Quels enjeux pour les dircom et leurs équipes en 2020 ?

Chaque année, depuis cinq ans maintenant, je vous propose en guise de tour d’horizon récurrent l’interview croisée de deux dircom, que j’interroge sur l’évolution de leurs missions, sur leur pratique de la communication au sein de leur entreprise et sur les perspectives de nos métiers.

Après avoir mis à l’honneur en 2016* Anne-Gabrielle Dauba, directrice de la communication de Google France et Pierre Auberger, directeur de la communication du Groupe Bouygues ; puis en 2017** Béatrice Mandine, directrice exécutive d’Orange, en charge de la communication et de la marque et Benoît Cornu, directeur de la communication de PMU ; Julien Villeret, directeur de la communication du groupe EDF et Anne-Sophie Sibout, directrice de la communication d’Edenred en 2018*** ; j’ai eu le privilège d’interroger en 2019**** Anaïs Lançon, directrice de la communication et de la marque du Groupe RATP et Frank Dormont, directeur de la communication d’Audencia.

Et en cette année si particulière, qui restera quoiqu’il advienne marquée par la grande crise sanitaire mondiale que nous traversons, c’est à nouveau à deux éminents professionnels de la communication que j’ai souhaité donner la parole : Cécile Ribour¹, directrice de la communication de la Maif, et Vincent Bocart², directeur de la communication de Sanofi France, que je tiens à remercier chaleureusement pour leur disponibilité et la richesse de leurs réponses.

A la lueur des derniers évènements et de leur propre expérience, au sein de leurs entreprises respectives, ces deux dircom nous livrent une analyse pointue des nouveaux enjeux de la communication, des impacts et opportunités de la transformation numérique, mais également de l’importance de communiquer avec justesse et transparence auprès des parties prenantes de l’entreprise, dans un contexte où l’engagement sociétal des marques et la sincérité des prises de parole deviennent de plus en plus incontournables.

Premiers témoins (et parmi les premiers acteurs) de cette mutation, les directeurs communication sont en effet passés ces dernières années d’un statut d’émetteurs, garants de tous les messages de l’organisation à celui de « facilitateurs-connecteurs » et de chefs d’orchestre, à l’écoute et au service de tous les interlocuteurs susceptibles de prendre la parole au nom de l’entreprise.

A la fois « vigies ès réputation » et experts de plus en plus sollicités par la communication de crise (on en mesure l’importance en ce moment) ; managers et pilotes des équipes et des projets de communication ; accompagnateurs-enablers et « transformistes », capables de passer en permanence d’un costume et d’une casquette à l’autre, elles.ils n’ont cessé de gagner en crédibilité et en épaisseur stratégique au sein de leur organisation ces dernières années, tout en s’adaptant aux changements de plus en plus rapides qui n’en finissent plus de faire évoluer leur fonction.

Pour leur regard sur ces différentes mutations, et cette vision de la « communication 360° » qu’ils ont accepté de partager avec les lecteurs du BrandNewsBlog ce matin, merci encore à ces deux dircom exemplaires.

Le BrandNewsBlog : Cécile, Vincent, dans le contexte actuel, impossible de faire abstraction de ce défi que représente pour nous tous le Coronavirus. Comment les entreprises, en particulier les vôtres, sont-elles impactées aujourd’hui ? Et quel type de mesures avez-vous d’ores et déjà mises en place pour préserver la sécurité et la santé de vos équipes, de vos partenaires, de vos clients ?

Cécile Ribour : La situation que nous vivons actuellement est sans précédent. La MAIF comme toutes les entreprises doit faire face à deux défis majeurs : préserver la santé de chacun, tout en continuant à assurer notre mission.

Notre priorité aux cours des dernières semaines a été de protéger nos 8 000 acteurs internes tout en étant présents au quotidien pour plus de 3 millions de sociétaires. Nous avons fermé toutes nos délégations, nos plateaux téléphoniques, et dans le même temps nous avons mis en place le travail à distance à grande échelle. Le télétravail dans l’entreprise avait déjà commencé à être déployé, nous avons accéléré ce déploiement pour permettre à nos conseillers de continuer à accompagner nos sociétaires.

Vincent Bocart : Que dire ? Nous le vivons tous au quotidien : l’impact est sans précédent pour l’ensemble des entreprises, à l’image de la société toute entière. Nous avons tous connu des crises complexes – j’étais Dircom dans une banque en 2008…- mais à ce point mondiale, multi-factorielle, multi-dimensionnelle, « multi-tout » serais-je tenté de dire… 3 milliards de personnes confinées à ce jour ! C’est du jamais-vu.

Pour Sanofi en France – en lien permanent avec le Groupe – l’enjeu des mesures prises est crucial compte-tenu de notre mission, qui est d’assurer la mise à disposition des médicaments, traitements et vaccins pour les professionnels de santé et les patients.

Cela nous a amené à prendre des mesures très rapidement sur les déplacements, les réunions, les mesures de distanciation sociale… puis nous avons tout aussi rapidement réévalué notre dispositif et les mesures essentielles à la sécurité de nos collaborateurs et de leurs familles, notre priorité, tout en assurant la continuité des activités indispensables au système de soins, en France et dans le monde.

En France, nous avons plus de 20 000 collaborateurs dont une part significative travaille dans 22 usines de production et de distribution et dans des centres de R&D. Certains de nos collaborateurs, notamment dans les activités tertiaires et la visite médicale, sont en télétravail, mais la présence physique sur sites est critique pour les activités de production et certaines de la R&D. Cela se fait dans le cadre de protocoles très précis sur chaque site. De manière générale, l’entreprise est très organisée et structurée pour faire face à une situation exceptionnelle, et ce dans la durée, car il faudra continuer à rechercher, à développer, à produire, à distribuer la médecine essentielle pour tous.

BrandNewsBlog : Difficile, évidemment, de prévoir les prochaines évolutions et les conséquences voire le bilan finale d’une telle pandémie. S’agit-il, pour autant, d’une des crises les plus difficiles que vous ayez-eu à gérer, en tant que communicant ? Et si oui, pourquoi ? Quel est le rôle d’un dircom, dans une telle situation ? Et quelles sont selon vous les réflexes et principales qualités à posséder dans cette matière très délicate qu’est la communication de crise ?

Cécile Ribour : A la différence des crises qui qui relèvent du périmètre de l’entreprise, que ce soit une crise médiatique, une cyberattaque, un événement climatique local par exemple, la crise que nous traversons est mondiale. Les décisions que nous devons prendre ne dépendent pas de nous seuls, mais relèvent du gouvernement, des organisations de santé, en coordination avec les autres assureurs, avec nos partenaires.

Dans ce contexte, les entreprises doivent prendre leur part, pour leurs salariés, pour leurs clients, et pour la société dans son ensemble, y compris sur l’aspect économique.

Cette approche systémique impose à la direction de la communication d’être sur tous les fronts. Si l’on doit apporter une attention particulière à l’interne, il faut également assurer le pilotage de la communication vers les clients, la communication externe, la coordination des actions partout sur le territoire, en travaillant et en soutenant les autres directions, notamment la DRH.

Et comme dans toute situation de crise, la Dircom doit décider s’il faut communiquer ou pas, rassurer, expliquer, accompagner, en ayant en permanence une vision 360° : identifier les impacts d’une décision prise sur le reste de l’entreprise, mesurer la portée d’un message et des mots employés, et surtout se faire le porte-parole des différentes parties prenantes de l’entreprise.

L’une de mes préoccupations aujourd’hui est d’être au service de toute l’entreprise tout en ayant la même attention pour les équipes de la communication en tant que direction métier : accompagner le travail à distance, suivre l’activité, faire attention aux personnes fragiles et isolées, concilier l’immédiateté de la communication de crise qui mobilise une partie des équipes et le moyen et long termes de nos activités.

Vincent Bocart : Oui, ainsi que vient de le dire Cécile, cette crise est particulièrement complexe parce qu’elle touche à la santé des gens, leur bien le plus précieux et qu’elle est en effet mondiale. Et puis par l’ampleur des problèmes qu’elle soulève, aussi bien à court terme (urgence sanitaire, confinement…) qu’à moyen ou long terme (impacts économique, social, sociétal)… C’est bien une crise d’une ampleur inédite, dans laquelle la communication joue un rôle central. Comment mobiliser des pays entiers pour faire front, sans communication ? Cette crise est multiforme et c’est aussi le cas à l’échelle de nos organisations.

Quant à notre rôle de communicants, il est plus que jamais multiple. Il nous revient d’abord de rester calmes et méthodiques ! Cela peut paraître évident, mais la complexité et la rapidité des sujets à traiter est telle qu’il faut en permanence garder le (petit) temps de recul avant l’action pour communiquer les décisions de nos dirigeants et du Groupe.

Après, pour moi, l’un de nos rôles critiques est d’arriver à relier toutes les composantes de l’entreprise pour proposer une lecture efficace et cohérente à toutes ses parties, internes ou externes, afin de se focaliser sur la résolution de la crise. Chacun – direction, département, service, unité de production, mais également les professionnels de santé, nos partenaires, prestataires, ainsi que les autorités nationales ou locales – a des enjeux et des urgences spécifiques. Il faut donc travailler les bons messages, utiliser les bons canaux, allouer les bonnes ressources, pour pouvoir donner à tous du sens et une direction claire à partir des centaines de sujets à résoudre, afin que l’entreprise continue à assurer sa mission. Cela veut dire avoir des capteurs dans toute l’entreprise – et en dehors – pour expliquer le sens de notre action et en accélérer le mouvement.

Comme tu le sais, Entreprises & Medias (association des Directeurs de communication en France) a publié il y a quelques années un manifeste sur le rôle du Directeur de la communication : il en ressort notamment que celui-ci a un rôle de « connecteur » essentiel au sein et en dehors de l’entreprise. Cela n’a jamais autant été d’actualité ! A titre d’exemple en interne, les relations de confiance et la bonne coopération que nous avons construites depuis plusieurs années avec les Directions Business, HSE, Réglementaires, Legal, RH, etc. sont des atouts essentiels pour prendre des décisions et les communiquer efficacement et rapidement. Tout n’est pas toujours parfait, mais le travail de fond effectué « par temps calme » est un vrai gain de temps en situation de crise. Je pourrais également citer nos publics externes, pour lesquels la démarche et le travail réalisés en amont sont les mêmes.

Enfin, dernier point qui me semble à souligner sur le rôle du communicant : celui d’aider à gérer la temporalité et l’adaptation aux cycles de la crise. Comme dans toute histoire, il va y avoir des épisodes très différents et un état d’esprit qui sera évolutif : nous venons de connaître la période de mobilisation, où toutes les organisations se sont mises en tension. Cela a nécessité un discours et des actions spécifiques. Nous allons probablement vivre des moments plus compliqués avec la longueur de la crise, les efforts consentis, l’impact sur notre vie de tous les jours, où revenir sur du rationnel et des exemples de réussites sur le terrain, jour après jour, s’avèrera précieux. Il faudra dans le même temps anticiper le cycle suivant, celui d’une sortie de crise et d’un retour à une activité qui demandera beaucoup d’énergie, dans un contexte totalement nouveau et imprévisible. Crise ou pas crise, nous devrons continuer à rechercher, développer, produire et mettre à disposition des médicaments… Bref, notre travail de communication ne fait que commencer.

BrandNewsBlog : Pour la Maif, mutuelle assurant des millions de Français, comme pour Sanofi, un des leaders mondiaux de la santé, disposant avec Sanofi Pasteur d’une précieuse antériorité de recherche sur le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), cette pandémie revêt des enjeux particuliers. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Quels sont vos points particuliers d’attention ? Et en ce qui concerne Sanofi Pasteur Vincent, vous avez annoncé avec le laboratoire Regeneron être en phase de test d’un de vos médicaments pour mesurer son efficacité dans le traitement du Coronavirus. Où en êtes-vous sur ce sujet : y-a-t-il une lueur d’espoir dans cette course contre la montre engagée contre la pandémie ?

