Révolution numérique, nouvelles contraintes réglementaires… Où en est la communication financière ?

Longtemps considérée comme une discipline de purs spécialistes et pilotée par les directions financières et de petites équipes dédiées, la communication financière s’est pour ainsi dire contentée de répondre aux contraintes légales ou réglementaires édictées par les instances et autorités de régulation françaises et européennes.

Mais depuis une vingtaine d’années, avec la financiarisation croissante du monde économique, l’internationalisation des échanges et une exigence accrue de rentabilité de la part des investisseurs, conjuguées aux effets de la révolution numérique et au développement des réseaux sociaux, cette communication essentiellement technique à dominante juridique et financière a pris une nouvelle importance… et une nouvelle dimension.

Désormais considérée comme un atout économique et institutionnel et une matière stratégique au service du développement et de la réputation de l’entreprise, portée directement par leurs dirigeants dont les prises de parole sont devenues de plus en plus en plus récurrentes et financières, la communication financière a aussi du se mettre au rythme des réseaux sociaux et répondre aux exigences d’une information accrue, qu’elle soit réglementée, périodique ou permanente.

Confrontés à la mondialisation des marchés boursiers et à la concurrence de dizaines de milliers de sociétés cotées, les expert.e.s de la communication financière doivent à la fois affuter une véritable démarche marketing pour promouvoir leur entreprise et son offre d’actions ou de titres, mais également tenir compte de ces évolutions importantes : porosité des publics et des communications de l’entreprise (porteuses d’opportunités et de risques accrus), accélération sans précédent du rythme des communications, poids des nouvelles normes comptables et réglementaires, importance croissante des éléments extra-financiers (RSE, ISR ou ESG), attente accru de proximité et de réactivité de la part des investisseurs…

Comment tenir compte de ces contraintes et nouvelles exigences pour continuer de produire une communication financière efficace, réactive, homogène et cohérente avec l’ensemble des autres communications et prises de parole de l’entreprise/de la marque ?

C’est ce que je vous propose de voir avec Jean-Yves léger¹, grand expert du sujet et auteur de l’excellent ouvrage « La communication financière », paru récemment aux Editions Pearson², et qui est ce matin l’invité de marque du BrandNewsBlog.

Dans son livre, et pour répondre notamment à cette porosité croissante des publics et des communications dont je viens de parler et à l’exigence renforcée de cohérence dans les messages sortants de l’entreprise, Jean-Yves Léger milite notamment pour la fin des « silos » et une intégration progressive de la communication financière aux directions de la communication des entreprises. Je ne peux qu’applaudir et abonder en ce sens, pour un management toujours plus transversal de la communication et des différentes facettes de la marque… Même si cette intégration paraît encore lointaine à l’heure où nous écrivons ces lignes : elle est en tout cas fortement souhaitable !

Merci encore à Jean-Yves Léger pour sa disponibilité et ses précieux éclairages et bonne lecture à toutes et tous !

Le BrandNewsBlog : Bonjour Jean-Yves, bravo à vous pour cet ouvrage très réussi. Pour commencer, pourriez-vous nous rappeler la différence entre information financière, relations investisseurs, publicité financière et communication financière ? Quels sont leurs objectifs respectifs ? Et quels sont les principaux enjeux de la communication financière, en définitive ?

Jean-Yves Léger : L’information financière, c’est la matière première, essentiellement comptable et financière, de la communication financière. Les relations investisseurs, en particulier avec les institutionnels, et la publicité financière, diffusée en presse écrite, sont des moyens de la communication financière.

Quant à la communication financière, c’est la transmission des messages financiers et institutionnels vers les actionnaires et les investisseurs mais aussi vers des publics de plus en plus larges au moyen de supports et de techniques traditionnels ou plus récents, adaptés à chaque public. L’ambition de toute communication financière est simple : donner confiance dans l’entreprise pour que les actionnaires actuels le restent, que les investisseurs deviennent actionnaires et que les publics divers aient une image positive de l’entreprise.

Le BrandNewsBlog : Vous le soulignez d’emblée dans votre introduction, la communication financière relève à la fois d’une obligation, puisque elle est très réglementée pour les entreprises cotées,  mais également d’une stratégie volontariste et du marketing, dans la mesure où il s’agit aussi de faciliter le développement de l’entreprise en lui procurant des fonds propres à moindre coût. Quels sont les principaux moyens de ce marketing financier et comment « vend-on » ce produit particulier qu’est l’action d’une entreprise ?

Jean-Yves Léger : Concrètement, l’offre, c’est-à-dire l’entreprise, l’action, le titre, que l’entreprise soit cotée ou pas, doit convaincre la demande, en particulier l’actionnaire actuel et l’investisseur futur, de son intérêt et de sa valeur, non seulement financière mais aussi corporate.

Nous sommes dans un monde de concurrence. Il convient de se souvenir qu’il y a près de 52 000 sociétés cotées dans le monde… La démarche de communication financière doit donc être organisée et structurée, doit être portée par le top management, en particulier le Président-Directeur Général, et doit s’établir dans la durée. Le discours pour « vendre » une action est de même nature que celui pour « vendre » n’importe quel produit : il s’agit de  démontrer l’intérêt, l’utilité, la crédibilité, la solidité et la pérennité de l’entreprise en premier lieu.

Le BrandNewsBlog : Dans votre ouvrage, vous plaidez à plusieurs reprises pour une intégration accrue de la communication financière aux directions de la communication, du fait notamment de la porosité croissante des communications et des publics de l’entreprise, et de la nécessaire cohérence à installer dans ses messages sortants. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Ne s’agit-il pas d’un vœux pieux, à l’heure où la plupart des directions de la communication financière restent bien distinctes des services com’ ?

Jean-Yves Léger : Le numérique, Internet et les réseaux ont installé une réalité majeure dans le quotidien des entreprises : la porosité ; porosité entre les communications et porosité entre les publics.

Aujourd’hui, tous les publics ont accès en même temps à la même information. La cohérence dans le contenu et dans le temps est donc essentielle. D’où l’idée d’une structure globale pour communiquer… Malgré ces constats, les entreprises continuent d’être organisées comme avant : en silos.

Les dirigeants, qui ont souvent le mot « numérique » à la bouche, n’ont pas intégré ou pas encore voulu cette nouvelle réalité dans l’organisation de la communication de leur structure. Ils ne veulent pas modifier les équilibres internes de leur organisation alors qu’ils le font sans problème dans d’autres domaines. Je constate aussi avec regret que les responsables de communication sont rarement présents dans les comités de direction contrairement aux directeurs financiers. Aujourd’hui, vous avez raison : mon approche est probablement en avance sur son temps. Mais je suis persuadé que les choses vont bouger, par la force des choses.

Le BrandNewsBlog : Justement Jean-Yves, de manière plus globale, quelles ont été les principales évolutions de la communication financières ces dernières années ? 

Jean-Yves Léger : La principale évolution, pour ne pas dire révolution, c’est bien sûr la place prise par le numérique comme support de communication et comme moyen de dialogue avec les divers publics concernés.

Mais il y aussi le poids croissant de l’extra-financier, en particulier le poids des marques, dans la valorisation des sociétés. Enfin, dans ce domaine comme dans la vie quotidienne, on constate une multiplication des contraintes réglementaires en matière d’information, pour les sociétés cotées ou pas, réglementations d’origine européenne la plupart du temps.

Le BrandNewsBlog : Développement des obligations légales ou réglementaires, porosité croissante des messages financiers avec les autres communications de l’entreprise, porosité croissante des publics comme nous le disions plus haut, accélération des échanges et immédiateté de l’information, risques accrus (vous évoquez notamment la manipulation sur l’action Vinci en 2016*), quels sont en particulier les impacts de la révolution digitale et des réseaux sociaux sur la communication financière ? 

