En entreprise encore plus qu’ailleurs : toute personne qui a du pouvoir ne devrait (jamais) en abuser…


« C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » nous avertissait dès 1748 le très sage Montesquieu, dans le Tome 1 de son traité « De l’esprit des lois ».

Cette observation, à la résonance hélas universelle, s’appliquerait-elle au gouvernement des entreprises autant qu’à celui de la cité ? Sans revenir spécifiquement aujourd’hui sur ce délit et cette forme d’abus de pouvoir caractérisé que représente souvent le harcèlement sexuel, il semblerait bien que oui, comme tendent à le prouver les travaux récents de nombreux chercheurs…

Et les effets de l’accession au pouvoir (à un poste de management ou de direction par exemple) s’avèrent souvent si délétères, à en croire le psychologue Dacher Keltner¹, qu’ils seraient susceptibles de nuire significativement et durablement à la performance des managers, de leurs équipes et des entreprises de manière générale.

L’éminent professeur de l’université de Californie y voit même un troublant paradoxe : alors que la plupart des études comportementales tendent à prouver que les individus ont plutôt tendance à gagner du pouvoir et à « grimper les échelons hiérarchiques » grâce à leur ouverture d’esprit et à une attitude altruiste (impartialité, capacités collaboratives et empathie supérieures à la moyenne), ces comportements et qualités personnelles tendraient hélas à s’estomper, voire à s’inverser, avec le sentiment de puissance et le fait d’accéder à une situation et une position privilégiées.

Comment combattre ce tropisme [si tropisme il y a] et éviter le symptôme des « chevilles qui enflent » et ses regrettables corollaires ? Quels sont les enjeux de ce « paradoxe du pouvoir » pour les entreprises ? Et quelles leçons tirer de ces recherches pour promouvoir un management plus humble, reconnaissant et empathique ?

…Dans le prolongement de mon article récent sur ces nouveaux leviers d’engagement que sont désormais pour les salariés et les consommateurs la bienveillance et la quête du bien commun, il me semblait intéressant aujourd’hui de poursuivre la réflexion pour éclairer cette fois les enjeux de pouvoir et leurs modalités d’expression/leurs impacts en entreprise. Car une véritable transformation des organisations et la réinvention de nouvelles relations au travail passent aussi, assurément, par une prise de conscience par chaque individu et par les entreprises de ce type de paradoxe, et de ses effets collatéraux.

Le « paradoxe du pouvoir » : une maladie hélas très répandue et méconnue, aux symptômes pourtant reconnaissables et prévisibles

On serait sans doute tenté de prendre à la légère les travaux et constats du professeur Ketltner, si les résultats des études comportementales qu’il a menées dans des milieux socio-professionnels au demeurant très variés (grandes entreprises, équipes de sport professionnel, administrations, universités) n’étaient si convergents et corroborés par les conclusions de dizaines d’études conduites dans le monde entier par ses confrères.

Et que tendent à prouver ces études, me direz-vous ? Et bien non seulement que le pouvoir et ses attributs ont tendance à pervertir le comportement vertueux des individus, à mesure qu’ils s’élèvent socialement et/ou dans la hiérarchie, mais également que cette corruption et ces changements peuvent s’observer de manière étonnamment rapide, dans certains contextes notamment…

Et Dacher Keltner de citer cette expérience du « Macaron glouton » – qui en fera peut-être sourire plus d’un, mais au demeurant révélatrice – durant laquelle des groupes d’individus ont été amenés à travailler de manière collaborative sur un sujet, et à choisir parmi eux un leader (je précise que les individus en question ne se connaissaient pas auparavant). Durant la réunion, on amène une assiette chargée de cookies tout juste sortis du four, avec autant de cookies que de participants + un supplémentaire…

Que croyez-vous qu’il advint ? Alors que les autres membres des groupes refusèrent tous de prendre la dernière friandise, par politesse et pour ne pas en priver leurs collègues, ce fut systématiquement dans chaque groupe celui qui avait été désigné leader qui le mangea et se comporta de la manière la moins correcte, en le dévorant la bouche ouverte et en laissant tomber en général moult miettes…

Pur hasard ? Sur ce sujet autrement plus sérieux et important qu’est l’éthique professionnelle, d’autres études conduites à grande échelle, comme celle menée par une équipe américaine auprès d’employés de 27 pays, tendent hélas à confirmer le postulat formulé par Dacher Keltner. Interrogés sur leurs opinions et attitudes personnelles, ce sont en effet dans une écrasante majorité des cas les salariés les plus riches et les mieux payés qui se sont montrés les plus tolérants vis-à-vis de comportements peu éthiques, et les plus disposés à accepter la fraude, les pots-de-vin ainsi que d’autres pratiques peu recommandables.

D’autres recherches récentes menées par Danny Miller, professeur à HEC Montréal, ont même démontré, de manière assez claire, que les P-DG ayant fait les plus hautes études (et notamment les titulaires de MBA) étaient davantage susceptibles de se livrer à une conduite intéressée et à privilégier leurs propres intérêts (comme l’augmentation de leur rémunération) que les dirigeants ayant réalisé des études moins poussées ou prestigieuses.

Sans tomber dans un manichéisme facile, ni céder à la tentation d’une démagogie moralisatrice « anti-chef »/ »anti-autorité » (car tel n’est évidemment pas son propos ni l’objectif de ses recherches), Dacher Keltner en arrive néanmoins à cette conclusion, suite à ses observations, que « les gens en position de pouvoir dans les entreprises sont trois fois plus susceptibles que ceux des échelons inférieurs d’interrompre leurs collègues, de faire plusieurs choses en même temps pendant les réunions, de ne pas écouter les autres, de hausser le ton ou de tenir des propos perçus par leurs subordonnés ou leurs collègues comme déplacés voire offensants.  » Une dérive à laquelle les jeunes managers et dirigeants seraient encore plus exposés que les cadres expérimentés, car moins prévenus contre ses symptômes et naturellement plus vulnérables – au mieux momentanément – aux effets délétères du paradoxe du pouvoir.

Des dommages collatéraux souvent très préjudiciables et multiformes, pour les équipes et leurs dirigeants comme pour l’entreprise

Les conséquences et dommages collatéraux de tels abus [de pouvoir] ? Ils.elles sont hélas nombreux.ses et multiformes. Les équipes du manager ou du dirigeant, mais également le dirigeant ou le manager lui même, finissant inévitablement par en payer le prix…

A cet égard, Dacher Keltner et ses confrères détectent néanmoins deux impacts principaux et très récurrents :

  1. d’une part, une diminution de l’engagement des équipes, de leur créativité, de leur rigueur et leur performance, les abus de pouvoir ayant tendance à générer de l’anxiété et une démotivation d’autant plus forte qu’elle s’ajoute souvent à un sentiment d’impunité ;
  2. d’autre part, un affaiblissement de l’autorité et de l’influence du dirigeant/du manager lui-même, dont la réputation se retrouve in fine plus ou moins durablement ternie par de tels abus, qu’ils soient perceptibles en interne et/ou à l’extérieur, quand leur écho franchit les frontières de l’entreprise notamment ;

Ainsi, dans un sondage récent mené auprès de managers et d’employés de 17 secteurs d’activité différents, plus de la moitié des sondés ayant rapporté avoir été ou être traités brutalement ou de manière incorrecte au travail ont déclaré qu’ils avaient réagi en réduisant délibérément leurs efforts ou en abaissant volontairement la qualité de leur travail. Un manque à gagner évident et souvent difficile à détecter et contrecarrer, qui se trouve parfois décuplé quand il s’ajoute à une réelle incompétence métier ou des pratiques managériales injustes !

Lucidité et auto-critique : les premiers garde-fous contre les abus de pouvoir

C’est Dacher Keltner lui-même qui le dit, et on peut faire confiance à son bon sens et aux nombreuses recherches que le psychologue a menées sur ce point : « Le pouvoir nous met dans quelque chose de comparable à un état frénétique – nous faisant sentir complets, stimulés, tout-puissants, assoiffés d’ambition et immunisés contre le risque – attitudes qui ouvrent la voie à des actions imprudentes, vulgaires ou contraires à l’éthique […] C’est pourquoi il est si important, dès lors qu’on commence à avoir un rôle de premier plan, d’être attentif aux sentiments qui accompagnent son nouveau pouvoir et à tout changement dans son propre comportement.  »

Pour une telle prise de conscience, nul besoin de l’accompagnement de psychologues ni d’un protocole particulier : la lucidité du manager/dirigeant et sa propre capacité à analyser les situations et à l’auto-critique, tout au long de sa carrière, demeurent les meilleurs vaccins contre le syndrome des « chevilles qui enflent » et ses redoutables effets collatéraux.

Un diagnostic rapide, sous forme de quelques questions simples, peut aussi permettre à tout manager / tout dirigeant de savoir à tout moment où il en est, et de détecter les symptômes naissants ou déjà bien installés du « paradoxe du pouvoir ».

Avez-vous l’habitude d’interrompre souvent vos interlocuteurs ? Regardez-vous votre smartphone quand les autres parlent ? Avez-vous déjà fait une blague ou raconté une anecdote/une histoire qui a embarrassé ou humilié un des membres de votre équipe ? Dites-vous plus souvent que vos collègues ou vos subordonnés des gros mots au bureau ? Vous êtes-vous déjà accordé tout le crédit d’un effort collectif ou du travail d’autrui ? Avez-vous tendance à oublier le nom de certains de vos collègues ? Prenez-vous des risques inhabituels ou que vous n’auriez pas pris par le passé ? Dépensez-vous plus facilement votre argent personnel et/ou celui de l’entreprise ? Etes-vous toujours exemplaire en terme de ponctualité et de comportement durant les réunions ?…

Quels que soient son niveau ou sa fonction, les « questions-alertes » peuvent être nombreuses et faciles à imaginer, mais il revient surtout à chaque dirigeant/manager d’y répondre avec lucidité et sincérité, en se demandant en premier lieu s’il aurait eu le même comportement avant son accession à ses fonctions actuelles/à des fonctions d’autorité.

