Classements, RP et autres « awards » : les blogueurs pas forcément à la fête…

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Difficile. Oui, vraiment difficile cette semaine de reprendre le blogging comme si de rien n’était ou presque. J’avais prévu de revenir, mercredi ou jeudi dernier, sur la cérémonie des Golden Blog Awards, à laquelle je venais de participer. Et de remercier, par la même occasion, tous ceux et celles qui ont bien voulu soutenir le BrandNewsBlog durant ce concours. C’était évidemment avant de vivre, par médias interposés, les évènements abjects de ce vendredi 13/11, qui resteront à jamais gravés dans nos mémoires, et de voir notre jeunesse meurtrie (cf photo ci-dessus).

Une petite semaine à peine s’est écoulée depuis la remise des « GBA 2015 », qui m’a semblé une éternité, tant les attentats du 13 novembre et les évènements de ces derniers jours ont accaparé nos esprits. C’est pourtant avec ce sujet dérisoire et bien superficiel des classements et autres « awards » que j’ai choisi de reprendre aujourd’hui le collier, en espérant que vous me pardonnerez cette légèreté.

Que les organisateurs des Golden Blog Awards et les autres acteurs évoqués ci-dessous ne s’offusquent pas trop de mes critiques ci-dessous, qui se veulent constructives. C’est que, quoiqu’on en dise, après avoir évoqué il y a quelques semaines la bonne santé du blogging, je reste surpris de l’attention toute relative portée aux blogueurs et aux autres influenceurs. Car derrière les intentions et belles déclarations, les évènements et classements dédiés font souvent pschitt. Et les professionnels des RP, tout autant que les marques, demeurent pour la plupart assez maladroites dans leur approche de ces (pas si nouveaux) relais d’opinion. Tour d’horizon des doléances et points à améliorer selon moi, pour une meilleure prise en compte de ces publics encore mal connus…

Retour sur les Golden blogs Awards 2015 : une fête des blogueurs un brin surfaite 

Première illustration de mon propos : le concours des Golden Blog Awards, dont l’ambition est de désigner chaque année les meilleurs blogs français parmi une dizaine de milliers de participants. Après avoir inscrit le BrandNewsBlog à cette compétition début octobre, j’ai eu l’honneur d’être shortlisté parmi les 10 blogs finalistes de ce concours dans la catégorie « Economie et marketing » et de participer à la soirée de remise des prix, le 10 novembre dernier.

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Je dois avant tout cette sélection, il faut le rappeler, à la mobilisation des lecteurs et soutiens qui ont bien voulu voter pour mon blog, ce dont je vous remercie tous très chaleureusement. En tête des candidats les mieux « propulsés » sur les réseaux sociaux, tout au long du mois d’octobre, le BrandNewsBlog aura au passage bien contribué à la promotion de l’évènement et du hashtag #GBA6, au même titre qu’un certain nombre d’autres participants au concours.

Veni, vidi, vici… e arrivederci !

Las, c’est à partir de là que les choses se sont gâtées… Non contents de dévoiler les shortlists de blogs finalistes avec près d’une semaine de retard, les organisateurs de ces GBA 2015 auront mis près de deux semaines à confirmer leur invitation aux participants à la soirée, la plupart des blogueurs sélectionnés recevant leur précieux sésame à peine 2 jours avant la cérémonie (merci pour les blogueurs de province !).

Manifestement dépassés par l’ampleur de leur propre évènement (une constante a priori chaque année, ce qui en fait sans doute le charme), les organisateurs dévoilaient un peu « à l’arrache » une liste de 15 jurés (contre plus de cent l’an dernier) chargés de départager en quelques jours les 200 blogs finalistes. Bonjour la gageure… Résultat des courses : le palmarès a été révélé la semaine dernière, avec son lot habituel de surprises et de déceptions (je ne reviendrai pas là-dessus, d’autant que je serais pour le coup juge et partie, et c’est le propre de tout concours). Mais à noter que les participants attendent toujours le décompte des votes et les classements finaux, qui devaient être publiés par les organisateurs dans la foulée de la soirée…

Bref : vous l’aurez compris, le BrandNewsBlog ne l’a pas emporté dans sa catégorie (et il n’aurait sans doute pas pu y prétendre), mais en ce qui me concerne, je ne suis pas prêt de me réinscrire à ce genre de concours et ne le recommanderais pas nécessairement à d’autre blogueurs. Si la soirée des GBA en elle-même était plutôt grandiose (et du coup assez décalée avec l’organisation de la compétition), je ne saurais trop recommander aux organisateurs de faire preuve pour les éditions à venir d’un minimum de transparence à toutes les étapes de leur concours. Et de prêter davantage attention aux participants, au-delà des 20 lauréats qui sont mis en avant. Cela serait au moins un bon début. Choisir un jury un peu moins « bling-bling » serait sans doute une autre piste d’amélioration, avec des personnes ayant un minimum de connaissance des différentes catégories jugées, comme c’était le cas les années passées.