Cécile Ribour : Pour la Maif, le principal enjeu est humain : être aux côtés de tous nos collègues sur la durée, réinventer le lien social à travers les outils collaboratifs, être présents pour nos sociétaires.

L’attention sincère portée à l’autre, au cœur de notre raison d’être, prend tout son sens dans la période que nous sommes en train de vivre. En tant qu’employeur, les mesures d’accompagnement prises, le maintien du salaire à 100%, ont permis de rassurer bon nombre de nos collaborateurs. Au niveau de la vie des équipes, aujourd’hui, prendre des nouvelles de chacun intègre une dimension personnelle, avec une priorité pour les personnes qui sont en chômage partiel, et de fait, déconnectées de l’activité. Au sein de la direction de la communication, nous mettons ainsi en place des rituels, comme un café quotidien en visio, où l’on parle de tout sauf de l’activité. Cela permet de voir qui est en difficulté, de se rassurer et de se dire que l’on est là les uns pour les autres.

Le sens que l’on donne à notre mission permet de garder un objectif commun, et de se rappeler le sens du collectif que l’on a construit. Les fondamentaux de notre modèle social, le management par la confiance, l’attention à l’autre, permettent de passer ce cap sans rupture forte.

Autre enjeu majeur : le soutien que nous pouvons apporter à nos sociétaires. Nous avons d’ores et déjà arrêté les mises en demeure, nous prenons en charge l’assurance de tout le matériel confié par l’employeur, quel que soit le lieu de confinement, et nous avons assoupli les règles de résiliation pour tous nos sociétaires professionnels qui se verraient dans l’obligation de suspendre leur activité, sans nécessité de produire des justificatifs.

Plus largement, nous mettons à disposition du grand public les solutions éducatives qui font leur preuve depuis 20 ans, comme l’assistance scolaire personnalisée.

Au niveau de l’entreprise, si l’enjeu à court terme est de renforcer notre capacité d’adaptation et de réactivité, de prioriser nos activités en un temps record, nous travaillons à l’organisation de la reprise pour être prêts à redémarrer à 100%.

Vincent Bocart : En ce qui nous concerne, des milliers de chercheurs, équipes de développement, de production, équipes des Unités thérapeutiques sont aujourd’hui totalement mobilisées, et c’est évidemment le cas dans d’autres laboratoires également. Nous avons la chance d’avoir des entités avec une très grande expertise scientifique et technologique dans ces domaines, comme par exemple chez Sanofi Pasteur ou Sanofi Genzyme, mais c’est un effort mondial, aux niveaux public et privé, qui est lancé dans cette course contre la montre.

Pour ce qui est des essais et des traitements, les choses évoluent vite et je préfère vous renvoyer, pour ceux que ça intéresse, aux sites internet de Sanofi où sont présentées nos initiatives sur le COVID-19. Au passage, au-delà de tout de ce qu’on peut entendre en ce moment sur le sujet, on peut observer un retour accéléré du besoin de connaissance et de compréhension autour de la santé et des avancées scientifiques, et c’est une bonne chose ! Tout comme la mise en lumière du travail exceptionnel des soignants, dont on doit espérer qu’elle trouvera un prolongement dans le temps, après cette crise.

BrandNewsBlog : Pour revenir au sujet de prédilection de ce blog, la communication, pourriez-vous me dire Cécile quels sont les bouleversements qui ont le plus impacté votre métier ces dernières années ? Et quels sont ceux que vous anticipez dans les mois et années à venir, abstraction faite (ou en tenant compte) de cette crise COVID-19 dont nous venons de parler ? En quoi ces bouleversements modifient-ils les comportements des différentes parties prenantes de vos organisations ?

Cécile Ribour : Avec la prise de conscience de la crise climatique, la montée des inégalités, les citoyens regardent désormais les entreprises et la façon dont elles exercent leur responsabilité. Ils attendent qu’elles prennent à bras le corps les défis sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés, car elles sont une partie de la réponse aux problématiques actuelles.

Cela se traduit par une plus forte exposition médiatique liée à l’ouverture et au dialogue permis par les réseaux sociaux, qui ont amené de nouvelles exigences en matière de transparence et de cohérence dans toutes les prises de parole de l’entreprise.

La seule réponse possible est l’alignement total entre un discours sincère et les actes, tout en étant capables de reconnaître que l’on n’a pas toutes les solutions, que l’on cherche à faire de notre mieux et que la route est longue.

BrandNewsBlog : La communication, mais également les entreprises de manière générale, ont été contraintes de relever les nombreux défis liés à la révolution numérique (digitalisation, émergence des réseaux sociaux, nouvelles pratiques des citoyens et consommateurs…). Comment cela s’est-il traduit au quotidien et quelle incidence cette révolution a-t-elle eu sur la manière d’envisager et de pratiquer votre métier, au sein de vos entreprises respectives ?

Vincent Bocart : En ce qui me concerne, je n’ai pas vécu cette évolution comme une contrainte, mais plutôt comme un formidable accélérateur pour nos métiers, synonyme d’ouverture d’un champ des possibles qui n’existait pas auparavant. Plus que le fond – il a toujours fallu, et il faut plus que jamais une bonne stratégie et une bonne exécution – j’ai le sentiment que la révolution numérique a fait évoluer de manière radicale la façon dont nous travaillons et les attentes de nos collaborateurs, de nos clients et plus généralement de nos audiences.

S’il faut faire des choix, je retiendrai deux conséquences majeures : tout d’abord, l’accélération du temps, avec un besoin de connexion permanent à l’actualité et un resserrement des délais pour fixer le cadre et agir. Comme en situation de crise, il faut arriver à concilier ce temps court avec le temps plus long du cap stratégique de l’entreprise, qui ne doit pas être perdu de vue. Et puis il faut saluer le développement de toutes les nouvelles fonctionnalités et pratiques liées au digital : la systématisation de la mesure d’audience, l’essor de la créativité, la quête d’engagement, l’investissement dans la conversation… tout ce qui peut rendre nos communications plus pertinentes, adaptées et performantes.

Nous disposons en particulier d’indicateurs plus rapides et plus fiables qui nous permettent d’adapter nos stratégies et nos dispositifs, et de penser « plus large ». Je trouve cela formidable pour nous et pour nos équipes. Les outils de mesure représentent en effet une excellente « plateforme de dialogue » avec nos interlocuteurs en interne et en externe. Il me semble que nous n’y passons pas encore assez de temps, mais la bonne nouvelle est que nous avons encore là un beau levier pour progresser.

Cécile Ribour : Oui, c’est certain, comme le souligne Vincent, la révolution numérique a bouleversé les modèles économiques et, du point de vue de la communication, a profondément transformé le rapport entre les marques et leurs publics.

Elle a créé de nouveaux usages, de nouveaux modes de production et de consommation de l’information, imposant à la communication de penser expérience utilisateur, parcours, personnalisation, « omnicanalité », et par conséquent de traiter en permanence la question de la cohérence. Dans ce contexte de foisonnement des contenus, de multiplication des émetteurs, de fake news parfois, la sincérité de l’expression est à mon avis la clé pour se faire entendre.

Autre enjeu majeur en ce qui nous concerne : la question des données et l’usage que l’on en fait, notamment dans les dispositifs de communication. La « data » est nécessaire pour mieux connaître nos clients, converser avec eux, leur proposer des offres et des contenus en adéquation avec leurs besoins et leurs centres d’intérêts. Comment concilier ce besoin de collecte des données avec une approche éthique de leur usage ? Cette question est au cœur de nos réflexions, que ce soit pour le marketing digital, les investissements médias ou la conception de nos médias digitaux.

Le BrandNewsBlog : Face aux impératifs de transformation qui ne cessent de remodeler et reconfigurer les organisations, c’est toute la gestion de la marque et l’organisation même des services communication qui doit souvent être repensée. Pour répondre aux nouveaux enjeux et aux nouveaux besoins que vous venez d’évoquer, avez-vous procédé à des changements au sein de vos équipes communication Cécile ? Comment sont-elles organisées ? Ces nouveaux enjeux se sont-ils également traduits par de nouvelles pratiques ou approches, dans votre manière de communiquer ?

Cécile Ribour : La communication était auparavant décentralisée, dans une logique de proximité avec les métiers. A mon arrivée nous avons tout rassemblé, équipes et activités, pour garantir la cohérence de notre marque et de notre positionnement, et ainsi augmenter l’impact de nos actions.

Au-delà de l’organisation, nous avons beaucoup travaillé sur nos modes de fonctionnement, en lien avec le déploiement de l’agilité au sein de l’entreprise. Cela passe par une grande autonomie des communicants qui contribuent à des « squads » en différents endroits de l’entreprise, une nécessaire synchronisation et une harmonisation des pratiques, que ce soit dans la systématisation de la démarche utilisateur, le déploiement de parcours fluides et simples pour nos publics, la gouvernance éditoriale, la démarche de communication responsable.

Le BrandNewsBlog : En ce qui concerne la Maif, et dans le prolongement de vos engagements d’assureur militant vis-à-vis de vos différentes parties prenantes, vous avez été la première entreprise française à adopter en juin dernier le statut « d’entreprise à mission », créé par la Loi Pacte. Votre entreprise et vos dirigeants avaient d’ailleurs participé activement, en amont, au débat autour de cette Loi, finalement promulguée début 2019. Qu’est-ce que cela change au quotidien pour vos salariés et vos dirigeants ? Et pour la communicante que vous êtes ? Ce statut est-il assorti de nouvelles obligations, et comment les gérez-vous ?

Cécile Ribour : La décision de devenir société à mission s’inscrit dans l’ADN de la MAIF, une mutuelle engagée et pionnière. Ce n’est donc pas une rupture, mais un changement d’échelle, une nouvelle forme de radicalité dans nos engagements et notre niveau d’exigence. Il s’agit en effet d’inscrire dans nos statuts des objectifs sociaux et environnementaux, suivre leur exécution avec un Comité de Mission et nous soumettre à une évaluation par un organisme extérieur.

Ce chemin que nous avons pris permet à chacun de partager la même ligne directrice, la même fierté autour de l’engagement de la mutuelle, autour de notre raison d’être, qui a été unanimement accueillie par les acteurs internes.

Un tel alignement entre la stratégie de l’entreprise, nos engagements, leur mise en œuvre opérationnelle et la dynamique collective rend le travail de la communication beaucoup plus simple ! A l’heure où se multiplient les raisons d’être, et avec elles, le risque d’être taxé de « mission washing », la sincérité est la clé encore une fois.

Cette démarche globale est également l’opportunité de repenser notre métier de communicant, afin qu’il soit lui-même générateur d’impact positif. Cette démarche permet de fédérer tous les acteurs de la communication et de l’entreprise, achats, moyens généraux, courrier, autour des défis communs : le traitement des données, l’utilisation du papier, l’éco-conception d’événements, et globalement les principes de communication responsable vis-à-vis de tous nos publics.

Le BrandNewsBlog : Préalablement à ce changement de statut Cécile,  votre entreprise s’est également dotée d’une « raison d’être » qui a été présentée fin mai lors d’une convention d’entreprise réunissant vos élus, votre management et vos collaborateurs (voir son énoncé ci-dessous). Pouvez-vous nous en parler ? Celle-ci est à la fois très globale, aspirationnelle et pas forcément spécifique à votre activité, mais reflète également un véritable parti pris autour de cette valeur centrale qu’est l’attention portée aux autres. Pouvez-vous nous en parler ? En quoi est-elle importante et légitime pour la Maif ? Et au-delà des mots, comment comptez-vous la faire vivre ?

