Les 7 victimes collatérales du dérapage éthique et réputationnel de Volkswagen

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Oui, je sais : on vous aura rebattu les oreilles toute la semaine avec ce scandale Volkswagen. Et rapportée à l’échelle temporelle des réseaux sociaux, la reconnaissance par le groupe de Wolfsburg de sa responsabilité dans la manipulation de tests d’émission de polluants, cela appartient déjà au même niveau de préhistoire, ou presque, que la naissance de votre grand-mère (avec tout le respect que je lui dois bien sûr).

Néanmoins, NEANMOINS : admettez que pour l’auteur d’un blog dédié au branding et à la communication des marques, il m’était difficile de passer à côté de ce crash majuscule. La faillite éthique et réputationnelle du premier constructeur mondial, figure de proue de l’industrie allemande, a suscité une indignation internationale unanime… et un bel abattement au pays de l’automobile.

En plus des conséquences directes et immédiates pour la marque Volkwagen : crise d’opinion sans précédent aux Etats-Unis puis dans le reste du monde, excuses puis démission du P-DG, provision record de 6,5 milliards d’euros passée dans les comptes, inquiétudes pour la pérennité de l’entreprise… les dégâts collatéraux causés à l’industrie automobile dans son ensemble et au made in Germany (entre autres) sont très substantiels.

Vous ne m’en voudrez donc aucunement j’espère : plutôt que de consacrer une énième analyse à la situation de la marque VW, c’est au dénombrement des victimes collatérales de cette crise et à leur diagnostic vital que j’ai décidé de consacrer ma consultation du jour. En essayant pour chacune de sonder la gravité du mal et les chances de rémission.

Prenez votre blouse et votre stéthoscope, on y va…

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> Victime collatérale n°1 : les autres marques de l’empire Volkwagen

Vous le savez, et cela a été rappelé par tous les médias : le groupe Volkswagen, c’est un peu L’empire de l’automobile contre-attaque, avec ses 593 000 salariés, 203 milliards d’euros de CA et les 12 marques qui le composent : VW, Audi, Porsche, MAN, Skoda, Scania, VW Utilitaires, Seat, Bentley, Ducati, Lamborghini et Bugatti. Le Real Madrid de l’auto en version « galactique », si vous préférez.

Alors que l’on pensait au départ la « triche » limitée à 482 000 véhicules de la marque VW (modèles Golf, Beetle, Jetta et Passat incriminés par l’administration américaine lundi 21/09), les aveux des responsables de Volkswagen, évoquant eux-même dès ce mardi 11 millions de véhicules équipés de logiciels malveillants, ont permis d’établir que des modèles Audi, Seat, et Skoda (et peut-être d’autres) étaient également concernés. Il n’en fallait pas plus pour jeter dans la tourmente toutes les marques grand public du groupe de Wolfsburg.

Gravité et chances de rémission : s’agissant de marques directement entachées par le scandale de la manipulation des tests, nul doute que leur image en pâtira, aux Etats-Unis et en Europe surtout. Mais la marque VW ayant concentré l’essentiel de la visibilité médiatique et des critiques cette semaine, la rémission devrait être plus rapide pour ces marques « soeurs », à condition bien sûr qu’elles ne se fassent plus jamais reprendre par la patrouille sur de tels sujets de tricherie.

> Victime collatérale n°2 : tous les acteurs de l’industrie automobile

Vous aurez observé comme moi ce glissement sémantique dans la presse et les médias  : dès ce mardi, par un phénomène psychologique bien connu qu’on pourrait qualifier de « contagion de la défiance », les experts s’interrogeaient déjà à voix haute sur la sincérité des autres constructeurs automobiles. Comment croire en effet que le petit logiciel installé sur les véhicules de la marque VW n’avait pas d’équivalent chez d’autres constructeurs ?

C’est aussi ce que laissaient entendre la plupart des témoins interrogés par la presse, à commencer par les salariés du groupe Volkswagen, plutôt mécontents que leur employeur paye pour toute une industrie, pas forcément blanche comme neige. « Ca m’étonnerait qu’on en reste avec Volkswagen à être le seul cloué au pilori. On va voir que d’autres constructeurs ont aussi leur part d’ombre » confiait ainsi aux journalistes une employée. Une accusation d’autant plus crédible que tous les industriels, ou presque, admettent « optimiser » le passage de leurs véhicules en test, en surgonflant les pneus par exemple, ce qui permet de moins solliciter le moteur. Résultat, entre les tests réalisés par les constructeurs sur les polluants et « la vraie vie », les émissions d’oxyde d’azote seraient au moins 5 fois plus importantes sur la route que la limite autorisée.

En Bourse, ce sont toutes les valeurs automobiles européennes, ainsi que celles des équipementiers (Faurecia, Valeo, Plastic Omnium…) qui sont allées dans le décor en même temps que Volkwagen, les analystes anticipant des conséquences défavorables pour toute l’industrie, en particulier pour l’avenir du diesel.

Et c’est assurément pour essayer d’éviter le genre d’amalgames que j’évoquais à l’instant que tous les concurrents de Volkswagen se sont empressés dès les premiers jours de la crise de rappeler qu’ils respectaient quant à eux la législation et que leurs véhicules n’étaient pas équipés de dispositifs de manipulation. A l’image des constructeurs français, ils ont immédiatement soutenu les initiatives de leurs gouvernements respectifs d’organiser des tests pour rassurer les consommateurs, comme ceux proposés cette fin de semaine par Ségolène Royal.

Gravité et chances de rémission : bien qu’indirectement concernés, on voit bien que les champions de l’automobile n’en mènent pas large. Ils évoquent tous « un mauvais coup » porté par Volkswagen à l’automobile et redoutent que la pression réglementaire, déjà forte, n’aille en s’accentuant, augmentant leurs coûts et réduisant leurs marges. La convalescence pourrait donc s’avérer douloureuse, quoiqu’il arrive, et se payer très cher.

> Victime collatérale n°3 : la fameuse « Deutsche Qualität » si chère aux marques allemandes

On ne soulignera jamais assez la contribution exceptionnelle de cette notion performative de « Deutsche Qualität » dont profite toutes les marques made in Germany, dans la réussite économique de l’Allemagne.