Soyons clairs : utiliser les blogueurs comme produits d’appel vis-à-vis de marques sponsors ne me choque pas, au contraire. Les Golden Blog Awards, autoproclamés « Evènement blogueurs de l’année » constituent sans conteste une des plus belles initiatives en ce sens. Encore faudrait-il traiter les candidats avec un minimum d’intérêt et d’égards… et être irréprochable sur la partie concours. De ce point de vue, il me semble qu’il reste beaucoup à faire. Mais ce n’est que l’humble avis d’un petit blogueur de province, bien entendu ;-)

La fin du classement Teads/ebuzzing/wikio : pour la mesure de l’influence, vous repasserez…

Teads labs : pour beaucoup d’entre vous, ce nom ne dira peut-être rien. Il faut dire que la plateforme, spécialisée dans les services et solutions pour le marché de la vidéo en ligne, a déjà changé à deux reprises de nom, passant de Wikio à Ebuzzing, puis de Ebuzzing à Teads.

Depuis une dizaine d’année, Wikio/Ebuzzing/Teads proposait en complément de ses différent services un classement exclusif des blogs les plus influents dans une quarantaine de domaines : auto, beauté, culture, cinéma, marketing, sciences de l’information, etc.

Comptabilisant le nombre de liens reçus par chaque blog, le nombre de tweets et de partages sociaux ainsi que le nombre de publications mensuelles (entre autres), il était devenu au fil des ans le classement de référence des blogueurs et de tous les professionnels des médias sociaux, connaissant son apogée à la fin des années 2000. Chaque nouvelle édition de ce ranking mensuel était alors attendue fiévreusement et largement relayée par les blogueurs eux-mêmes…

Malheureusement pour les blogueurs, la société Teads a décidé cet automne de ne plus mettre à jour ce classement, dont la publication n’entre plus vraiment il est vrai dans son coeur de métier ni dans le scope de ses nouveaux business. Pour tous les blogs référencés, le classement restera donc figé au mois de septembre 2015, une nouvelle plutôt triste au regard de la notoriété et de l’utilité de ce classement pour tous ceux qui s’intéressent au blogging et à la mesure de la fameuse « influence » des médias sociaux.

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Alors certes, on me dira que ce classement, qui prétendait attribuer un score à la capacité des blogs à faire caisse de résonance sur un sujet donné, était sujet à caution… De par les critères plutôt quantitatifs retenus et du fait que seuls les blogs inscrits y étaient évalués, il était en effet (et nécessairement) incomplet. Sa côte de popularité auprès des blogueurs avait également fléchi ces dernières années, sans pour autant que ce ranking soit vraiment remplacé ni dépassé par aucune initiative concurrente.

Au final, les blogueurs se retrouvent donc un peu orphelins et bien seuls dans le déserts. Tout aussi discutable qu’il ait pu être aux yeux de certains, ce ranking avait d’abord le mérite d’exister, permettant à chaque auteur de « challenger » la qualité de ses contenus et la pertinence de son concept, au-delà des outils statistiques habituels utilisés par tous. Une disparition qui laisse tout de même songeur quant à l’état de santé réel de la blogosphère, dont j’ai récemment souligné qu’il restait excellent, en termes de richesse et de variété des contenus, et même en terme d’audience… Mais le manque d’outils et de suivi ne signale-t-il pas le « début de la fin » ? Je ne manquerai pas de revenir sur le sujet, d’ici quelques temps.

Blogueurs, youtubeurs, instagrameurs… : des influenceurs souvent méconnus et peu/mal adressés

Je ne vais pas rentrer ici dans de longues considérations sur les thématiques de la mesure de l’influence ni du statut (réel ou fantasmé) des influenceurs. J’ai déjà eu l’occasion de consacrer plusieurs billets à ces sujets (notamment ici) et y reviendrait bien volontiers ultérieurement.

