Nous y revoilà. « Enfin », diront peut-être quelques juilletistes, « déjà » soupireront sans doute les aoûtiens… Pour celles et ceux qui auraient encore des doutes, les vacances estivales sont bel et bien terminées. Avec la rentrée scolaire ce matin et le retour au travail de l’essentiel des « masses laborieuses », chacun.e s’apprête à retrouver cette ambiance électrique si caractéristique du mois de septembre…
A pareille époque les années passées, je ne manquais pas de vous proposer quelques « bonnes résolutions » de mon cru : 5 en 2015, 6 en 2016 , 7 en 2017… Il aurait donc fallu en toute logique que je vous en livre 9 aujourd’hui, et pourquoi pas 20 en 2020 ?
Comme je n’avais pas vraiment le compte je vous l’avoue et que rien ne sert de galvauder un rendez-vous éditorial, je vous épargnerai une telle litanie. Et j’avais davantage envie, en guise de rentrée du BrandNewsBlog, de partager avec vous le fruit de quelques réflexions et ce que j’ai retenu pour ma part des semaines écoulées.
A cet égard, était-ce une vision toute personnelle ou bien la trace laissée par mes dernières lectures d’été, j’ai trouvé ces deux derniers mois à la fois détonnants et souvent angoissants…
Ô certes, partir en vacances avec sous le bras des ouvrages comme l’excellent L’archipel français de Jérôme Fourquet, No society de Christophe Guilly, Le bug humain de Sébastien Bohler, La Comédie inhumaine de Nicolas Bouzou et Julia de Funès, L’Amour sous algorithme de Judith Duportail ou le roman Transparence de Marc Dugain relevait peut-être du masochisme, quand j’y repense… Mais les infos estivales et la lecture des premiers magazines de rentrée n’ont fait que confirmer cette impression : nous sommes bien à un tournant de l’histoire de nos sociétés. Un de ces moments clés à partir desquels plus rien ne sera plus comme avant. Et les conséquences de ces mutations dont nous sommes toutes et tous témoins aujourd’hui impacteront profondément notre environnement, la vie de nos entreprises et notre manière de travailler et de considérer nos métiers, à tout le moins.
Truismes, me direz-vous ? Une chose pour moi est certaine : le constat de l’urgence climatique, le contexte politique et économique de plus en plus incertain, l’accélération des transformations technologiques et sociétales tout autant que l’ébauche d’une régulation des GAFA ou les dernières évolutions de la communication annoncent un véritable changement d’époque. Et il appartient à chacun d’entre nous d’en prendre conscience et de s’y adapter au plus vite.
Dans ce nouveau contexte, les gouvernements et les institutions continueront bien sûr d’avoir un rôle à jouer. Mais face à leurs tergiversations, leurs désaccords ou leur incurie, il est tout aussi évident que les citoyens – chacun d’entre nous donc – et les principaux acteurs économiques, devront prendre le relai. En prenant leurs responsabilités et en annonçant un triple engagement environnemental dans le cadre d’un « Fashion Pact », en phase avec leur « raison d’être », 32 entreprises du secteur du luxe se sont distinguées cet été. C’est un premier pas. Mais elles n’ont pas été les seules à faire des annonces, loin s’en faut, et je suis persuadé pour ma part qu’une partie de la solution à la crise de société que nous vivons reposera sur l’engagement des entreprises et de leurs collaborateurs.
Voici ci-dessous les réflexions que j’avais envie de partager avec vous en cette rentrée. Pardon d’avance pour le ton si sérieux de cette première tribune : la saison 7 du BrandNewsBlog n’en est pas moins lancée et j’espère que vous aurez plaisir à en découvrir les prochains épisodes ainsi que les surprises que je vous ai concoctées :-)
D’ici là, bonne lecture de mon article du jour et bonne rentrée de septembre à toutes et tous !
Un été 2019 lourd de menaces géopolitiques, économiques et environnementales
C’est connu : qui veut avoir la paix et souhaite se déconnecter un minimum l’été doit impérativement commencer par débrancher son smartphone… Et nous sommes (malheureusement) très peu à le faire.
Aussi bien, dès que nous l’allumons et que nous en consultons la page d’accueil, nous ne manquons pas de tomber sur ce chapelet de nouvelles présélectionnées pour nous par un algorithme dont on devra tôt ou tard étudier l’effet sur notre cerveau : catastrophes planétaires, polémique du jour, crimes, anecdotes et autres faits divers choisis pour leur sensationnalisme ou pour leur taux de lecture potentiel… Difficile d’échapper à cette fenêtre à la fois réductrice, subjective et souvent anxiogène à souhait !
Mais quand par ailleurs d’aussi nombreux médias, auteurs, éditorialistes et romanciers convergent dans leur description du réel et nous renvoient les mêmes signaux d’alerte, rien ne sert de s’enfouir la tête dans le sable ni de crier au complot politico-médiatique : le monde change sous nos yeux et il faut en prendre conscience.
