissements se comptent en dizaines de milliards de dollars de la part de tous ces géants du numérique.

Des bénéfices utilisateurs évidents… et un vrai danger pour les marques (notamment de grande consommation), plus dépendantes à l’avenir des plateformes IA qu’elles ne le sont aujourd’hui de la grande distribution et des moteurs de recherche

Si, parmi les titans du numérique, le grand gagnant de la bataille des plateformes IA est encore loin d’être connu, les perdantes pourraient bien être les marques, grandes et/ou petites, au moins dans un premier temps…

Si toutes sont loin de susciter la (même) confiance de la part des consommateurs, ainsi qu’on l’a dit en introduction, « la plupart de celles qui ont réussi ont néanmoins du leur succès à leur aptitude à renvoyer une image de qualité et à gagner la fidélité des acheteurs », ainsi que le rappelle à juste titre Niraj Dawar.

Mais comment s’assurer de cette fidélité et maintenir ce lien et cette relation de proximité voire de confiance avec les clients et les consommateurs en général quand les plateformes IA et les assistants virtuels se seront imposées comme les intermédiaires incontournables et véritables « tiers de confiance » entre leurs usagers et les marques ?

La question est posée, et il y a fort à parier que devant ce nouveau mur érigé entre elles et le consommateur final, les marques soient bientôt obligées d’en rabattre sur leur obsession de susciter cette expérience client omnicanale que j’évoquais un peu plus haut et dont tout l’objectif était de susciter de la « préférence de marque »… si cette préférence compte pour rien au moment de l’arbitrage d’achat final, « piloté » à 95% par la plateforme IA !

Certes, de par leur niveau de performance actuel – encore largement perfectible – les plateformes IA et autres assistants vocaux ou virtuels sont encore loin de répondre à toutes les questions et besoins de leurs utilisateurs avec le degré de fiabilité exigible. Et elles ne représentent pas encore ce « tiers de confiance » incontournable pour tout achat courant ou occasionnel que chacun d’entre nous a l’occasion d’accomplir. Mais il ne s’agit plus que d’une question de temps (quelques années seulement en l’occurence) et le bénéfice utilisateur sera tel au final que plus personne ne pourra s’en passer…

Ainsi que le résume Niraj Dawar, à terme, « la plateforme IA recueillera et transmettra l’information, tandis que l’assistant virtuel sera l’interface de l’usager avec ses installations domestiques, les différents appareils et autres dispositifs. » […] Et par dessus tout : « Les assistants IA minimiseront les coûts et les risques encourus par les usagers ; ils offriront également un confort d’utilisation inégalé. Ils veilleront à ce que les achats de routine parviennent sans encombre jusqu’aux différents foyers – comme la fourniture d’eau et l’électricité – et ils géreront les décisions d’achat plus complexes en apprenant à connaître les critères des consommateurs et en optimisant les compromis que ceux-ci sont prêts à faire ».

Peu à peu – et plutôt à moyen terme qu’à très long terme donc – les plateformes et assistants constitueront assurément le principal canal par lequel les usagers accéderont à l’information, aux marchandises et aux services.

Et Naraj Dawar de poursuivre sur ces deux avertissements – pour l’instant sans frais – pour les marques et les marketeurs, mais qui finiront évidemment par avoir rapidement d’importantes conséquences :

Des plateformes IA surperformantes en termes d’acquisition, de satisfaction et de fidélisation du client

Pour Niraj Dawar, les plateformes IA et assistants virtuels deviendront d’autant plus incontournables qu’ils seront extrêmement performants dans ces 3 domaines que sont l’acquisition, la satisfaction et la fidélisation du client.

En terme d’acquisition tout d’abord, il sera bien plus intéressant pour les marques d’investir du temps et de l’argent dans la connaissance des critères de personnalisation des achats retenus par les plateformes IA et dans le fonctionnement de leur algorithme, plutôt que de dépenser des milliards d’euros ou de dollars dans des campagnes de publicité ou de promotion souvent mal ciblées et peu efficaces car faiblement mémorisées de surcroît.

Acquitter une redevance aux plateformes pour obtenir les meilleures informations sur les goûts des usagers et être référencées de manière préférentielle par celles-ci deviendra sans doute la norme, même si les différents acteurs du marché disent aujourd’hui vouloir décorréler leur plateforme IA de toute dimension publicitaire. Dans la pratique, il y a en effet fort à parier que les marques devront mettre au moins autant d’argent dans leur référencement et la recommandation produits via les plateformes IA qu’elles en investissent aujourd’hui sur les moteurs de recherche ou dans leur référencement auprès des commerçants et distributeurs.

« Qu’elle que soit la procédure, confirme Niraj Dawar, toutes ces redevances auront pour objectif l’accès au consommateur. Les entreprises réaffecteront aux plateformes ce qu’elles dépensent aujourd’hui pour la publicité, les frais de référencement et les commissions de vente. Les marques restructureront leurs offres et leurs stratégies d’innovation de telle sorte que leurs produits puissent être mis en valeur par les assistants IA. »

En terme de satisfaction client, les masses considérables de data collectées auprès de leurs utilisateurs par les plateformes IA et par les assistants leur permettront de formuler des recommandations d’achat plus pertinentes et performantes que ne l’étaient in fine les processus plus ou moins rationnels d’analyse et de décision d’achat du consommateur. Presque mieux informées et éclairées sur leurs goûts et leur critères de décision que les utilisateurs eux-mêmes, les IA seront ainsi capables de leur proposer à tout un chacun des produits et de services attendus ou inattendus mais toujours satisfaisants pour l’individu : un atout déterminant.