Non, le « coup de gueule » du jour, je le consacrerai plutôt au traitement réservé aux blogueurs et influenceurs par les marques, par les agences dites digitales ou « social media » et par les professionnels des relations publics… De fait, et ce n’est là qu’une observation personnelle à l’aune des propositions et sollicitations qui me sont adressées (que je me garderai bien de trop extrapoler), il me semble que les pires pratiques l’emportent encore aujourd’hui sur les meilleures, le plus souvent.

Communiqués de presse adressés en masse, sans prendre le soin d’étudier les spécificités, centres d’intérêt, rythme de publication et éventuelle charte éditoriale des blogs ciblés ; invitations des blogueurs ou influenceurs de province sans prise en charge des frais de transport ou d’inscription, matraquage publicitaire et autres offres commerciales déplacées… les ficelles utilisées par de nombreux professionnels restent souvent grosses… et peu adaptées. Une minorité de requêtes/propositions s’avérant ciblées ou un minimum personnalisées.

Alors certes, une sollicitation reste toujours flatteuse et je précise qu’en ce qui me concerne, je suis loin d’être « harcelé », contrairement aux blogueurs et influenceurs connus (sur des sujets « lifestyle » notamment), auxquels les marques et agences consacrent sans doute beaucoup plus d’attention. En tout cas je l’espère ! Mais pour en avoir discuté avec plusieurs d’entre eux et avoir lu le témoignage de certains autres, je ne pense pas hélas que leur constat soit très éloigné du mien.

Alors, messieurs les professionnels des RP et autres experts social media, même si je me garderai bien de vous mettre tous dans le même sac, car il y en a parmi vous d’excellents bien sûr : encore un petit effort collectif de pédagogie en la matière et demeurez vigilants… Car les vieilles habitudes des RP de papa reprennent vite le dessus, par manque de temps ou de moyen sans doute. Mais elles peuvent évidemment être préjudiciables à l’image des marques et de leurs agences, alors autant essayer de faire un tout petit peu mieux, non ?

 

Non, le blogging n’est pas mort. Il se porte à merveille. Et voici pourquoi…

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Bah : combien de fois ne l’a-t-on pas annoncée, cette mort des blogs et du blogging ? Des dizaines ? Des centaines ?? Moi je dirais plutôt des milliers… Et encore, je dois être loin du compte ! A ce titre, le billet récent du journaliste Vincent Glad, « Les blogs sont morts. Voici leur histoire »s’inscrit en réalité dans une tradition éditoriale bien française. Celle de l’article décliniste. Du post « mortifère ». Vous savez : ce genre de papier dans lequel on s’éclate à déboulonner l’une après l’autre les statues de commandeur, à tuer symboliquement tout ce que l’on a pu aduler hier, car au passage, cela fait vendre… Ou plus précisément : cela permet de faire des contenus aux titres ronflants, dont on est à peu près sûr qu’ils susciteront le buzz et le partage sur les réseaux sociaux.

Au demeurant, je suis injuste. Car le post de cet ancien collaborateur de 20 Minutes, Slate.fr et Canal + est plutôt bien fichu en définitive et mérite d’être lu. Son analyse de l’évolution du blogging est souvent pertinente et on ne peut que souscrire à son constat de départ : celui de la toute puissance des réseaux sociaux en matière de diffusion à l’heure actuelle, qui a relégué depuis longtemps les blogs au rang de simples plateformes de production et de publication de contenus… Il y a belle lurette en effet que les conversations ne partent plus principalement / plus vraiment de la blogosphère, mais majoritairement des réseaux : Facebook, Twitter, Linkedin, Pinterest, Instagram & consorts… en premier lieu.

Pour autant, on aurait évidemment grand tort d’enterrer trop vite les blogs et les blogueurs / blogueuses. Car c’est une autre évidence : jamais ceux-ci n’ont été aussi valorisés et sollicités par les médias et par les marques, qui eux-mêmes se sont empressés, depuis un moment, de créer leurs propres blogs. Et, à moins de considérer qu’il ne soit lui même un incorrigible nostalgique, Vincent Glad serait aussi plus crédible dans son arrêt de mort s’il ne concluait son article (du blog de Libé) en précisant qu’il est lui même blogueur et en renvoyant vers son site !

… C’est que le blogging, quoiqu’on en dise, demeure un formidable vecteur d’influence. Et, loin de se tarir ou de voir ses formes et règles dépérir, il n’a cessé jusqu’à aujourd’hui de se diversifier, de se renouveler et de développer cette influence.