Cécile Ribour : L’attention sincère est le socle de la relation que nous entretenons avec nos parties prenantes, une relation sans calcul, une relation désintéressée.

Appliqué au monde de l’assurance, cela veut par exemple dire que nous n’allons pas chercher à vendre des garanties inutiles, à chercher des motifs d’exclusion, mais au contraire répondre au besoin exact de nos sociétaires.

Elle témoigne d’une considération pour l’ensemble de nos publics, quels qu’ils soient, et plus largement, une conscience aigüe de notre responsabilité vis-à-vis du monde qui nous entoure.

Si notre raison d’être peut paraître très aspirationnelle, en réalité elle est la traduction exacte de notre modèle économique, qui se fonde à la fois sur la fidélisation de nos sociétaires, et donc l’attention que nous leur portons, et sur la conviction que la recherche d’un impact positif, cette attention au monde, est source de performance.

Pour l’interne, notre raison d’être est un formidable catalyseur d’énergie : elle impulse, elle rassemble et elle donne le sens. En revanche elle n’est pas un objet de communication externe. La campagne #ChaqueActeCompte, qui se déploie sur tous nos canaux et contenus de communication, nous permet de traduire notre raison d’être en actions concrètes : lutte contre le gaspillage, épargne solidaire, éthique numérique…

Le BrandNewsBlog : Et en ce qui concerne Sanofi Vincent, votre entreprise s’est-elle engagée, comme tant d’autres en 2019, dans la définition d’une « raison d’être » ? Et si oui, quelle en est la portée et comment comptez-vous la faire vivre ? En dehors de la Maif, dont beaucoup de Français connaissent depuis des années la sincérité de l’engagement et dont la raison d’être s’inscrit bien dans son histoire et son « ADN » d’assureur militant, de nombreuses « raisons d’être » proclamées ici et là paraissent finalement très abstraites et creuses, aux antipodes des valeurs voire des pratiques de l’entreprise. Comment être sincère et efficace dans ce type de démarche, et comment éviter finalement l’écueil du « purpose washing » ou du « mission washing » évoqué à l’instant par Cécile ?

Vincent Bocart : De mon côté, c’est une leçon de ces dernières semaines, de ces derniers jours : la raison d’être de Sanofi est une juste une évidence… Pas besoin de grandes phrases, de conventions ou de posters dans les couloirs pour l’expliquer !

Avec un peu de recul, je suis frappé de voir à quel point ce thème de la raison d’être, qui tourne dans nos métiers depuis quelques années, a pu devenir une sorte de mantra sur lequel on a élaboré des approches sophistiquées et des discours flamboyants. Et je m’inclus dans le lot des bavards ! Cette crise nous dit une chose simple : lorsque votre organisation doit s’organiser en urgence pour revenir au cœur du cœur de son activité, de sa mission dans un monde totalement chamboulé, la raison d’être est sous nos yeux… Et la crise en est le révélateur, au sens photographique du terme.

D’ailleurs, la crise rend une autre réalité encore plus apparente : ce sont bien tous les collaborateurs et l’écosystème de l’entreprise qui portent sa raison d’être. Lorsque vous devez faire des choix – efficaces, difficiles, sous pression – pour assurer votre mission, la quintessence de votre culture d’entreprise vous saute aux yeux. Sur ce point, nous sommes en train de vivre une aventure hors norme : au sein de mon entreprise, je suis tous les jours témoin d’une mobilisation exceptionnelle, d’une rapidité de mise en action, de résolution de problèmes et de solidarité à tous les niveaux qui sont de vraies atouts pour l’avenir.

Cela peut paraître évident dans un secteur comme celui de la santé, mais je pense que la période – au-delà de la mobilisation immédiate nécessaire sur la crise – est propice à une réflexion sur la « vraie » raison d’être de chaque entreprise – ou un « pressure test » pour toutes celles qui l’ont déployée – et sur la culture qui l’accompagne… Le gros enjeu pour nous, en tant que communicants, c’est d’arriver à bien capter cette période dans nos organisations, à en analyser – ou a minima « stocker » pour plus tard ce qui nous rend meilleurs en temps de crise dans tout ce que nous faisons pour capitaliser dans nos communications futures.

Il ne faudrait pas passer à côté de cette opportunité faute de temps, même si nous en avons très peu. Il me semble que les enseignements de cette crise sur la raison d’être et la culture profonde de chaque entreprise seront utiles pour avancer dans un monde qui ne sera en effet plus tout à fait le même dans les mois et les années à venir.

Le BrandNewsBlog : Au sein de la Maif Cécile, une des clés de la réussite et de la crédibilité de votre démarche me semble avoir été l’engagement très fort de vos dirigeants Pascal Demurger et Dominique Mahé, avec la publication d’un livre de référence au printemps dernier notamment. Et plus largement, cet engagement a été également porté par tous vos cadres dirigeants, dans le cadre d’une stratégie de « leader advocacy » que j’ai suivi et trouvé assez exemplaire. Comment réussit-on un tel tour de force, qu’une thématique soit à ce point « préemptée » dans l’opinion par le management d’une entreprise ? Quelle en est la vertu et quel est le rôle exact des communicants dans une telle stratégie ?

Cécile Ribour : Effectivement, compte tenu de nos engagements, et plus largement du niveau d’exigence imposé par le statut de société à mission, la démarche n’est possible que si elle est portée au plus haut niveau de l’entreprise.

Nos dirigeants effectifs, Dominique Mahé et Pascal Demurger, incarnent cette vision et cette détermination, à la fois en interne et en externe, et cette impulsion est nécessaire pour que toute l’entreprise soit alignée.

Mais la clé de la réussite est de parvenir à mobiliser tous les autres acteurs. L’un des moteurs vient de ce que notre raison d’être a été co-construite avec le comité de direction générale et le conseil d’administration pendant deux ans, en se replongeant dans nos racines, notre histoire, et en se projetant dans l’avenir. L’un des éléments de la réflexion a été l’introspection au sein de chacun des métiers, pour vérifier l’adéquation d’une raison d’être « haute » avec des pratiques quotidiennes. Les lignes directrices étant fixées, on parvient à un alignement très fort entre l’engagement individuel et celui de l’entreprise.

La communication joue un rôle de facilitateur pour assurer la cohérence dans les prises de parole, en veillant à la complémentarité des lignes éditoriales de chacun, et un rôle d’accélérateur pour démultiplier et augmenter le nombre de ces ambassadeurs. En proposant par exemple des outils et des formations pour gagner en efficacité, en développant une démarche d’employee advocacy, pour que chacun puisse se faire le relais de l’entreprise vers nos différents publics.

Le BrandNewsBlog : Dans le déploiement de ces démarches de leader- et d’employee advocacy, je sais que Sanofi France n’est pas en reste Vincent. Vous m’aviez notamment parlé l’an dernier d’initiatives très probantes dans le cadre desquelles vous avez en quelque sorte délégué la conception de dispositifs complets aux salariés, d’un de vos sites ou d’une entité. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Ces démarches très nouvelles supposent à la fois une  grande confiance envers les collaborateurs et un réel accompagnement par les communicants… En quoi est-ce une petite révolution des pratiques de communication et quels sont finalement les facteurs clés de succès pour une politique d’employee advocacy réussie et efficace ?

Vincent Bocart : J’en reviens à ce que je disais à l’instant au sujet des collaborateurs : ils sont le cœur de notre réacteur. J’ai toujours été impressionné par le niveau d’engagement des salariés de Sanofi en France, dans un secteur qui, il faut le reconnaître, n’est pas toujours bien vu par le grand public. Dans l’immense majorité des cas, ils n’ont pas choisi le monde de la santé par hasard. Il y a une vocation, une histoire familiale, des convictions, etc. qui les ont amenés à faire ce choix. Et bien souvent, notamment en France, ils n’ont pas non plus choisi Sanofi par hasard : un leader mondial mais aussi très ancré sur son territoire, avec de la recherche, des usines, une collaboration inégalée avec l’écosystème de la santé et le monde académique… Ils prennent leur mission de santé très à cœur. Cette fierté et le sens qu’ils donnent à leur travail trouvent un terrain d’expression encore plus fort ces dernières semaines.

Pour répondre à ta question sur l’employee advocacy, ce n’est effectivement pas nouveau pour nous et nous avons lancé une approche structurée depuis plusieurs années pour permettre à nos collaborateurs d’exprimer leur quotidien et de traduire la stratégie du Groupe avec leurs expériences et leurs mots.

Cette démarche est d’ailleurs née d’une demande d’un certain nombre de collaborateurs eux-mêmes, qui avaient exprimé deux besoins principaux : 1) mieux connaître pour eux-mêmes les activités de Sanofi en France. Appréhender les métiers de plus de 30 sites sur le territoire, des activités très différentes (production, R&D, commercial, tertiaire, etc…) est un exercice fastidieux. Nous avons donc lancé avec le Comité de Direction une tournée sur l’ensemble de sites, faite d’échanges, de rencontres avec les écosystèmes locaux. Cela a duré plus d’un an et dans la foulée, les sites ou équipes ont voulu dialoguer directement entre eux, par un système de rencontres croisées. C’est là que la notion d’ambassadeurs a pris tout son sens : des délégations d’ambassadeurs d’un site visitent un autre site et restituent leurs expériences à leurs collègues. Nous avons maintenant une communauté de 200 ambassadeurs qui peuvent se prêter à l’exercice.

Mais bien entendu, on ne peut pas multiplier infiniment ce type de rencontres et nous avons mis en place une plate-forme digitale, qui s’appelle « Ambition France », où les collaborateurs contribuent au contenu : reportages, interviews, témoignages… Tout est conçu par leur soin avec notre aide. Chacun devient donc l’ambassadeur de son activité, de ses missions, de son quotidien, de ses innovations. Et ça marche ! Nous avons un réservoir d’histoires de grande qualité et les performances de la plate-forme sont excellentes.

2) Quant au deuxième besoin, il est plus tourné vers l’externe et s’apparente à une approche « employee advocacy » plus classique, autour des réseaux sociaux, avec une communauté digitale qui a été sensibilisée à leur usage dans un cadre professionnel, mais là aussi avec des témoignages de leur quotidien. A titre d’exemple, nous publions régulièrement des « Lifie » de collaborateurs sur Instagram ou des threads Twitter #MonSiteSanofi, dans lesquels un salarié présente son site en situation réelle. Le secteur de la santé est complexe, scientifique, industriel et technique : rien de mieux que les salariés pour en parler eux-mêmes au plus grand nombre !

Le BrandNewsBlog : Année après année, la Maif truste les récompenses et les première places des classements en terme de relation client notamment, prouvant au passage la légitimité de la « raison d’être » évoquée ci-dessus. Comment réussissez-vous à mobiliser vos collaborateurs autour de cet objectif d’excellence, et à les emmener à chaque fois plus loin, dans les nouveaux défis que vous venez d’évoquer ? Quel est le rôle de la communication interne à cet égard ? Et plus largement, comment s’assurer que la communication (interne et externe) soit au niveau et porte également cette ambition d’excellence ? Quelles sont vos zones de progrès et points d’amélioration pour l’avenir ?

Cécile Ribour : La réponse tient en un seul mot : l’humilité ! Chaque année, nous tirons les enseignements des prix que nous obtenons, et nous cherchons à faire mieux. Il y a deux ans, même en étant premier du Podium de la Relation Client, les résultats montraient que nous avions encore à progresser sur le thème de l’émotion. S’en sont ensuivis des formations à la posture pour nos conseillers, un travail de fond sur la manière dont nos courriers sont rédigés, pour qu’ils retranscrivent l’expérience que chaque sociétaire peut vivre par un contact direct avec un conseiller MAIF. Enfin, la confiance accordée à chacun, le climat interne, l’autonomie dans la prise de décision dans un cas de règlement de sinistre, permettent de libérer les énergies, et de favoriser l’engagement au service de nos sociétaires.