Jean-Yves Léger : J’ai l’habitude de résumer ces évolutions et ces impacts de la révolution digitale autour de cinq mots clés : 1) porosité, 2) égalité, 3) rapidité, 4) exhaustivité et 5) risques, cinq mots qui traduisent, selon moi, la réalité nouvelle permise par Internet et les réseaux sociaux…

  1. La communication financière d’aujourd’hui s’adresse à des publics variés (actionnaires, investisseurs, analystes financiers, journalistes, salariés, grand public), de manière globale, simultanément. Il y a porosité entre les publics (actionnaires, salariés, clients et tous les autres), mais aussi porosité entre les communications (interne, externe, financière, commerciale).                                                                                                                                  
  2. Égalité d’accès à l’information, égalité dans la connaissance de l’information :  il n’y a plus de filtre car l’accès à l’information est libre pour tout le monde, pour l’interne comme pour l’externe.
  3. Rapidité qui fait qu’on est passé de « l’étalon jour » à « l’étalon seconde » : c’est le règne de l’immédiateté avec un volume de communication très amplifié.
  4. Exhaustivité car tous les publics ont accès à tout avec des supports qui se sont multipliés (papier, relationnel et bien sûr numérique) et des territoires de communication qui se sont accrus (développement durable, extra-financier, facteurs de risques, rémunérations des dirigeants,…).
  5. Risques de désinformation via les réseaux sociaux, risques de fausses informations (cf affaire Vinci en novembre 2016), risques de piratage de l’information et même risques d’intrusion dans les communications avant diffusion comme aux Etats-Unis en septembre 2017.

Le numérique représente donc une nouvelle donne qui permet une relation permanente et plus ciblée de l’entreprise avec le marché. C’est la fin de la communication descendante au profit de la communication interactive. Internet, c’est le moyen majeur du cybermarketing financier. Tout cela tend bien à prouver, me semble-t-il, que les frontières entre les communications tendent à s’estomper.

Le BrandNewsBlog : Pour rebondir sur ma question précédente, comment concilier temps long de l’information réglementée et périodique et temps court des réseaux ? Donner la bonne information au bon moment, avec le maximum de transparence (mais pas une transparence totale non plus) n’est-il pas justement tout l’enjeu de ce que le régulateur appelle « l’information financière permanente » à fournir par les entreprises ? Comment éviter à cet égard de déclencher une crise, par manque ou a contrario par excès de transparence ?

Jean-Yves Léger : La situation que je viens d’évoquer tend à montrer que le numérique conduit à une réalité nouvelle : l’information permanente est de plus en plus la norme.

Elle peut être déclenchée par l’entreprise ou par des acteurs extérieurs, bienveillants ou malveillants, comme l’ont montré les exemples rappelés précédemment. Cela induit deux exigences pour l’entreprise : une organisation interne solide et claire et surtout une grande cohérence dans les discours. C’est pour cela que je plaide pour une organisation globale de la communication avec pilotage concentré. C’est ce que j’ai eu la chance de pratiquer chez BSN/Danone et chez LVMH, bien avant l’arrivée du numérique d’ailleurs…

Le BrandNewsBlog : La communication financière cible directement ou indirectement un grand nombre de publics. Vous listez 3 grandes familles dans votre livre : 1) les publics décideurs d’investissement (actionnaires, investisseurs, salariés) ; 2) les publics prescripteurs (analystes financiers, journalistes, auditeurs, agences de notation…) ; 3) Les publics « périphériques » (pouvoirs publics, clients, concurrents, organismes de tutelle…). Quels sont les principaux besoins de ces 3 familles ? Est-il réaliste de les adresser toutes, avec une communication et des messages financiers spécifiques ?

Jean-Yves Léger : Il est exact que les publics mentionnés peuvent avoir des attentes spécifiques. Globalement :

  • Les investisseurs institutionnels et les analystes financiers sont intéressés par la stratégie, les résultats, les perspectives de croissance ;
  • Les actionnaires institutionnels et particuliers sont intéressés par les résultats, le dividende, la création de valeur ;
  • Les analystes se concentrent quant à eux sur les données chiffrées, les facteurs de risques, la qualité du résultat, et les investisseurs non institutionnels sur la gouvernance et le management ;
  • Enfin les journalistes attendent plutôt des informations sur l’actualité, les hommes, les résultats et les perspectives.

…La classification de ces besoins est bien sûr un peu théorique.

La réalité, aujourd’hui, c’est que le site Internet de l’entreprise, cotée ou pas cotée, est la source majeure d’une information unifiée, accessible à tous les publics. Certes, certaines communications, interne par exemple, peuvent être déclinées, mais le communiqué relatif aux résultats, par exemple, peut être lu par tous les publics.

Le BrandNewsBlog : Comme vous l’expliquez largement, les investisseurs et les publics de la communication financière des sociétés cotées en France sont aujourd’hui éminemment internationaux. Pour autant, on reste toujours surpris du faible appétit des Français pour les valeurs mobilières et de leur préférence pour une épargne peu risquée et faiblement rémunératrice. De même, vous ne manquez pas de soulignez l’atrophie de la Bourse de Paris, dont le nombre de sociétés cotées a baissé d’un tiers entre 1970 et 2018… Comment expliquer ces deux phénomènes, certes distincts ? L’actionnaire individuel demeure-t-il une cible vraiment importante pour les communicant.e.s, quand on considère le poids désormais prépondérant des investisseurs institutionnels ? 

Jean-Yves Léger : Les épargnants français n’ont jamais eu, à la différence des épargnants américains ou anglais, un intérêt particulier pour le produit action, probablement pour des raisons historiques et compte tenu de notre système de retraite.

L’absence de fonds de pension a souvent été évoquée. Mais il ne faut pas oublier l’importance de l’assurance-vie qui fait que les particuliers investissent indirectement en actions.

En 1978, il y avait 1,3 million d’actionnaires particuliers en France ; en 2018, ce chiffre est seulement de 3,9 millions, soit moins de 6% de la population. Cause ou résultat de cette situation, on constate l’atrophie de la bourse de Paris. Il y avait 1 300 sociétés cotées en 1970, 1 185 sociétés en 2000 et 866 fin 2018.

Les facteurs explicatifs de cette situation sont divers : peu d’introductions en Bourse depuis de nombreuses années, des retraits de la cote, des fusions et des absorptions, etc… Autre phénomène qui a beaucoup contribué au développement de la communication financière : l’arrivée au milieu des années 80 des investisseurs étrangers, investisseurs institutionnels en particulier, qui pratiquaient les relations investisseurs sur leurs marchés locaux. Le poids relatif des actionnaires individuels a donc reculé en effet…

Le BrandNewsBlog : Au sein de ce vaste public que représentent les actionnaires individuels, vous soulignez notamment que les « millenials » ont des comportements d’investissement plus que prudents… et restent à conquérir. D’après une étude récente Actionaria/Air Liquide, ces populations épargneraient et investiraient essentiellement dans des produits financiers sans risque et peu rémunérateurs. Et quand ils investissent dans des actions d’entreprises, ils se montrent particulièrement vigilants à l’impact environnemental et social positif de celles-ci. Pourquoi une telle réserve de ces nouvelles générations ? Cela préfigure-t’il un mouvement de fond vers des investissements et une communication financière socialement responsables ? Comment en tenir compte ?