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Pour la nécrologie du blogging, repassez dans dix ans !

Oh là : vous allez dire que je m’emballe du blog orbital ? Que je suis juge et partie et me laisse emporter par mon enthousiasme ? Que nenni ! Avant de nous résoudre à la disparition du blogging, ressortons nos classiques. Et pourquoi pas ce bon vieux « Cours de médiologie générale », pour commencer ? Dans cet ouvrage précurseur de la « théorie des médiations techniques et institutionnelles de la culture », Régis Debray nous rappelait il y a quelques années que la plupart des médias et médiations qui ont vu le jour depuis l’origine de l’homme se sont « empilées » les unes sur les autres, et que très peu ont disparu, en définitive.

Sauf relégation définitive d’Internet, et sans aller jusqu’à leur prédire une vie éternelle, les blogs et autres précurseurs du web 2.0 devraient donc continuer leur carrière un petit moment. A moins d’être supplantés techniquement et fonctionnellement par des plateformes rendant de bien meilleurs services. Ce qui n’est pas nécessairement le cas aujourd’hui.

S’il était besoin d’une preuve de la bonne santé des blogs et du blogging d’ailleurs, il suffit de se référer aux quelques statistiques disponibles à ce sujet (elles ne sont pas si nombreuses que cela, hélas). Avec quelques 200 millions de blogs et plus de 3 millions de nouveaux blogs créés par mois, il n’y a jamais eu autant de ce type de pages web dans le monde, même si les plus fortes années de croissance semblent loin. Particulièrement représentée dans les classements (4ème rang mondial en nombre de blogs après les Etats-Unis, la Chine et le Japon), la France demeurerait championne du monde du nombre de blogs par internaute¹. Et pas moins de 45% des internautes français consulteraient régulièrement un blog, un chiffre en constante progression ces dernières années².

Autre indicateur de la résilience des blogs, dans notre pays tout particulièrement : le succès des concours de blogs. Le plus célèbre d’entre eux, les Golden Blog Awards vient à peine de débuter il y a 10 jours qu’on dénombre déjà plus de 1 750 blogs inscrits dans les différentes catégories, pour une remise de prix prévue début novembre ! Un succès qui n’a pas manqué d’attirer les médias et les annonceurs, heureux d’associer leur image à ces influenceurs de plus en plus incontournables que sont devenus les blogueurs et blogueuses, comme la phénoménale Marie Lopez alias EnjoyPhoenix (1,5 millions d’abonnés sur YouTube), qui vient d’inscrire son blog beauté au concours, dans la catégorie « Lifestyle ».

Les blogueurs & blogueuses, au top de leur influence ?

Alors que vient de s’achever la Fashion week parisienne, on a encore pu mesurer, très concrètement, quels progrès incroyables les blogueurs et blogueuses ont pu accomplir ces dernières années en terme d’influence, dans certains secteurs tout particulièrement.

Dans celui de la mode, les « blogueuses-instagrameuses » Chiara Ferragni (4,5 millions d’abonnés sur Instagram), Aimee Song (2,6 millions d’abonnés) ou encore Léandra Médine (1 million d’abonnés) font un peu la pluie et le beau temps. Les défilés qu’elles couvrent via Intagram, les conseils, critiques et recommandations qu’elles formulent sur leur blog générant désormais davantage de business que la publicité ou les achats de la clientèle des Emirats (voir à ce sujet l’excellent billet de Géraldine Dormoy).

Et cette influence croissante, qui s’exprime le plus complètement via leur blog, devenu site et ressource de référence, les blogueurs-influenceurs l’exercent de manière de plus en plus forte sur tous les sujets dits « lifestyle », devenant souvent incontournables pour les médias et marques qui opèrent sur les marchés correspondants. Mode, beauté, voyage, tourisme, cuisine & gastronomie, automobile, loisirs… Dans chacun de ces secteurs, leur pouvoir de prescription a de moins en moins d’équivalent. Et ce n’est donc pas un hasard si la quasi-totalité des blogueurs-stars sont des blogueurs « lifestyle », leurs avis et analyses ayant le plus de poids dans ces domaines, évidemment.

Les blogueurs & blogueuses sont-ils devenus plus influents que les médias ?