Si la réponse à plusieurs de ces questions-alertes est positive, cela veut sans doute dire que vous faites désormais un étalage problématique et arrogant de votre pouvoir et qu’il est temps d’y remédier, en revenant à des comportements plus vertueux et davantage d’exemplarité.

Empathie, reconnaissance et générosité : les trois piliers de la bienveillance et d’un leadership plus vertueux…

Pour renouer avec les comportements vertueux qui les ont aidé à gravir les échelons et à accéder à leurs fonctions actuelles, Dacher Keltner recommande aux managers/dirigeants qui abusent de leur pouvoir de se concentrer sur ces trois pratiques essentielles : l’empathie, la reconnaissance et la générosité… dont il a été démontré qu’elles contribuent à installer et nourrir un leadership bienveillant, même dans les contextes et les milieux professionnels les plus difficiles.

J’ai déjà évoqué, dans mon article au sujet de la bienveillance et de la quête du bien commun, la « charte du manager bienveillant » élaborée par le docteur Philippe Rodet, spécialiste du stress au travail et coauteur, avec Yves Desjacques, de l’ouvrage Management bienveillant, publié récemment aux Editions Eyrolles. Pour ceux que cette charte intéresse, en complément des recommandations dont je vais parler ci-dessous, je vous renvoie évidemment à cet article et en particulier à mon infographie de synthèse résumant « les 6 commandements de la charte du manager bienveillant ».

Sur ce sujet de la bienveillance, le principal apport de Dacher Keltner et des chercheurs dont j’ai déjà parlé dans la première partie de mon article ci-dessus, est incontestablement d’avoir démontré scientifiquement, études comportementales à l’appui, la contribution de ces 3 piliers que sont l’empathie, la reconnaissance et la générosité dans la performance des dirigeants et des entreprises qui les mettent en pratique au quotidien dans leur management.

Ainsi, on doit à Anita Wooley, de l’université de Carnegie Mellon, et à Thomas Malone, du MIT, une des meilleurs démonstrations du pouvoir de l’empathie en entreprise. Ces deux chercheurs ont en effet prouvé comment, en envoyant subtilement des signaux de compréhension, d’engagement, d’intérêt et de souci mutuels, des managers rendaient au quotidien leur équipe plus efficace au moment d’aborder des défis ou problèmes analytiques difficiles réclamant le maximum de leur concentration.

Adam Grant, de la Wharton School, a quant a lui démontré comment, comme dans la relation sentimentale unissant un couple, les petites expressions quotidiennes de reconnaissance et de gratitude produisent un effet extrêmement positif et mutuellement valorisant en entreprise. Sans surprise, une de ses études prouve en effet que quand les managers prennent le temps de remercier sincèrement leurs employés, ceux-ci deviennent à la fois plus engagés dans leur travail et plus productifs.

De même, pour illustrer le pouvoir de simples actes de générosité dans la performance des entreprises, il a été démontré par Mike Norton de la Harvard Business School que les dirigeants et organisations qui offrent à leurs collaborateurs l’occasion et les moyens de s’engager dans des actions caritatives ou les encouragent à participer avec eux à des campagnes de dons, voient aussi la satisfaction au travail des employés progresser de manière significative, ainsi que la perception de l’engagement et la fierté d’appartenance à l’entreprise. Ainsi que je l’ai écrit récemment dans les colonnes de ce blog, la quête du bien commun est bel et bien un objectif motivant pour l’ensemble de ce corps social qu’est l’entreprise, même si la première raison d’être des entreprises demeure de « créer de la valeur » comme aime à le rappeler Georges Lewi, expert reconnu du branding.

Plus concrètement, Dacher Keltner recommande aux dirigeants/managers et aux entreprises de se pencher sérieusement sur les bonnes pratiques quotidiennes du management bienveillant, s’appuyant sur ces 3 piliers que sont l’empathie, la reconnaissance et la générosité… Bonnes pratiques dont il propose quelques exemples que j’ai résumés dans le tableau ci-dessous.

Soyons donc lucides, ouvrons nos esprits… et n’hésitons pas à passer à l’action : il n’y a plus qu’à… :)

 

Notes et légendes :

(1) Dacher Keltner  est professeur de psychologie à l’université de Californie, à Berkeley, et directeur fondateur du Greater Good Science Center.

 

Crédit photos et illustrations : 123RF, The BrandNewsBlog 2017, X, DR

 

 

Le « big marketing », ou comment réconcilier promotions, big data et création de valeur…

Longtemps, je ne me suis pas couché de très bonne heure. Mon visage boutonneux d’étudiant collé contre les pages du Mercator¹, la tête remplie de fausses idoles et de précepts marketing parfois douteux érigés en loi d’airain, que je n’ai cessé d’interroger depuis…

Parmi ces précepts, une idée reçue encore particulièrement vivace aujourd’hui : les promotions seraient toujours synonymes de destruction de valeur.

A la décharge des étudiants en marketing et de tous les professionnels qui défendent cette idée, cette destruction de valeur est assez régulièrement confirmée par les études de terrain. Dernière illustration en date : dans leur grande recherche internationale sur les ressorts de la confiance que nous avons dans les marques, une des premières conclusions tirées par les membres de l’AIM² est justement que l’excès d’activité promotionnelle contribuerait à détruire la confiance des consommateurs car il affecterait directement la valeur perçue des marques.

Dur dur de remonter la pente après ce genre de constat, me direz-vous, et de vous démontrer tous les bénéfices d’une activité promotionnelle raisonnée, voire « avancée ». Mais vous connaissez mon opiniâtreté et mon côté iconoclaste : c’est donc bien de promotions, mais également de big data et de construction de marque que je vous parlerai aujourd’hui.

Comment éviter les effets les plus délétères des promotions et contribuer a contrario au renforcement de la marque ? Par quels moyens et quelles bonnes pratiques y arriver ? Et comment réconcilier branding et big data en dépassant les usages promotionnels les plus réducteurs des données pour viser une création de valeur démultipliée ?

Voici les questions auxquelles je vous propose de répondre ci-dessous. Et vous le verrez : je suis loin d’être le seul iconoclaste à défendre un bon usage des promotions, n’en déplaise aux colporteurs d’idées reçues !

Pourquoi les promotions ont mauvaise réputation : des marques shootées au discount ?

Voici une bonne quarantaine d’année – particulièrement depuis les crises pétrolières et l’essor de la grande distribution – que les promotions et la pratique des prix bas (notamment par les marques low-cost) sont de plus en plus assimilées à de la destruction de valeur.

Au-delà du bénéfice immédiat apporté au consommateur en terme de pouvoir d’achat, les promotions sont en effet accusées d’avoir des effets délétères non négligeables. Et, pour ainsi dire co-responsables de tous les maux avec les grandes enseignes de distribution qui ne cessent de les pousser à des politiques commerciales de plus en plus agressives, les marques ne consentiraient des promotions que contraintes et forcées ou pour de mauvaises raisons, au détriment d’investissements marketing plus stratégiques et de leur capital de marque.

Cette vision un tantinet simpliste est certes loin d’être dénuée de fondements, bien évidemment. Outre les recherches de l’AIM que j’ai déjà mentionnées ci-dessus, de nombreuses études et panels distributeurs, comme ceux des instituts IRI et Nielsen, pointent année après année la dépendance croissante des produits de grande consommation à ces cycles de promotion incessants auxquels nous assistons dans les rayons des hypermarchés et sur le web. Au global, pas moins de 20% des ventes de l’univers PGC se feraient aujourd’hui sous promotion, cette proportion grimpant à 25% en moyenne pour les grandes marques, et davantage encore dans certaines catégories de produits comme l’entretien ou l’hygiène-beauté par exemple.

Littéralement « shootées au discount », certaines marques se retrouveraient de facto en situation de promotion permanente, dévalorisant par là-même le caractère exceptionnel et temporaire de leurs opérations promotionnelles pour n’en faire qu’une simple modalité de réduction des prix, et réduisant au passage leurs marges et leur capacité d’investissement et d’innovation au détriment de leur pérennité potentielle.

Confusion des prix, gaspillage et destruction du capital de marque : les promotions responsables de tous les maux ?

Au-delà du manque à gagner pour toute la chaîne de production, voire du risque d’addiction des marques aux rabais permanents, la mécanique de la succession des promotions serait aussi responsable, côté consommateurs, d’un brouillage complet en matière de perception de la valeur…

C’est en tout cas ce qu’affirme Guillaume Le Borgne, doctorant à l’Institut national pour la recherche agricole (Inra), dans une thèse très fouillée dont je vous avais parlé il y a quelques temps.

Dans le domaine alimentaire en particulier, les promotions incessantes accélèreraient en effet la marchandisation de la nourriture, première cause de dévalorisation des aliments et donc de gaspillage.

De fait, quand le prix d’un aliment est réduit fortement voire divisé par deux, au gré des offres promotionnelles, « l’effet dégressif éloigne le consommateur de l’idée que l’aliment a une valeur intrinsèque », constate Guillaume Le Borgne. Et il en est assurément de même « quand un produit est vendu à peine plus cher, mais dans une bien plus grande quantité que la quantité habituelle ».