Jean-Yves Léger : Même si les générations nées entre fin 1970 et début 1990 ont conscience qu’elles devront préparer elles-mêmes leurs retraites, l’investissement en actions n’est pas perçu comme la solution principale alors que toutes les études montrent que, sur longue période, le placement en actions est plus rémunérateur que les obligations, l’immobilier ou l’or…

Toutefois, l’intérêt pour les placements à vocation environnemental ou social semble réel pour ces générations, même si le placement en Bourse ne semble pas leur priorité, car ils lui préfèrent le financement participatif notamment. Mais l’information développée par les sociétés vers cette cible modifiera peut-être cette situation… Quoiqu’il en soit, l’intérêt pour l’extra-financier est bien une réalité croissante.

Le BrandNewsBlog : Les relations investisseurs ont pris une importance aujourd’hui majeure, au sein de la plupart des entreprises cotées. Quelle est exactement leur rôle dans la panoplie de moyens du communicant ? Et pourquoi sont-elles devenues un vecteur essentiel voir le vecteur premier de la communication financière ces dernières années ?

Jean-Yves Léger : L’arrivée en France, au milieu des années 80, des investisseurs étrangers, investisseurs institutionnels en particulier, qui pratiquaient les relations investisseurs sur leurs marchés locaux a beaucoup contribué au développement de la communication financière.

Depuis une trentaine d’années, il y a eu une évolution majeure dans la structure d’actionnariat des sociétés françaises : la part croissante prise par les actionnaires institutionnels dans l’actionnariat des sociétés, des investisseurs de plus en plus non-résidents et dont l’horizon d’investissement est de plus en plus court.

Cette tendance est d’ailleurs largement encouragée par beaucoup de sociétés cotées qui abandonnent progressivement l’actionnariat individuel national au profit d’un actionnariat institutionnel largement non-résident. Le poids relatif des actionnaires individuels a donc reculé.                                                                                                                

Ce qu’on appelle les relations investisseurs, en fait les relations avec les investisseurs institutionnels, ont donc pris une part correspondante au poids de ces investisseurs dans le capital des sociétés cotées. Dans cette communication vers les institutionnels, les sociétés cotées ont une démarche double : une relation directe avec les investisseurs, ce qu’on appelle les relations investisseurs, et une relation directe avec les analystes financiers qui sont des prescripteurs, des intermédiaires, entre l’entreprise et les investisseurs.

Le BrandNewsBlog : Parmi les investisseurs institutionnels, qui font donc l’objet de plus en plus d’attention de la part des entreprises, certains font évidemment l’objet d’une vigilance particulière. Les fonds « activistes », qui sont susceptibles d’avoir des objectifs très court-termistes et ont une communication très agressive envers les entreprises qu’ils « ciblent » ont beaucoup fait parler d’eux ces dix dernières années… Comment les gèrent-on en terme de communication / de relation investisseur ? Et quel conseil principal donneriez-vous à une entreprise ciblée par leurs attaques ?

Jean-Yves Léger : Parmi les investisseurs institutionnels, on constate en effet le poids grandissant des hedge funds, des fonds activistes dont l’horizon de placement est encore plus court que la moyenne et dont la volonté de peser sur la gestion est affirmée.

Ces fonds activistes prennent des participations faibles mais comme le disait le journal Les Echos en août 2017 : « Ce qu’il y a de pratique avec les fonds activistes américains en Europe, c’est qu’ils peuvent faire les gros titres en deux coups de cuillères à pot ». Ces fonds savent très bien communiquer et faire parler d’eux. Mais la politique à développer par la société visée est différente selon la typologie d’actionnariat.

L’actionnariat peut être dispersé ou bien avec trois ou quatre actionnaires de référence ou bien encore avec un actionnaire majoritaire. Dans tous les cas, la société a un impératif : donner confiance à ses actionnaires. Elle doit montrer le succès de la stratégie développée, la qualité des résultats, la vision à moyen/long terme et, si c’est le cas, la qualité du parcours boursier. C’est le fondement de la stratégie de communication qui doit être développée pendant la crise mais surtout avant la crise. Et en cas d’attaque, il faut que les grands actionnaires institutionnels ou familiaux expriment leur soutien au management en place. Pour contrer cette attaque, l’entreprise doit utiliser divers moyens : conférence téléphonique, contacts personnalisés avec les investisseurs et la presse spécialisée et bien sûr communication interne.

Le BrandNewsBlog : Parmi les moyens et canaux à disposition des communicant.e.s pour s’adresser à leurs différents publics, quels sont les plus adaptés aux nouvelles contraintes que nous venons de citer ? Le communiqué de presse demeure-t-il toujours incontournable, notamment en matière d’information périodique ? Et quid de la publicité financière ? Son rôle ne tend-il pas à se restreindre du fait de toutes les autres sources  et canaux d’information disponibles ? Et quelles évolutions du côté du sacro-saint rapport annuel / document de référence ? Paradoxalement, on note que le fameux rapport RSE, qui était devenu un deuxième rapport annuel, n’est plus obligatoire, non plus que l’information périodique trimestrielle ?

Jean-Yves Léger : Un point à préciser : selon moi, il ne faut plus employer les termes « communiqué de presse ». Aujourd’hui, une société publie un communiqué qui va être accessible à tous les publics, externes comme internes. La presse n’est qu’une cible parmi d’autres. Le communiqué, par son contenu (résultats, opérations financières, acquisitions/cessions, nominations) reste aujourd’hui le premier acte de communication d’une société, en particulier cotée. En effet, une information doit être mise à la disposition de tous les publics en même temps. Le communiqué sur le site Internet est donc le premier acte de communication depuis l’arrivée du numérique.

La publicité financière a été longtemps un moyen important de la communication financière. Cette situation a changé. Aujourd’hui, le rythme et la taille des encarts publicitaires a beaucoup diminué depuis le début des années 2000, et malgré l’obligation mentionnée dans la Directive Transparence, les entreprises privilégient leur site Internet.

En matière d’édition financière, les dernières évolutions réglementaires ont renforcé les obligations de publication : en matière extra-financière,  les entreprises vont devoir publier une déclaration de performance extra-financière (DPEF) qui remplace le rapport RSE ; plus globalement, le document de référence est remplacé depuis juillet 2019 par le document d’enregistrement universel qui obligera les entreprises à être plus précises sur l’explication de leur stratégie, leur information extra-financière et les facteurs de risque. Au sujet des risques, l’entreprise devra décrire les facteurs de risques : risques significatifs au vu de leur activité avec un nombre limité de catégories, hiérarchisation au sein de chaque catégorie par ordre de matérialité et de survenance. Cela signifie que l’entreprise devra informer sur ses vrais risques et ne pas faire un inventaire à la Prévert comme c’était parfois le cas.

Le BrandNewsBlog : Dans votre ouvrage, vous vous intéressez évidemment essentiellement à la communication financière des sociétés cotées, qui doivent répondre à toutes les exigences légales et réglementaires en matière d’information financière. Mais quid de la communication financière des ETI, PME ou des autres structures qui doivent aussi s’adresser à des financiers ou à leurs investisseurs ? Quels conseils – également applicable aux sociétés cotées – leur donneriez vous pour réussir une bonne communication financière ?

Jean-Yves Léger : Il me semble que ce qui vaut pour les sociétés cotées vaut pour les sociétés non cotées qui doivent communiquer avec leurs banquiers, leurs actionnaires, leurs fournisseurs, et bien sûr leurs salariés, toutes cibles nécessitant un discours corporate et financier. La seule différence concerne l’exposition aux réactions du marché. Pas de risque de « coups de torchon » boursier qui peut déstabiliser l’entreprise. Et puis, il arrive que les sociétés non cotées se dirigent vers la bourse. Donc autant s’y préparer…

Le BrandNewsBlog : Vous citez dans votre livre les classements réputationnels d’entreprises établis à la volée par vos étudiants, qui font toutes et tous ressortir les mêmes noms d’entreprises, que ce soit en tête ou en fin de classement. Qu’en est-il en matière de communication financière ? Les groupes et entreprises ayant la meilleure image sont-ils également les plus appréciés des publics financiers ? Quels bons élèves voudriez-vous distinguer, parmi les entreprises qui proposent la meilleure com’ financière, ou ont su le mieux répondre à une crise ?