… Telle est la question qui nous fut posée il y a 10 jours, à moi et à Caroline Baron, marketing manager chez Augure, dans le cadre d’une émission de Sud Radio³. Question un peu « tarte à la crème » et surtout piégeuse, tant il s’avère hasardeux d’y apporter une réponse tranchée, et on va voir ci-desssous pourquoi.

Malgré ce que je viens d’exposer au sujet des blogueurs « lifestyle », dont l’influence et le pouvoir de prescription sont devenus incontournables, comment ne pas souligner, en effet et pour commencer, que les frontières entre journalisme et blogging sont devenues de plus en plus minces (et poreuses)  ?

Bien que je me refuse à considérer d’emblée les blogueurs comme des journalistes (les premiers peuvent en effet s’affranchir des principes déontologiques et de vérification des faits observés par les seconds), force est de reconnaître que de plus en plus de journalistes se sont mis au blogging, dans une recherche de nouveaux canaux d’expression. Et réciproquement, de plus en plus de blogueuses et blogueurs sont aujourd’hui sollicités par les médias, du fait de leur popularité, pour rédiger des tribunes, animer des émissions ou y intervenir en tant que chroniqueurs/chroniqueuses notamment. De même, l’audience de certains blogs est devenue si importante (regardez notamment ceux de Garance Doré ou le Vizeo d’Alex, par exemple) qu’on peut les considérer comme des médias à part entière, au même titre que les pure players Rue89, Mediapart, Slate, Atlantico, ZDNet ou le Journal du Net.

On le voit : les lignes et le paysage de l’influence sont en perpétuel mouvement. Et je ne vous parle pas ici de ces autres vecteurs d’influence que peuvent être les réseaux sociaux eux-mêmes (Twitter, Pinterest, YouTube, Facebook, Intagram…) sur lesquels des inconnus ont réussi à se faire connaître et à draîner des publics parfois considérables, les audiences des uns (blogueurs/blogueuses) se retrouvant en quelque sorte en concurrence avec les audiences des autres (YouTubers, instagramers) dans cette grande Bourse de l’influence qu’est devenue le web.

S’il fallait néanmoins synthétiser les avantages des blogueurs/blogueuses dans ce « match de l’influence », par opposition aux médias dits traditionnels, je mettrais en avant ceux-ci :

  1. Les blogueurs & blogueuses sont « nativement numériques » : comme les pure players de la presse que je viens d’évoquer, leur territoire d’expression est le web et leur chambre de résonance naturelle, les réseaux sociaux. La recherche du buzz et de l’engagement est donc consubstantielle au blogging moderne, tandis que cet objectif est longtemps resté secondaire pour les journalistes, qui n’ont pas tous été formés aux subtilités du web 2.0 ;
  2. Les blogueurs & blogueuses proposent des contenus éditorialisés et une réelle liberté de ton, qui demeurent les aspects les plus appréciés et recherchés par les internautes. Cette liberté de ton et l’indépendance qu’elle suppose explique en grande partie la popularité et la crédibilité des blogs, dont la « cote de confiance » dans le baromètre de référence proposé par l’agence Edelman (voir ici l’article d’Olivier Cimelière à ce sujet), demeure toujours supérieures à celle des médias classiques, de plus en plus soupçonnés de collusion avec les différentes forme de pouvoirs justement ;
  3. Comme la plupart des acteurs du web 2.0 et des pure players, les blogueurs & blogueuses sont réputés « honnêtes et fiables » (en tout cas davantage que les acteurs de l’économie traditionnelle). Et, que cette réputation soit justifiée ou non, comme le soulignait l’an dernier Georges Lewi dans son ouvrage « e-branding », les conséquences en sont tangibles : le pouvoir de prescription des blogueurs (et pas seulement des blogueurs stars) s’en trouve nécessairement décuplé dans le monde réel, leur impact sur les consommateurs pouvant être à la fois très direct et viral ;
  4. Les blogueurs et blogueuses sont susceptibles de susciter un fort engagement, dans la durée. A la fois très présents sur les réseaux sociaux, où ils n’hésitent plus à venir commenter et converser sur leurs contenus avec leur communauté de followers, les blogueurs sont aussi « en dehors » des réseaux et à la bonne distance : celle du désir. Comme nul autre, les blogueurs influents savent jouer de cette distance et de l’effet d’attente que peuvent susciter leurs contenus. Mais pour maintenir ce lien dans la durée avec leurs « fans », il leur faut justement demeurer particulièrement exigeants sur la qualité et l’originalité de leur production…

Une influence qui perdure… mais attention à ne pas tuer la poule aux oeufs d’or et à conserver l’authenticité

Loin d’être à l’agonie, le blogging est en pleine forme et au sommet de son influence, pour avoir su se renouveler et avoir parfaitement négocié l’intégration des réseaux sociaux comme premier canal de diffusion.