Peu à peu, les études prouvent que les consommateurs ont ainsi tendance à perdre la notion du « juste prix » des aliments, de même que celle des saisons auxquelles il est avantageux de les acheter. Il en résulte que l’alimentation perd progressivement de son attrait et de la notion de plaisir qui lui était attachée, devenant « un produit comme les autres »…

Confirmation de cette banalisation et de l’impact non négligeable des ristournes et autres « promotions girafe » (« 1 + 1 gratuit »  ou « moins 80% sur le deuxième produit »), la part des dépenses consacrées par les Français à l’alimentation, qui représentait 38% de leur budget global en 1960, serait tombée à 25 % ces dernières années.

On pourrait ainsi multiplier pendant des heures les exemples des effets délétères des promotions, dont les manuels et les magazines de marketing regorgent. Pour illustration des impacts les plus négatifs d’une campagne promotionnelle ratée sur l’image d’une marque, il me suffira d’évoquer la mésaventure survenue au newsmagazine américain « Time ». En 1988, au temps de sa splendeur, cette référence de la presse outre-atlantique était imprimée à 4,6 millions d’exemplaires… avant de chuter sous la barre des 3 millions de lecteurs aujourd’hui.

Alors que la population américaine a augmenté de 31% depuis 1988, les ventes de l’hebdomadaire ont certes été touchées par la crise de la presse magazine, mais l’essentiel de la baisse de son lectorat est assurément imputable aux campagnes promotionnelles désastreuses qu’a mené durant plusieurs années le journal… Alors que les équipes de rédaction de Time se sont ingéniées dès la fin des années 90 à améliorer la qualité de leur revue et son attractivité rédactionnelle, multipliant les passerelles avec leur version digitale et lançant à échéance régulière de belles campagnes d’image pour promouvoir leurs « nouvelles formules », ce travail de fond sur l’image de marque a été littéralement réduit à néant par les campagnes promotionnelles hyper-agressives mises au point par les équipes marketing. En multipliant en parallèle de leurs campagnes d’image des spots TV « hard-discount » et des campagnes de phoning promettant des abonnements à moitié prix (avec offre d’un baladeur AM/FM en prime !) les marketeurs de Time ont effet complètement brouillé et dévalorisé l’image du magazine, ainsi que l’ont prouvé les études menées depuis auprès des lecteurs. Un préjudice presque insurmontable aujourd’hui.

Halte au « discount bashing » : les promotions peuvent aussi créer de la valeur !

Fondateur de PromoResearch, cabinet de conseil en promotion des ventes, Philippe Ingold avait évidemment à cœur de tordre le cou à un certain nombre d’idées reçues. Dans un article récent de la Revue des marques³, cet expert réhabilite les promotions en évoquant leur quadruple fonction marchande, stratégique, expérientielle et relationnelle (voir tableau récapitulatif ci-dessous).

Refusant l’opprobre systématique jeté sur les démarches promotionnelles, celui-ci voit surtout dans la destruction de valeur une conséquence directe de la mauvaise utilisation des techniques marketing et/ou de leur inadaptation aux contextes et intérêts stratégiques des marques… De fait, et comme toujours, plutôt que de blâmer les techniques ou les outils, il serait temps de s’interroger sur les compétences et le manque de maîtrise de celles et ceux qui les mettent en œuvre. Car judicieusement menées, en cohérence avec les autres éléments du mix marketing et les valeurs de la marque, les promotions peuvent évidemment s’avérer particulièrement efficaces et profitables aux marques, comme le démontre le tableau ci-dessous…

Concrètement,si destruction de valeur il y a, elle provient en général d’un mauvais usage ou d’une détournement complet d’une des fonctions des promotions, telles que décrites ci-dessus. Ainsi, la succession des cycles de promotion qui transforment la promo ponctuelle en une espèce de promo. permanente, ou la pratique excessive du « bogof » (buy one get one free) sont les deux mauvaises pratiques les plus destructrices en terme d’image et d’impacts sur les comportements des consommateurs.

A contrario, la parfaite maîtrise des techniques promotionnelles et leur usage raisonné, en cohérence avec les plans de communication et les valeurs de la marque, est source de création de valeur, de par les expériences nouvelles et complémentaires qu’elles sont susceptibles de créer et les nouveaux points de contact qu’elles contribuent à créer avec les consommateurs.

Dixit Philippe Ingold : « En fait, on peut avancer que la promotion, sous toutes ses formes, crée de la valeur – avant tout par les expériences positives qu’elle génère – et de l’expérience, à condition de la construire dans la durée. En termes d’usage, ceci implique une gestion stratégique des expériences générées par l’ensemble des actions marketing […] Toutes les formes de promotion peuvent aussi créer de la valeur pour les marques, notamment grâce à leur capacité à faire émerger de très nombreux points de contact. L’action marketing doit s’efforcer d’utiliser ces derniers en veillant à leur pertinence stratégique et à leur optimisation dans le cadre de stratégies cohérentes, porteuse des valeurs des marques. La promotion ne doit pas être pensée comme discipline à part, gérée seulement en fonction d’impératifs commerciaux, mais comme une des bases des stratégies marketing ».

Autres facteurs clés d’une démarche promotionnelle selon le fondateur de PromoResearch : accompagner les dispositifs d’une vraie animation et présence commerciale sur le terrain, quand il y a lieu, et travailler avec les enseignes dans une logique de démarche collaborative, pour les associer dès le départ aux plans d’action et optimiser la qualité des espaces disponibles et la communication autour des promotions. Toutes ces opérations, ainsi que je viens de le souligner à l’instant, sont grandement renforcées quand elles sont cohérentes en terme de branding  et peuvent s’appuyer sur le territoire de communication ou des grands évènements/partenariats/attributs de la marque : événements sportifs ou culturels, initiatives solidaires, licences TV et cinéma…

Des promotions court terme « dopées à mort » par les big data et l’analytique ?

S’il a toujours été délicat, en marketing, de trouver le bon équilibre entre objectifs à court terme (augmentation des ventes par le discount) et objectifs long terme (construction de la marque et développement de son image), il semble que l’utilisation extensive des big data et la maîtrise de l’analytique soient en train de faire dangereusement pencher la balance du marketing vers le court terme…

C’est en tout cas l’avis et l’avertissement formulés par Peter Horst et Robert Duboff, tous deux des marketeurs accomplis et rompus à l’utilisation des big data, dans un nouvel article incontournable publié cet été par la Harvard Business Review.

Avec de nombreux exemples à l’appui, ces deux experts du marketing, qui ont longtemps œuvré de concert pour la société de cartes de crédit Capital One, une « analytics native » investie très tôt dans l’analyse et d’exploitation des données, expliquent ainsi dans l’introduction de leur article comment des marques du monde entier, dans des secteurs aussi divers que la grande distribution, la banque, les transports ou la restauration, se sont littéralement pris de passion pour les big data. En compilant et en analysant les gigantesques quantités d’information dont ces marques disposaient concernant les habitudes d’achat et les transactions de leurs clients, et en les croisant avec toutes les données socio-démographiques et individuelles dont elles disposaient, elles ont réussi à piloter leurs ventes à court terme avec une précision jamais atteinte jusqu’ici, en démultipliant de manière inédite l’impact de leurs campagnes de promotion court terme notamment.

Résultat : dans la plupart de ces secteurs d’activité – et dans bien d’autres – il devient de plus en plus difficile pour les marketeurs de résister aux sirènes du court terme et de justifier auprès de leur hiérarchie des investissements à plus long terme dans la construction et l’image de marque surtout.

Pour autant, ainsi que l’expliquent Horst et Duboff dans leur article, il est primordial de ne pas enfermer les marques dans des spirales promotionnelles destructrices de valeur et de contrebalancer les actions et investissements court terme par des opérations de branding contribuant à la pérennité des marques. Et les big data peuvent / doivent contribuer à ce rééquilibrage, car comme les promotions, elles doivent être considérées comme un outil au service des marketeurs.

Comment réconcilier branding et big data : l’ambition vertueuse du « big marketing »…

Peter Horst et Robert Duboff le montrent avec brio : il n’y évidemment nulle fatalité dans l’asservissement des big data à des logiques promotionnelles court terme. Car au-delà du fait de savoir quel sandwich vendre à quel moment et à quel client, en se basant sur les historiques de vente et en faisant du prédictif, l’analyse des données peut faire beaucoup plus – et mieux – que cela. Et il ne tient qu’aux marketeurs et communicants de transformer des opérations de promotion pilotées par les big data en opérations d’image servant les objectifs de la construction de marque.

Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment la chaîne de restaurant Subway a changé d’optique et transformé plusieurs de ses campagnes promotionnelles en belles opérations marketing et communication contribuant à renforcer leur image de marque… En courant en quelque sorte « deux lièvres à la fois » et en associant leur célèbre promotion à 5 dollars le sandwich à une démarche de celebrity endorsement, Subway a eu l’idée de faire porter ses campagnes de pub promo américaines par des personnages emblématiques et grands fans de la marque tels que Michaël Phelps ou Robert Griffin III… Tout en soignant tout particulièrement la qualité de réalisation et les messages de ces campagnes, Subway en a facilité la mémorisation et l’efficacité. « De fait, nous disent Horst et Duboff, ce qui a commencé en 2008 comme une promotion commerciale s’étendant sur quatre semaines s’est transformé en un actif de marque stratégique de 4 milliards de dollars, complété par un jingle évocateur, un logo et une gestuelle des mains qui signifie ‘5 dollars’ et ‘grand comme ça' »

Au-delà de cette astuce marketing et surtout communicante, Subway était bien résolu à ne pas laisser les promotions fondées sur l’analyse de données prendre le contrôle de son marketing, contrairement à d’autres franchises de restauration rapide. Tout en disposant, comme un certain nombre de ses concurrentes aujourd’hui, d’un atout considérable – à savoir un programme de fidélité très solide et de nombreux titulaires de cartes  qui s’inscrivent pour recevoir des messages promotionnels – les marketeurs de Subway ont en effet remarqué un biais important dans l’exploitation traditionnelle des big data.  A savoir que les promotions fondées sur l’analytique et programmées pour maximiser les ventes à court terme, ont tendance à insister systématiquement et par défaut sur les produits que leurs clients commandent le plus, au lieu de chercher à placer d’autres offres.