La communication interne joue un rôle prépondérant dans la diffusion de cette culture de bienveillance, d’empathie et d’écoute. Parmi les 500 groupes existants sur notre réseau social interne, l’un des plus suivis est celui qui remonte l’expression de nos sociétaires, ainsi que les réponses apportées. Au-delà de la capacité à être extrêmement réactifs et pouvoir engager des actions correctives immédiatement, cela permet à chacun d’avoir en tête la finalité de nos actions, quelle que soit notre activité.

Ce sont les mêmes principes qui s’appliquent pour la communication externe : le respect de nos publics nous impose une grande qualité sur le fond et sur la forme des contenus que nous diffusons. Pas question de déverser du contenu promotionnel, ni de saturer nos audiences. Nous veillons donc à cadrer strictement la pression publicitaire, à utiliser un niveau de langage élevé, et à faire preuve de bienveillance et d’écoute sur nos réseaux sociaux.

Le BrandNewsBlog : On le mesure chaque jour davantage, le rôle des communicants est en définitive de plus en complexe et stratégique. D’une mission basique d’émetteur et de « superviseur en chef » des messages sortants de l’entreprise, les dircom ont vu leur périmètre d’action s’étendre considérablement ces dernières années, pour devenir à la fois des « vigies » en mode crise quasi-permanent , des « animateurs et émulateurs » des contenus et prises de parole de l’entreprise, des « chefs d’orchestre » coordonnant les talents et impulsant les stratégies de communication… Et ils.elles doivent aujourd’hui pouvoir alterner ces casquettes de plus en plus rapidement. Pour arriver à faire tout cela, quelles sont d’après vous les qualités et compétences que doivent absolument posséder les communicants et les dircom ? Et celles qu’ils devront développer à l’avenir ?

Vincent Bocart : Je ne sais pas si le périmètre, au sens organisationnel, des communicants s’est élargi, mais c’est vrai qu’on retrouve aujourd’hui un besoin de communication dans absolument toutes les composantes de l’entreprise, et ça c’est une évolution importante liée à la complexité croissante de nos organisations, à la rapidité des évolutions auxquelles nous sommes confrontées et au besoin d’explication interne ou externe que cela induit.

Il est d’ailleurs intéressant d’entendre encore parfois – même si c’est de plus en plus rare – le traditionnel « oui mais ça, c’est de la com’ » et dans le même temps, en permanence, « on ne communique pas assez sur le sujet »… comme si le métier et la finalité étaient deux exercices différents !

En tout état de cause, c’est une magnifique opportunité pour les communicants, à condition d’adopter la bonne posture et les bonnes réponses. Et pour cela, il faut avoir en premier lieu un très bonne capacité de compréhension de la stratégie, du business et de l’environnement dans lequel évolue l’entreprise. Donc une très bonne écoute et une très bonne attention à tous les paramètres internes et externes qui peuvent avoir une influence sur la stratégie de l’entreprise…

Les transformations sont de plus en plus rapides, les parties prenantes de l’entreprise de plus en plus nombreuses et exigeantes : cela demande beaucoup d’agilité et de rapidité d’action. Mais sur ce point, j’en reviens à ta question sur le rôle du Dircom en temps de crise : les compétences me paraissent être les mêmes. J’y ajouterai juste une capacité de jugement, de conviction et une obsession permanente d’embarquer les équipes et tous nos interlocuteurs. Si la communication est censée mettre en mouvement, il faut y mettre beaucoup d’énergie !

Le BrandNewsBlog : Et dans les mois qui viennent, quels sont les enjeux majeurs de communication pour la Maif et pour Sanofi ? Et quels seront les projets importants auxquels vont s’atteler vos équipes ?

Cécile Ribour : Notre priorité pour les prochains mois va être de mobiliser les équipes pour assurer la reprise de l’activité, tout en continuant à mener un travail de fond sur nos engagements. Car ce que nous sommes en train de vivre renforce encore notre volonté d’œuvrer pour une société plus solidaire, une consommation responsable, et l’accompagnement des transitions, écologique, numérique et démographique. Ce qui se joue aujourd’hui c’est la perception de la valeur de la vie humaine, qui va questionner le sens de la valeur que l’on crée, pour l’entreprise et pour le monde qui nous entoure.

Pour reprendre une réflexion d’Edgar Morin, « ce monde n’est pas fini, il va gigoter encore… ». Mais j’espère que la prise de conscience actuelle va générer une accélération des transitions au profit d’un mieux commun.

Vincent Bocart : Notre CEO Paul Hudson a récemment partagé une nouvelle feuille de route stratégique pour Sanofi dans le monde et de nombreux chantiers passionnants s’ouvrent à nous.

L’un de nos enjeux majeurs sera d’en faire la traduction et la déployer auprès de nos salariés et de l’ensemble de nos parties-prenantes, notamment en France où se situe l’héritage mais aussi une part importante de l’avenir du Groupe. Nous aurons l’occasion d’en reparler avec toi !

 

 

Notes et légendes :

* « Quels enjeux pour les dircom et leurs équipes en 2016 ? » ? Interview croisée d’Anne-Gabrielle Dauba et Pierre Auberger.

** « Quels enjeux pour les dircom et leurs équipes en 2017 ? » ? Interview croisée de Béatrice Mandine et de Benoît Cornu.

*** « Quels enjeux pour les dircom et leurs équipes en 2018 ? » ? Interview croisée de Julien Villeret et de Anne-Sophie Sibout.

**** « Quels enjeux pour les dircom et leurs équipes en 2019 ? » Interview croisée d’Anaïs Lançon et de Frank Dormont.

(1) Directrice de la communication du Groupe Maif depuis 2017, Cécile Ribour était précédemment directrice associée de l’agence W, au sein du groupe Havas (de 2008 à 2017). Auparavant, elle a été successivement consultante au sein de l’agence Altédia (de 2000 à 2002), consultante chez Guillaume Tell (de 2003 à 2005) au sein du groupe Publicis, consultante chez AC Conseil (de 2006 à 2008) avant de rejoindre l’agence W. 

(2) Directeur de la Communication de Sanofi France depuis 2017, Vincent Bocart était auparavant Associé chez Deloitte depuis 2010, en tant que Directeur de la Communication, de la Marque et RSE pour la France et l’Afrique francophone, après différentes expériences en communication dans de grands groupes français et internationaux, dont L’Oréal, Business France, Deloitte (déjà) et Barclays, en tant que Directeur de la communication de 2006 à 2010.

 

Crédits photos et illustrations : The BrandNewsBlog 2020, X, DR.

Comment communiquer et garder le lien avec collaborateurs et clients dans cette période de crise et de confinement ?

Bien chers lecteurs du BrandNewsBlog, j’espère tout d’abord que vous et vos proches allez bien. Ces dernières semaines, nous avons toutes et tous été confrontés, à la fois en tant que citoyens, parents, professionnels… à cette crise sans précédent que représente la propagation du coronavirus COVID-19.

S’ils n’étaient pas en première ligne sur le front sanitaire, aux côtés des médecins et personnels de santé que je remercie de tout cœur pour leur dévouement, ni directement aux contacts des clients et des usagers, les communicant.e.s ont été particulièrement sollicités et actifs au sein de leurs entreprises et organisations respectives.

Largement mobilisés par les cellules de crise et la gestion voire l’anticipation des impacts de l’épidémie, ils.elles n’ont cessé de relayer auprès des collaborateurs et de leurs clients/usagers et autres parties prenantes les informations dont ils.elles disposaient. Précieux relais des mesures gouvernementales, des recommandations des autorités de santé mais également bien sûr des consignes et décisions de leur direction, les communicants internes se sont montrés particulièrement réactifs et impliqués, collectant, vérifiant et rediffusant les éléments dont ils.elles disposaient, animant les échanges entre directions et services, assurant les permanences de soirées et de week-end et faisant preuve d’une solidarité remarquable, comme tant d’autres opérationnels des fonctions support ou de terrain.

Mais voici qu’après avoir anticipé, appliqué et accompagné toutes les mesures et décisions gouvernementales consécutives au passage au stade 3 de gestion de la pandémie (fermetures d’établissements et d’usines, recours au télétravail et au chômage partiel, application des mesures de confinement…), ils.elles doivent maintenant continuer de communiquer à distance avec des collaborateurs, partenaires et clients confinés pour une période indéterminée…

Comment, dans de telles circonstances, communiquer efficacement et maintenir le lien avec chacune des parties prenantes ? Comment assurer, en interne, la cohésion et le moral des équipes, accompagner et aider tous les salariés qui en ont besoin, tout en gardant une relation aussi active que possible avec ses partenaires, clients et prospects, avec pour priorité la santé et la sécurité de chacun, mais également la préservation de l’outil de travail pour être prêts pour une future reprise ?

Voici quelques-une des questions qui m’ont été posées par de nombreux collègues et professionnels cette semaine et auxquelles je vous propose de répondre aujourd’hui en mode « work in progress », au travers de l’interview de 4 professionnels qui ont bien voulu me répondre ces derniers jours¹ : Julien Villeret, directeur de la communication d’EDF ; Valérie Lauthier, directrice de la communication du groupe Pierre & Vacances Center Parcs ; Jean-Marie Charpentier, consultant en communication et Florian Silnicki, expert en stratégies de communication de crise.

Qu’ils soient ici remerciés de leur réactivité, de leurs éclairages précieux et du temps qu’ils ont bien voulu m’accorder en pleine période de gestion de crise !

Leurs recommandations et leurs actions illustrent il me semble plusieurs points importants en communication de crise : 1) l’anticipation, sans laquelle le Groupe EDF n’arriverait sans doute pas aussi bien aujourd’hui à assurer ses missions dans un tel contexte ; 2) la grande humilité à conserver dans l’approche de cette situation évolutive et en matière de communication, bien loin des certitudes des sachants et de quelques pseudos experts, car en définitive chacun explore et invente en ce moment de nouvelles modalités d’organisation et de relations à distance ; 3) la priorité absolue accordée à l’humain, à la santé et au bien être des collaborateurs, car sans bienveillance, entraide et solidarité en de telles circonstances, point d’entreprise « agile » ni de continuité de service…

A tous les professionnels qui ont bien voulu me répondre, encore merci, et à toutes celles et ceux qui me lisent, toute mon amitié et mes chaleureux encouragements, en cette période si difficile pour tous.

Le BrandNewsBlog : Dans le contexte de gestion de la crise COVID-19 depuis plusieurs semaines et des mesures de confinement en vigueur depuis le passage au stade 3, comment une entreprise comme EDF se retrouve-t-elle impactée aujourd’hui ? En tant que premier électricien mondial et principal fournisseur d’énergie des Français, vous faites évidemment partie des sociétés dont l’activité et les services nous sont essentiels : qu’est-ce que cela impose comme contrainte particulière et comment les gérez-vous, dans le respect de la sécurité et la santé de vos collaborateurs ?

Julien Villeret : Effectivement, nous fournissons un service qui est considéré comme «vital», et donc à ce titre nous sommes évidemment en première ligne. Les Français le savent, la mobilisation d’EDF en cas de crise, c’est évidemment dans l’ADN de l’entreprise. Ainsi, depuis début janvier et les premiers échos provenant de l’étranger, nous avons activé notre cellule de crise Groupe en mode préventif. Nous avons des activités en Chine et en Italie par exemple qui nous ont permis de vivre le scénario avec plusieurs semaines d’avance.

En France, nous répondons à deux logiques, organisées autour des «stades» indiqués par le gouvernement, qui se croisent en matriciel avec des «modes» décidés par EDF pour assurer la continuation des activités. Ainsi, chaque stade et chaque mode imposent une riposte et des adaptations graduées, de type travail à distance total et ou tournant, équipes scindées, équipes en réserve, et bien d’autres éléments dans l’arsenal.