Mais des lignes qui précèdent, et des avantages que je viens d’énumérer, il découle une attention toute particulière à avoir et 3 conseils que je donnerais à mes confrères et consoeurs blogueurs & blogueuses :

  1. Attention à l’institutionnalisation et à la monétisation à outrance : pour les mêmes raisons qui ont pu contribuer au discrédit d’une certaine presse (voir ici mon article au sujet des magazines féminins notamment), gare pour les blogueurs à succès à ne pas indisposer progressivement leurs lecteurs en dupliquant des recettes (publicitaires notamment) éculées. Certes, les internautes viennent d’abord pour une signature rédactionnelle et une personnalité, mais quid de leur loyauté et de l’image du blog quand les pop-up succèdent aux bandeaux publicitaires, entre deux publi-rédactionnels ressemblant à s’y méprendre à ceux déjà publiés dans la presse ?
  2. Veiller à maintenir la qualité et la diversité des contenus dans le temps  : la course à l’audience ne justifie pas tout. Et pour conserver une base de lecteurs fidèles, il convient de leur proposer des contenus originaux et variés, en respectant les thématiques et la ligne éditoriale de son blog. Tout changement brutal à ce niveau, ou toute dégradation de la qualité des contenus, peut évidemment s’avérer préjudiciable, voire rapidement rédhibitoire.
  3. Conserver son indépendance et un peu (ou beaucoup) de l’âme originelle du blogging : peut-on encore parler de blogging, dès lors que la monétisation, le recours à de multiples rédacteurs et la course à l’audience deviennent les leitmotivs d’équipes professionnelles ou semi-professionnelles travaillant sur un blog exactement comme on travaille sur un site de presse ? C’est un peu la question que pose, en filigrane, le billet de Vincent Glad que j’évoquais au début de mon article. Si les codes et schémas narratifs employés par les blogueurs et blogueuses ont beaucoup évolué, passant d’une « une narration progressive, autobiographique et auto-référentielle » à des codes et schémas beaucoup plus proches de ceux de la presse traditionnelle (au détriment peut-être d’une certaine forme de spontanéité), il convient à mon avis de garder a minima, et c’est le plus important, cette absolue sincérité et cette forme d’authenticité qui distinguent le blogging des autres formats éditoriaux existants. La Voix claire, personnelle et indépendante du narrateur, en quelque sorte. C’est à ce prix, et à ce prix seulement d’après moi, que le blogging préservera ce qui a fait son succès et pourra réellement perdurer dans le temps…

 

Notes et légendes :

(1) Source : Technorati => selon les différentes estimations, il y aurait 14 millions de blogs en France, pour 44,4 millions d’internautes âgés de 15 ans ou plus au 1er janvier 2015.

(2) Autres sources : frenchweb.fr 2013 / agence Acti 2013

(3) Emission « Sud Radio, c’est vous » du jeudi 1er octobre 2015

 

Crédits photo / illustration : Grégoire Guillemin, 123RF, TheBrandNewsBlog 2015

 

 

 

L’influence, nouvel opium du peuple communicant ?

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Impossible d’y couper. A moins que vous soyez parti(e) vivre à l’autre bout de la planète, sans aucun moyen de communication, cette évolution ne vous aura pas échappée : l’influence est partout. Rarement mot à tiroir aura connu un tel succès, d’ailleurs. Pas un consultant ni une agence de com’ qui n’ait accolé le terme à la liste de ses compétences et de ses expertises. Communication d’influence, marketing d’influence, managers influents… L’influence est la drogue à la mode et les influenceurs, les rois du pétrole 2.0. 

Attention pour le coup à la « descente », voire à l’overdose. Car il ne faudrait pas que les marques remplacent les vieilles ficelles d’une com’ parfois manipulatoire et cosmétique par des ressorts tout aussi discutables et in fine, pas plus à la hauteur des enjeux du moment. Sur les chemins du marketing et de la communication d’influence, la prudence est de mise. Il appartient donc aux agences et aux experts de tous poils de faire preuve de pédagogie… Et aux marques d’élever leur propre niveau d’exigence et d’expertise sur le sujet, pour ne pas en rester au stade du concept valorisant mais creux, comme c’est encore trop souvent le cas.