Nous commençons hélas déjà ce travers sur Internet, quand, après avoir acheté un produit coûteux ou fait un beau voyage… des bandeaux publicitaires plus ou moins intrusifs nous proposent de racheter le même produit, ou de repartir immédiatement pour la même destination. A moyen terme, cela est évidemment destructeur en terme d’image et plutôt mauvais pour le business, car comme Subway l’a bien compris, l’important est bien d’élargir le « répertoire » de sandwiches de ses clients. Car plus celui-ci est grand (types de sandwiches commandés plus d’une fois), plus le client demeurera fidèle à Subway.

Conséquence : chez Subway comme chez d’autres marques avisées, on ne suit pas aveuglément les conclusions et prédictions extrapolées à partir des big data par l’analytique, mais on les questionne toujours avec esprit critique, en veillant à préserver dans chaque décision les intérêts du capital de marque. Et on privilégie volontairement l’analyse de données qui établit des connexions étonnantes et suggère des démarches marketing non intuitives, comme l’association de tel produit avec tel nouveau service… plutôt que de tourner en rond autour des mêmes offres déjà plébiscitées par les clients.

Avec le marketing équilibré de General Mills, grande marque agro-alimentaire américaine, Peter Horst et Robert Duboff livrent un autre exemple d’exploitation vertueuse des big data, contribuant renforcer l’image et le rayonnement de la marque.

En recherchant systématiquement à approfondir les relations entre la marque et ses clients et à générer des contenus plus pertinents et significatifs, General Mills a en effet souhaité développer une connaissance granulaire fondée sur une analyse croisée extrêmement fine des comportements des consommateurs. Ce faisant, l’objectif était clairement de révéler des problèmes ou besoins partagés par des segments ou sous-segments de clientèle tels que les jeunes enfants qui suivent les conseils de leurs médecins en matière de cholestérol par exemple. Une fois ces données et de tels comportements analysés et compris, l’idée était évidemment – et demeure – de proposer des messages et une offre spécifiques en mesure de les satisfaire et de renforcer leurs lien et leur image de la marque. Car rien n’est aussi fidélisant qu’une réponse spontanée et pertinente apportée par la marque à des besoins ou contraintes que les clients n’ont même pas eu besoin d’exprimer.

De l’absolue nécessité de renforcer les collaborations entre marketeurs, brand managers et data analysts…

Mais avant de réussir à mettre l’analyse granulaire des données comportementales des consommateurs au service de la construction de marque, une longue période d’apprentissage réciproque s’avère souvent nécessaire entre marketeurs, brand managers et experts des données et de la data analyse.

Si les plus jeunes des marketeurs sont parfois (mais pas toujours) des « analytic natives » et se montrent en général enclins à travailler en binôme avec des data analysts, cette collaboration ne coule pas toujours de source avec les marketeurs « à l’ancienne », qui ont parfois beaucoup de mal à supporter les affirmations péremptoires de ces jeunes experts de la donnée sur des marchés et des comportements consommateurs que les « vieux de la vieille » pensent connaître comme le fond de leur poche…

Comme l’explique Mark Addicks, ancien directeur marketing de General Mills, « le big data remet fondamentalement en question ce que l’on fait et ce que l’on pense […] Et un junior peut tirer plus d’informations des données sur une catégorie que ne le ferait un cadre supérieur. Cela peut être assez humiliant quand un collègue junior déclare lors d’une réunion : ‘je suis désolé, mais ce n’est pas comme cela que cette catégorie fonctionne’ ! « 

De fait, il est impératif que chacun s’enrichisse et accepte de travailler ensemble. Car s’il est bien évident qu’un data analyst de talent peut constituer avec un marketeur averti un tandem terriblement efficace, chacun doit d’abord accepter l’expertise de l’autre. Et là où le bon sens du marketeur traditionnel et ses intuitions demeurent indispensables pour interroger en permanence l’apport des big data, le data analyst peut définitivement lui apporter cette connaissance granulaire et fine des besoins spécifiques de chacun des segments et sous-groupes de clientèle qui constituent le marché. Et c’est uniquement le mariage entre égaux (et non entre egos) de ces 2 compétences qui peut accoucher d’un marketing réellement efficace et équilibré, au service de la marque : ce « big marketing » dont je parlais en introduction.

 

 

 

Notes et légendes :

(1) Présenté par son éditeur comme la « bible du marketing », le Mercator est un ouvrage de référence co-écrit par Jacques Lendrevie et Julien Lévy et publié aux Editions Dunod. Preuve de son succès auprès des étudiants et des professionnels, il en est aujourd’hui à sa onzième édition…

(2) L’AIM est l’Association européenne des Industries de Marque

(3) « La promotion comme création de valeur », par Philippe Ingold Revue des marques n°99, juillet 2017 

 

Crédits photos et infographies : 123RF, X, DR, The BrandNewsBlog 2017

Le branding aux temps de la peste (infobésité) et du choléra (défiance des publics)…

Dans mon précédent article (à découvrir ou redécouvrir ici), celles et ceux d’entre vous qui suivent régulièrement le BrandNewsBlog se souviendront que je suis revenu sur les impacts de la révolution numérique sur les différentes facettes du métier de communicant. En m’appuyant sur l’excellente étude menée par le groupe de travail « Gouvernance de la communication » de l’association Communication & Entreprise, je me suis en particulier permis d’insister sur les conséquences de cette révolution sur l’organisation des services Com’.

Pour prendre un peu de recul par rapport à ces problématiques de transformation digitale et de transformation (tout court) de l’entreprise, j’ai choisi cette semaine de me concentrer sur les deux principaux maux auxquels les marketeurs et communicants sont et seront désormais durablement confrontés. D’une part, 1) ce phénomène de perte d’attention que tout le monde constate aujourd’hui sans parvenir néanmoins à le juguler, phénomène qui découle en grande partie de l’infobésité provoquée par cette inflation de messages et de contenus produits notamment par les marques… D’autre part, 2) cette défiance généralisée, qui, après s’être manifestée vis-à-vis du pouvoir politique et des médias, a désormais contaminé toutes les institutions et les entreprises, dont la plupart des marques sont désormais perçues avec beaucoup de circonspection par leurs parties prenantes…

Comment en est-on arrivé là, me direz-vous ? Quelles parades les marques doivent-elles mettre en œuvre en ces temps de « peste » et de « choléra » ? Et comment ne pas tomber de Charybde en Scylla, entre ces deux périls que sont l’infobésité et la défiance, premiers fossoyeurs des stratégies de brand content et de communication patiemment concoctées par les professionnels ?

C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui, sans vous promettre la lune néanmoins, car ainsi que vous allez le voir, les difficultés à surmonter sont nombreuses… Et s’agissant de perte d’attention et de confiance, si plusieurs remèdes existent, force est de constater qu’on est davantage dans le registre de la longue maladie / longue durée que du banal rhume des foins…

Infobésité et perte d’attention : deux fléaux respectivement accrus par la prolifération des informations et par l’usage intensif des nouvelles technologies…

Les chiffres de l’étude « The Attention Span » de Microsoft sont sans appel :  alors que la plupart des gens pouvaient se concentrer sur une micro-tâche ou sur un contenu diffusé dans les médias pendant 12 secondes en 2000, cette durée moyenne serait d’à peine 8 secondes aujourd’hui.

Et la raison de cette diminution sensible de notre capacité de concentration serait double : d’une part, « trop d’information tuant l’information », nous sommes littéralement submergés par les contenus et stimuli auxquels nous sommes exposés. Selon KR Media, ce sont en effet pas moins de 15 000 stimuli commerciaux qui seraient désormais susceptibles de nous atteindre quotidiennement. Et la production de contenus promotionnels ou informatifs par les marques n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui.

Or, dans cette nouvelle ère où l’attention devient la denrée rare, le postulat formulé dès 1978 par le Prix Nobel d’économie Herbert Simons n’en finit pas de se vérifier : « ce que l’information a tendance à consommer en premier lieu est bien l’attention de ses récepteurs. Et une prolifération d’information entraîne nécessairement une raréfaction de l’attention ».

Un phénomène encore accru chez les utilisateurs les plus intensifs des nouvelles technologies : le premier réflexe des 18-24 ans en cas d’ennui étant par exemple de consulter leur smartphone et les fils d’information via leurs réseaux sociaux (pour 77% d’entre eux) alors que 10% seulement des plus de 65 ans ont cette habitude. De même, 79% des 18-24 ans seraient adeptes du multi-écrans (contre 42% des plus de 65 ans) et 73% des 18-24 ans auraient pour habitude de jeter un oeil à leur mobile avant de s’endormir (contre 18% des plus de 65 ans).

Ces pratiques avancées (multi-écrans, boulimie de média et de médias sociaux…) auraient un impact encore plus délétère sur les personnes exposées (early adopters, socionautes hyperconnectés) que sur la moyenne de la population, dont la capacité de concentration serait moins impactée. Paradoxalement (mais notons que c’est Microsoft qui nous le dit), les sujets ayant le moins recours aux technologies seraient les plus à même de pratiquer le multi-tâches et de faire le tri entre des infos de sources différentes. Ils seraient aussi ceux dont la capacité d’attention demeurerait la plus forte face aux stimuli et autres sollicitations externes…

Un branding revu et corrigé, pour répondre à une pénurie durable d’attention ?