Je le disais, la prévention et la gestion de crise chez EDF sont génétiques, donc nous avions un plan pandémie et des PCA (plans de continuation d’activité) déjà prêts. Ils ont été mis à jour et déployés rapidement, pour s’assurer que nos activités essentielles au sein de chaque métier soient correctement identifiées, de même que les listes de salariés affectés à chaque mission.

Le BrandNewsBlog : Comme beaucoup d’autres entreprises depuis ce lundi, j’imagine que vous avez mis en place le travail à distance pour tous les collaborateurs qui pouvaient en bénéficier, à temps complet et jusqu’à nouvel ordre. Dans une telle période, comment continuer à assurer la cohésion et le moral de vos collaborateurs durant les prochaines semaines ? Vous appuyez-vous sur les canaux et supports de communication interne existants ou bien en avez vous mobilisés d’autres ? Et comment renforcer le lien avec vos équipes de terrain, ces héros de notre quotidien en situation de crise ?

Julien Villeret : La forte numérisation de l’entreprise menée ces dernières années nous a permis de passer en mode télétravail du jour au lendemain, sans rupture de service pour la production d’électricité comme pour les clients. Nous avons actuellement une capacité d’accueil de 70 000 positions de travail à distance sur nos réseaux, et plus de 56 000 sont connectés chaque jour à date.

Donc la technique fonctionne. Mais l’objectif, c’est évidemment de ne laisser personne en solitude professionnelle, en désœuvrement, pas plus qu’en surmenage. On le voit en particulier sur les fonctions communication, par définition très mobilisées pendant la crise avec un lourd stress pour certains.

L’idée est de préserver au maximum les rites et les rythmes des équipes, à travers la visio notamment. De ne surtout pas créer de nouveaux outils de communication, mais d’exploiter au maximum l’existant. A ce titre, je dois dire que nous sommes heureux de pouvoir exploiter en particulier nos applis de communication interne sur mobiles et tablettes, très utiles pour l’alerting. L’audience de tous nos canaux est maximale, et c’est aussi l’occasion de faire découvrir la palette des outils disponibles aux collaborateurs qui n’en auraient pas encore connaissance.

Enfin, évidemment, l’idée est d’accompagner au maximum les managers, pour qu’ils puissent prendre soin de leurs équipes à tous points de vue. Les messages sont clairs : la santé des salariés et la continuité de l’activité doivent être préservés en toute occasion.

Il est clair que nous nous inscrivons dans une gestion de long terme, donc nous allons au fur et à mesure et de plus en plus largement mettre en lumière ces héros du quotidien que vous évoquez en racontant l’histoire de ceux qui vont s’assurer de l’alimentation en énergie des hôpitaux, gérer une centrale ou répondre aux clients depuis leur domicile.

Le BrandNewsBlog : Dans une telle période de crise, quels sont les principaux enjeux pour le dircom et ses équipes, et quels sont vos points particuliers d’attention ? Garder le lien avec vos clients tout autant que vos collaborateurs, rester positif, valoriser le rôle de vos équipes de terrain et votre maîtrise d’opérateur sont j’imagine les objectifs essentiels. Y-en-a-t’il d’autres et comment y parvenez-vous ?

Julien Villeret : L’enjeu principal est bien entendu de garder le lien avec, mais aussi de rassurer toutes les parties prenantes sur la mobilisation de l’entreprise. La fierté du collectif est essentielle, mais de mon point de vue, la difficulté que nous aurons tous à gérer dans nos différentes entreprises est celle de la durée.

Une crise d’une telle ampleur se déroulant sur plusieurs mois et avec des interdépendances économiques et sociales si puissantes, c’est du jamais vu. Nous allons inventer au fur et à mesure. Nous avons d’ores et déjà lancé une équipe de réflexion sur la sortie de crise, pour être prêts dès que les circonstances le permettront à retrouver une vie « normale », bien que probablement bien différente.

Personnellement, je suis assez convaincu que cette crise fera bouger les lignes. Dans les modes de travail à distance, dans les priorités sanitaires, dans l’articulation des vies pro/vies perso, beaucoup de représentations sociales vont évoluer.

A nous de les accompagner pour en tirer le meilleur. Mais pour l’instant, je crois que la priorité pour toutes les entreprises, c’est de continuer à fonctionner au service des clients. Je pense que les entreprises qui sortiront la tête haute seront celles qui auront rendu service à la population sans la ramener, avec modestie. Et cela pourra probablement faire revenir en grâce certaines activités ou secteurs injustement décriés ces dernières années, comme la grande distribution ou les télécoms par exemple, qui démontrent plus que jamais leur utilité en ce moment.

Le BrandNewsBlog : Jean-Marie, vous êtes quant à vous un grand expert de la communication interne et co-auteur de l’excellent ouvrage « Communiquer en entreprise », dont j’avais déjà parlé sur ce blog. Comment continuer à assurer la cohésion et le moral des troupes parmi les collaborateurs dans les prochaines semaines ? Avez-vous en tête des exemples d’entreprises qui ont d’ores et déjà mis en place des solutions d’échange ou de communication dédiées et intéressantes ?

Jean-Marie Charpentier : Il faut rappeler que télétravail était déjà en forte hausse avant la crise sanitaire ou les grèves de l’hiver dernier. Le phénomène gagne du terrain en entreprise pour des raisons à la fois économiques (réduction des espaces de travail et des bureaux), d’organisation du travail et d’attractivité pour des salariés sensibles à de nouveaux équilibres de vie.

La crise actuelle va encore servir d’accélérateur. On expérimente en grand cette modalité de travail, même si son déploiement ces derniers jours intervient souvent en mode dégradé, dans l’urgence. Ici ou là, l’équipement perso des salariés supplée un équipement pro qui n’est pas toujours en place au domicile. Il faut parer au plus pressé. L’essentiel dans ce moment exceptionnel est d’assurer une continuité du travail et de garder le lien professionnel et social.

Garder un lien direct, même à distance, c’est possible. Il y a des outils pour cela, mais ce n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est l’attention aux autres, l’attention à chacune et chacun, c’est de faire équipe. Il faut tenir le coup dans ces temps difficiles.

Tu parles à juste titre de cohésion et de moral. Plus l’habitude existe de fonctionner en collectif, de dialoguer dans le travail avec des temps dédiés, plus le contact et le lien à distance en période de crise se trouvent facilités. Une communicante me le dit en ces termes : « Tout est plus compliqué, mais heureusement, mon équipe qui a l’habitude d’échanger au quotidien tient bien ».

On est prêt à accepter des tâtonnements, des difficultés techniques dès lors que la confiance existe entre pairs et avec le management. Une chose est sûre : « Zoom », ça ne fait pas de miracle dans des univers cloisonnés et  verrouillés. Dans le travail, on a besoin de coopérer et de faire société, c’est-à-dire opérer ensemble et communiquer pour partager un sens commun. C’est vrai – ou ça devrait être vrai – en toutes circonstances.

Là où il y a du collectif, on voit se créer à chaud en ce moment des groupes WhatsApp, des rendez-vous quotidiens sous forme de « cafés virtuels », des rencontres régulières en ligne pour faire le point… Je pense aussi à cette grande entreprise où le DRH communique de façon soutenue avec chaque membre de son équipe pour maintenir le lien en période de crise, mais il le fait d’autant mieux que son équipe y est habituée en temps normal. Bref, la situation en télétravail est fortement liée aux fonctionnements préexistants, ce qui n’empêche pas, bien au contraire, des innovations. L’Afci vient d’ailleurs d’organiser des ateliers d’échange de pratiques entre communicants pour partager les expériences en cours des uns et des autres.

Le BrandNewsBlog : On sait que le télétravail à temps partiel et surtout le travail à distance à temps complet ont un impact fort sur les pratiques de management et sur les habitudes de travail : certains collaborateurs peuvent se retrouver physiquement et psychologiquement isolés, voire fragilisés. D’autres peuvent éprouver une relative démotivation, liée à la disparition des rituels quotidien de travail et d’échange… Comment s’occuper à distance des plus fragiles et s’assurer de ne laisser personne « au bord de la route », sans oublier toutes les personnes qui doivent continuer de se rendre sur leur lieu de travail, pour des raisons de continuité d’activité ?

Jean-Marie Charpentier : Le télétravail a tendance, on le sait, à isoler les salariés. Celles et ceux qui le pratiquent ont toujours besoin à un moment ou à un autre d’en sortir à la fois physiquement et psychiquement.

Cela renvoie au besoin de ne pas être seul au travail et de pouvoir faire équipe. Tout salarié a besoin d’être soutenu, c’est-à-dire de s’inscrire dans un collectif, un réseau, une organisation. Le télétravailleur, comme tout salarié, doit bénéficier d’appuis, mais dans un cadre particulier. Le meilleur appui, c’est l’équipe avec son manager.

On a poussé très loin, trop loin, l’individualisation de la relation salariale en demandant au salarié d’être « entrepreneur de soi ».  Or, l’autonomie ça s’apprend et ça s’apprend en situation avec les autres dans l’échange quotidien. Comme chacun ne dispose pas des mêmes capacités à être autonome, les micro-solidarités locales d’équipe sont essentielles. Le sociologue Marc Uhalde a montré que c’était le premier facteur permettant de tenir au travail dans un univers en mouvement permanent². Pouvoir compter sur un collectif, cela doit faire partie de l’équipement de base du télétravailleur, bien avant l’outillage informatique.

Si le télétravail, comme on le voit, a vocation à se développer, d’abord ce ne sera pas le cas pour tout le monde et ensuite, cela va nécessiter de revisiter la question des équipes avec leurs rites, leurs modalités de rencontre et d’échange. Sinon, on laisse aux salariés distants le soin de gérer seul ou presque les dilemmes ou les arbitrages. Avec toutes les mauvaises conséquences que l’on peut facilement envisager.

En fait, plus on est distant, plus la question de la proximité se pose. Cela peut paraître paradoxal, mais il y a toujours un moment où il faut se voir, se rencontrer physiquement, de personne à personne dans un groupe. Si certains rêvent de gérer les relations humaines et sociales uniquement en ligne, c’est un fantasme pur et simple.

Le BrandNewsBlog : Pour les managers en particulier, dans le suivi et la communication avec leurs équipes, quels sont les enjeux ? Comment préserver le lien et renforcer le dialogue, tout en s’assurant que les informations et consignes importantes sont bien prises en compte ?

Jean-Marie Charpentier : Une des caractéristiques du moment de crise que l’on vit est que tout le monde, dans certains secteurs, partage aujourd’hui l’expérience du télétravail : à la fois les salariés, les managers et même les dirigeants.

Cela remet en question certains comportements que me rapportait une consultante d’un grand cabinet conseil. Un des patrons s’adressait encore à elle il y a peu sur le mode « Alors, tranquille la vie en télétravail à la maison ?… ». A minima, le salarié en télétravail mérite le respect. Il n’a pas toujours fait le choix de ce mode de travail et même s’il l’a choisi, il ne doit pas être soumis à une justification permanente.

Au fond, cela pose la question centrale de la confiance. Le manager est celui qui est le mieux à même de la construire au quotidien. D’ailleurs, quand on interroge les salariés dans les entreprises sur les acteurs qui, selon eux, sont dignes de confiance, ils placent en tête et de loin leurs collègues et leur manager direct.

C’est toujours la proximité qui l’emporte, parce que l’entreprise fonctionne à l’humain. Tout le défi pour les managers est de faire en sorte que la distance que permettent  désormais les outils ne fasse pas perdre de vue que l’essentiel ce sont les relations entre les personnes. En télétravail, on a à la fois besoin des pairs et des managers. L’expression manager de proximité n’a peut-être jamais été aussi porteuse de sens. Dès lors que l’entreprise demeure un lieu de rencontre sociale, les managers gardent un rôle clé dans la régulation du travail comme dans la communication. Reste à savoir s’adapter à la nouvelle donne d’une alternance croissante entre présence et distance, en inventant des formes de liens et des rituels de communication correspondant à la situation. Les communicants devraient pouvoir les aider dans cette tâche.