L’influence : une réalité vieille comme Hérode et des habits neufs comme le web 2.0

Il faut toujours se méfier des concepts et notions qui semblent « couler de source ». Dans un discours de plus en plus dominant, répondant à l’émergence du web social et aux défis d’une défiance généralisée des publics, l’influence est souvent présentée comme le nec plus ultra de la communication. Et la « chasse aux influenceurs » comme la panacée pour les marques et leurs marketeurs / communicants.

Cette vision un brin monolithique fait en réalité peu de cas 1) des connotations et perceptions négatives de l’influence, appliquée aux relations humaines et à la communication en particulier ; 2) de la dimension éminemment aléatoire et des difficultés intrinsèques du marketing d’influence (souvent minorées) ; 3) des autres missions de la communication, dont l’objectif ultime ne saurait se résumer à l’extension infinie du capital influence des marques auprès de leurs publics, n’en déplaise aux gourous du social media.

Phénomène séculaire, dont les mécanismes ont été largement décrits par la psychologie sociale, l’influence a souvent eu mauvaise réputation car elle évoque à la fois duplicité et manipulation dans la relation. Par définition pourtant, « il y a influence à partir du moment où on estime que l’individu influencé ne se serait pas comporté de la même manière si l’influenceur n’avait pas été présent ou n’avait pas interagi, quelles que soient ses intentions ». Et l’influence est une des caractéristiques de toute relation humaine… Mais, appliquée aux sphères du pouvoir et à certaines disciplines, comme la communication (déjà suffisamment décriée par ailleurs), le soupçon et la perception manipulatoires prévalent dans le grand public. D’où la nécessité pour les marques et les communicants de demeurer prudents, comme je l’évoquais ci-dessus.

Tout le monde rêve en effet de solutions faciles pour influencer le comportement d’autrui à son profit, dans tous les compartiments de l’existence et parfois avec les meilleures intentions du monde. De là à se laisser séduire par toutes les ficelles, conseils et expédients pour y parvenir, il n’y a parfois qu’un pas… 

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La course à l’influence et la chasse aux influenceurs ne font que commencer…

L’engouement autour des questions d’influence ne serait évidemment pas ce qu’il est sans la soif de reconnaissance d’une partie des socionautes. Le phénomène est aujourd’hui connu : pour les « intensifs » (les 10% de socionautes les plus actifs, membres d’au moins 3 réseaux sociaux), et à plus forte raison pour les « influents » (ceux qui disposent d’au moins 200 abonnés sur chacun de ces réseaux*), l’aura que confère le statut d’influenceur (même si ce statut demeure évidemment informel) est particulièrement valorisée et recherchée. Il en va de même pour les blogueurs les plus connus, dont la renommée, la professionnalisation croissante et le souhait de monétisation de leur audience les poussent de plus en plus naturellement vers les marques.

Quelle que soit la plateforme considérée en tout cas, tout individu y « existe » en fonction du nombre, de la régularité et l’intérêt de ses publications et partages, mais l’influence supposée se mesure aussi quantitativement en fonction d’un certain nombre de métriques telles que l’audience surtout, le nombre d’interactions sur les contenus publiés, etc. Là encore, la plus grande prudence est de mise quand il s’agit d’exploiter ces données dans le cadre de stratégies d’influence. Entre les critères trop souvent purement quantitatifs retenus par les marques pour identifier un influenceur à suivre et la réalité de son influence auprès de son réseau / de ses pairs / lecteurs, il peut y avoir un océan. Car les pratiques permettant de s’acheter artificiellement une visibilité sont monnaie courante sur le web 2.0, comme le démontre bien cette récente « Plongée dans les égouts de l’influence » de Nicolas Vanderbiest…

Qu’importent les précautions préliminaires et la légitimité parfois bancale de certains de ces influenceurs, trop de marques et d’agences aujourd’hui s’empressent de les contacter avec cette seule interrogation en tête : « comment les transformer en ambassadeurs ? ». Alors que les seules questions qui devraient les préoccuper devraient être « pourquoi collaborer avec elle/lui et dans quels objectifs ? » ; « quels sont ses attentes et besoins » ?