Conséquence de ces évolutions : les marketeurs et communicants doivent et devront encore davantage à l’avenir revoir leurs pratiques pour s’adapter à une pénurie chronique d’attention de la part de leurs publics.

Et si certains en appellent aux vertus de l’auto-discipline et de l’auto-régulation pour limiter à la source les facteurs d’infobésité (les entreprises et les annonceurs restant les mieux placés pour raréfier d’eux-mêmes leurs prises de parole et éviter de produire des contenus « tous azimuts »), les solutions les plus efficaces pour regagner ne serait-ce qu’un peu de l’attention perdue me paraissent être ailleurs…

Pragmatiques, les auteurs américains de l’étude « The attention span » préconisent quant à eux une trithérapie qualitative aux marketeurs et communicants : 1) améliorer la clarté, la concision et le caractère pédagogique des contenus délivrés par les marques ; 2) surprendre et capter l’attention à l’aide de formats innovants, en intégrant beaucoup plus systématiquement la vidéo et des formats « rich media » visuels et percutants, notamment ; 3) ne pas hésiter à booster au maximum l’interactivité et les « call to actions », pour créer une expérience multicanale à l’aide de contenus immersifs et impliquants, de manière à retenir l’attention des consommateurs et à surmonter les effets délétères du « content shock* ».

Encore plus disruptif dans son analyse, Nicolas Zunz, coprésident de Publicis Communications France, envisage rien moins qu’une révolution créative par la data, en s’appuyant notamment sur toutes les ressources de la DCO (Dynamic Creative Optimization) pour concevoir des contenus et des campagnes personnalisés à l’extrême et ajustés tout au long du parcours client, pour regagner l’attention perdue des consommateurs.

Et à l’appui de son raisonnement, l’expert du groupe Publicis de rappeler ce paradoxe : à savoir qu’en dépit de l’infobésité et de cette perte d’attention généralisée décrite précédemment, toutes les catégories et générations de consommateurs (y compris les plus jeunes) sont capables d’une attention soutenue à partir du moment où un sujet les accroche… Mais tout dépend en premier lieu du contexte et du timing. D’où l’importance d’être capables, notamment grâce à l’apport des data, de personnaliser et d’optimiser au maximum chaque support, chaque contenu et chaque offre de la manière la plus fine. « La conception et le déploiement des idées créatives en seront naturellement plus complexes. Il ne sera plus possible de se contenter d’une idée et de sa déclinaison, il faudra imaginer tous les scénarios possibles et les manières d’adapter le message pour chaque cible et chaque comportement. Calibrer chaque idée et son déploiement deviendra clé. Dès lors, les briefs seront accompagnés de ‘personae’ détaillées. L’UX et la communication seront dans une même pièce, les présentations d’idées créatives ne se feront plus sans ‘consumer journeys’, ni scénarios d’usage ».

Et la clé de cette alchimie savante sera bien la data, car « seule la data permettra alors d’orchestrer la bonne séquence (moments, « touchpoints », offres, messages, formats) pour toucher chaque individu ». C’est d’ailleurs ce type d’expériences nouvelles que prévoient de créer prochainement les opérateurs télécoms, en proposant des spots TV personnalisés en fonction des centres d’intérêt ou de la géolocalisation de leurs abonnés. Et c’est aussi ce que font déjà plusieurs grandes enseignes de distribution, comme Carrefour, qui s’appuie de plus en plus sur les millions de teraoctets de données dont il dispose pour proposer des parcours « phygitaux » personnalisés à ses clients… Sélection de produits et catalogues sur mesure, information ciblée, contenus directement « shoppables » sont au menu pour gagner autant d’étapes dans le parcours client : la révolution du marketing et de l’attention est donc bien en marche… Mais, toujours prudent, Nicolas Zunz n’en oublie pas pour autant les bases du storytelling. Car si demain, à l’entendre, « une grande partie des messages seront « usinés » par la data […] les marques devront plus que jamais cultiver leur part de magie [et la qualité de leurs contenus] en créant de grands spectacles publicitaires adressés au plus grand nombre » et des créations toujours plus subtiles et efficaces.

Une défiance de plus en plus forte vis-à-vis de toutes les formes d’autorité… 

L’autre grand mal du siècle, si on en croit toutes les études publiées à ce sujet, à commencer par le fameux « Trust Barometer » concocté chaque année par la société Edelman, est bien la perte de confiance, voire la défiance sans cesse accrue qui s’exprime chez les citoyens envers toutes les formes d’autorité : dirigeants politiques, médias, entreprises, organisations non gouvernementales, etc.

A cet égard, l’édition 2017 du « Trust Barometer », mené dans pas moins de 28 pays auprès de dizaines de milliers de consommateurs, ne fait que confirmer les tendances observées depuis plusieurs années… Tandis que le sentiment de confiance dans les différentes formes d’autorité continue de prévaloir parmi les couches les plus éduquées et informées de la population (qui représentent en moyenne 10 à 20 % de la population dans chaque pays interrogé), c’est la défiance qui l’emporte nettement dans le reste de la population (avec un score de confiance global de 45% seulement), illustrant le divorce de plus en plus net entre les « élites » et les classes populaires. Avec un différentiel de 15% (60% des  publics « informés » continuent d’exprimer leur confiance dans les institutions), jamais le fossé entre ces élites et le reste de la population n’a été aussi profond : une divergence d’opinion et de perceptions qu’on a pu observer largement à l’occasion des dernières élections présidentielles françaises notamment, mais également lors du Brexit ou de la dernière élection présidentielle américaine…

Si les conséquences de cette défiance de plus en plus prononcée sont évidemment délétères dans l’exercice de la démocratie et pour le fonctionnement des institutions et de l’économie (la bonne santé du business se nourrit tout autant de confiance que de stabilité institutionnelle), les conséquences négatives en sont également très perceptibles pour les entreprises et leurs dirigeants, qui sont de plus en plus fréquemment mis sur la sellette. Et au-delà de la véracité des discours corporate ou de la communication RSE, souvent assimilée à du « greenwashing » c’est à dire de l’éco-blanchiment de la part des entreprises, l’image des marques n’est pas forcément plus flatteuse, puisque d’après les consommateurs interrogés il y a de cela quelques années, 75% d’entre elles pourraient disparaître sans que cela nuise le moins du monde à leurs clients… Une statistique à vrai dire peu flatteuse et qui ne manque pas de remettre en cause l’utilité sociale et pratique de la plupart des marques

La question plus que délicate des déterminants ou des « moteurs » de la confiance…

Pour bien analyser la situation et comprendre ces problématique de confiance, leur impact sur l’image des marques et la meilleure manière de redorer leur blason et la communication des entreprises, il est important de revenir aux fondamentaux de cette notion de « confiance », qui est aujourd’hui un véritable « fourre-tout »…

A cet égard, les travaux de Virginie Tournay, Directrice de recherche au CNRS et au Cevipof s’avèrent à la fois éclairants et passionnants. Biologiste de formation et politologue, cette maître de conférence à Sciences-Po s’est longuement penchée sur les mécanismes de la défiance qui s’exprime notamment vis-à-vis des institutions publiques. Et dans son approche de la confiance, elle distingue très clairement, à l’anglo-saxonne, 3 notions qui à la fois se complètent et se font en quelque sorte concurrence : 1) d’une part, la « confidence », qui est en quelque sorte la confiance « socle » ou de base dans les grandes conventions qui régissent le fonctionnement de nos sociétés : la démocratie, le marché du travail… Celle-ci représente en quelque sorte une adhésion « minimale » à un/des systèmes de valeurs ; 2) d’autre part, la confiance « trust », qui repose sur un pari sur l’avenir : c’est le niveau de croyance le plus personnel et subjectif, puisqu’il s’agit presque d’un acte de foi en une personne / une politique… qui relève effectivement du pari puisque que l’on accorde sa confiance en se disant que la personne va agir correctement ; 3) enfin l’accountability, qui est en quelque sorte une confiance « procédurale » et se fonde sur cette notion que la personne, l’organisation, doit rendre des comptes et que je peux avoir confiance dans la véracité des chiffres ou informations que l’on va me délivrer.

Armé de cette nouvelle « grille de lecture », on comprend encore mieux pourquoi les mécanismes et déterminants de la confiance des individus sont éminemment complexes et fragiles. Car pour qu’il y ait pleinement confiance et adhésion de part des citoyens et consommateurs envers une personnalité, une institution ou une marque, il faut en quelque sorte qu’il y ait « alignement » de ces trois types de confiance (la confidence, la trust et l’accountability)… qui sont hélas, comme vous l’aurez compris, de nature différente voire antagoniste.

Car là ou la confidence et l’accountability reposent certes sur des croyances, mais nourries de preuves et de faits objectifs (en ce sens, ce sont les deux déterminants de la confiance privilégiés par les catégories socio-professionnelles les plus informées et éduquées que l’on a relevé plus haut), la trust est une adhésion en définitive beaucoup plus subjective, dont les déterminants ou les clés seront la proximité, l’appartenance à une même communauté culturelle, religieuse ou de pensée. En ce sens, la confiance « trust » que les classes populaires placeront le cas échéant dans le « tribun », ou l’homme providentiel, est d’une nature bien différente, voire antagoniste, aux formes de confiance et d’adhésion privilégiées par les élites sociales, davantage rassurées par les arguments rationnels et tangibles de la confidence et l’accountability.

Les 3 registres sur lesquels les marques doivent exceller pour construire et maintenir la confiance…

Une fois ces déterminants de la confiance définis à grands traits, comme je viens de le faire, la conséquence ou les conclusions qu’on peut en tirer pour les marques est qu’elles doivent de manière de plus en plus évidente exceller dans les 3 domaines : la confidence, la trust et l’accountability, et susciter l’adhésion de publics aux motivations et formes d’engagement hétérogènes.