Concept narratif ultra-performant, au point d’être parodié par de nombreux concurrents étrangers, dans le domaine de l’automobile en particulier, ce récit économique convoque en même temps toutes les bonnes fées qui se sont penchées sur le berceau de l’industrie allemande : un état d’esprit fondé sur la rigueur et le sens du détail, une communication permanente sur l’inclusion de ces valeurs dans les biens et services, valeurs partagées par chaque Allemand individuellement + un souci constant d’innovation, pour garder cette avance qui caractérise les marques allemandes…

La potion qui en découle en terme de perception, dans le monde entier, renvoie indubitablement à des notions de fiabilité, de qualité et de robustesse (trois leviers essentiels de la compétitivité hors coût, qui ont beaucoup aidé l’Allemagne ces dernières années sur le volet export notamment) mais également à des valeurs de transparence, d’honnêteté et de protection de l’environnement… que Volkswagen n’avait pas hésité à mettre largement en avant dans sa publicité, avec cette image du « Clean Diesel » notamment…

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Gravité et chances de rémission : en foulant ainsi au pied son contrat de marque, comme elle vient de le faire en mentant aux autorités américaines et internationales, à ses clients et à ses partenaires (salariés, land de Basse-Saxe…), Volkswagen a sévèrement égratigné ce récit économique de la Deutsche Qualität sur lequel s’appuient toutes les marques allemandes. Et même si les consommateurs ont la mémoire plus courte qu’on ne veut bien le dire, il y aura un avant et un après… Le mardi 22 septembre restera à jamais ce jour où un industriel allemand aura reconnu publiquement avoir failli et trahi à grande échelle cet idéal de fiabilité, de qualité et d’honnêteté qui caractérisait jusqu’ici les productions made in Germany… 

> Victime collatérale n°4 : une certaine « vision » de l’écologie et de la politique RSE => le greenwashing

Alors là, si le lauréat des Prix Pinocchio 2015 du développement durable n’est pas tout trouvé… c’est qu’on n’aura vraiment rien compris. Le célèbre Trophée, créé il y a quelques années par l’association Les Amis de la terre, couronne chaque année, au mois de novembre, les entreprises ayant fait preuve de la mauvaise foi la plus caractérisée dans la défense de l’environnement et celles qui se sont fait piquer « la main dans le sac » pour des pratiques écologiquement douteuses ou répréhensibles.

Et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les candidats pour ces Pinocchio s’avèrent hélas assez nombreux. Entre les industriels réputés polluants, qui tentent de se racheter une virginité à coup de millions et en jouant sur l’épaisseur de leur rapport Développement Durable et les vrais-faux champions de vertu, prompts à dégainer l’argument écologique pour vendre (comme Volkswagen), difficile de discerner les marques vraiment engagées et méritantes.

A ce titre, j’avoue avoir été souvent étonné par le classement des marques les plus « vertes » établi chaque année par les pourtant très sérieux cabinets Interbrand et Deloitte. Après avoir fait partie du Top 5 de ces « Best Global Green Brands » (4ème en 2012), Volkswagen était encore classé 16ème lors de la dernière édition en 2014 (voir le tableau ci-dessous)… avec pas moins de 10 marques automobiles représentées parmi les 50 entreprises les plus vertueuses (?). Objectivement, et sans remettre en cause l’importance des efforts accomplis par ces industriels, n’est-il pas contre-intuitif et contre-productif de faire ainsi la part belle à des acteurs dont les activités continuent à avoir de tels impacts sur l’environnement ? D’autant, pour faire encore plus la fine bouche, que plusieurs de ces champions ont souvent été épinglés pour leurs écarts (comme Samsung en 2014, 3ème au classement Pinocchio pour les conditions de travail d’une partie de sa main d’oeuvre asiatique…).

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Gravité et chances de rémission : on ne peut pas espérer que le greenwashing disparaisse d’un coup de baguette magique. Des entreprises et des acteurs « indélicats », dans le secteur automobile en particulier, continueront sans doute d’être épinglés pour leurs écarts. Mais il serait tout aussi dangereux, à mon sens, d’accréditer l’idée du « tous pourris ». A côté des marques à la fibre écologique et sociale douteuse, suffisamment d’entreprises s’illustrent au quotidien par leur engagement pour la protection de l’environnement et la défense des intérêts des salariés, pour qu’on leur accorde au moins un peu de crédit. Il en va de la RSE comme du reste : s’il y a des canards boîteux, il serait stupide de généraliser un constat sur la base des mauvais agissements de quelques-uns seulement.

> Victime collatérale n°5 : le diesel, et tous les constructeurs qui le portent encore à bout de bras

C’est un fait, qui a suffisamment été souligné par tous les commentateurs, que l’industrie automobile européenne (pas seulement Volkswagen et les constructeurs allemands, mais les Français aussi, notamment) reste particulièrement engagée et dépendante du marché du diesel. Ce carburant, et les modèles qui vont avec, représentent encore plus de la moitié des ventes de voitures sur notre continent.

Autant dire que ce « Dieselgate », comme on l’a appelé, tombe très mal et représente une très mauvaise nouvelle pour des constructeurs qui ne sont pas encore prêts à une transition massive vers d’autres types de motorisations. Et si le scandale fait évidemment les affaires des écologistes, qui plaident tous depuis longtemps pour une sortie du diesel, la déroute de la voiture écologique et du « diesel propre » éclate comme une bombe au visage des industriels et du gouvernement, qui subventionnerait le diesel à hauteur de 7 milliards d’euros dans notre seul pays, d’après la Secrétaire nationale d’EELV, Emmanuelle Cosse.

Gravité et chances de rémission : touchées, mais pas encore tout à fait coulées en Europe, les perspectives du diesel aux Etats-Unis semblent en tout cas largement compromises. Et si Volkswagen comptait justement sur le « clean diesel » pour accélérer son développement outre-Atlantique, c’est tout l’inverse qui devrait se produire, d’autant que les Américains sont restés largement fidèles aux motorisations essence. Pesant encore 59% des ventes en France (contre 70% avant 2013), le diesel est également en net reflux chez nous. Ce qui amène déjà les analystes, tels Gaëtan Toulemonde chez Deutsche Bank, à parler du « début de la fin du diesel » à l’échelle continentale… Etrangement, cette perspective me réjouit plutôt. Quand on connaît le rôle de la pollution aux particules fines dans la dégradation de la qualité de l’air de nos métropoles et de nos villes, on ne peut s’empêcher de se dire que ce coup dur porté au diesel pourrait accélérer une prise de conscience bienvenue.

> Victime collatérale n°6 : tous les prestataires du groupe Volkswagen, à commencer par le secteur de la communication (et l’agence DDB !) 

Et oui, qu’on se le dise : la frêle embellie des dépenses publicitaires, constatée au 1er semestre de cette année (avec une baisse de 1,6 % seulement des dépenses médias) pourrait bien être largement compromise par ce « Dieselgate » et les mauvaises nouvelles sur le marché de l’automobile.

Douzième annonceur français avec 232,7 millions d’euros bruts investis dans les médias en 2014, Volkswagen aurait déjà fait part de son intention de couper tous ses investissements publicitaires jusqu’à nouvel ordre (information @itele).

Et dans la pratique, le Groupe aurait déjà commencé à faire le ménage dans ses propres publicités (voir à ce sujet cet article), afin que certaines ne soient pas détournés sur les réseaux sociaux notamment. Réputés pour leur qualité créative, les spots et pubs concoctés par l’agence DDB n’ont jamais hésité à jouer avec l’humour et le second degré… offrant ces derniers jours un boulevard aux internautes qui souhaitaient tourner la marque en dérision.

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Gravité et chances de rémission : les dépenses publicitaires étant en général les premières que les annonceurs coupent en cas de crise ou de récession (alors qu’il faudrait parfois les augmenter !) on peut imaginer que les déboires de Volkswagen et du secteur automobile n’annoncent rien de bon pour les agences et les médias. A suivre donc, pour voir exactement ce qu’il en sera.

> Victime collatérale n°7 : les salariés du groupe Volkswagen… et de l’automobile en général ?