Jean-Yves Léger : Je ne souhaite pas entrer trop dans ce jeu des récompenses. Mais vous me le demandez… Il est exact que les étudiants de niveau Master 2 ou les professionnels en MBA, que je croise régulièrement, convergent dans leurs appréciations en matière d’image d’entreprises.

Les grands groupes, en général cotés, dans le luxe, les cosmétiques, l’alimentaire, mais aussi les GAFA avec quelques nuances, rallient les suffrages. La plupart des groupes bancaires, des groupes d’audit, des groupes pétroliers, français ou étrangers, et certaines entreprises publiques ont, au contraire, une image négative.

Je constate que les enquêtes faites auprès des actionnaires individuels conduisent aux mêmes résultats. LVMH, L’Oréal ou Air Liquide sont les entreprises préférées. J’ajoute à cette liste BNP Paribas qui a une politique active vers les actionnaires. Mais d’autres groupes pourraient figurer dans cette liste.

Le BrandNewsBlog : En conclusion Jean-Yves, vous soutenez que la communication financière devient de plus en plus le fondement de la communication des entreprises. Qu’entendez-vous par là ? Faites-vous référence au rôle de plus en plus stratégique de la communication financière, dont le leadership et la prise de parole a été préempté ces dernières années par les dirigeants d’entreprise, au détriment des directeurs financiers ? Cette prééminence de la communication financière que vous appelez de vos voeux ne porte-t-elle pas le risque d’un certain court-termisme, certains dirigeants état susceptibles de se concentrer sur des échéances courtes ou moyennes au détriment d’une vision de long terme ?

Jean-Yves Léger : Un constat s’impose : la prise de parole des grands chefs d’entreprises du CAC 40 porte essentiellement sur la stratégie, les résultats, l’avenir, c’est-à-dire concrètement sur les territoires de la communication financière.

J’ai été frappé de constater, au moment de la longue crise des « gilets jaunes », le silence de la plupart des dirigeants des entreprises, en particulier cotées. Même s’il y a eu quelques rares exceptions. J’ai eu la chance de travailler aux côtés d’Antoine Riboud qui, lui, n’hésitait pas à prendre des positions sur les problèmes de société.

Dans le même temps, je l’ai précisé plus haut, le jugement privilégié des entreprises au travers de leurs résultats financiers a renforcé l’importance de la composante financière de la communication. C’est en cela que la communication financière constitue, pour beaucoup de sociétés, le fondement de la communication, largement exprimée par le président et le directeur financier.

Je ne l’appelle pas de mes vœux : je traduis une réalité. Mais je crois que le développement de la communication extra-financière comme évoqué largement, que les exigences sur l’information relative aux risques encourus par l’entreprise dans son activité vont probablement contribuer à faire communiquer l’entreprise sur d’autres thèmes que les résultats et les ratios financiers. Temps long et temps court doivent se retrouver dans la communication de l’entreprise. Au conseil d’administration et au top management le temps long ; aux opérationnels mais aussi au top management le temps court, dans le monde d’aujourd’hui où l’étalon temps est de plus en plus court. C’est le rôle de la communication financière de faire alterner, dans le discours et dans ses supports, temps long et temps court…

 

 

Notes et légendes :

(1) Consultant en communication et enseignant, Jean-Yves LEGER a été analyste financier, directeur de la communication de BSN/Danone et de LVMH, et partner d’Euro-RSCG C&O/Havas Paris. Il enseigne dans plusieurs écoles de commerce et de communication (ESCP Europe, NEOMA Business School, Institut de Haute Finance, CELSA, etc.)

(2) « La communication financière », par Jean-Yves Léger, Editions Pearson – Juin 2019

 

Crédit photos et illustration : 123RF, Jean-Yves Léger, éditions Pearson, The BrandNewsBlog 2019

 

 

Une rentrée 2019 bien engagée pour COM-ENT, première organisation professionnelle des communicant.e.s

Pour celles et ceux qui s’en souviennent, j’avais eu l’occasion d’interviewer Laurence Beldowski à la rentrée 2018, dans le cadre de mon cycle célébrant les 5 ans du BrandNewsBlog.

La directrice générale de la très dynamique association de communicant.e.s COM-ENT m’avait alors dévoilé quelques-uns des projets qu’elle avait en carton, en commentant la riche actualité et les engagements de son organisation.

Douze mois se sont écoulés depuis cet entretien et COM-ENT n’a pas chômé. Fidèle à ses missions et aux valeurs défendues par ses membres, elle a su capter et accompagner les évolutions rapides du secteur et de nos métiers, en se positionnant courageusement quand il le fallait.

Ainsi, il y a quelques mois, après que le monde des médias et de la communication ait été secoué par la révélation de témoignages de harcèlement, l’organisation professionnelle n’a pas tardé à réagir, de manière très concrète. En prenant position dans le débat au travers d’une enquête aux résultants préoccupants (voir ci-dessous), puis en choisissant d’inaugurer la première ligne d’écoute et d’accompagnement des communicant.e.s , soutenue par plusieurs autres grandes associations de notre secteur ainsi que des entreprises, COM-ENT a pris ses responsabilités et montré.

De même, au travers, d’une grande enquête sur les rémunérations des communicant.e.s ou le lancement de la 33ème édition de ses Grands Prix de la communication¹ (voir les modalités de participation ci-dessous), l’ex Communication & Entreprise continue-t’elle d’animer et d’alimenter la réflexion de tous les professionnels et de son réseau.

Pour faire le point sur les enseignements de ces deux grandes études de l’année (harcèlement et rémunération), et sur l’actualité de cette rentrée toujours très engagée pour COM-ENT, Laurence Beldowski, sa directrice générale, et Raphaël Haddad, Président de l’agence Mots clés et tout nouvel administrateur de l’association, ont bien voulu répondre à mes questions. 

Qu’ils en soient ici remerciés. Excellente lecture de leur interview et très bon dimanche à toutes et tous !

Le BrandNewsBlog : Bonjour Laurence, COM-ENT, association très « œcuménique », revendique être la première organisation professionnelle de communicants et de communicantes de France. Combien compte-t’elle d’adhérent.e.s aujourd’hui et en quoi se différencie-t-elle des autres associations professionnelles du secteur ?

Laurence Beldowski : Au sein de son réseau, COM-ENT compte environ 1 700 adhérent.e.s. Sa grande particularité, qui est également l’une de ses forces, est la diversité des profils de ses membres. Ce sont toutes et tous des communicant.es, mais ils ou elles exercent aussi bien dans des entreprises privées ou publiques, dans le secteur public ou associatif, dans des agences ou en tant que freelance. Nous sommes ouverts à tous les profils, depuis l’étudiant.e qui démarre sa carrière jusqu’au directeur ou à la directrice de communication ou d’agence. Nous fédérons et accompagnons les équipes autant que les directions. Et toutes et tous travaillent ensemble dans nos comités ou nos réseaux. Ainsi, toutes nos positions, recommandations et publications sont issues de la concertation de toutes nos communautés et de tous les communicant.es.

Le BrandNewsBlog : J’avais eu le privilège de vous interviewer à l’occasion de la rentrée 2018. Quels ont été les faits marquants de l’année écoulée pour votre association ? Vos adhérents vous ont-ils.elles fait part de nouveaux besoins ?

Laurence Beldowski : Je constate, cher Hervé, que depuis nos derniers échanges, vous vous adressez sur votre blog aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Vous maniez avec beaucoup d’habileté cette écriture inclusive si critiquée et tant redoutée… Bravo et merci !