  1. Pour ce qui est de la confiance au sens de confidence et d’adhésion à des règles, il faut tout d’abord que la marque prouve qu’elle agit en conformité avec toutes les règles qui régissent les affaires : codes du travail, régulations du marché et autres normes, avec un maximum d’anticipation. Dans l’industrie du médicament, il s’agira notamment de procéder à tous les tests possibles et imaginables avant la mise sur le marché d’un produit, pour réduire au maximum l’incertitude et la perception de risque, qui est de moins en moins acceptée socialement. En dehors des tests ou de la compliance à un certain nombre de règles, plusieurs registres de preuves peuvent / doivent être mobilisés pour convaincre des publics de plus en plus exigeants : preuve biologique dans le cas du médicament ; preuve de la maîtrise parfaite des chaînes de production ; preuve « populationnelle » au travers d’études et de sondages menées auprès du grand public avant un lancement de produit ; preuve par les experts (recommandation/prescription par le corps médical ou des instances professionnelles connues… ; preuve institutionnelle (dispositifs légaux et de gouvernance : absence de conflits d’intérêts par exemple) ; preuve symbolique touchant les représentations sociales et susceptibles d’être infléchies par une publicité pertinente et raisonnée… etc.
  2. Pour ce qui est de la confiance au sens de trust, l’adhésion à la marque et à ses valeurs se nourrira d’empathie et de proximité. Dans ce deuxième degré de la confiance, il s’agira non seulement de prouver la responsabilité et l’engagement sociétal de la marque, en exprimant clairement sa mission, ses valeurs et son brand purpose, au travers d’un storytelling attractif et nourri de preuves, mais aussi et surtout d’utiliser toutes les ressources de la technologie et des réseaux pour engager une conversation de qualité avec les consommateurs. Dans ce registre, les marques ne doivent pas hésiter à recours à des leviers émotionnels et à se rapprocher des centres d’intérêts de leurs publics, en prenant conscience que ceux-ci sont clairement hétérogènes.
  3. Pour ce qui est enfin de la confiance au sens d’accountablity, j’ai déjà consacré des articles complets à ce sujet :) Sur la transparence ou le degré de transparence attendue dans les informations et chiffres donnés au grand public, les entreprises et les marques doivent en effet être irréprochables et observer un certain nombre de règles data-déontologiques, bien exposées par Assaël Adary dans son ouvrage consacré justement à cette nouvelle discipline qu’est la data-déontologie. Je vous invite évidemment, pour ceux que cela intéresse, à consulter cet article-interview que j’avais consacré il y a quelques semaines à l’excellent ouvrage d’Assaël…

 

 

Notes et légendes : 

* Content Shock : L’expression « content shock » est utilisée pour désigner le fait que la production de contenus disponibles sur Internet augmente beaucoup plus vite que le temps et l’attention disponibles des individus à qui sont destinés ces contenus. Ce phénomène se traduit mécaniquement par une baisse de l’audience potentielle de chaque contenu produit et donc par une baisse de la rentabilité de la production de contenu. La baisse concerne non seulement l’audience mesurée par des indicateurs quantitatifs de types « pages vues » ou « portée sociale », mais elle concerne aussi souvent l’attention portée au message (défilement des fils d’actualités sociaux, etc). [Définition : Bertrand Bathelot]

 

Crédits photo et iconographie : 123RF, Microsoft, X, DR

 

Le langage, « parent pauvre » de la communication d’entreprise ?

effectIl y a quelques semaines, j’interviewais Jeanne Bordeau à l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage « Le langage, l’entreprise et le digital ». Il fut beaucoup question, dans cet entretien, de la révolution numérique et de cette autre révolution, celle du langage et du texte, que « deux décennies d’Internet couplées à l’explosion du web ont plus changé que des millénaires d’écriture » ¹.

Il fut aussi question, incidemment, de la manière dont les marques les plus inspirées et les plus inspirantes, telles Nike, Airbnb, Deezer, mais aussi Chipotle, Burberry, Ioma, Ubisoft ou Patagonia ont su s’adapter à cette nouvelle donne. Et comment elles ont su créer, au-delà de contenus de marque léchés et de storytellings efficaces, de véritables « mécosystèmes » : un langage puissant et différenciateur associé à des univers si intelligents et matricés que l’internaute n’a presque plus envie de les quitter…

Las, à l’autre bout du spectre des pratiques et dans une majorité d’organisations, force est de reconnaître que le langage est longtemps resté et demeure souvent le « parent pauvre » de la communication… Plus diplomatiquement et poétiquement sans doute, Jeanne Bordeau parle quant à elle du langage comme d’un « enfant oublié de la communication », mais le constat reste le même. Aussi déroutant et paradoxal que cela puisse paraître, comme le soulignait récemment Olivier Cimelière ² : tandis que « l’essence même de la communication est en principe d’émettre des messages, des idées, des convictions, des informations », poser un vocable dans un texte et insuffler une véritable puissance sémantique au langage de l’entreprise demeurent souvent des registres négligés… Au grand dam des défenseurs du « mieux dire », comme Jeanne Bordeau justement, qui ne cesse de promouvoir une langue qualitative, revivifiée et authentique, puisée au coeur même de l’activité quotidienne et des métiers de l’entreprise.

Tout en détaillant les symptômes et conséquences de cette regrettable négligence communicante, le BrandNewsBlog revient en deux temps (aujourd’hui et dès mardi prochain) sur les remèdes et recommandations présentés dans son ouvrage par Jeanne Bordeau, pour remettre si nécessaire votre entreprise sur les rails d’une langue signifiante, inspirée, et véritablement « orientée client ». Que l’auteure me pardonne d’ailleurs cette liberté : je me suis permis de résumer ses conseils en « 6 axes de réinvention du langage d’entreprise », que je vous propose de découvrir ci-dessous…

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Un langage souvent aplati et ankylosé, reflet d’une pensée « amidonnée »…

Dès les premières lignes de son ouvrage, Jeanne Bordeau n’épargne pas les entreprises, en évoquant avec quelle profonde tristesse elle découvrit leur communication, il y a deux décennies. « Dans les années 90, le langage des entreprises était aplati. Sur la forme, par le PowerPoint et sur le fond, par une pensée amidonnée. Les communicants avaient oublié que la langue est leur ressource première. Les gourous du management semaient au vent de grands concepts creux… ». Parler avec sincérité et franchise relevait alors de l’incongruité. Et rares étaient les hommes politiques ou les chefs d’entreprises à se risquer à sortir des « éléments de langage » soigneusement préformatés par leur équipe de com’.

20 ans après ce premier constat, la communication corporate a-t-elle changé ? Pas vraiment, si l’on croit l’auteure du « Langage, l’entreprise et le digital » et ses équipes de l’Institut de la qualité de l’expression.

Alors que le texte et l’écriture, depuis l’émergence d’Internet et le développement du digital, ont connu un bouleversement sans précédent (bouleversement que Jeanne Bordeau évoquait dans notre entretien, fin mars), et malgré la multiplication des canaux et des occasions de communiquer, c’est toujours avec la même douzaine de verbes et les mêmes tics langagiers qu’elles continuent pour la plupart de s’exprimer. Les « pouvoir », « devoir », « offrir », « proposer », « permettre », « mettre à disposition », « intervenir » semblent tenir lieu de passe-partout verbal aux entreprises, tandis que ces mots-valises usés jusqu’à la trame que sont « l’innovation », la « performance », le « développement » ou le « leadership » font encore florès dans les descriptions et « profils » qui parsèment les sites Internet et autres supports de présentation, qui, par voie de conséquence, ne se distinguent plus guère d’une entreprise à l’autre…

Quel paradoxe, au regard des évolutions technologiques, sociétales et comportementales de l’époque ! Par habitude, paresse intellectuelle ou manque d’ambition, un certain nombre d’organisations semblent avoir perdu le réflexe et jusqu’à l’envie d’apprivoiser puis de convaincre les consommateurs et pensent pouvoir les « fidéliser » à coup de formules brutales et incantatoires, en leur évitant (surtout) de trop réfléchir.

Reflet de ce manque d’imagination et d’ambition, tandis que « les champs des savoirs s’élargissent de façon exponentielle, le langage est [le plus souvent] réduit à la portion congrue de transmetteur minimum ! Un langage pauvre, étroit… pour transporter la richesse des idées d’une époque en perpétuel bouleversement ».

Autre illustration de ce conformisme langagier, l’emploi quasi-exclusif de l’affirmation, au détriment de l’interrogation et du questionnement notamment, ou bien encore le culte du présent, auquel les imparfaits et autres passé-composé sont sacrifiés dans les textes, de même que la disparition progressive des rappels chronologiques ou historiques, témoignent d’un réel appauvrissement des registres d’expression des entreprises et d’un manque de vision, à l’heure où chacun prétend pourtant vouloir se différencier de ses concurrents.

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A quand un vrai budget langage dans les entreprises ?

Si la question des moyens n’est sans doute pas la pierre angulaire ni l’unique déterminant du « mieux dire », ni de cette qualité d’expression dont Jeanne Bordeau a fait son cheval de bataille, elle est assurément révélatrice de l’intérêt que lui prêtent la plupart des entreprises.

« Le langage, combien de divisions ? » serait-on tenté de demander… Et bien pas tant que cela manifestement, où que l’on se trouve. Tandis que le moindre rebranding (sans même parler d’un changement complet d’identité graphique) mobilise des centaines de milliers ou des millions d’euros dans les plus grands groupes privés, sans que personne ne trouve à y redire ; tandis que des budgets presque aussi importants sont investis pour développer des chartes graphiques et en assurer l’application, qui pour réclamer une véritable charte sémantique d’entreprise, investir dans un planning stratégique en langage ou décider d’une posture éditoriale un tant soit peu cohérente ? Et quels budgets y consacrer ?