Derrière la confiance affichée par les salariés allemands de VW envers leur employeur et en l’avenir de l’entreprise, on pouvait néanmoins deviner les pointes d’inquiétude suscitées par toute cette affaire.

Qu’un fleuron de l’industrie automobile soit ainsi mis sur le devant de la scène n’augurait rien de bon et ce n’est pas le spectre de l’amende record encourue aux Etats-Unis (18 milliards de dollars) qui rassurera les salariés.

En plus de la sanction aux Etats-Unis, Volkswagen encourt en effet de lourds dommages liés aux plaintes collectives déposées depuis cette semaine dans de nombreux pays. Chez JP Morgan, on estimait même que le préjudice total de l’affaire pourrait se monter à 40 milliards de dollars (!)

Un véritable gouffre, d’autant que la situation du groupe VW n’est pas si bonne. Alors qu’il vient de ravir la place de 1er constructeur mondial à Toyota au 1er semestre, la pilule de cette crise pourrait être très dure à avaler pour les salariés si l’entreprise ne redécolle pas…

Gravité et chances de rémission : confrontée à une baisse de ses perspectives aux Etats-Unis et à de réelles menaces concurrentielles partout ailleurs du fait de cette affaire, Volkswagen pourrait payer très cher ses erreurs et en faire in fine payer le prix à ses collaborateurs, en décrétant le cas échéant des plans sociaux… On espère vraiment pour tout le monde qu’on n’en arrivera pas là ;-(

Finie la mercatique de papa : et si on passait au marketing implicatif ?

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Un pavé dans la mare. Avec la parution il y a quelques mois de son ouvrage « Marketing : les illusions perdues¹ », aux faux-airs de pamphlet altermondialiste et anti-mercatique, Florence Touzé n’a pas eu peur de relever deux grands défis.

Tout d’abord, pour une universitaire reconnue² et une spécialiste du branding et du marketing justement, prendre le risque de « brutaliser » ainsi son objet d’étude, et par là-même d’être incomprise ou de déplaire. De ce point de vue, on ne peut que la féliciter pour la rigueur et la sincérité de sa démarche, plutôt rares par les temps qui courent… Et par ailleurs : jeter à la face de ses lecteurs un livre certes passionnant, mais aussi exigeant, car il faut à mon avis le lire jusqu’au bout pour en apprécier toute la richesse. A ce propos, l’auteure ne m’en voudra pas : j’avoue m’y être mis à plusieurs reprises pour absorber ce livre dense et ambitieux, qui commence l’air de rien par une revue de l’histoire du marketing et de la consommation, décryptés dans leurs différentes dimensions.

Or que nous dit Florence Touzé dans cet ouvrage ? Je serais bien tenté de vous dire d’y aller voir par vous même (il le faut !), mais ce ne serait pas très sport après vous avoir alléchés… Elle pose tout simplement la question centrale de l’utilité et de l’avenir du marketing (et de la communication des marques, accessoirement).

En quoi le marketing tel qu’on le pratique aujourd’hui est-il dépassé ? Pourquoi les vieilles recettes ne produisent-elles plus les mêmes effets et les rares innovations conceptuelles sont-elles aussi souvent dévoyées ? Comment la consommation ne cesse d’évoluer, laissant tout de même entrevoir la voix du salut pour un marketing revisité et alternatif… C’est de tout cela que Florence Touzé traite dans ce livre. Et cela méritait amplement l’échange à bâtons rompus qu’elle a bien voulu m’accorder. Encore merci à elle pour sa disponibilité et son franc-parler !

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Le BrandNewsBlog : Et bien dites-moi Florence, on vous sent bigrement remontée contre ce « marketing de bout de chaîne commerciale » dont vous démontez un à un tous les rouages et dénoncez les dysfonctionnements ! Pour la professionnelle du marketing que vous êtes, je serais tenté de dire : quelle mouche vous pique ? Qu’est-ce qui vous a donné le déclic pour écrire ce livre et pourquoi avoir choisi ce titre : « les illusions perdues » ?

Florence Touzé : J’observe, j’enseigne le marketing depuis 20 ans. Le décortiquer, ouvrir des débats et peut-être de nouvelles voies de réflexion et de pratiques, c’est mon job. Mais c’est vrai qu’avec ce livre j’ai un peu fait une opération à cœur ouvert. Mais le mien, de cœur ! Un genre de coming-out. J’en avais besoin car je me sens depuis quelques années en dissonance cognitive. Autrement dit, pas très fière du marketing et de ses conséquences.

Et je sais que je ne suis pas la seule, j’ai rencontré tellement de marketeurs écartelés entre leurs convictions personnelles et leurs pratiques ! Il faudrait être aveugle aujourd’hui pour penser que le marketing a une bonne image. Quand il y a de belles innovations ou des succès commerciaux, bizarrement, personne n’appelle ça du marketing. Alors que dès que le produit semble un peu artificiel ou l’opération carrément mensongère, on n’y coupe pas : « c’est du marketing »…

Mais avant son image, je m’interroge sur son bienfondé dans ses formes actuelles. Car clairement, au-delà du marketing, il y a la société et le monde que nous voulons pour nous-mêmes et pour nos enfants. Je crois que l’actualité climatique est assez claire, il est plus qu’urgent de se poser des questions sur nos pratiques et d’agir. J’avais envie de donner à voir l’absurdité de certains modèles. La futilité de succès provisoires d‘entreprises par la satisfaction éphémère des consommateurs. Je devais donc balayer devant ma porte, et tant qu’à faire, partager cette réflexion sans rester dans la théorie pour autant. Je me devais aussi de mener cette réflexion pour mes étudiants à SciencesCom qui ont été les premiers lecteurs et m’ont fait part de leur “soulagement“ à pouvoir imaginer des pratiques en accord avec leurs valeurs.

Alors, j’ai pris le problème à bras le corps pour voir comment le marketing pouvait de nouveau être créateur de valeur et surtout créateur de valeurs pour tous.

Quant au titre, hommage à Balzac mis à part, c’est l’expression d’un système qui tourne à vide, qui s’est enrayé et qui ne croit plus lui même en son efficacité.

Le BrandNewsBlog : Vous n’êtes pas tendre avec les marketeurs et les communicants. A vous lire, on a parfois l’impression qu’ils sont directement responsables de tous les maux liés à l’hyperconsommation. Mais dans le même temps, vous dites vous-mêmes que le marketing n’est que « le bras armé d’un système économique » et qu’il ne faut pas dédouaner les consommateurs de leur responsabilité… N’est-ce pas contradictoire ? N’avez-vous pas l’impression de vous tromper de cible avec ce livre sur le marketing, si ce sont la société toute entière et les comportements de chacun qu’il faudrait changer ?

Florence Touzé : Vous savez, je suis plutôt de nature bienveillante mais c’est vrai que cette fois je secoue un peu tout le monde. Le public qui s’arrange avec sa conscience, les médias qui diabolisent le marketing et les entreprises qui tournent en rond pour inventer le yaourt pour homme ou se dévalorisent – au sens propre- en proposant des produits toujours moins chers… Le marketing, c’est mon objet, ma clé d’entrée mais, il symbolise une société et ses dérives. Je ne fais pas le procès du marketing, c’est sa mission que j’interroge et mets en cause.