En ce qui concerne l’année 2019, elle a été riche en projets.

Notre ouverture à l’international est une orientation majeure de COM-ENT : une ouverture amorcée par le projet CHINA UP, un guide destiné à tous les communicants et communicantes désireu.ses de s’implanter en Chine, décliné en version digitale et sous la forme de fiches pratiques. Une dynamique prolongée par l’adhésion de COM-ENT à Global Alliance, qui permet à toute.s nos adhérent.es de bénéficier des services de la plus grande organisation professionnelle de Relations Publics dans le monde, forte d’une communauté de 160 000 membres de toutes nationalités. Tous ces projets seront désormais coordonnés par le nouveau Comité International.

Car oui, 2019, c’est aussi la mise en place de nouveaux comités de travail : outre ce comité International et le comité Carrière & Emploi déjà existant, des groupes de travail dédiés à la RSE ou encore au lien entre communication et croissance, et enfin à la nécessité de communiquer autrement, ont été inaugurés en septembre. La rentrée de COM-ENT est effervescente !

Le BrandNewsBlog : En 2019, il me semble qu’un des temps forts pour votre association (et pour tous les communicant.e.s, au-delà même de vos adhérents) aura été le lancement en avril de ce sondage COM-ENT sur le harcèlement moral et sexuel dans la communication, suivi en juin de l’inauguration d’une ligne d’écoute et d’accompagnement contre le harcèlement. Pouvez-vous nous parler de cette action ? Pourquoi une initiative aussi forte et courageuse de la part d’une association de référence de notre secteur ?

Laurence Beldowski : COM-ENT est depuis plusieurs années engagée et promotrice d’égalité femme-homme dans notre profession, notamment au travers du réseau Toutes Femmes Toutes Communicantes. Les révélations parues dans la presse au début de l’année 2019, sur des situations graves de harcèlement sexuel survenues dans plusieurs agences, sont venues démontrer que le monde de la communication n’avait malheureusement pas encore fait son #metoo.

Raphaël Haddad : En raison de ce que vient de dire Laurence, nous avons voulu prendre la mesure de la réalité du harcèlement moral et sexuel dans notre profession. Et les résultats furent accablants. En 6 jours à peine d’enquête en ligne, nous avons enregistré 241 signalements. Devant l’envergure du phénomène, la gravité potentielle des situations recensées, et l’urgence qui accompagne toujours les situations de harcèlement, nous avons décidé d’agir au plus vite. C’est la vocation de cette ligne d’écoute lancée dès le mois de juin 2019.

Le BrandNewsBlog : Sur les 241 signalements de harcèlement enregistrés à l’occasion de votre enquête en ligne du 28 mars au 3 avril 2019, 175 relevaient de cas de harcèlement moral et 66 de harcèlement sexuel. Ces chiffres sont consternants – et les verbatims que vous avez recueillis à l’occasion de cette enquête corroborent en tous points les témoignages publiés par ailleurs dans la presse professionnelle en début d’année… Vous attendiez-vous à un tel ras-de-marée de signalements ? Et quels sont les principaux enseignements de cette enquête ?

Laurence Beldowski :Oui, cette enquête met en évidence le fait que le harcèlement moral ou sexuel constitue bien un problème massif dans la communication. Nous devions y apporter une réponse collective, rapide et déterminée.

Raphaël Haddad : Concrètement, on peut dégager trois enseignements majeurs de notre enquête…

1) Le harcèlement moral ou sexuel est souvent vécu, et plus encore constaté par des tiers. A la question « Avez-vous déjà été témoin d’une situation de harcèlement ? », 219 personnes répondent « oui, de harcèlement moral » et 84 répondent « oui, de harcèlement sexuel ». Ces chiffres montrent bien que toute la profession doit se sentir concernée.

2) Le harcèlement moral ou sexuel prospère d’abord dans des relations hiérarchiques, mais pas seulement. Parmi les personnes qui pensent avoir déjà été victimes de harcèlement moral, 176 déclarent que cela a été le fait d’un supérieur hiérarchique homme. En complément, on relève 94 signalements de harcèlement moral attribués à une supérieure hiérarchique. Pour ce qui est du harcèlement sexuel, ce sont les deux mêmes réponses que l’on retrouve en tête dans ce recensement : 102 cas sont le fait d’un supérieur hiérarchique et 33 d’une supérieure hiérarchique.

Mais le harcèlement n’est pas réservé uniquement aux rapports de subordination. Ainsi, 49 personnes signalent un harcèlement sexuel du fait d’un collaborateur ou d’une collaboratrice et 33 personnes déclarent avoir été victimes du harcèlement moral d’un client ou d’une cliente. 

Ces résultats attestent du caractère protéiforme du harcèlement et réclament une réponse systémique appuyée sur des protocoles clairs.

3) L’âge des victimes semble être une donnée structurante des situations de harcèlement moral ou sexuel. 

On observe un pic de signalements dans la tranche 26-35 ans, aussi bien pour le harcèlement moral (133 cas signalés) que le harcèlement sexuel (83 cas signalés). Le harcèlement frappe ainsi prioritairement en première partie de carrière, dans un moment de plus grande fragilité professionnelle ou de construction de parcours.

Le BrandNewsBlog : Vous le disiez à l’instant, dans le prolongement du recensement dont je viens de parler, vous avez mis en place depuis le mois de juin un dispositif d’écoute et d’accompagnement des victimes et témoins de harcèlement moral dans le monde de la communication. Quels en sont les moyens et qui peut en bénéficier ? Et quel est le premier bilan depuis sa mise en place : cette ligne dédiée a-t-elle continué à recevoir autant de témoignages et d’appels que vous en aviez recueillis au printemps ?

Laurence Beldowski : Le 0 800 100 334 est en effet la première ligne d’écoute et d’accompagnement à destination des victimes et témoins de harcèlement moral et sexuel dans le monde de la communication.

Le dispositif est également ouvert aux managers confronté.es à ces situations, car comme l’indiquait à l’instant Raphaël, le harcèlement est souvent constaté par des tiers. Précisons que cette ligne a rencontré un fort soutien de la part de la profession. Plusieurs entreprises en sont les mécènes : c’est aussi un ancrage éthique fort pour les organisations qui s’engagent ainsi.

Mais le mouvement initié avec cette ligne d’écoute et d’accompagnement dépasse largement le cercle de nos adhérents. Nous sommes désormais six organisations professionnelles, dont l’AACC RSE, l’AFCI, CELSA ALUMNI, L’EVENEMENT et le Syndicat du Conseil en Relations Publics à porter cette démarche contre le harcèlement moral et sexuel dans la communication. Des formations, webinars et ateliers de préventions verront très prochainement le jour pour accompagner tout.es nos adhérents vers des comportements responsables dans ce domaine.

Raphaël Haddad : Pour complète information, c’est le cabinet Eléas qui a été retenu à l’issue d’un processus de sélection pour gérer cette ligne. Il est spécialiste reconnu de la qualité de vie au travail et des risques psychosociaux. Bien sûr, la ligne est gratuite, anonyme, accessible 24h/24 et 7j/7. En ce qui concerne les écoutantes et écoutants, ce sont des psychologues dont le rôle est multiple. D’abord, écouter et recueillir la parole. Ensuite, soutenir et réassurer. Enfin, orienter en interne ou en externe de l’entreprise. Le secret professionnel garanti par Eleas et le respect de l’anonymat ne nous permettent évidemment pas d’avoir une vision des appels recueillis, mais je peux vous dire que cette ligne a déjà été très utile pour plusieurs personnes, qu’elle a aidé de manière concrète. Et c’est ce qui compte.