Le BrandNewsBlog : Dans le contexte actuel, la santé aussi bien physique que psychique des collaborateurs doit évidemment primer. Avez-vous le sentiment que les entreprises en font assez à ce niveau ? Et dans les communications internes et externes, quel ton adopter ? Au-delà de la gravité de rigueur, les entreprises doivent-elles / peuvent-elles s’autoriser une dose d’humour ou un registre plus décalé, comme se le permettent les internautes sur les réseaux sociaux ? Est-ce compatible avec les enjeux et objectifs dont nous avons parlé à l’instant ?

Jean-Marie Charpentier : L’isolement, non ou mal compensé, produit de la souffrance dès lors qu’il n’y a plus la protection du groupe. Le salarié peut perdre peu à peu ses repères et son pouvoir d’agir et, au final, sa santé en pâtit.

Ceux qui pratiquent le télétravail parlent aussi d’un autre phénomène qui est le sur-travail. On a tendance à travailler en continu, parfois bien au-delà de ce qu’on ferait au bureau, pour surmonter une forme de culpabilité. Là encore avec des risques pour la santé liés à l’épuisement.

Les entreprises ont longtemps minimisé ces phénomènes, associant, sans toujours le dire, domicile et farniente. Heureusement, les représentations évoluent. Les négociations sociales en entreprise autour des enjeux du télétravail ont notamment permis une plus juste appréciation des choses. Il reste que pour surmonter les défis du travail à distance, un des ressorts premiers a trait à la communication, plus exactement à la parole.

Parler, se parler pour maintenir le lien social, c’est la base de la solidarité professionnelle³. La parole échangée permet de remédier en partie à la distance et aussi à la culpabilité que nous évoquions. Quant à l’humour, même si la période ne s’y prête pas vraiment, il renvoie à la confiance. Dès lors que l’on travaille en confiance avec ses pairs, avec le manager, l’humour vient en général naturellement. Cela fait partie de la convivialité au travail, en direct ou en ligne.

Le BrandNewsBlog : Valérie, vous êtes quant à vous la directrice de la communication d’un des leaders européens des villages de vacances et des résidences de tourisme (Pierre & Vacances Center Parcs), un secteur qui a été parmi les premiers et les plus lourdement impactés par les restrictions d’accueil puis les mesures de confinement. Comment avez-vous géré les deux dernières semaines et quelles ont été les priorités pour votre entreprise ?

Valérie Lauthier : Nos priorités des dernières semaines ont été et continuent d’être avant tout la santé et la sécurité de nos personnels et de nos clients. Sur le pont dès le début de cette crise COVID-19, nos dirigeants ont accompagné voire anticipé les mesures prises par les gouvernements des différents pays dans lesquels nous sommes implantés, pour le bien de nos salariés et de nos résidents.

C’est ainsi qu’en ce qui concerne Center Parcs, nous avons été amenés à fermer en fin de semaine dernière tous nos villages en Belgique, puis ceux de France, avant de prendre la même décision de fermeture pour les Pays-Bas et en Allemagne. A l’annonce par le gouvernement français de la mesure de fermeture des bars et des restaurants, nous en avons fait de même pour toutes nos résidences Pierre & Vacances à la mer et à la montage, sur le territoire français et en Espagne. Pour nos résidences urbaines Adagio, qui accueillent souvent une clientèle de longue durée, nous avons également décidé de les fermer au cas par cas. En résumé : tous nos sites sont désormais fermés au public et nous fonctionnons en activité réduite avec l’application pour une majorité de nos salariés du chômage partiel.

Les personnels encore à pied d’œuvre gèrent d’une part la surveillance et l’entretien des infrastructures et des équipements, pour s’assurer d’une reprise rapide de l’activité quand nous pourrons à nouveau accueillir des clients, et par ailleurs l’annulation et la compensation des séjours qui avaient été réservés par notre clientèle pour les semaines à venir, en fonction des dates officielles de confinement annoncées par chaque pays.

Bref : c’est tout sauf une période simple, car nous devons gérer au mieux tous les impacts de cette crise, avec une très faible visibilité et prévisibilité pour la suite. Mais dans un tel contexte, l’essentiel pour nous est bien de préserver la santé et la relation de confiance que nous entretenons avec nos collaborateurs d’une part et nos résidents d’autre part, partout où nous sommes implantés.

Le BrandNewsBlog : Je viens de poser la même question à Julien Villeret et Jean-Marie Charpentier : dans une période aussi particulière, comment continuer à entretenir le lien à distance avec vos collaborateurs, mais aussi vous assurer de leur cohésion et de leur moral durant les prochaines semaines ? Et quels sont vos priorités en matière de communication interne ?

Valérie Lauthier : Vis-à-vis de nos collaborateurs et en matière de communication interne, nous sommes encore en phase d’explication et d’accompagnement. Et cette communication mobilise aujourd’hui beaucoup de notre attention.

A partir du moment où nous sommes entrés en période d’activité partielle, il s’est en effet agi de bien expliquer le pourquoi et le comment de ces mesures : à qui cela s’applique et pour quelle durée, selon quelles modalités… de la manière la plus claire et pédagogique possible. Ces informations ont immédiatement été présentées puis relayées par des notes internes signées de notre direction. Elles sont mises à jour très régulièrement sur notre Intranet, sur lequel nos collaborateurs peuvent également trouver un FAQ, répondant à toutes leurs questions.

Parallèlement à cette communication essentielle et très didactique, nous avons très rapidement mis en place un dispositif psychologique et médical d’accompagnement, à l’attention de tous nos collaborateurs, et communiqué sur ce dispositif.

La période de crise sanitaire dans laquelle nous vivons et les mesures de confinement qui en découlent peuvent en effet être perturbantes et susciter de nombreuses inquiétudes et angoisses parmi nos équipes, comme partout ailleurs. Pour répondre au mieux à cette situation et aux besoins de nos collaborateurs, le service de téléconsultation médicale que nous avons mis en place permet d’échanger gratuitement et à toute heure avec un médecin. Il en est de même pour le numéro vert de soutien psychologique que nous avons mis en œuvre  : celui-ci est accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

En complément de ces lignes téléphoniques dédiées et de notre service d’accompagnement psychologique et d’assistance médicale, joignable du lundi au vendredi de 9 heures à 18 heures, les collaborateurs de notre Groupe ont aussi la possibilité, depuis cette semaine, de bénéficier d’un entretien psychologique individuel plus approfondi, tous les mardi, pour répondre aux questions qu’ils se posent. « Comment bien ou mieux vivre l’isolement ? », « Comment apaiser mon collègue inquiet ? » : le but est que chacun puisse obtenir du soutien et un réconfort, s’il en a besoin.

De même, nous proposons dans le même esprit à nos managers qui en éprouvent le besoin des rendez-vous individuels de coaching managérial, le jeudi, pour les aider à mieux gérer leur équipe à distance, garder le lien avec leur collègue…

A ces différents dispositifs de soutien et d’accompagnement que nous avons mis en place et sur lesquels nous avons communiqué, on peut aussi ajouter les nombreuses initiatives individuelles ou collectives lancées par nos salariés, dans nos différents pays d’implantation : groupes d’échanges sur WhatsApp, chaîne YouTube de solidarité au Pays-Bas… Toutes ces initiatives reflètent bien ce grand élan d’entraide et de solidarité qu’on a vu émerger notamment sur les réseaux sociaux, avec une multitude d’idées positives et d’évènements virtuels créés par les uns et les autres pour maintenir une vie sociale malgré les mesures de confinement.

Le BrandNewsBlog : Et vis-à-vis des clients de votre Groupe Valérie, quelles ont été les mesures et quelle communication avez-vous mises en place ?

Valérie Lauthier : Vis-à-vis de nos clients, il a d’abord fallu gérer la fermeture de nos sites bien sûr, en demandant à ceux qui se trouvaient encore sur place de quitter leur cottage ou leur résidence et en leur expliquant par ailleurs comment ils seraient indemnisés du reste de leur séjour.

Il a fallu dans un deuxième temps prévenir tous nos clients des annulations de leurs réservations, en fonction des mesures de fermeture et de confinement communiquées pays par pays (tous nos sites français sont par exemple fermés jusqu’au 15 avril, pour l’instant). Ce type de campagne sera évidemment à renouveler si les périodes de confinement sont renouvelées et se prolongent.

Mais au-delà de cette communication ponctuelle sur les fermetures de sites et la gestion des annulations, notre volonté et notre priorité sont bien de garder le contact et le lien avec nos clients et en particulier avec notre cœur de cible, les familles.

Au-delà de la relation commerciale et au travers de nos différentes activités, notre vocation première est en effet de créer ou recréer du lien entre les gens, au sein des familles.

Pour continuer à exercer cette mission pendant les semaines qui viennent, en nous inspirant des valeurs de notre Groupe, nous avons travaillé sur différentes pistes et notre idée première est d’aider les familles à entretenir et à enrichir la relation avec les enfants, comme nous le faisons habituellement tous les jours dans le cadre des activités chez Center Parcs par exemple. Nous serons ainsi susceptibles de proposer à notre communauté en ligne et à nos clients des tutoriels où l’on apprend par exemple à faire du pain, ou à pratiquer des activités que nous maîtrisons puisque nous les pratiquons dans nos domaines.

Un autre axe d’échange et un autre objectif auxquels nous avons pensés, seraient de continuer également à restituer un peu de nature aux gens, particulièrement aux personnes qui vivent le confinement dans des zones urbaines, au travers de visite virtuelle en forêt, par exemple.

Nous réfléchissons aussi aux manières d’associer nos clients à la conception de nos futurs parcs et de leur équipement, de leurs activités, s’ils ont envie d’y contribuer… Autant d’idées d’échanges et de communication qui ont pour objectif d’entretenir le lien pendant cette période inédite, de manière utile ou ludique, avec nos clients et nos communautés, par ailleurs très actives.

Le BrandNewsBlog : Florian, vous qui êtes un expert en communication de crise, quelle serait justement – si tant elle qu’elle existe – la meilleure stratégie de communication à déployer par une entreprise dans le cadre de cette crise Coronavirus COVID-19 ? Quels en sont les principaux enjeux et objectifs ?

Florian Silnicki : La plupart des journalistes comme nos clients ne cessent, depuis quelques semaines, de m’interroger sur la meilleure stratégie de communication de crise sanitaire face au coronavirus COVID-19.

Humblement, je ne crois pas que la question à poser soit celle de « LA meilleure communication de crise ». Cette dernière existe-t-elle d’ailleurs vraiment ?

Dix ans d’expérience internationale de la gestion de crise me conduisent à vous confier que la meilleure communication de crise, c’est sans doute d’abord celle qui saura efficacement convaincre vos cibles, tant vos collaborateurs au sein de votre organisation que vos propres clients ou vos investisseurs. Une bonne communication face à cette crise sanitaire majeure nécessite de trouver un équilibre délicat entre la diffusion rapide d’informations pertinentes et l’absence d’exacerbation du stress de vos cibles nécessairement inquiètes face à l’incertitude du moment que nous vivons collectivement.

Le BrandNewsBlog : Quels conseils donneriez-vous néanmoins aux organisations pour communiquer au mieux, et ne pas commettre d’erreur, dans le contexte de crise sanitaire née de ce coronavirus COVID-19 ?