Stop à l’image de la méchante entreprise qui manipulerait le pauvre consommateur heureusement défendu par les gentils journalistes ! Les consommateurs ont adoré les offres marketées et la pub il n’y pas si longtemps. Ils sont responsables de leur consommation. Quant aux médias qui adorent jeter de l’huile sur le feu… La société de l’hyperconsommation marche sur la tête et tout ce petit monde se renvoie la patate chaude. Finalement, vous voyez, j’en serai presque à défendre les marketeurs ! En tout cas, je pense et c’est ce que j’essaie de démontrer, que le marketing –repensé bien sûr- peut changer tout ça. En fait je voudrais qu’on arrête la scission, qu’on abandonne les clans pour choisir une pensée systémique.

Le BrandNewsBlog : Depuis l’invention du shopping par Aristide Boucicaud et la création du « désir standardisé », jusqu’au miroir aux alouettes des business models freemium, en passant par la médiocrité globale des publicités et la course à l’échalote de l’audience digitale, il semble décidément qu’aucune des « ficelles » du marketing ne trouve grâce à vos yeux. La communication sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises vous paraît tout aussi suspecte, même si elle s’améliore sans cesse. Est-ce à dire qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain ? S’il y avait un seul des fondamentaux du marketing à sauver (je ne parle pas du mix marketing, dont vous dites qu’il est moribond), lequel retiendriez-vous ?

Florence Touzé : Hervé, vous faites vraiment l’avocat du diable… Mais vous dites le mot juste : « ficelle ». Si on en est là, c’est un échec. Le marketing, à l’origine c’était bien la satisfaction d’un public pour la réussite d’une entreprise, non ? Or, ce que je constate ce sont des consommateurs insatisfaits et des entreprises à la peine ! Ce n’est pas très convaincant. Voilà les illusions perdues. Tout le monde y a cru, les marques, les publicitaires, les consommateurs, la réalité nous a tous rattrapé.

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Je ne cherche ni à tuer ni à sauver le marketing. Il se trouve qu’il est au cœur de la relation entre les publics. Avec la communication et le design. Si on le pense bien, dans le système, par une approche implicative, alors tout peut progresser. Gardons son objectif premier : le succès des uns par la satisfaction des autres. En ajoutant quelques précisions fondamentales : le succès soutenable des uns par la satisfaction durable des autres. Et ça change tout. Surtout si c’est ensemble qu’ils trouvent les solutions.

Le livre présente d’ailleurs des exemples d’entreprises qui ont su ouvrir cette voie…

Je me suis beaucoup interrogée sur la sémantique. Faut-il alors remplacer le mot marketing ? Je suis sûre qu’on aurait taxé ma démarche de coup marketing !

Le BrandNewsBlog : A défaut de parier un centime d’euros sur l’avenir du marketing tel qu’on le connaît (on a bien compris que cela n’en valait pas la peine), vous semblez placer tous vos espoirs dans l’évolution des comportements de consommation et dans l’avènement du « consommateur émancipé » et responsable. Pouvez-vous nous décrire ce qui caractérise ce consommateur 2.0 ? Et pour me faire encore l’avocat du diable : son avènement est-il réellement inéluctable, à l’heure où beaucoup recherchent encore les prix les plus bas, chérissent le low-cost et l’achat « malin » et se disent prêts à brader leurs données personnelles contre une promo ou quelques euros ?

Florence Touzé : Le consommateur 2.0 ? C’est très vieux marketing ça, non ? Je me suis intéressée aux comportements émergents, aux aspirations, aux revendications. Et j’ai constaté que le marketing les écoutait peu… Qui est le consommateur émancipé que je décris ? Il est différent du consomm’acteur dont on a beaucoup parlé. C’est d’abord une femme ou un homme qui aspire au respect et qui ne vit pas pour consommer. Il est soucieux de sa santé et est conscient que son confort de vie et celui de ses enfants est lié à l’environnement. C’est aussi un hédoniste qui ne trouvera son plaisir que si sa consommation ne nuit à personne, même à l’autre bout du monde. Il rejette tout ce qui peut symboliser le « vieux » marketing et est capable de se débrouiller sans lui pour satisfaire ses attentes. Il est plus attaché à l’usage qu’à la possession. Et si possible grâce à une démarche collective créatrice de lien social. Car oui, bien sûr, il est connecté notre consommateur. Absolument et en permanence. Et ça lui a donné la liberté d’agir différemment et de s’émanciper des instances commerciales traditionnelles.

Oh, je vous vois venir, vous allez me parler de bobos, ou pourquoi pas de babas ou de Bisounours. Détrompez-vous, ces consommateurs émancipés se retrouvent dans toutes les couches de la population et autant en zones rurales qu’en milieu urbain…

Alors oui, ils sont perturbants pour le marketing ! D’autant qu’ils sont de plus en plus nombreux, et capables de créer leur activité quand ils ne trouvent pas la bonne adéquation usage-satisfaction dans l’offre existante.

Quand j’ai commencé à écrire, Uber, BlaBlaCar et Airbnb existaient à peine ! Tout cela va très vite. Comme votre article de la semaine dernière le montrait, certains modèles sont du souci à se faire…

Le BrandNewsBlog : Dans votre ouvrage, vous consacrez un chapitre entier au rôle central des marques et à leur perception de plus en plus « brouillée », rattrapées qu’elles sont par la défiance généralisée des publics et un soupçon manifeste quant à leur utilité et leur « sincérité ». De fait, dans le triple contrat qu’une marque propose à ses parties prenantes (contrat transactionnel + relationnel + sociétal), certaines entreprises se retrouvent en parfaite cohérence et en harmonie en termes d’alignement de leur offre et de leurs valeurs (ex : Le Bon Coin). D’autres sont plutôt en dissonance (Apple par exemple). Pouvez-vous revenir sur les meilleures pratiques des marques… et les plus mauvaises ?

echelle2 copieFlorence Touzé : Le rôle de la marque est plus que jamais central. La garantie, la signature, l’engagement qu’elle représente sont les clés d’un nouveau contrat avec les consommateurs. On sait depuis longtemps que la marque est bien plus que le nom, le logo ou la couleur d’un produit. C’est aujourd’hui ce qui va symboliser le lien avec des publics et garantir l’harmonie entre ses propositions, ses discours et ses comportements. Si l’un d’entre eux n’est pas à la hauteur des attentes, il y a danger…

Ce qui me fait très plaisir c’est que les exemples sont de plus en plus nombreux. Oh tout n’est pas parfait, et alors ? L’important, c’est la sincérité, l’engagement et chaque progrès pour atteindre son objectif. Quant aux exemples, difficile de choisir. Regardez la démarche remarquable de Bel’m, le spécialiste des portes d’entrée. Leur offre de produits accessibles, pérennes et de fabrication française va de pair avec plus de 500 actions concrètes réalisées avec leurs collaborateurs, leurs fournisseurs et leur environnement proche. Le résultat ? Des produits innovants et éco-conçus, l’optimisation de leurs déchets pour chauffer les bâtiments, la création d’une crèche inter-entreprises dans leur commune… La clé : une vision panoramique de l’organisation.