Le BrandNewsBlog : Une autre actualité marquante de ces derniers mois pour Com’ent a été la publication des résultats de votre deuxième grande étude sur l’emploi et la rémunération dans la communication. Quels en sont les principaux enseignements et quelles évolutions par rapport aux résultats de la première étude de 2016 ?

Laurence Beldowski : Un des faits notables de cette deuxième étude², toujours réalisée en partenariat avec le cabinet Occurrence, est qu’il n’est plus question de salaires mais de rémunérations ! Un changement de terminologie motivé par la progression du nombre d’indépendants et d’indépendantes, de manière générale et plus précisément dans la communication.

Cette nuance apportée, le premier grand constat de l’étude est positif : on note, en effet, une progression de 29 % des revenus médians des communicants et communicantes, toutes fonctions confondues, sur la période qui sépare les deux enquêtes. Cette évolution est notamment due à la revalorisation des plus basses rémunérations, mais pas uniquement : la double expertise a le vent en poupe ! Et plus particulièrement, les postes à coloration digitale, dont les rémunérations s’envolent : celles des Community Managers passent de 27 000 € à 38 000 €. Les autres grand.es gagnant.es de l’étude semblent être les freelances. Leur professionnalisation, la multiplication des plateformes favorisant la rencontre avec leur clientèle potentielle et leur reconnaissance par les services achats des entreprises contribuent certainement à la valorisation de leurs revenus, qui progressent de 46 % en 3 ans.

Autre observation de cette deuxième étude des rémunérations, plus sombre, cette fois : le secteur fait face à des disparités géographiques… Et bien évidemment, à des inégalités salariales femmes-hommes, même si la tendance laisse entrevoir un léger mieux : de 23 % en 2016, l’écart des rémunérations entre les femmes et les hommes toutes fonctions confondues dans le secteur de la communication passe à 19 %. Espérons que la mise en place de l’Index égalité femmes-hommes amorcée en mars 2019 appuie ce timide mouvement…

Rappelons que cette étude, entièrement crowdsourcée, a pour particularité de s’émanciper des services de ressources humaines. Cette année, nous avons obtenu plus de 1 000 réponses contre 899 il y a 3 ans. Rendez-vous donc pour la troisième édition pour suivre l’évolution des constantes du secteur !

Le BrandNewsBlog : Rendez-vous important de cette fin d’année, vous avez également lancé juste avant l’été les inscriptions pour les 33ème Grands Prix COM-ENT de la communication. Qui peut participer à ces Grands Prix et avec quels projets ? Quelles sont les dates limites de dépôt de dossier pour les agences et pour les annonceurs ?

Laurence Beldowski : PME ou entreprises du CAC 40, institutions ou associations, entreprises privées ou publiques, agences, mais aussi free-lances, tou.tes les professionnel.les de la communication peuvent concourir pour nos Grands Prix !

Pour cette 33ème édition, nous avons créé un nouveau site où vous pourrez retrouver toutes les informations nécessaires. 34 catégories sont ouvertes à la candidature dont de nombreuses nouveautés : Prix de la communication digitale externe, Prix de la création de marque, Prix de l’identité sonore, Prix de la stratégie d’engagement… et bien d’autres à découvrir ICI. Le formulaire de dépôt a également été simplifié pour vous permettre de déposer votre campagne de communication en seulement quelques clics…

Le dépôt des dossiers est possible jusqu’au 11 octobre. L’équipe COM-ENT reste disponible pour répondre à toutes vos questions sur le dépôt de vos dossiers.

Le BrandNewsBlog : L’an dernier, vous aviez pointé une légère baisse du nombre de participants à ces Grands Prix, malgré un palmarès de très grande qualité (voir ici le palmarès et le résumé des Grands Prix 2018, ainsi que mon article sur les tendances de communication qui en sont ressorties). A quels changements avez-vous procédé pour en tenir compte ? Et en quoi est-il important que les communicants continuent à s’impliquer et à participer pour faire vivre un tel évènement ?

Laurence Beldowski : Les Grands Prix COM-ENT sont bien plus qu’une simple remise de prix. Au-delà du formidable moment de rencontre, dans le très convivial Cirque d’Hiver Bouglione, entre plus de 1 000 professionnels de la communication,  ils permettent désormais de détecter les tendances en communication de l’année et d’inspirer les professionnel.les dans leurs réflexions et réalisations à venir. Pour être significatives, ces tendances doivent être issues d’un nombre conséquent de dossiers, au risque de ne pas être légitimes… et nous seront très vigilant.es chez COM-ENT à ce qu’elles le soient.

Néanmoins, nous avons pris plusieurs mesures pour encourager le dépôt des dossiers : un nouveau site de dépôt des dossiers simplifié ; la possibilité de déposer des vidéos explicatives plus longues ; la date limite de dépôt des dossiers allongée de 3 semaines, histoire de laisser passer le rush de la rentrée ; de nouvelles catégories de prix, pour que chacun.e s’y retrouve… et de nouveaux partenariats médias, pour donner plus de visibilité à ces tendances, mais aussi aux gagnant.es ! Le supplément papier hebdomadaire de La Tribune, sera consacré à la communication et distribué en avant première le soir des Grands Prix.

Le BrandNewsBlog : Traditionnellement, vous faites évoluer chaque année les membres du jury de votre Grands Prix, qui sont des professionnels confirmés et reconnus ? Pouvez-vous nous en dévoiler un peu plus à ce sujet, ainsi que sur les partenaires de l’évènement, dont le BrandNewsBlog a l’honneur de faire partie ?

Laurence Beldowski : En effet, chaque année, le jury est renouvelé à 100%. Il est cette année co-présidé par Agathe Bousquet, Personnalité communicante 2019 et Présidente de Publicis Groupe France, ainsi que par Emmanuelle Raveau, Présidente de COM-ENT.

Le jury est composé de dirigeant.es, qu’ils ou elles soient directeurs ou directrices de communication en entreprises ou dans le secteur public, ou dirigeant.es d’agences. Nous convions également  des journalistes, des freelances, des représentants d’écoles de communication afin d’avoir des profils complémentaires au sein du jury. La très grande majorité des membres du jury ne sont pas adhérent.es à COM-ENT, cela nous assure d’autant plus d’impartialité quant au jugement… Il serait impossible de ne vous en citer qu’un ou deux, mais pour découvrir les membres de ces 33èmes Grands Prix, il suffit d’aller voir la page dédié à nos juré.es.

Comme chaque année, et pour que cette célébration du meilleur de la communication soit, au-delà de COM-ENT, celle de tout notre secteur, nous sommes ravis d’avoir le soutien, cette année encore des associations professionnelles en communication : l’AACC, ACCE, AFCI, Celsa Alumni, Le Club des annonceurs, Dauphine Alumni, Entreprises & Médias, L’évènement, l’Union des Marques, le Syndicat du Conseil en Relations Publics et le Synap. Nous accueillons pour la première fois l’ADETEM, le premier réseau des professionnels du marketing, et nous en sommes ravi.es !

Du côté des partenaires médias, pour booster la visibilité de nos tendances et des prix, nous travaillons cette année avec The BrandNewsBlog, et merci cher Hervé de votre confiance, ainsi qu’à La Tribune et à Meet in.

Enfin Perclers Paris a accepté de décrypter avec nous les tendances de la communication 2019/20, via les dossiers gagnants des Grands Prix. En s’associant avec cette célèbre agence conseil en tendances, nous allons pousser encore plus loin notre analyse, et nous offrirons à nos adhérents, dès le mois de janvier, un atelier de restitution de toute cette expertise.

Le BrandNewsBlog : Un dernier mot pour conclure Laurence, à l’attention de vos adhérents et la communauté des communicant.e.s ?