Sur ces questions, hélas, peu d’entreprises et de marques (à l’exception de celles que j’évoquais en introduction et quelques autres précurseurs) peuvent se targuer d’être véritablement exemplaires et à la hauteur des enjeux. Et peu nombreuses sont les structures à investir autant sur le fond et le contenu même de leurs messages que sur la forme ou en terme d’investissement média. Comme si chacune tenait pour assuré de produire un langage qualitatif, spécifique et différenciateur… à coût zéro ou presque.

6 conseils pour réinventer ou revivifier le langage de votre entreprise

Dans « Le langage, l’entreprise et le digital », Jeanne Bordeau ne livre pas de « recette » communicante. Fruit des recherches et des interventions des équipes de son Institut et de sa réflexion sur les évolutions du langage à l’heure de la révolution numérique, l’ouvrage n’est pas un vade-mecum sémantique ni un guide méthodologique. Pour autant, à la lecture de cet opus réussi et au fil de ses chapitres, tous plus judicieux les uns que les  autres, je n’ai pu m’empêcher d’en consigner par écrit les principaux enseignements.

Les six conseils qui suivent sont par conséquent le fruit de mes extrapolations personnelles, élaborées à l’aune de cette lecture stimulante…

Site corp Chili

=> Conseil n°1 : mesurer le chemin à parcourir et allouer un véritable « budget langage » aux directions communication. Peu de professionnels sont véritablement conscients de la qualité réelle des éléments de langage de leur entreprise/organisation. Souvent trop ankylosées, aplaties et « amidonnées », l’expression écrite et l’expression orale peuvent être cousues de stéréotypes et de messages creux, sans que les personnes en charge de les produire ne s’en rendent vraiment compte. Question d’habitude et de manque de recul, la plupart du temps. C’est la raison pour laquelle une phase de recueil et d’analyse des éléments de langage existants, menée idéalement par des experts extérieurs à l’entreprise, peut s’avérer très utile et et riche d’enseignements. Une fois connus les résultats de cet audit, il est toujours plus facile de poser un diagnostic et de définir les grands axes d’amélioration et les objectifs du travail sémantique à réaliser. 

« Cerise sur le gâteau », un véritable budget, à la mesure des efforts à accomplir et des objectifs définis, pourra être alloué pour financer la phase d’audit initiale puis la mise en place d’une charte sémantique par exemple. Cette enveloppe budgétaire peut d’ailleurs être pérennisée pour mener à bien les différents chantiers éditoriaux des mois et années suivantes.

=> Conseil n°2 : partir des hommes et femmes de l’entreprise, de leurs savoir-faire pour « mettre en récit » les métiers de l’entreprise... Conviction centrale et fondatrice, forgée au gré de 20 années de voyages et d’immersion au coeur des entreprises, Jeanne Bordeau ne manque pas de rappeler que « le mieux dire vient de l’intérieur ». Par cette expression, l’auteure du « Langage, l’entreprise et le digital » veut souligner « qu’une entreprise ne peut communiquer et se raconter de façon authentique qu’en partant […] de ceux qui la font vivre au quotidien ». Que ce soit chez Mumm, où Jeanne Bordeau raconte être allée avec ses équipes à la rencontre des gens de métier (vignerons, ouvriers de vigne, oenologues…) pour partager leur passion, leur exigence et leurs gestes métiers « à travers des témoignages vivants, émaillés d’expression spécifiques ». Chez SNCF, où, là aussi, les consultants de l’Institut de la qualité de l’expression se sont rendus sur le terrain, pour écouter les récits et anecdotes des cheminots (conducteurs, contrôleurs…). Ou bien chez Longchamp, maison de luxe dont les meilleurs ambassadeurs sont assurément les collaborateurs (stylistes, chefs d’atelier, équipes qualité…), dont la moindre expression prouve combien la marque est en quête perpétuelle de perfection et de créativité… l’objectif est toujours de puiser dans le patrimoine, l’histoire et le langage réel de la marque, dont la force et l’authenticité valent cent fois les dialectes ronronnants et sclérosés des discours « corporate ».

=> Conseil n°3 : …tout en écoutant et en décryptant, à part égale, les clients. Bien sûr, à travers l’écoute des collaborateurs et les immersions internes, il ne s’agit pas, pour autant, de se couper des perceptions et de la parole des clients et des autres parties prenantes de l’entreprise. Mais Jeanne Bordeau, en fervente adepte de Vineet Nagar et de son ouvrage culte « Employees First, Customers Second : Turning Conventional Management Upside Down », ne manque pas de souligner que ce sont ceux qui font l’entreprise, qui possèdent les meilleurs arguments pour la raconter. Et que la vraie valeur, dans l’industrie des services surtout, se crée le plus souvent « là où les clients et les employés interagissent ».

Rien d’étonnant, dès lors, que la vérité de la perception des produits et de la marque s’exprime le plus clairement au sein des services de la relation client, dont les équipes sont en dialogue permanents avec les consommateurs. Habitués à traiter, à la même hauteur, les réactions rationnelles et irrationnelles des clients et à répondre, en direct, aux méfaits d’un marketing parfois agressif et mensonger (surpromesses, contradictions flagrantes avec les engagements de l’entreprise…), le langage des professionnels de la relation client se fonde sur « la compréhension et le repérage des différents moments de vérité de cette relation : séduction, fidélisation, voire, quand la la relation s’envenime, reconquête du client ». A ce titre, les écrits de la relation client représentent souvent « l’excellence faite langage » de la marque, car ils doivent être clairs, exprimer les valeurs de l’entreprise et inciter à agir, « témoigner d’un art de vivre avec le client et ne pas se couper de l’engagement de l’entreprise et de ses dirigeants ». C’est sans doute pour cette raison que, chez ING ou vente-privee.com, l’écosystème de marque est avant tout fondé sur la qualité de la relation client et la justesse d’une écriture efficace signant le style de la marque.

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=> Conseil n°4 : se doter des bons outils, les plus pertinents au regard des objectifs et contraintes de l’entreprise (charte sémantique, language book, planning stratégique…). Promouvoir le « mieux dire » au sein et en dehors de son organisation, revivifier le langage de l’entreprise et rehausser la qualité d’expression de la marque : la réinvention du langage passe par un certain nombre d’étapes et la mise en oeuvre d’outils, certes différents d’un prestataire à l’autre, mais relevant globalement d’une même logique. Avec la « charte sémantique », invention de l’Institut de la qualité de l’expression, le principe est en quelque sorte d’élaborer un « code de la route en langage, qui autorise chacun à rouler sans accident », ainsi que le résume Jeanne Bordeau. Complément sémantique des autres chartes existantes (« charte graphique », « charte motion » pour les vidéos…), elle consiste à doter l’entreprise de codes de langage puissants et spécifiques, en commençant par faire émerger les atouts révélés et cachés de la marque, sur la forme comme sur le fond. Bâtie à partir d’un diagnostic sémantique, d’une matrice argumentaire et de la définition de codes sémantiques, elle définit l’identité sémantique de l’organisation et garantit une cohérence dans les écrits internes et externes.

De même que le « language book », dont l’ambition est d’harmoniser les flux de la parole numérique (au sein de groupes internationaux surtout) et dont la déclinaison doit être faite dans toutes les langues utilisées par l’organisation, le succès d’une charte sémantique repose sur la qualité de sa diffusion et du plan de déploiement qui l’accompagne. En dehors des supports papiers et numériques à proprement parler, il s’agit d’assurer l’appropriation par tous les publics internes de ces documents et des codes qu’ils définissent. Séminaires, ateliers de langage, formations au sein d’une université interne, tutoriels et autres « coocs » : tous les supports de diffusion peuvent y contribuer.

Mise en musique de ces différents codes sémantiques, face à la multiplicité des canaux et des occasions de communiquer, le « planning stratégique en langage » a quant à lui pour objectif d’organiser et d’harmoniser, de la manière la plus cohérente, les différentes prises de parole ainsi que les messages transmis par l’entreprise, quel que soit le support. Ce planning est aussi le garant de la qualité du storytelling transmédia de la marque, notamment, et de la cohérence de sa présence digitale.

=> Conseil n°5 : diversifier au maximum les registres et modes d’expression de la marque, pour promouvoir un langage d’entreprise plus riche. Dans son dernier ouvrage, Jeanne Bordeau regrette que « brand content » tende à devenir l’unique mode d’expression de l’entreprise… De fait, ces dernières années, les contenus amoureusement peaufinés pour les marques par des agences surtout soucieuses de répondre au déclin de la publicité traditionnelle, ont envahi nos écrans, nos journaux et notre temps de cerveau disponible. Au point de rendre le brand content incontournable et de supplanter, souvent, tous les autres champs d’expression habituels de la marque. Pourtant, la communication sur les valeurs de l’entreprise, sur ses traits de personnalité, ses engagements et sa politique RSE… contribue tout autant à doper la qualité du langage de l’entreprise que ces « contenus de marque artificiels à la facture souvent trop parfaite » que ne manque pas d’épingler Jeanne Bordeau… Quel que soit le contexte, il est en effet toujours payant de diversifier les registres et modes d’expression de la marque.