Citons Natéosanté, spécialiste des purificateurs d’air. Leurs produits étaient précédemment fabriqués en Chine. Aujourd’hui, après avoir relocalisé la fabrication en France ils exportent…vers la Chine. La clé : la cohérence.

Prenez Interface, un des leaders mondiaux du revêtement de sol, dont le dirigeant a pris conscience qu’il ne pouvait plus ajouter à la pollution planétaire. En moins de 15 ans et avant l’échéance prévue, il aura atteint l’objectif zéro impact, innové, ouvert de nouveaux marchés… La clé : la détermination. Et les marques de services ne sont pas en reste.

Vous citer de mauvais élèves ? Les ONG le font très bien. Et il suffit d’ouvrir un peu les yeux, de lire les étiquettes, de s’interroger sur la valeur des choses et l’origine des produits. Comme le disait récemment un chroniqueur sur France Inter :“Un jean à 9,95€ ? Hey, what did you expect ?“

Le BrandNewsBlog : L’ère du « marketing implicatif », que vous appelez de vos vœux, me semble faire en partie écho à la pensée de Jeremy Heimans et Henry Timms, à laquelle je consacrais ici même un article la semaine dernière. Nouveaux rapports aux prix et au temps, contrats de marque plus exigeants, nouveau rôle et surtout nouveaux liens proposés entre l’entreprise et ses différents publics : souscrivez-vous à « l’échelle de participation » telle que décrite par ces deux auteurs (voir schéma ci-dessous). Quelles sont les autres caractéristiques et dimensions du marketing implicatif, qui le différencient tant du marketing traditionnel ?

Florence Touzé : Le travail de Timms & Heimans est remarquablement éclairant et structurant sur l’enjeu de la relation aux différents publics. C’est en effet un des axes que je place au centre du marketing implicatif, mais cela ne suffit pas.

Afin de remplir ses nouvelles missions, le marketing doit trouver une nouvelle place dans l’organisation. Celle de médiateur et « d’implicateur ». Il doit donc être en lien direct avec les différents services de l’entreprise et, pourquoi pas, y être intégré. Les nouvelles visions organisationnelles transversales vont dans ce sens.

Afin de dépasser les traditionnels “4P“ que vous évoquiez tout à l’heure, donnons-nous de nouveaux axes transversaux pour travailler : Offrir – Soutenir – Engager – Relier = OSER.

Offrir des solutions satisfaisantes, bien sûr, mais aussi plaisantes et apaisantes. C’est-à-dire des solutions globalement respectueuses de l’individu et de son environnement. Innovantes, cocréées, attractives.

Soutenir, pour faciliter l’apprentissage de nouveaux mode de consommation : guider, accompagner, et avant tout d’écouter.

Engager de nouveaux acteurs dans ses équipes-projets, le consommateur d’abord, comme un acteur central comme le montrent Timms & Heimans. Mais on doit également intégrer tous les professionnels susceptibles d’apporter leur expérience et de témoigner de leurs besoins : l’artisan installateur, l’acheteur professionnel, tous les métiers de conseil qui travaillent à un moment ou un autre avec l’entreprise.

Et enfin Relier, c’est à dire placer la communication à l’origine même du projet. Elle n’est plus la dernière roue du carrosse mais le support d’une démarche globale et continue. La communication doit permettre d’obtenir une relation librement consentie, réciproque et constamment renégociée.

Le BrandNewsBlog : La mission ou la portée que vous assignez au marketing implicatif, un marketing parfaitement responsable fondé sur la satisfaction des besoins légitimes et durables des consommateurs, la co-production et la création de valeur partagée paraît très ambitieux (même si j’y souscris totalement). N’avez-vous pas l’impression que la marche est un peu trop élevée à franchir pour certaines marques et pour les marketeurs ? Toutes les marques ont-elles vocation / peuvent-elles développer autant de liens avec le consommateur et l’impliquer autant dans leur chaîne de valeur ? Quelles pistes ou première priorités assigneriez-vous à des entreprises qui souhaiteraient se lancer dans un tel chantier, sans forcément savoir par où commencer) : la refondation de leur marketing ?

Florence Touzé : Oui, il y urgence et oui, la marche peut être haute. Et non, le contexte ne facilite pas toujours les choses, on pense toujours avoir plus important à gérer.

Pour commencer, il faut se dire que la perfection n’existe pas, que toutes les entreprises sont concernées et accepter d’agir dans la durée. Partagez votre projet avec vos équipes, l’implicatif commence par ça. Expliquez vos motivations, associez-les à vos interrogations en identifiant avec eux les zones de progrès les plus accessibles. Construisez une feuille de route tenable intégrant les points de rencontre avec les consommateurs, tout en visant des objectifs partagés ambitieux. Il ne faudra pas craindre de tout remettre en question, c’est exigeant mais incroyablement créateur !

Toutes les entreprises engagées que je côtoie tirent ces mêmes conclusions. Je le vis au quotidien avec les partenaires de la chaire RSE que je co-anime à Audencia².

Et elles témoignent d’un bonus non négligeable : une grande fierté collective !

 

 

Notes et légendes :

(1) « Marketing, les illusions perdues » de Florence Touzé – Editions La Mer Salée, mars 2015.

(2) Florence Touzé  est professeure de la Faculté Audencia Group, cotitulaire de la chaire RSE, et responsable des programmes « communication de marque » à SciencesCom. Après un parcours en agence de communication, elle a en effet choisi la transmission et l’enseignement supérieur et a placé le lien entre consommation, marketing, marque et responsabilité au cœur de ses recherches.

 

Pour aller plus loin :

http://www.audencia.com/faculte-recherche/chaires/rse/

http://www.sciencescom.org/

http://www.lamersalee.com/

 

Crédits photos et illustration : F. Sénard / Audencia Group, La Mer Salée, Harvard Business Review, The BrandNewsBlog 2015

Ancien pouvoir Vs Nouveau pouvoir : pourquoi les marques doivent devenir « bilingues »

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Il y a quelques jours, j’évoquais dans cette liste de bonnes résolutions de rentrée l’opportunité de s’ouvrir à de nouvelles approches marketing et communicantes…

C’est ce que je vous propose de faire dès aujourd’hui, en découvrant l’analyse décoiffante et les précieux conseils de Jeremy Heimans et Henry Timms¹, deux sommités du web 2.0 qui viennent tout juste de publier un texte fondateur sur les nouvelles formes de pouvoir et la meilleure manière de les appréhender².

« Révolution numérique », « transformation digitale », « ubérisation de l’économie » : alors que la plupart des commentateurs tendent en effet à réduire les mutations actuelles de notre monde à des considérations purement technologiques, ces apôtres des approches collaboratives observent quand à eux dans les bouleversements en cours un changement bien plus profond et complexe : la lutte de plus en plus exacerbée entre deux forces opposées => l’ancien et le nouveau pouvoir.

Tandis que l’ancien pouvoir « fonctionne un peu comme une monnaie » que l’on thésaurise, apanage d’un petit nombre d’entreprises et d’individus qui le gardent jalousement, le nouveau pouvoir est quant à lui le cheval de bataille de la plupart des acteurs disruptifs et des champions de la nouvelle économie. Il est ouvert, participatif et « son premier objectif n’est pas de stocker mais de canaliser ». Cette différence de nature a pour corollaire une approche très différente des problématiques économiques et sociales et des solutions à apporter.