Laurence Beldowski : Connaissance, Faire Connaissance, Reconnaissance… COM-ENT démultiplie la valeur des communicants et communicantes. Alors, sans nul doute… pour les professionnel.les de nos métiers, c’est chez COM-ENT que ça se passe !  ;)

 

 

Notes et légendes :

(1) Les 33èmes Grands Prix COM-ENT seront remis le mardi 10 décembre prochain lors d’une soirée au Cirque d’hiver Bouglione. Pour concourir et déposer votre dossier, les inscriptions sont ouvertes sur le site dédié des Grands Prix, du 24 juin au 11 octobre. Alors dépéchez-vous si vous êtes intéressé.e :-)

(2) En 2015, COM-ENT avait publié un « Guide optimiste de l’emploi dans la communication » et les résultats d’une première étude sur les rémunérations dans le secteur de la communication.

 

Crédit photos et illustration : COM-ENT, Lydie Hacquet – Histoires d’L (portrait de Laurence Beldowski), Raphaël Haddad, The BrandNewsBlog 2019

 

 

Rentrée 2019 des marketeurs et des communicants : demain sera si différent d’aujourd’hui !

Nous y revoilà. « Enfin », diront peut-être quelques juilletistes, « déjà » soupireront sans doute les aoûtiens… Pour celles et ceux qui auraient encore des doutes, les vacances estivales sont bel et bien terminées. Avec la rentrée scolaire ce matin et le retour au travail de l’essentiel des « masses laborieuses », chacun.e s’apprête à retrouver cette ambiance électrique si caractéristique du mois de septembre…

A pareille époque les années passées, je ne manquais pas de vous proposer quelques « bonnes résolutions » de mon cru : 5 en 2015, 6 en 2016 , 7 en 2017… Il aurait donc fallu en toute logique que je vous en livre 9 aujourd’hui, et pourquoi pas 20 en 2020 ?

Comme je n’avais pas vraiment le compte je vous l’avoue et que rien ne sert de galvauder un rendez-vous éditorial, je vous épargnerai une telle litanie. Et j’avais davantage envie, en guise de rentrée du BrandNewsBlog, de partager avec vous le fruit de quelques réflexions et ce que j’ai retenu pour ma part des semaines écoulées.

A cet égard, était-ce une vision toute personnelle ou bien la trace laissée par mes dernières lectures d’été, j’ai trouvé ces deux derniers mois à la fois détonnants et souvent angoissants…

Ô certes, partir en vacances avec sous le bras des ouvrages comme l’excellent L’archipel français de Jérôme Fourquet, No society de Christophe Guilly, Le bug humain de Sébastien Bohler, La Comédie inhumaine de Nicolas Bouzou et Julia de Funès, L’Amour sous algorithme de Judith Duportail ou le roman Transparence de Marc Dugain relevait peut-être du masochisme, quand j’y repense… Mais les infos estivales et la lecture des premiers magazines de rentrée n’ont fait que confirmer cette impression : nous sommes bien à un tournant de l’histoire de nos sociétés. Un de ces moments clés à partir desquels plus rien ne sera plus comme avant. Et les conséquences de ces mutations dont nous sommes toutes et tous témoins aujourd’hui impacteront profondément notre environnement, la vie de nos entreprises et notre manière de travailler et de considérer nos métiers, à tout le moins.

Truismes, me direz-vous ? Une chose pour moi est certaine : le constat de l’urgence climatique, le contexte politique et économique de plus en plus incertain, l’accélération des transformations technologiques et sociétales tout autant que l’ébauche d’une régulation des GAFA ou les dernières évolutions de la communication annoncent un véritable changement d’époque. Et il appartient à chacun d’entre nous d’en prendre conscience et de s’y adapter au plus vite.

Dans ce nouveau contexte, les gouvernements et les institutions continueront bien sûr d’avoir un rôle à jouer. Mais face à leurs tergiversations, leurs désaccords ou leur incurie, il est tout aussi évident que les citoyens – chacun d’entre nous donc – et les principaux acteurs économiques, devront prendre le relai. En prenant leurs responsabilités et en annonçant un triple engagement environnemental dans le cadre d’un « Fashion Pact », en phase avec leur « raison d’être », 32 entreprises du secteur du luxe se sont distinguées cet été. C’est un premier pas. Mais elles n’ont pas été les seules à faire des annonces, loin s’en faut, et je suis persuadé pour ma part qu’une partie de la solution à la crise de société que nous vivons reposera sur l’engagement des entreprises et de leurs collaborateurs.

Voici ci-dessous les réflexions que j’avais envie de partager avec vous en cette rentrée. Pardon d’avance pour le ton si sérieux de cette première tribune : la saison 7 du BrandNewsBlog n’en est pas moins lancée et j’espère que vous aurez plaisir à en découvrir les prochains épisodes ainsi que les surprises que je vous ai concoctées :-)

D’ici là, bonne lecture de mon article du jour et bonne rentrée de septembre à toutes et tous !

Un été 2019 lourd de menaces géopolitiques, économiques et environnementales

C’est connu : qui veut avoir la paix et souhaite se déconnecter un minimum l’été doit impérativement commencer par débrancher son smartphone… Et nous sommes (malheureusement) très peu à le faire.

Aussi bien, dès que nous l’allumons et que nous en consultons la page d’accueil, nous ne manquons pas de tomber sur ce chapelet de nouvelles présélectionnées pour nous par un algorithme dont on devra tôt ou tard étudier l’effet sur notre cerveau : catastrophes planétaires, polémique du jour, crimes, anecdotes et autres faits divers choisis pour leur sensationnalisme ou pour leur taux de lecture potentiel… Difficile d’échapper à cette fenêtre à la fois réductrice, subjective et souvent anxiogène à souhait !

Mais quand par ailleurs d’aussi nombreux médias, auteurs, éditorialistes et romanciers convergent dans leur description du réel et nous renvoient les mêmes signaux d’alerte, rien ne sert de s’enfouir la tête dans le sable ni de crier au complot politico-médiatique : le monde change sous nos yeux et il faut en prendre conscience.

Il est vrai que pour les Cassandre de tous poils, adeptes de la théorie du déclin et autres collapsologues, les grands évènements de cet été auront largement contribué à alimenter leurs sombres présages…

Sans revenir sur la polémique stérile soulevée par l’intervention de Greta Thunberg à l’Assemblée Nationale (l’important était-il la messagère ou le message ?), les derniers rapports convergents du GIEEC, le constant alarmant de la fonte des glaces et les gigantesques incendies de la forêt Amazonienne auront eu le mérite de faire émerger le concept « d’urgence climatique » à la Une de tous les médias cet été, chacun pouvant désormais en mesurer les conséquences concrètes, ne serait-ce qu’à l’aune de cette énième canicule que nous avons vécue.

Reprises de la course à l’armement et à l’espace, conflits d’intérêts autour du Groënland, guerres douanières, crises migratoires, multiplication des tensions internationales sur fond de montée des populismes, menaces d’éclatement de la bulle financière mondiale… Toujours brillant dans ce registre alarmiste, Jacques Attali nous voyait début août « Sur une poudrière, une fois encore », dénonçant l’inconscience des peuples et des gouvernements, les dangers du repli et du chacun pour soi à l’heure d’affronter de si grands enjeux et brandissant la menace « d’une crise encore plus grave que les précédentes, parce qu’elle sera à la fois financière, commerciale, écologique et militaire »… Aïe, rien que cela !

Au demeurant, il faut dire que l’actualité de nos secteurs de la communication et du marketing n’était pas toute rose non plus cet été…

Transformation accélérée des économies et des entreprises, bouleversement des modèles économiques : les secteurs de la communication et du marketing doivent faire leur mue

Je vous le promets : en lieu et place de mes bonnes résolutions habituelles, je ne compte pas allonger à l’infini la liste des menaces et autres faits anxiogènes à l’aube de cette rentrée.