=> Conseil n°6 : privilégier la qualité à la quantité, rester authentique et penser son écosystème de messages « comme un corps tenu par un fil d’ariane « . Dans le « langage, l’entreprise et le digital », Jeanne Bordeau démontre parfaitement, notamment dans son chapitre sur l’écriture digitale, comment le web crée finalement un champ de discours et des opportunités de prise de parole infinies. Mais plus que jamais, « puisqu’on écrit en continu, une vraie stratégie de langage est nécessaire, qui relie tous les champs d’expression afin qu’ils ne s’entrechoquent pas ». D’où l’intérêt de ce planning stratégique en langage que j’évoquais ci-dessus, construit dans la durée, et qui réunit tous les champs de messages et ces champs d’expression. Car dans ce grand maelström de changements apportés par la révolution numérique, les entreprises peuvent facilement se diluer et « estomper la colonne vertébrale de leur pensée ». Face à cette course insensée des messages, il importe à la fois de rester authentique en respectant ses valeurs fondamentales, mais également de redonner du sens, créer un fil conducteur et des contenus porteurs de la spécificité de l’entreprise. 

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Et tandis que la quantité et la multiplication exponentielle des contenus entraîne une saturation qui érode l’attractivité de la marque, son pouvoir de séduction et de fidélisation, la qualité de l’expression devient un combat véritablement stratégique pour l’entreprise.  Plus que jamais, l’orchestration des contenus, la coordination des prises de parole et la constitution d’un écosystème de messages homogènes, sous-tendu par une vraie pensée, sont devenus des enjeux primordiaux. Car c’est bien cela, le digital maîtrisé, résume Jeanne Bordeau : « penser son écosystème de messages comme un corps tenu par un fil d’Ariane » et « orchestrer ses contenus pour raconter une histoire pertinente et fonder une expérience sincère et séduisante », car la dilution et la dislocation du langage ne sont en rien une fatalité !

 

Notes et légendes :

(1) « Dix ans d’avance : les fulgurances sémantiques et communicantes de Jeanne Bordeau… », 28 mars 2016 –  TheBrandNewsBlog 

NB : le livre de Jeanne Bordeau, « Le langage, l’entreprise et le digital » est sorti début avril 2016 et publié aux Editions Nuvis.

(2) [Bonnes feuilles] : « A l’heure du digital, les dirigeants sont les chefs d’orchestre du langage de l’entreprise », par Olivier Cimelière – Le Blog du communicant, 2 avril 2016

 

Crédits photos et iconographie : 123RF, Jane B / Jeanne Bordeau, TheBrandNewsBlog 2016, X, DR

 

 

Relations agences – annonceurs : la lune de miel n’est pas pour demain…

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Ah, les relations agences-annonceurs ! Que n’a-t-on dit et écrit sur cette délicate alchimie, susceptible d’accoucher des plus belles collaborations et campagnes de com’… comme des échecs les plus cuisants parfois, quand l’écoute et la compréhension mutuelles viennent à faire défaut.

… Autant dire que chaque fois que les représentants des uns et des autres se retrouvent, dans l’objectif louable de normaliser et d’optimiser leurs échanges, de proposer un cadre de fonctionnement et des règles de travail communes, toutes les agences et toutes les entreprises (ou presque) se trouvent potentiellement concernées. Et la presse professionnelle ne manque pas d’en parler, bien sûr.

C’est ce qui s’est passé l’an dernier, quand les principales organisations représentatives des agences de communication* et l’UDA (Union des Annonceurs) ont lancé en grandes pompes « la belle compétition », une initiative exceptionnelle visant à promouvoir « un cadre toujours plus vertueux pour les appels d’offres d’agences », dans le prolongement des guides de bonnes pratiques que ces mêmes associations avaient développé il y a quelque années.

« La belle compétition » : une démarche louable pour normaliser les appels d’offres…

Concrètement, pour ceux qui n’auraient pas entendu parler de cette initiative, « la belle compétition » est une charte, qui s’articule autour de trois engagements généraux : « transparence », « responsabilité » et « sincérité » et qui propose, pour chacun de ces engagements, des critères objectifs permettant de les mettre en œuvre dans les appels d’offres.

NB : on trouve la liste de ces engagements et des critères correspondants sur le site web (bien fichu) de « la belle compétition ».

Au moment du lancement de la charte (le 21 avril 2014 : voir ici le communiqué de presse), tous les acteurs intéressés, côté agences de communication et entreprises, étaient naturellement invités à la signer pour signifier publiquement leur adhésion à ces principes. La seule contrainte édictée une fois leur paraphe apposé était que « les signataires s’engagent à appliquer une part significative de ces critères dans les appels d’offres qu’ils conduisent ou auxquels ils participent, en se plaçant dans une démarche de progrès ».

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… mais une démarche qui fait pschitt ? 

Las, il appert au bout d’un an que « la belle compétition » n’a pas franchement séduit les acteurs des industries de la communication et de la création, c’est le moins que l’on puisse dire… Ce serait même un bide complet côté annonceurs, puisqu’on comptait à peine 13 entreprises signataires, à la date anniversaire du 21 avril 2015 (et le chiffre n’a pas bougé depuis : voir ici la liste intégrale des signataires de la charte).

Côté agences, c’est sensiblement mieux, même si on est très loin de faire le plein côté moyennes et petites structures, puisque les signataires seraient au nombre de 136, soit une proportion honorable des plus gros adhérents des associations citées ci-dessus…

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Comment expliquer un tel désintérêt, de la part des annonceurs ? (13 entreprises, cela représente à peine 6% des 200 adhérents revendiqués par l’UDA, elle même représentative d’une petite minorité d’organisations !). La collaboration entre agences et annonceurs souffre-t-elle le moindre effort de concertation et d’encadrement des pratiques ?

Pour la lune de miel entre agences et annonceurs, on repassera…

De fait, malgré l’excellence des principes et recommandations formulés dans la charte « la belle compétition », ceux-ci ont-ils réellement une chance de s’imposer sur le marché, au-delà des déclarations d’intention des uns et des autres et de l’intérêt particulier des agences ? Il est encore permis d’en douter…

Que les recommandations et engagements de cette charte puissent en effet être repris à leur compte par ceux qui répondent aux appels d’offres (comme l’obligation de communiquer à l’entreprise la structure de son actionnariat + la liste des clients potentiellement conflictuels ou bien l’identité des membres de l’équipe qui seront en charge du budget…) cela paraît d’autant plus faisable qu’il y va de l’intérêt bien compris des agences.

Mais comment, dans un contexte sans cesse plus tendu, contraindre en revanche les plus gros annonceurs à renoncer à certaines de leurs habitudes les plus ancrées, et à suivre ces recommandations de bon sens, sur la transparence, la responsabilité et la sincérité à respecter dans le cadre des appels d’offres ? 

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Pour beaucoup, la communication du nombre et surtout du nom des agences consultées, l’indication du budget ou d’une fourchette de budget dans le brief, la limitation du nombre d’agences finalistes et leur indemnisation ou bien encore l’obligation de concrétiser l’appel d’offres à son issue, demeurent de sérieux points d’achoppement… Car si la compétition doit être « belle », la plupart des annonceurs aiment à penser qu’ils en dictent encore strictement les règles et les modalités. Et la crise n’aidant rien, ils ont aussi du mal à renoncer à ce qu’ils considèrent parfois comme des marges de manoeuvre indispensables (s’engager sur la réalisation d’une prestation devient notamment moins évident, du fait de l’accélération des cycles de décision et des évolutions au sein des entreprises, etc).

On peut certes regretter ces conservatismes (et je suis le premier à le faire, pour avoir travaillé à la fois côté agence et annonceur) mais les règles du jeu et leur maîtrise par les entreprises, seront sans doute plus lentes à faire évoluer qu’on ne le pense.

De même, à la relecture du « Guide de la relation entre l’annonceur et l’agence-conseil en communication » produit (en 2005 !) par l’AACC et l’UDA, suis-je frappé du même sentiment paradoxal… Outre le fait que le document a sérieusement vieilli  (il est même complètement obsolète tant la réalité des métiers qu’il décrit a largement changé avec la transformation numérique des entreprises et des agences), on peut là aussi s’interroger sur l’application de ses recommandations par les agences et surtout par les annonceurs.

Avec la crise et la nécessité d’adapter plus rapidement leur stratégie aux évolutions incessantes de leurs marchés, les entreprises sont en quête de réactivité… et d’une souplesse accrue de la part de leurs partenaires. Et ont parfois du mal à préserver des méthodes de travail et autres « règles de savoir-vivre » qui autrefois coulaient de source.

Ces changements ne sont pas systématiquement porteurs d’une dégradation de la relation annonceurs-agences, mais d’une pression et d’une tension accrues au quotidien, assurément.

Loin de renier l’intérêt des bonnes pratiques et des chartes dans nos métiers, je pense donc au contraire qu’il faudrait en faire une réflexion permanente au sein des entreprises, comme des agences, pour s’assurer que les règles de collaboration sont bien écrites quelque part et en phase avec la réalité des besoins et l’évolution des méthodes de travail de chacun.

Cette indispensable vérification faite, il est évident que le rappel et le respect de règles simples, souvent de bon sens, comme celles énumérées par la charte « la belle compétition » restent indispensables pour que le capital de confiance entre les annonceurs et leurs agences ne disparaisse pas sous la pression croissante du quotidien et d’objectifs sans cesse plus ambitieux.

Annonceurs qui me lisez, si vous ne la connaissez pas encore, n’hésitez pas à aller découvrir cette charte que je viens d’évoquer. Et à la signer si vous en partager les recommandations : celle-ci peut faire partie intégrante de votre politique RSE d’entreprise, preuve que la com’ aussi peut se montrer exemplaire ;-) !

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Légende :

* Les organisations représentatives des agences qui se sont associées pour plancher sur les règles et critères de la charte « la belle compétition » sont : l’AACC, Association des Agences-Conseil en Communication ; l’ADC, Association Design Conseil ; l’ANAé (Association des agences de communication événementielle), le SYNTEC Conseil en Relations Publics et l’UDECAM (Union des Entreprises de Conseil et Achat Média) ;

 

Crédits photos : La Belle Compétition, AACC, UDA, Lego, X, DR

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