Dubitatifs ? La description des modèles du nouveau pouvoir et des valeurs qui le caractérisent, ainsi que la matrice originale proposée par les auteurs, permettant de positionner votre marque par rapport à ces nouveaux modèles/valeurs… devraient finir de vous convaincre…

Car à défaut de transformer radicalement et artificiellement le profil de votre entreprise, ou de privilégier l’une ou l’autre de ces formes de pouvoir, c’est bien le « bilinguisme » que recommandent Heimans et Timms. D’après ces visionnaires, les organisations qui réussiront demain seront en effet celles qui s’auront s’adapter aux mutations de leur environnement, en sachant jouer aussi bien des codes de l’ancien que du nouveau monde.

Modèle purement consumériste versus modèles participatifs 

Google, Facebook, Airbnb, Etsy et Kickstarter, Uber ou Wikipedia… Pour Heimans et Timms, les marques les plus représentatives du nouveau pouvoir ne se contentent pas d’être « disruptives » sur le plan technologique seulement… A de très rares exceptions près, elles incarnent toutes de nouveaux modèles économiques et de nouvelles valeurs, qui n’ont pas fini de bouleverser nos vies et nos manières de travailler, d’apprendre, de nous divertir et de consommer.

Tandis que la réussite des marques les plus symboliques de l’ancien pouvoir (les auteurs incluent Apple dans le lot) tend à s’appuyer sur un modèle et une relation essentiellement consumériste avec leurs parties prenantes (tel magazine nous incite à nous réabonner, tel industriel cherche à nous vendre coûte que coûte sa dernière innovation…), les individus et organisations représentatives du nouveau pouvoir s’appuient au contraire « sur la capacité et le désir croissant des individus à être associés aux processus d’une manière qui dépasse la simple consommation ».

Ainsi, sur une échelle illustrant la complexité de la relation à la marque, les entreprises limitant strictement cette relation à la consommation et celles proposant une participation / implication supérieure de l’individu, se différencient nettement (voir le graphe ci-dessous).

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De fait, tandis que Facebook offre la possibilité à son milliard d’utilisateurs de partager et façonner des milliards de contenus par mois et que Nike propose à ses clients de designer leurs propres chaussures via l’application NikeID (= nouveau modèle de partage et d’appropriation), les plateformes participatives telles que Kickstarter ou Wefunder se sont imposées auprès de milliers de créateurs en quête de financement (nouveau modèle de financement).

Plus impliquantes encore sur l’échelle de la participation, les marques rupturistes telle qu’Airbnb et Uber, mais aussi YouTubeEtsy ouTask Rabbit co-produisent avec un grand nombre d’individus (particuliers louant leur bien, chauffeurs avec voiture VTC, vidéastes…) des produits et services innovants qui concurrencent frontalement les acteurs de l’ancienne économie (nouveau modèle de production). Enfin, les marques s’appuyant à 100% sur un développement collaboratif, telles Wikipedia ou Linux représentent en quelque sorte le nec plus ultra de l’implication (nouveau modèle de propriété partagée), à des années lumières des marques purement consuméristes justement…

Des valeurs diamétralement opposées et l’émergence sans précédent du collaboratif

Mais les plus grosses divergences entre ancien et nouveau pouvoir s’expriment surtout sur le terrain des valeurs. « Parallèlement à l’intégration de nouveaux modèles de pouvoir dans notre quotidien et au fonctionnement de nos communautés et de nos sociétés, il se forge en effet un nouvel ensemble de valeurs et de croyances » confirment en coeur Heimans et Timms.

Chaque fois qu’un utilisateur a recours à une des marques citées ci-dessus (Uber, Airbnb, Facebook ou Kickstarter…) celui-ci fait l’expérience d’une nouvelle relation aux marques… et c’est souvent toute sa conception de la consommation qui s’en trouve dès lors modifiée, les nouvelles modalités d’acquisition passant par le partage et la collaboration, là où l’ancien pouvoir n’a que l’achat du bien ou du service convoité à proposer.

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Ainsi, tandis que l’adolescente qui lance sa propre chaîne sur YouTube devient d’emblée une créatrice de contenu et s’affranchit de passer par les médias et les autres intermédiaires classiques de la production (maison de disque, studio…), l’utilisateur de Blablacar peut découvrir l’intérêt du covoiturage et voir son opinion évoluer sur l’intérêt même de posséder une voiture. De même, l’emprunteur inscrit sur la plateforme de financement participatif Lending club ne se contente pas de trouver un prêt en ligne. Ce faisant, il court-circuite directement la plus vieille des institutions de l’ancien pouvoir : les banques… On pourrait multiplier ainsi les exemples de relations qui se trouvent complètement modifiées entre les marques et leurs parties prenantes.

La participation des individus à leur société ayant tendance à devenir pour eux un droit inaliénable, les entreprises et marques du nouveau pouvoir répondent à ce besoin à leur manière, avec une approche et des valeurs bien différentes de l’ancien pouvoir. En voici résumées les grandes lignes, dans le tableau ci-dessous…

Tableau

 

Et vous, parlez-vous le nouveau pouvoir ?

Pour s’adapter aux formes émergentes de pouvoir décrites ci-dessus, la plupart des entreprises et des marques se trouvent assez embarrassées. Beaucoup, ne maîtrisant pas les nouveaux codes et ne sachant comment exercer leur influence dans ce nouveau contexte, optent pour un vernis technologique (recrutement de responsables innovation ou d’un digital transformer par exemple), pensant que cela est suffisant et leur servira de « caution numérique » dans le monde qui se dessine.

Mais évidemment, comme le soulignent Heimans et Timms, cela est loin d’être suffisant. Développer son habileté et ses compétences en matière de nouveau pouvoir, requiert d’après eux d’en passer par 3 étapes incontournables :

  1. Evaluer son positionnement au cœur d’un environnement en perpétuelle mutation (en se fondant sur la « matrice des pouvoirs » ci-dessous) ;
  2. Canaliser ses détracteurs les plus virulents ;
  3. Développer une réelle capacité de mobilisation autour de sa marque.

ETAPE 1 : pour ce qui est d’évaluer le positionnement de sa marque (dans l’absolu et par rapport à ses concurrentes directs ou aux acteurs d’autres marchés), Heimans et Timms  préconisent d’utiliser la « matrice des pouvoirs » ci-dessous…matrice5

En croisant les dimensions « modèles » et « valeurs » propres au Nouveau et à l’Ancien pouvoir, les auteurs ont en effet défini une typologie de 4 familles de marques, parmi lesquelles il est assez facile de s’identifier.

Ainsi, dans la famille « forteresse » se retrouvent toutes les marques traditionnelles, dont les méthodes sont encore aux antipodes de la culture de participation promue par le nouveau pouvoir. Apple, avec son goût du secret, son agressivité en matière de brevets et sa stratégie soigneusement orchestrée fondée sur une exclusivité savamment entretenue fait partie de ces « dinosaures », malgré la modernité de ses produits et son énorme communauté de fans. Car contrairement à Google, la firme de Cupertino évite consciencieusement tout approche collaborative.