En ce qui concerne l’actualité des médias et de la communication, je me contenterai donc de vous renvoyer à l’éditorial de Gilles Wybo dans la dernière édition du magazine Stratégies ou bien à la tribune de Mercedès Erra, dans le même journal.

Tandis que le premier évoque notamment « l’été meurtrier » de la presse française, énumérant les centaines d’emplois aujourd’hui supprimés ou directement menacés dans la presse locale et nationale (du groupe Ebra à l’Humanité ou L’Express, en passant par le groupe Sud Ouest), la seconde, face à la mauvaise passe traversée par les professionnels de la publicité et par les agences, n’hésite pas à en appeler à de véritables « Etats Généraux de la communication », pour repenser la relation agences-annonceurs et redéfinir des modalités de collaboration profitables à tous…

Un voeux pieux, sans doute, mais qui en dit long sur le changement d’époque dont je parlais en introduction : plus que jamais en effet, chacun des acteurs est invité – de gré ou de force – à reconsidérer son modèle et à repenser sa valeur ajoutée, à l’aune des nouvelles attentes de ses publics (pour la presse) et des exigences accrues de ses clients (pour les agences), le critère du retour sur investissement et la nécessité de sa mesure s’imposant partout comme le plus petit dénominateur commun de chacune de nos actions désormais…

Face à la crise, des entreprises qui prennent leurs responsabilité… et l’importance croissante de la raison d’être pour engager clients et collaborateurs

Je vous parlais en introduction de « raison d’être » et d’entreprises responsables. Si les prises de parole sur le sujet se sont multipliées ces derniers mois, depuis la promulgation de la loi Pacte en particulier, une des marques les plus dynamiques et LA plus présente sur le sujet cet été aura été incontestablement la Maif. Et on ne peut qu’en féliciter ses dirigeants, qui depuis des années se sont intéressées à la raison d’être, un engagement complètement en ligne avec leur positionnement historique d’assureur militant.

Non content de « dégainer le premier », en annonçant dès le 22 mai son intention de transformer le groupe qu’il dirige en entreprise à mission, Pascal Demurger (directeur général de la Maif) aura aussi largement trusté l’espace médiatique depuis la fin mai en lançant son pavé dans la marre : « L’entreprise du XXIème siècle sera politique ou ne sera plus », un livre en forme de profession de foi qu’il a été invité à présenter et commenter un peu partout depuis sa publication.

Limpide et particulièrement cohérent, l’ouvrage – synthétisé ici avec brio par Luc Bretones – dresse dès l’introduction le constat des limites d’un développement économique et technique basé uniquement sur la logique capitaliste qui a prévalu depuis deux siècles. Face aux nombreux enjeux de société que j’évoquais ci-dessus et aux nouvelles attentes des parties prenantes (clients, collaborateurs, société environnante…), qui souhaitent que l’entreprise s’engage davantage et dépasse la simple quête du profit, les marques doivent enfin assumer pleinement leur dimension politique… ou tout simplement disparaître, selon le DG de l’assureur militant. Un engagement fort qui se traduit par des actions concrètes et va bien au-delà de la seule communication en étant désormais inscrit dans le projet de l’entreprise, voire dans ses statuts comme s’apprête à le faire la Maif.

Invité à préfacer l’ouvrage, Nicolas Hulot se réjouit de cette nouvelle perspective, car pour lui la raison d’être de l’entreprise doit tout simplement concourir à l’épanouissement humain et à une société plus juste : « Il est plus que temps de remettre les choses dans le bon ordre : c’est-à-dire l’économie au service de l’homme, du progrès et du bien commun. De cette ambition, à la fois déraisonnable et incontournable, l’entreprise doit prendre toute sa part, comme nous y invite Pascal Demurger ».

Mais dans ce registre de l’engagement et sur cette thématique de la raison d’être, il serait injuste de ne parler que de la Maif, car de nombreuses autres entreprises se sont signalées cet été, ainsi que je l’indiquais en introduction.

Réputé pour être l’un des secteurs les plus polluants au monde, de par son usage intensif des pesticides et de produits chimiques notamment, l’industrie textile s’est enfin mobilisée cet été, sous la houlette de François-Henri Pinault, en dévoilant en amont du G7 de Biarritz un « Fashion pact » destiné à réduire l’impact environnemental de la filière.

Si cette charte, signée par 32 grands groupes de la mode, est non contraignante à ce stade et se borne à lister trois champ d’action pour « atténuer le changement climatique et s’y adapter », elle sera suivie de nouvelles réunions des signataires cet automne pour préciser le type d’actions et de mesures qui ont pourront être prises par les uns et les autres. Et elle constitue une première par son ampleur, car au-delà des entreprises signataires, ce sont près de 147 marques du textile qui se sont ainsi engagées pour la première fois à limiter leurs impacts sur l’environnement et à lutter véritablement contre le réchauffement de la planète.

Conscient des réserves formulées par les ONG et du risque de « greenwashing », dans le cas où les marques signataires choisiraient d’en rester à un engagement de façade, François-Henri Pinault en appelle d’ailleurs au pouvoir de sanction des consommateurs et des citoyens, plutôt qu’à la force contraignante de la loi.

Dans les deux cas, que ce soit à la Maif ou au sein de l’industrie textile, ce sont en effet les parties prenantes qui resteront les meilleures juges de la sincérité et la véracité des engagements pris et du nouvel élan donné à l’entreprise. Gare en effet à celles et ceux qui ne joueraient pas le jeu, car le temps de l’impunité est terminé et les dégâts collatéraux en termes d’image pourraient être dévastateurs pour les organisations incincères aussi bien que pour leurs dirigeants.

Le nouveau rôle des marketeurs et des communicants dans ce changement d’époque…

Plus agiles que jamais, plus à l’écoute des évolutions sociétales et des attentes des différents publics, il appartient aux marketeurs et aux communicants de prendre d’abord conscience de l’ampleur des changements qui s’annoncent.

Désormais comptables des résultats de leur action, il ne pourront plus s’affranchir de mesurer les résultats concrets de leurs actions, en identifiant dès le départ les Key Performance Indicators les plus adaptés suivant l’objectif poursuivi et par typologie de média.

Garants de la bonne compréhension de la stratégie et de l’appropriation de la mission et de la raison d’être de l’entreprise par les collaborateurs, il revient aussi aux marketeurs et aux communicants d’identifier les actions et les axes d’engagement sur lesquels communiquer, en les rendant également lisibles et attrayants pour les consommateurs. Cela suppose de s’intéresser réellement aux politiques et actions RSE de l’entreprise et de développer une communication à la fois pédagogique et créative, loin des rapports RSE indigestes et autres listes de chiffres clés à la Prévert.

Enfin, les marketeurs et communicants doivent à leur tour s’approprier les principes et bonnes résolutions d’un marketing responsable. Pour ce faire, ils.elles doivent identifier tous les impacts de leur activité sur leur environnement et sur leurs publics et commencer à prendre des engagements concrets et mesurables d’amélioration, que ce soit en rationalisant les contenus et occurrences de diffusion de leurs messages, en mettant en oeuvre un langage plus compréhensible et plus clair adapté à leur cible ou en veillant à promouvoir des évènements plus éco-responsables, pour ne citer que ces exemples.

Car il en va de notre responsabilité collective d’améliorer réellement la situation au sein de nos entreprises et de contribuer à leurs engagements, en montrant évidemment l’exemple aux autres directions et services en interne… sans quoi il sera bien difficile de les convaincre de la portée et de sincérité de cette mission et cette raison d’être qu’on entend promouvoir.

 

 

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