Florian Silnicki : Face à la crise, je recommanderais d’abord d’être proactif. Vous devez d’abord gérer proactivement les attentes de vos cibles internes et externes, clients comme employés, grâce à une communication de crise continue. Veillez bien à afficher des heures de bureau virtuelles sur vos supports numériques comme sur vos fiches Google.

Dédiez des lignes directes de ressources et prenez en compte leur accessibilité (nécessairement différente) selon les fuseaux horaires de vos cibles ou de vos implantations afin de ne pas susciter de frustration ou de colère chez ceux qui n’arriveraient pas à vous joindre ou qui se sentiraient « sous-traités ».

Face à la crise, ne vous laissez pas non plus emporter par l’urgence. La communication de crise n’est jamais compatible avec la précipitation. A l’ère de l’instantanéisation de la diffusion de l’information et d’une circulation continue des nouvelles concernant le coronavirus COVID-19, à l’ère du doute constant et de la fabrication massive de fake news, veillez à ne diffuser que des nouvelles informations vérifiées. Vos cibles doivent vous faire confiance.

Méfiez vous également des infos pressantes qui paraissent nécessiter une diffusion urgente mais qui, au final, ne pourraient que contribuer à alimenter la défiance à l’égard de la communication institutionnelle.

Même si cela peut contribuer à vous rassurer, ne spammez pas inutilement votre base de collaborateurs ou vos clients de mises à jour sur lesquelles vous seriez contraints de revenir en les démentant. Vos clients ne doivent pas être amenés à penser que votre vérité d’aujourd’hui ne sera plus celle de demain. Vos parties prenantes ne doivent pas non plus finir par ne plus vous lire ou vous écouter. Leur attention n’a jamais été si précieuse pour la continuité de votre activité. Cette crise est l’occasion de renforcer votre lien de confiance avec vos publics. Le coronavirus COVID-19 a contraint tous mes clients à repenser la façon dont ils organisaient leurs activités, à renforcer leur fluidité et leur liquidité. C’est un atout incontestable pour l’avenir. La communication de crise doit suivre ce mouvement élastique d’adaptation à la crise combattue.

La juste communication de crise peut faire la différence entre les organisations qui réussiront à survivre – même à prospérer – en temps de crise et celles qui seront contraintes à s’effondrer parce qu’elles n’auront pas su adapter leur communication de crise.

C’est l’occasion ici de rappeler aux spécialistes du marketing et aux directions commerciales que dans ce contexte de crise sanitaire, les initiatives déplacées instrumentalisant maladroitement et cyniquement la crise sont à proscrire sauf à détruire durablement le capital image des marques et donc la valorisation des organisations qui porteront ces initiatives. En revanche, au-delà de toutes les initiatives déplorables auxquelles nous avons tous été confrontés, il faut encourager toutes les initiatives de communication qui contribueront à démontrer votre soutien à ceux qui dispensent des soins vitaux, prennent soin des plus fragiles, bref toutes les initiatives civiques et citoyennes, sont les bienvenus.

Le BrandNewsBlog : Et comment bien communiquer avec ses salariés pendant cette crise du Coronavirus COVID-19, selon vous Florian ?

Florian Silnicki : Ayez un rythme prévisible de communication avec vos salariés. Vos flash info internes doivent être réguliers afin d’être attendus et importants. L’idée est de créer un rendez vous avec vos collaborateurs. Vos salariés ont besoin d’un rythme de communication régulier afin de ne pas être plus inquiets qu’ils ne le sont déjà forcément.

Faites leur partager en toute transparence largement vos décisions après vos comités de direction ou vos comités exécutifs par exemple. Dites leur ce que vous savez avec empathie. Dites leur humblement ce que vous ne savez pas encore. Dites leur aussi ce qui est susceptible d’évoluer. Ne vous plaignez pas. C’est l’écueil à éviter. Faites leur partager des conseils pratiques, utiles pour bien télétravailler ou bien vivre le confinement. Montrez leur que vous les protéger, que vous pensez à eux, que vous les comprenez, que vous tenez à eux, que leur mobilisation à maintenir votre activité vous touche. 

Coordonnez vos communications. Cela permet d’abord de ne pas avoir de communication discordante ou contradictoire les unes avec les autres. Mettez en place un hub central qui permette à vos équipes communicantes de diffuser à toutes leurs parties prenantes les mêmes messages.

La crise du Coronavirus COVID-19 est aussi une opportunité de valoriser la fonction communication, qu’elle soit interne ou externe, dans les organisations.

Nous avons accompagné depuis quelques semaines des centaines d’organisations internationales de premier plan depuis la naissance de cette crise sanitaire mondiale. Une chose m’a frappé. Tous les dirigeants de ces organisations m’ont dit à quel point ils avaient pris conscience de l’importance de la fonction de communication dans la réponse apportée.

Que cette crise ait eu un impact majeur négatif sur l’activité commerciale de mes clients ou, au contraire, qu’elle ait fait exploser positivement la croissance de leurs ventes, tous ces clients m’ont dit que leurs communicants ont été à la pointe de leur réponse ce qui est plutôt enthousiasmant.

Plates-formes collaboratives internes, applications mobiles dédiées, hotlines spécifiques, … tous les canaux nécessitent de délivrer des messages adaptés dont la conception peut être confiée aux experts de la communication présents dans les services supports des organisations.

Enfin, cette crise est évidemment l’occasion pour les organisations de comprendre à quel point l’anticipation de la communication de crise est essentielle. La préparation a fait toute la différence chez mes clients. Le déploiement des communications de crise a été d’autant plus fluide que ces organisations étaient préparées à affronter une crise. Quoiqu’il arrive, cette crise sanitaire globale est une occasion de faire progresser même les organisations qui n’avaient pas de plan de crise.

« Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l’entraide et la solidarité visant à un but commun : l’épanouissement de chacun dans le respect des différences. » écrivait Françoise Dolto. C’est sans doute là aussi le secret d’une bonne communication de crise.

 

 

Notes et légendes :

(1) Julien Villeret est Senior Executive Vice President / Directeur de la communication Groupe d’EDF ;

Valérie Lauthier est Directrice de la communication du Groupe Pierre & Vacances Center Parcs ;

Jean-Marie Charpentier est consultant en communication (Etudes Communication et Social), administrateur de l’AFCI et co-auteur avec Jacques Viers du livre « Communiquer en entreprise – Retrouver du sens grâce à la sociologie, la psychologie, l’histoire » publié aux Editions Vuibert, en 2019 ;

Florian Silnicki est expert en stratégies de communication de crise. Il est le Président fondateur de l’agence LaFrenchCom et anime le blog « Confessions d’un communicant de crise » dédié à la communication de crise.

(2) Marc Uhalde (dir), « Les salariés de l’incertitude. Solidarité, reconnaissance et équilibre de vie au travail », éditions Octarès, 2013

(3) Voir le livre blanc de l’Afci « Parole au travail, parole sur le travail », 2017

 

Crédit photos et illustration : 123RF, The BrandNewsBlog 2019, X, DR

 

Des « snacking contents » aux « slow » et aux « qualitative » contents : à quels contenus se vouer ?

C’était il y a quelques semaines, souvenez-vous : dans les « 10 tendances émergentes ou persistantes » à prendre en compte en 2020 par les marketeurs et les communicants en 2020, je vous faisais part du retour en force des « deep contents » pour lutter notamment contre les fake news (tendance n°1) et conjointement de l’essor de dispositifs de communication plus frugaux (tendance n°6) et du « slow content » en réponse à l’inflation de contenus courts à faible valeur ajoutée (ou « snacking contents ») à laquelle on a assisté ces dernières années.

De fait, au-delà la jolie brochette d’anglicismes dont je viens de vous gratifier et dont il est généralement question dès qu’on parle de contenus (entre « snacking », « slow », « deep », « qualitative » et autre « precision » content…), force est de reconnaître que les marques – donc nous tous, communicants d’entreprise – nous sommes livrés, parfois à notre corps défendant, à une véritable « course à l’échalote éditoriale » depuis l’émergence d’Internet et des réseaux sociaux.

Faisant fi de l’infobésite croissante et de l’attention déclinante de nos publics, nous avons en effet répondu à l’appétit inextinguible de nos canaux traditionnels et des médias sociaux en alimentant frénétiquement nos fils d’actu d’infographies, de vidéos « à la Brut » et autres news à consommer sur le pouce… Autant de « snacking contents » souvent très formatés et sans saveur, dont la performance en termes d’audience et d’interactions est de plus en plus faible et dont l’omniprésence a fini par traduire une forme de « dictature du court », dont il était plus que temps de sortir…

Dixit Carole Thomas, directrice communication d’Immobilière 3F : « A force de faire court, toujours plus court, de faire ‘continu’, nos messages deviennent cacophoniques, fatigants pour nos publics. Les équipes communication s’épuisent à produire des contenus dont il faudrait prendre le temps d’interroger la valeur ajoutée. »

Dans la foulée de cette louable et saine réflexion, moult consultants et professionnels n’ont pas manqué de tirer à leur tour le signal d’alarme, plaidant pour une rationalisation du rythme de la production éditoriale et un retour à une communication plus frugale et efficace : le fameux « slow content », dont j’ai moi-même à plusieurs reprises vanté les mérites dans ces colonnes. Avec un objectif simple : regagner l’attention perdue des publics par des productions plus rares mais de meilleure qualité.

Et après tout, pourquoi ne pas y croire ? La meilleure preuve de l’efficacité du « slow content » n’a-t-elle pas été apportée ces deux dernières années par ces médias de référence que sont Le Monde ou The Guardian, qui en réduisant significativement leur quantité d’articles publiés ont vu sensiblement augmenter leurs audiences ?

Mais patatras : voici qu’en l’espace d’une semaine, deux articles de Cyrille Dhénin¹ d’une part, et de Vincent Baculard² d’autre part, sont venus doucher l’enthousiasme autour du « produire moins pour produire mieux » et tentent de rebattre les cartes…

Leurs arguments respectifs ? L’idéal est d’aller le découvrir par vous-mêmes dans les colonnes du magazine Stratégies en l’occurrence³, mais en substance, le premier de ces experts pointe : 1) le fait que l’attention des publics ne soit peut-être pas aussi finie qu’on le prétend et 2) le fait que produire moins ne suffise pas, qu’il faut surtout des contenus qualitatifs et ciblés. Et le second de ces communicants d’ajouter : 3) la crainte d’accroître encore l’infobésité au travers de ces contenus « de qualité » qu’on est en train de produire à tout va + le risque de tomber dans un certain « entre-soi ».

Alors à quel saint et à quel contenu se vouer, en définitive ? Pourquoi de telles réticences et sont-elles vraiment légitimes ? Le « mieux » et le « moins » peuvent-ils être les ennemis du « bien », en matière de contenus ? Et comment équilibrer votre stratégie, in fine, pour une équation éditoriale réussie ?

On le voit à la lecture des tribunes de Cyrille Dhénin et Vincent Baculard : les débats autour du/des contenus sont loin d’être clôts. Mais comme souvent, il me semble que la bonne approche est à trouver entre les positions des uns et des autres, avec en premier lieu l’affirmation d’une vraie stratégie éditoriale…

Le « slow content » : utopie ou solution crédible à la perte d’attention des publics ?

« Slow food », « Slow fashion », « Slow education », « Slow tourism », « Slow cosmetics », « Slow sex », « Slow life »… : évidemment le mouvement « slow » n’est pas apparu en premier lieu dans nos métiers de la communication (mais pour mémoire dans celui de l’alimentaire, avec la création dans les années 80 de la première association baptisée justement « Slow food »).

Pour autant, cette notion, qui nous invite à « produire moins mais mieux » est évidemment séduisante et résonne fortement auprès des communicants, dans un contexte « d’infobésité », d’inefficacité croissante des « snacking contents » à capter l’attention de nos publics et de volonté redoublée des professionnels de tendre vers une communication plus « responsable », c’est à dire à la fois plus respectueuse des parties prenantes (moins envahissante et interruptive notamment) et à moindre impact sur l’environnement.