Dans la famille des « connecteurs » se retrouvent des marques telles que Facebook, tiraillées entre leur modèle économique innovant et leur approche finalement très traditionnelle du business. Tandis que la participation des individus est largement encouragée sur le site, des valeurs beaucoup plus traditionnelles animent ses dirigeants, dont les décisions ignorent souvent les désidératas des utilisateurs et de sa propre communauté de fans.

A l’inverse, dans la famille « Meneurs » se retrouvent des marques qui conservent un modèle d’ancien pouvoir, tout en embrassant pleinement les valeurs du nouveau : Patagonia par exemple, malgré son business model traditionnel, se distingue néanmoins par son attachement à des valeurs typiques du nouveau pouvoir.

Dans la dernière famille, celle des « foules », sont rassemblés les acteurs du pouvoir les plus purs : Wikipedia, Etsy, Bitcoin, Linkedin ou Google. Davantage pilotées ou mes par l’intérêt de leur communauté, ces e-brands (elles en sont toutes) célèbrent en effet le pouvoir du collectif.

Déterminer l’impact du nouveau pouvoir sur son activité ; canaliser ses détracteurs et développer une capacité de mobilisation…

Pour déterminer la stratégie à suivre, positionner sa marque sur la matrice des pouvoirs au regard de sa situation actuelle ne suffit pas. Il est également utile de positionner ses concurrents (directs ou indirects) sur la matrice pour voir de quelle « marge de manoeuvre » on dispose, et il faut tout prix déterminer en parallèle quel est l’impact réel du nouveau pouvoir sur son secteur d’activité.

Au regard de ce premier constat, on peut recommencer l’exercice en essayant de positionner sa marque là où on voudrait qu’elle soit sur la matrice à l’horizon de 5 ans. Cette démarche permet tout simplement à l’entreprise de savoir s’il est réellement nécessaire d’entreprendre des actions spécifiques pour « cultiver le nouveau pouvoir ». En fonction du marché sur lequel on opère, cela peut ne pas être le cas.

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Apprendre à canaliser des détracteurs. Dans cette phase d’introspection qui doit précéder tout investissement dans les mécanismes du nouveau pouvoir, Jeremy Heimans et Henry Timms recommandent aussi de procéder au test suivant : imaginer ce qui se passerait si une organisation représentative du nouveau pouvoir (du style Avaaz, ou Greenpeace) se mettait à cibler votre marque ? Que lui reprocherait-elle ? Qu’essaierait-elle de transformer ? Quelle répartition du pouvoir remettrait-elle en cause au sein de votre structure ? En poussant l’exercice de prendre en compte ces formes de protestation radicale, toute entreprise peut être amener à se remettre en cause et à mieux définir son organisation et sa mission, pour que celles-ci soient plus « transparentes » vis-à-vis de  l’extérieur.

Développer un état d’esprit de mobilisation. Une fois décidé l’apprentissage de cette nouvelle langue qu’est le nouveau pouvoir, il ne suffit pas, on l’a dit, de se contenter de saupoudrage technologique et de se satisfaire de déclarations de bonnes intentions. Il faut repenser complètement sa communication et trouver tous les moyens d’associer et d’impliquer plus étroitement ses parties prenantes dans la conception et le développement de ses nouveaux produits et services, et dans leur promotion.

La capacité à mobiliser des dizaines, voire des centaines de milliers de fans ou de partisans, même de manière ponctuelle autour d’un combat ou de valeurs à défendre, est une des grandes forces des champions du nouveau pouvoir tels que Google ou Wikipedia. A plusieurs reprises, ces acteurs ont su s’associer et convaincre les foules de les soutenir, pour le recul de la législation contre la « piraterie en ligne » par exemple.

En période « normale » comme en situation de crise, la faculté à rassembler pour et autour de soir de larges communautés d’ambassadeurs, devient de plus en plus une des clés de pouvoir et une preuve de la puissance des marques.

De l’intérêt d’être réellement « bilingue »

Comme le prouvent le succès de nombreuses organisations « hybrides » alliant les forces de l’ancien et du nouveau pouvoir, la meilleure stratégie pour nombre d’entreprises est sans doute le « bilinguisme » que j’évoquais ci-dessus.

Tout en continuant à utiliser son vieux carnet d’adresses Rolodex et les contacts précieux qu’il contient dans les sphères de l’ancien pouvoir pour monter son projet, Ariana Huffington à réussi à créer un plateforme regroupant quelques 50 000 blogueurs indépendants, fers de lance du nouveau pouvoir. Ce faisant, elle a pu obtenir ce dont elle avait besoin : capitaux, légitimité, partenariats, notoriété… beaucoup plus vite que si elle avait négligé les formes institutionnelles et traditionnelles du pouvoir.

Et c’est bien l’erreur commise par de nombreux patrons de startup justement, à savoir négliger de développer un réseau et ne pas savoir tirer parti des structures de l’ancien pouvoir, qui peut s’avérer fatale à leurs projets.

A contrario, Jeremy Heimans et Henry Timms recommandent aussi aux champions du nouveau pouvoir de respecter leur communauté… et de ne pas devenir à leur tour le patron à abattre. En adoptant, un peu trop vite et trop facilement sans doute, toutes les valeurs et les visées du capitalisme le plus traditionnel, comme l’ont fait Jeff Bezos chez Amazon ou Marc Zuckerberg avec Facebook, on peut déstabiliser et décevoir profondément ses fans et sa communauté, toujours susceptible d’aller voir ailleurs.

En définitive, on le voit : plutôt de privilégier l’une ou l’autre des formes de pouvoir, qui chacune ont leur défaut et leur limite, le bon arbitrage pour les marques de demain pourrait être de savoir jouer des avantages de l’un et de l’être de ces modèles. CQFD…

 

 

Sources et légendes : 

(1) Jeremy Heimans est le cofondateur et P-DG de Purpose, une entreprise de conseil dans le secteur social et solidaire. Il est également le cofondateur des communautés GetUp et Avaaz. 

Henry Timms est le directeur exécutif du centre communautaire et culturel 92nd Street Y à New York.

(2) Article « Comprendre le Nouveau Pouvoir », Harvard Business Review – Août-Septembre 2015

Iconographie : Grégoire Guillemin, TheBrandNewsBlog (infographies), Harvard Business review

 

 

Image qui marque versus image de marque : la morale implacable des réseaux sociaux

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Comment y échapper ces derniers jours ? Tandis que la première semaine de l’année restera marquée par les images des attaques terroristes de Charlie Hebdo et du supermarché cacher de la Porte de Vincennes, cette première semaine de rentrée nous laissera en souvenir une autre image, tout aussi indélébile. La photo terrible du corps sans vie d’Aylan Kurdi, cet enfant échoué sur une plage turque, dont l’horreur a soudain semblé sortir de leur torpeur des opinions publiques occidentales jusqu’ici modérément mobilisées par la question des migrants.

Etait-il besoin qu’un tel drame se produise (un de plus), pour que l’Europe et les pays occidentaux prennent enfin conscience de l’ampleur du problème et du drame vécu par ces familles ? Ou bien l’émotion soulevée par l’image de cet enfant explique-t-elle à elle seule la colossale mobilisation qui s’en est suivie et le revirement dans l’attitude des Etats européens ?