Il est vrai que pour les Cassandre de tous poils, adeptes de la théorie du déclin et autres collapsologues, les grands évènements de cet été auront largement contribué à alimenter leurs sombres présages…
Sans revenir sur la polémique stérile soulevée par l’intervention de Greta Thunberg à l’Assemblée Nationale (l’important était-il la messagère ou le message ?), les derniers rapports convergents du GIEEC, le constant alarmant de la fonte des glaces et les gigantesques incendies de la forêt Amazonienne auront eu le mérite de faire émerger le concept « d’urgence climatique » à la Une de tous les médias cet été, chacun pouvant désormais en mesurer les conséquences concrètes, ne serait-ce qu’à l’aune de cette énième canicule que nous avons vécue.
Reprises de la course à l’armement et à l’espace, conflits d’intérêts autour du Groënland, guerres douanières, crises migratoires, multiplication des tensions internationales sur fond de montée des populismes, menaces d’éclatement de la bulle financière mondiale… Toujours brillant dans ce registre alarmiste, Jacques Attali nous voyait début août « Sur une poudrière, une fois encore », dénonçant l’inconscience des peuples et des gouvernements, les dangers du repli et du chacun pour soi à l’heure d’affronter de si grands enjeux et brandissant la menace « d’une crise encore plus grave que les précédentes, parce qu’elle sera à la fois financière, commerciale, écologique et militaire »… Aïe, rien que cela !
Au demeurant, il faut dire que l’actualité de nos secteurs de la communication et du marketing n’était pas toute rose non plus cet été…
Transformation accélérée des économies et des entreprises, bouleversement des modèles économiques : les secteurs de la communication et du marketing doivent faire leur mue
Je vous le promets : en lieu et place de mes bonnes résolutions habituelles, je ne compte pas allonger à l’infini la liste des menaces et autres faits anxiogènes à l’aube de cette rentrée.
En ce qui concerne l’actualité des médias et de la communication, je me contenterai donc de vous renvoyer à l’éditorial de Gilles Wybo dans la dernière édition du magazine Stratégies ou bien à la tribune de Mercedès Erra, dans le même journal.
Tandis que le premier évoque notamment « l’été meurtrier » de la presse française, énumérant les centaines d’emplois aujourd’hui supprimés ou directement menacés dans la presse locale et nationale (du groupe Ebra à l’Humanité ou L’Express, en passant par le groupe Sud Ouest), la seconde, face à la mauvaise passe traversée par les professionnels de la publicité et par les agences, n’hésite pas à en appeler à de véritables « Etats Généraux de la communication », pour repenser la relation agences-annonceurs et redéfinir des modalités de collaboration profitables à tous…
Un voeux pieux, sans doute, mais qui en dit long sur le changement d’époque dont je parlais en introduction : plus que jamais en effet, chacun des acteurs est invité – de gré ou de force – à reconsidérer son modèle et à repenser sa valeur ajoutée, à l’aune des nouvelles attentes de ses publics (pour la presse) et des exigences accrues de ses clients (pour les agences), le critère du retour sur investissement et la nécessité de sa mesure s’imposant partout comme le plus petit dénominateur commun de chacune de nos actions désormais…
Face à la crise, des entreprises qui prennent leurs responsabilité… et l’importance croissante de la raison d’être pour engager clients et collaborateurs
Je vous parlais en introduction de « raison d’être » et d’entreprises responsables. Si les prises de parole sur le sujet se sont multipliées ces derniers mois, depuis la promulgation de la loi Pacte en particulier, une des marques les plus dynamiques et LA plus présente sur le sujet cet été aura été incontestablement la Maif. Et on ne peut qu’en féliciter ses dirigeants, qui depuis des années se sont intéressées à la raison d’être, un engagement complètement en ligne avec leur positionnement historique d’assureur militant.
Non content de « dégainer le premier », en annonçant dès le 22 mai son intention de transformer le groupe qu’il dirige en entreprise à mission, Pascal Demurger (directeur général de la Maif) aura aussi largement trusté l’espace médiatique depuis la fin mai en lançant son pavé dans la marre : « L’entreprise du XXIème siècle sera politique ou ne sera plus », un livre en forme de profession de foi qu’il a été invité à présenter et commenter un peu partout depuis sa publication.
Limpide et particulièrement cohérent, l’ouvrage – synthétisé ici avec brio par Luc Bretones – dresse dès l’introduction le constat des limites d’un développement économique et technique basé uniquement sur la logique capitaliste qui a prévalu depuis deux siècles. Face aux nombreux enjeux de société que j’évoquais ci-dessus et aux nouvelles attentes des parties prenantes (clients, collaborateurs, société environnante…), qui souhaitent que l’entreprise s’engage davantage et dépasse la simple quête du profit, les marques doivent enfin assumer pleinement leur dimension politique… ou tout simplement disparaître, selon le DG de l’assureur militant. Un engagement fort qui se traduit par des actions concrètes et va bien au-delà de la seule communication en étant désormais inscrit dans le projet de l’entreprise, voire dans ses statuts comme s’apprête à le faire la Maif.