Plus prosaïquement et pour un certain nombre de communicants, l’intérêt ou la vertu du questionnement autour du « slow content » relève aussi quasiment du réflexe de survie et d’une « reprise en main » salutaire des contenus, pour redonner du sens à leur activité et aux productions éditoriales de l’entreprise…

Qui d’entre nous n’a jamais éprouvé, en effet, ce sentiment de saturation à produire parfois au kilomètre des informations ou supports réclamés à cors et à cris par l’un ou l’autre de nos clients internes en dépit de nos recommandations, et dont on sait par avance qu’ils seront peu ou pas vus/lus/entendus ?

Nonobstant son intérêt évident et l’attrait qu’il exerce pour les communicants, force est néanmoins de reconnaître que ce concept de « slow content » est parfois bien difficile à implémenter de manière raisonnée dans les entreprises et dans les us et coutumes des services communication…

Comment ralentir, en effet ? Où se trouve la pédale de frein, quand les interlocuteurs internes des communicants s’avèrent aussi insatiables que l’appétit des canaux ? Et comment dégager le temps nécessaire à la production de supports plus ambitieux, quand les équipes ont souvent pour consigne de maintenir les supports existants et poursuivre l’animation des évènements et supports récurrents ? Et quand bien même de nouveaux formats longs et plus ambitieux sont produits, comment ne pas éviter qu’ils viennent s’ajouter à la longue liste des productions internes, marché ou corporate déjà existantes, renforçant encore l’infobésité ambiante ?

Dans son article intitulé « De la mal bouffe à l’indigestion », Vincent Baculard, PDG du groupe Rouge Vif, ne redoute pas autre chose. « Ce nouvel engouement pour les contenus de qualité que nous observons aujourd’hui, que ce soit dans la presse ou dans les entreprises, en est un bon exemple […] Au nombre d’écrits, on souhaite maintenant ajouter le volume. Chaque entreprise se doit d’éditer un magazine sur les tendances, où parfois sa marque ne figure même plus ou si peu, avec pour ambition de donner à ses prospects/clients/lecteurs une vision du monde et de ses innovations.

Chaque « brand contenter » se gargarise d’articles inspirants sur des sujets déjà largement dans l’air du temps et sur lesquels la marque qui le missionne n’a pas grande légitimité à s’exprimer […] Pour renforcer le sérieux de l’exercice, on écrit des tunnels sans intertitres ni photos ou illustrations, des pavés conséquents couvrant plusieurs pages dont on se demande qui va réellement les lire. On parle de l’infobésité qui nous guette, mais là, avec ces contenus trop riches, c’est carrément l’indigestion doublée d’une migraine carabinée. »

Pour Cyril Dhénin, directeur associé chez Brainsonic, la notion même de « slow content » reposerait d’ailleurs sur un « gros malentendu »³, car outre le fait qu’il existe chez tout individu des réserves d’attention insoupçonnées (j’avoue avoir quelques doutes sur ce point, mais j’en reparlerai), il est utopique de croire que produire moins – si tant est que l’entreprise y parvienne – suffise à générer davantage d’attention. Car c’est toujours la qualité des contenus (originalité, créativité, capacité à susciter des émotions…) associée à la qualité de leur ciblage et de leur démultiplication, qui garantira les meilleurs résultas. Et au demeurant, il demeure nécessaire de marteler les messages pour que ceux-ci soient lus/vus/ou entendus.

Quel que soit le message et quoiqu’il advienne, confirme-t-il, « pour toucher une audience, la singularité de la marque va devoir se matérialiser dans une sacrée ribambelle de canaux et formats. Pas franchement compatible avec une narration frugale… » 

On le voit : si la la polysémie même de cette notion de « slow content » fait manifestement débat (puisqu’elle implique à la fois un « ralentissement » et des formats supposément plus riches et longs), la qualité, la créativité et la pertinence des contenus qu’elle implique n’en restent pas moins plébiscitées, comme autant de facteurs clés de succès et d’attention pour un message ou un support donné. Et sur ce point au moins, tous les professionnels ou presque sont d’accords….

Le « slow content » : une cran plus haut vers l’élitisme et l’entre-soi ?

Autre critique – et pas des moindres – formulée par Vincent Baculard : au-delà de l’infobésité que les contenus longs et de qualité ne feraient qu’accroître, le slow content traduirait une forme d’élitisme, déjà cultivée par de nombreux supports de presse, et favoriserait un dangereux « entre-soi ».

Entendons l’argument du P-DG de Rouge Vif : après voir pendant des années montré une forme d’irrespect aux lecteurs/consommateurs/citoyens, « en leur déversant une littérature des plus simplistes comme s’ils n’étaient pas capables d’intelligence et de culture, le nouvel élitisme de ces contenus les écarte(rait) encore plus sûrement, réservant aux habitants d’Ulm, de Palaiseau ou de la rue Saint Guillaume, le plaisir de cette langue rare ».

Et de citer, à titre d’illustration de cette dérive, l’exemple de « ces milliers de journaux qui s’adressaient à l’ensemble de la population et ont disparu au profit d’une presse recherchant des lecteurs intéressants du point de vue des recettes publicitaires » ou bien tous ces médias rachetés par des magnats de la distribution, de l’industrie du luxe, de la banque ou des télécoms et dont l’objectif n’est plus d’informer la population mais de renforcer l’influence de leurs riches propriétaires, à coup d’articles ressemblant davantage à des publi-rédactionnels ou au contenu des consumer magazines qu’à de l’info.

A noter que pour l’expert des contenus, ce phénomène de « rétrécissement et de partition des audiences » s’observerait tout autant dans la presse que dans l’audiovisuel, les contenus désormais produits par les entreprises ne faisant que répliquer cette dérive élitiste.

Snack-, Slow-, Deep-, Quality- ou Precision Content… : et si tout était question de dosage… et avant tout affaire de stratégie éditoriale et narrative ?

Après cet exposé des différents arguments, finalement assez récurrents, autour des contenus (« courts » Vs « longs » ; « à consommer » Vs « de qualité » ; « tout public » Vs « élitiste »…), force est de reconnaître sa part de raison à chacun des débatteurs. Oui, bien évidemment, une monoculture des « snacking contents » ne saurait être profitable aux marques à long terme, de même qu’il serait périlleux de tout miser sur le « long » et « l’hyper qualitatif »… Au demeurant, les entreprises ne se sont jamais vraiment posées la question en ces termes, tant il est vrai qu’on ne coupe pas impunément le robinet de l’actu corporate, commerciale et de marché. Et contenus « chauds » et « froids » conservent bien évidemment chacun leur raison d’exister, et leurs modalités et formats d’expression de prédilection.

Plutôt que d’opposer les contenus, et de les appauvrir ou les segmenter de manière artificielle – car après tout il en existe une infinité d’autres modalités : contenus didactiques et pédagogiques, ludiques, « serviciels » ou créatifs… sans parler de la variété des formats et des schémas narratifs utilisables : schémas « en escalier », « en éventail », « en mosaïque » ou « en fil d’Ariane » – tous chers à l’experte Jeanne Bordeau – rappelons que l’essentiel réside bien dans la vision d’ensemble et l’articulation de ces contenus, dans le cadre d’une stratégie éditoriale et narrative soupesée, pensée et tendant vers des objectifs bien définis.

Pardon de revenir aussi trivialement aux objectifs de chaque entreprise, aux éléments différenciateurs qui fondent le sens, l’originalité et le caractère distinctif de leur marque et de ce qui devrait constituer le fil rouge de leur récit, mais l’essentiel – et le déficit le plus souvent – se trouve bien ici, hélas.

Et au-delà de l’accumulation d’une ribambelle de « snacking contents » ou de « quality contents », ce qui pêche dans la plupart des cas demeure l’absence quasi-totale de de vision narrative et éditoriale d’ensemble, les contenus n’étant pas suffisamment pensés dans le cadre d’une véritable stratégie de marque et d’énonciation.

Dixit Jeanne Bordeau, fondatrice de l’Institut de la qualité de l’expression, avec laquelle il nous est arrivé de porter à plusieurs reprises ce combat commun : « Un contenu de marque est efficace dans l’instant, mais reste-t-il en mémoire s’il n’est pas relié au mythe fondateur de la marque, s’il n’est pas l’expression de la personnalité particulière de cette même marque ? Ces histoires successives artificielles à la facture souvent parfaite, ne serviront à rien. 

Juxtaposer les contenus et les messages crée discontinuité. Et souvent aujourd’hui, les contenus de marque partent dans tous les sens. Face à ce foisonnement, il faut relier ces contenus aux autres messages de l’entreprise, à ses valeurs ou ses traits de personnalité, pour fonder une ligne éditoriale globale et construite » (Jeanne Bordeau, dans Le langage, l’entreprise et le digital)

Vers une véritable stratégie éditoriale de marque : les secrets d’un storytelling transmédia réussi

Plutôt que de redouter la saturation et la baisse d’attention de leurs publics, marques et communicants seraient bien inspirés de se poser en premier lieu la question du sens : « Dans cette course à l’échalote éditoriale à laquelle je me livre, vers quoi suis-je en train de courir ? Et les contenus que j’envisage ou suis en train de produire vont-ils réellement servir ma marque et l’objectif initial que je me suis fixé ? Dans le cadre de quelle stratégie d’énonciation ? »

Parmi les entreprises les plus vertueuses en terme de stratégie éditoriale, celles dont on peut dire qu’elles ont réellement pensé et mis en œuvre un storytelling efficace et réussi – Burberry, Innocent, Red Bull, IBM, Saint-Gobain ou bien encore le Slip français (entre autres) – toutes ont choisi de construire une réelle stratégie d’énonciation en produisant et articulant leurs contenus dans le cadre des schémas narratifs que j’évoquais ci-dessus, facteurs de cohérence, de redondance et de progression de leur récit.

Si Saint-Gobain multiplie les stories dans le cadre d’un schéma narratif « en escalier », exposant d’abord le problème à résoudre, puis la solution apportée, Le Slip français mise quant à lui, quels que soient les canaux utilisés, sur un schéma narratif « en éventail », faisant voyager son personnage Francis tout autour du monde, entre deux prises de parole de ses dirigeants et autres reportages insistant sur la dimension 100% française de ses produits. IBM a davantage recours quant à lui à un schéma narratif « en mosaïque », articulant chacun de ces messages et de ces histoires autour du thème central de l’inventivité au service de ses clients, tandis qu’Innocent déroule un récit source fondateur : l’épopée de ses trois fondateurs contre la mal bouffe et pour des jus plus sains, dans le cadre d’un schéma « en fil d’Ariane »…

Mais quels que ce soient les schémas et stratégies éditoriales retenus par ces marques, chacun des contenus produits, de même que les supports, formats et le ton choisis servent cette vision d’ensemble, de manière transmédia, puisque tous les canaux sont habilement exploités.

Contenus créatifs, ludiques, serviciels ou pédagogiques, formats « courts » ou « longs »… telle n’est plus la question quand tous sont au service d’une stratégie dont la fréquence de publication et la longueur ne sont plus les juges de paix, mais la quête du sens pour servir la marque et faire vivre son storytelling

 

 

Notes et légendes :

(1) Cyril Dhénin est directeur associé chez Brainsonic 

(2) Vincent Baculard est PDG du groupe Rouge Vif

(3) Les articles mentionnés sont les suivants : 

« De la mal bouffe à l’indigestion », de Vincent Baculard, Stratégies n°2028 du 20/02/2020.

« Le slow content, ce gros malentendu », de Cyril Dhénin, Tribune sur le site de Stratégies, en date du 26/02/2020

 

Crédit photos et illustration : 123RF, The BrandNewsBlog 2019, X, DR