Quant à la fidélisation du consommateur, celle-ci devrait également être supérieure via les plateformes IA, car là où l’usager fidèle à une ou des marques renouvelait pour ainsi dire automatiquement ses achats dans un certain nombre de catégories de produits et de services, cela ne sera plus le cas demain.

Les plateformes IA prendront toujours le temps d’évaluer et de réévaluer leurs arbitrages et recommandations sur la base des offres évolutives proposées par les marques. Bien plus exhaustives que tout être humain dans leur analyse en profondeur des différentes catégories et des caractéristiques des produits et services, elles devraient de facto offrir davantage de chances aux marques « challengers » par rapport aux marques leaders et aux marques habituellement retenues par chaque individu. La concurrence ne pourra qu’en être aiguillonnée, car aucune plateforme IA n’aura par ailleurs intérêt à ce que la dimension publicitaire ou le référencement payant n’altère en profondeur ses recommandations. Au-delà des opérations de promotion toujours possible via les plateformes IA, il appartiendra donc aux marques de se différencier constamment par l’adaptation perpétuelle de leurs offres aux besoins et attentes des clients.

5 facteurs clés de succès pour que les marques continuent à jouer un rôle dans un monde reconfiguré par les plateformes IA et les assistants

Si les géants du numérique doivent encore travailler pour instaurer ce climat de confiance indispensable au succès des plateformes IA (et cela passe d’abord par l’enrichissement et l’amélioration continuelle de la pertinence de leurs algorithme ; ensuite par une transparence totale sur leur relation avec les marques et la priorisation de l’intérêt du consommateur ; et enfin par un juste équilibre entre exploitation et protection des données des utilisateurs), les marques disposent quant à elles de 5 leviers pour continuer à jouer un rôle auprès des consommateurs :

1 – Les marques doivent en premier lieu investir massivement dans la connaissance des algorithmes employés par les plateformes IA. Elles doivent notamment tout faire pour comprendre parfaitement la façon dont les plateformes évaluent chacune des marques, en fonction des données dont elles disposent. Il est notamment clair que le critère de la « préférence de marque » devrait continuer de jouer un rôle non négligeable dans certaines catégories de produits et de services où la notoriété et l’image ont aujourd’hui autant d’importance que le prix. Il faudra donc évaluer pour ces catégories le poids du critère « préférence de marque ». Dans d’autres catégories (biens et services de consommation courante à faible investissement émotionnel) il est probable que la préférence de marque sera un critère beaucoup moins important et les IA en tiendront compte.

2 – Les marques devront évaluer l’intérêt de garder ou non des liens directs avec le consommateur. La question peut paraître étrange à certain.e.s d’entre vous, mais elle se posera. En fonction des catégories de produits et de services considérées, le bénéfice de maintenir de tels liens – rapporté à ce que cela coûtera – en vaudra-t-il la chandelle ? Si la réponse est oui, les marques pourront notamment compter sur leurs propres données et notamment sur les data fournies par leurs produits intelligents pour conserver un canal direct de communication avec les consommateurs et amasser de précieuses données les concernant. L’exploitation de ces données viendra compléter les données fournies par les plateformes IA.

3 – Les marques devront ré-évaluer à échéance régulière l’intérêt de leur investissement dans les canaux de distribution traditionnels. Si les consommateurs achètent de plus en plus fréquemment en ligne, 90% du total des ventes de détail se font encore dans des magasins traditionnels aujourd’hui. « Dans un avenir proche, nous dit Niraj Dawar, les consommateurs continueront à faire leurs achats off line, dans les magasins où les marques restent influentes. Mais au fur et à mesure que les habitudes d’achat évolueront vers les plateformes IA, les marques devront régulièrement évaluer si les filières physiques de détail restent importantes ». Et ajuster le niveau de leur investissement en fonction bien sûr.

4 – Les marques devront veiller à bénéficier d’un positionnement préférentiel sur les plateformes et à la qualité de leur référencement. Pour ce faire, en fonction encore une fois de l’importance ou non du critère « préférence de marque » dans la catégorie de produits-services considérée, elles pourront acquitter de plus ou moins importantes redevances auprès des plateformes IA, pour continuer à s’assurer d’un référencement satisfaisant et cultiver un partenariat sur la durée avec les plateformes. La limite de cette stratégie et de ces investissements demeurera évidemment la qualité intrinsèque et l’adaptation des produits et services fournis par rapport aux attentes des consommateurs, car si hiatus il y a entre la recommandation IA et la perception de la qualité du produit-service au final, la plateforme IA perdra rapidement la confiance de son/ses utilisateurs. Il y aura donc toujours intérêt à ne pas se contenter d’une pure stratégie de référencement pour les marques.

5 – Avant de considérer les plateformes IA comme un canal de vente, les marques devront toujours les envisager comme une source d’information et savoir adapter en permanence leur offre. Ce point est évidemment très important : en fonction des secteurs, il pourrait en effet s’avérer tentant de renoncer à toute forme de marketing en réduisant fortement les investissements en communication, pour acquitter uniquement les redevances de référencement demandées par les plateformes IA. Ce type de stratégie « court terme » est évidemment à déconseiller à long terme. Pour un prix donné, les plateformes IA fourniront en effet des données et un aperçu des comportements et des motivations des consommateurs plus détaillé que n’importe quel autre canal existant. Cette compréhension fine donnera la possibilité aux entreprises de repenser tous les aspects de leur marketing (segmentation, tarification, caractéristiques produits) et de renforcer encore leur différenciation le cas échéant, en adaptant constamment leur offre aux nouveaux besoins et attentes des consommateurs et en affinant en permanence leurs leviers de compétitivité. Cette adaptation rapide aux évolutions des goûts des courriers sera assurément le point clé.

 

 

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