Invité à préfacer l’ouvrage, Nicolas Hulot se réjouit de cette nouvelle perspective, car pour lui la raison d’être de l’entreprise doit tout simplement concourir à l’épanouissement humain et à une société plus juste : « Il est plus que temps de remettre les choses dans le bon ordre : c’est-à-dire l’économie au service de l’homme, du progrès et du bien commun. De cette ambition, à la fois déraisonnable et incontournable, l’entreprise doit prendre toute sa part, comme nous y invite Pascal Demurger ».
Mais dans ce registre de l’engagement et sur cette thématique de la raison d’être, il serait injuste de ne parler que de la Maif, car de nombreuses autres entreprises se sont signalées cet été, ainsi que je l’indiquais en introduction.
Réputé pour être l’un des secteurs les plus polluants au monde, de par son usage intensif des pesticides et de produits chimiques notamment, l’industrie textile s’est enfin mobilisée cet été, sous la houlette de François-Henri Pinault, en dévoilant en amont du G7 de Biarritz un « Fashion pact » destiné à réduire l’impact environnemental de la filière.
Si cette charte, signée par 32 grands groupes de la mode, est non contraignante à ce stade et se borne à lister trois champ d’action pour « atténuer le changement climatique et s’y adapter », elle sera suivie de nouvelles réunions des signataires cet automne pour préciser le type d’actions et de mesures qui ont pourront être prises par les uns et les autres. Et elle constitue une première par son ampleur, car au-delà des entreprises signataires, ce sont près de 147 marques du textile qui se sont ainsi engagées pour la première fois à limiter leurs impacts sur l’environnement et à lutter véritablement contre le réchauffement de la planète.
Conscient des réserves formulées par les ONG et du risque de « greenwashing », dans le cas où les marques signataires choisiraient d’en rester à un engagement de façade, François-Henri Pinault en appelle d’ailleurs au pouvoir de sanction des consommateurs et des citoyens, plutôt qu’à la force contraignante de la loi.
Dans les deux cas, que ce soit à la Maif ou au sein de l’industrie textile, ce sont en effet les parties prenantes qui resteront les meilleures juges de la sincérité et la véracité des engagements pris et du nouvel élan donné à l’entreprise. Gare en effet à celles et ceux qui ne joueraient pas le jeu, car le temps de l’impunité est terminé et les dégâts collatéraux en termes d’image pourraient être dévastateurs pour les organisations incincères aussi bien que pour leurs dirigeants.
Le nouveau rôle des marketeurs et des communicants dans ce changement d’époque…
Plus agiles que jamais, plus à l’écoute des évolutions sociétales et des attentes des différents publics, il appartient aux marketeurs et aux communicants de prendre d’abord conscience de l’ampleur des changements qui s’annoncent.
Désormais comptables des résultats de leur action, il ne pourront plus s’affranchir de mesurer les résultats concrets de leurs actions, en identifiant dès le départ les Key Performance Indicators les plus adaptés suivant l’objectif poursuivi et par typologie de média.
Garants de la bonne compréhension de la stratégie et de l’appropriation de la mission et de la raison d’être de l’entreprise par les collaborateurs, il revient aussi aux marketeurs et aux communicants d’identifier les actions et les axes d’engagement sur lesquels communiquer, en les rendant également lisibles et attrayants pour les consommateurs. Cela suppose de s’intéresser réellement aux politiques et actions RSE de l’entreprise et de développer une communication à la fois pédagogique et créative, loin des rapports RSE indigestes et autres listes de chiffres clés à la Prévert.
Enfin, les marketeurs et communicants doivent à leur tour s’approprier les principes et bonnes résolutions d’un marketing responsable. Pour ce faire, ils.elles doivent identifier tous les impacts de leur activité sur leur environnement et sur leurs publics et commencer à prendre des engagements concrets et mesurables d’amélioration, que ce soit en rationalisant les contenus et occurrences de diffusion de leurs messages, en mettant en oeuvre un langage plus compréhensible et plus clair adapté à leur cible ou en veillant à promouvoir des évènements plus éco-responsables, pour ne citer que ces exemples.
Car il en va de notre responsabilité collective d’améliorer réellement la situation au sein de nos entreprises et de contribuer à leurs engagements, en montrant évidemment l’exemple aux autres directions et services en interne… sans quoi il sera bien difficile de les convaincre de la portée et de sincérité de cette mission et cette raison d’être qu’on entend promouvoir.
Crédits photos : 123RF, The BrandNewsBlog 2019
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