Sans doute un peu des deux. Mais on observera qu’une fois encore, à l’instar des grandes photos de guerre devenues célèbres (et encore davantage du fait du rôle d’accélérateur joué par les réseaux sociaux), certaines images ont bien le pouvoir de modifier le cours des évènements…

Aux antipodes de ce cliché dramatique devenu symbole, que dire des images publiées ces jours-ci sur le compte Twitter de Bernard-Henri Lévy, à l’occasion de sa visite en Syrie (voir ci-dessous les images en question)Que mes lecteurs me pardonnent de comparer ainsi deux séries de photos d’une portée aussi différente. Mais, publiées le même jour ou presque, il m’a semblé qu’il y avait des leçons à tirer de leur perception très contrastée par les socionautes et de leur sort sur les réseaux sociaux, au-delà de leur télescopage visuel et calendaire…

Le décryptage du BrandNewsBlog : deux prises de vue bien différentes, deux intentions photographiques diamétralement opposées…

Le débat, très ponctuel et franco-français semble-t-il, sur l’opportunité de publier en Une des journaux la photo du petit Aylan semble déjà dépassé. Car, étalée en couverture de tous les titre de la presse internationale et abondamment relayée sur les réseaux sociaux dès ce mercredi, tout le monde ou presque l’a vue et en a compris la portée universelle. Partout, elle a créé le même choc. Et déclenchée la même réaction : la prise de conscience que le drame vécu par les migrants était devenu l’affaire de tous et une ignominie difficilement tolérable au nom de l’humanité.

Premier corollaire de sa force visuelle, cette image jetée à notre figure a en effet rendu impossible le mécanisme habituel par lequel se « protège » chaque individu : le déni. Impossible en effet de ne pas regarder en face ce cliché et de pas être rattrapé par sa violence et la crudité de son « message ».

Sur la forme de cette série d’images (car il s’agit bien d’une série), nul effet ni point de vue d’auteur exprimé par la photographe Nilüfer Demir. Le style est celui du reportage « brut » et on devine que l’image de l’enfant en gros plan a été prise au téléobjectif, au-delà du périmètre aménagé par les autorités turques. Les autres vues, celles de l’enfant dans les bras d’un militaire, sont de la même veine. La photographe s’est complètement effacée devant son sujet, elle même choquée par le spectacle qu’elle avait sous les yeux, comme elle l’a ensuite expliqué aux médias.

A contrario, dans les différentes images de Bernard Henri-Lévy prises en Syrie par Alexis Duclos, on peut a minima parler de reportage « orchestré ». Certes, le style se rattache bien au genre du reportage, mais à quelques rares exceptions près, les cadrages et les poses trahissent une mise en scène évidente. Comme cette image (impossible sur un théâtre d’opération) de Bernard Henri-Lévi entrant prudemment avec un soldat armé dans une maison… où le photographe se trouve déjà pour prendre sa photo (!). De même, les vues de combattantes kurdes entourant l’écrivain à Erbil, ou de BHL regardant une carte avec un officier, s’apparentent davantage au photomontage qu’à la capture de moments de vérité…

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Crudité de l’actualité d’un côté, reportage complaisant et personal branding de l’autre…

Continuons le décryptage et que voit-on ? Sur la photo du petit Aylan qui a fait le tour du monde : le corps encore habillé d’un enfant couché face contre sol. Et il faut une fraction de seconde (c’est là la force terrible de cette image) pour comprendre qu’il n’est pas en train de dormir… Contre toute apparence, il s’agit bien d’un cadavre et on le découvre comme tel au bout d’un moment, comme dans le Dormeur du val de Rimbault en quelque sorte.

Pour l’image de BHL ci-dessous, que voit-on en revanche ? Celle d’un homme sûr de lui qui avance au milieu de combattantes kurdes enjouées. Lui au milieu et un pas devant, elles derrière. Comme sur toutes les autres photos et dans nombre de déplacements précédents, Bernard Henri-Lévy porte un costume sur mesure et une chemise blanche immaculée, cette célèbre chemise blanche « signature », dont le journaliste Doug Ireland nous avait livré le secret il y a quelques années (voir l’article ici) : « elle est un élément important de l’image télévisuelle et publique de BHL, qui en dit beaucoup sur l’homme. Si vous essayiez de faire la même chose avec votre propre chemise, le col s’affaisserait. Mais les chemises de BHL sont conçues spécialement par le fameux chemisier Charvet, avec des cols qui résistent au déboutonnage et ne disparaissent jamais sous le col de sa veste».

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On comprend qu’avec un pareil uniforme, Bernard-Henri-Lévy se sente en sécurité sur le front syrien ;-)

Ainsi costumé et apprêté, reconnaissable entre tous avec sa grande chevelure grisonnante, absorbé par la contemplation d’une carte militaire ou bien debout, en majesté derrière des sentinelles en faction… BHL se donne en spectacle en singeant la contenance et les manières d’un chef d’Etat.

Capture d’écran 2015-09-06 à 07.12.03Placé au centre de chaque image, dont il est le finalement le véritable « héros », les kurdes jouant en quelques sortes le rôle de faire-valoir, on comprend bien qu’il est ici question de personal branding. Un reportage complaisant moins destiné à valoriser l’armée kurde (qui n’avait pas besoin de BHL pour cela) qu’à mettre en valeur la marque personnelle de Bernard-Henri-Lévy, et redorer sans doute son image, bien écornée ces dernières années…

Buzz et bad buzz sur les réseaux sociaux

En définitive « vertueuse » quand il s’agit de transformer en buzz une histoire qui le mérite, et implacable à repérer et sanctionner les contenus frelatés et/ou boursouflés d’ego, la Twittosphère et ses Twittos auront réagi les premiers à la publication des photos du petit Aylan Kurdi… et vivement réagi aux gesticulations syriennes de BHL.

Tandis que l’émotion s’emparait des réseaux au sujet de la tragédie de Bodrum et du sort des migrants (prétexte hélas à quelques tweets indignes, comme ceux ci-dessous), les socionautes s’emparaient aussi sans vergogne des tweets publiés par son éditrice sur le compte de Bernard Henri-Lévy, pour s’en moquer ou les détourner (voir ici l’excellent article à ce sujet de la libre Belgique).

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Moralité : si les réseaux sociaux ne sont assurément pas gages de vertu (suffisamment de débordements et de déviances nous le prouvent tous les jours), ils constituent un tremplin viral naturel aux émotions les plus SINCERES de la société.

Quand les intentions sont moins louables et la sincérité sujette à caution (BHL semble aujourd’hui tellement préoccupé de lui-même que son ego vampirise toutes les causes dont il s’empare), le retour de bâton est en général immédiat. Et souvent humoristique et brillant. Les vertus d’une « modération » naturelle, à l’échelle des millions d’utilisateurs des réseaux sociaux ? Même si cela reste à démontrer, les deux cas évoqués ci-dessus plaident en ce sens…

Et un double constat apparaît de plus en plus évident : les socionautes sont non seulement devenus des champions du décryptage, mais ils ne sont plus prêts à avaler n’importe quoi… et le font savoir !