De ce point de vue, on lira avec intérêt cet article de Cyril Attias et cet intéressant compte-rendu d’une table ronde d’influenceurs organisée par l’éditeur Augure en juin dernier : deux contributions qui se démarquent du discours habituel par leur pragmatisme…

Les limites de la « loi du petit nombre » de Gladwell

Aussi convaincu(e) que l’on puisse être des bienfaits du marketing d’influence et de l’intérêt de générer et de cultiver l’engagement des internautes vis-à-vis des marques, on ne saurait ignorer les difficultés et les limites de l’exercice.

Pour certains experts du web 2.0 (et non des moindres), les « stratégies influenceurs » telles qu’on les connaît aujourd’hui seraient en effet condamnées à évoluer… ou à disparaître. Pas plus tard que vendredi dernier, Sandrine Plasseraud** faisait ainsi part de ses doutes sur les pratiques en vigueur en France, consistant notamment à surexploiter un nombre restreint de blogueurs influents et d’influenceurs (voir la citation ci-dessous, ainsi que l’interview dont elle est extraite).

Greg Statell va encore plus loin en dénonçant cette « loi du petit nombre » (« Law of the few ») chère à Malcom Gladwell*** et dont les principes ont servi de fondement au marketing d’influence. Sur la base d’arguments à méditer, il déconseille quant à lui d’investir trop de temps et d’argent dans cette course à l’échalotte qu’est devenue la chasse aux influenceurs (lire ici son billet au titre on ne peut plus explicite : « 3 Reasons to Kill Influencer Marketing »).

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… C’est que, de fil en aiguille et de dérives en dérives, on aurait vite tendance à s’éloigner de la conception vertueuse de l’influence positive, envisagée comme un « acte d’altérité » entre influenceur et influencé, telle que Nicolas Narcisse la conçoit et la défend avec talent dans « Le Devoir d’influence » (revoir ici son interview accordée à Darkplanneur au moment de la sortie de l’ouvrage).

La tentation existe toujours en effet de réduire les stratégies d’influence à un nombre plus ou moins important de « relais », en transposant au web 2.0 les vieilles recettes des relations publiques. Comme si les anciens schémas pouvaient encore fonctionner, à quelques updates près, dans un environnement où tout a changé…

Influencer c’est bien, développer une relation riche (online et IRL) avec ses différents publics, c’est encore mieux

Arrivé à ce stade de mon raisonnement, on me dira peut-être que je confonds plusieurs registres différents : celui, bien connu, de la préférence de marque (qui relève depuis toujours des techniques du marketing) avec ces nouveaux champs que sont la confiance et la « bienveillance » dans la marque (= domaine de l’influence), pour reprendre une terminologie de Nicolas Narcisse.

Je mélangerai néanmoins ces deux registres à dessein. Car, et c’est une autre réserve formulée au sujet de cette nouvelle discipline, « l’influence ne se mange pas en salade » et son impact sur la performance de la marque demeure souvent intangible voire discutable, tant il est noyé dans l’épaisseur du trait des actions de communication de l’entreprise.

Pour que le bénéfice en soit plus tangible justement, l’influence gagnerait dans bien des cas à être conçue et exercée de la manière la plus directe et la plus large vis-à-vis des différents publics de la marque. C’est à dire le plus souvent sans l’intermédiaire de ces béquilles que sont sensés être les influenceurs connus, et par le biais de véritables échanges, de concertations, voire même de confrontations directes entre la marque et ses publics.

Comme nous y encourage Thierry Libaert****, cette relation riche, qui se distingue à la fois des formes classiques de l’influence et de la « multitude de micro-interactions » proposées en général par les marques sur les réseaux sociaux, aurait pour premier objectif de restaurer une véritable proximité avec la marque (au-delà de cette forme d’engagement « minimale » que constitue la conversation entre la marque et quelques fans sur les réseaux).

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Qui pour exploiter les gisements de ce nouvel « or noir 2.0 » ? / L’OPA des RP sur la question de l’influence…

La question peut paraître secondaire au regard des interrogations formulées ci-dessus, mais elle divise néanmoins les professionnels de la communication, du marketing et du digital. Dans un environnement qui évolue sans cesse, où l’on observe une convergence croissante des compétences et des métiers, chacun ou presque revendique pour son compte le pilotage des stratégies d’influence. Mais ce sont les professionnels des RP qui ont naturellement été les premiers à manifester leur intérêt pour ces questions et à mettre en avant leurs compétences sur le sujet.

Avec l’émergence du web social, de sérieux « concurrents » se sont manifestés. Fortes de leurs outils et de leur expertise en matière d’écoute et de monitoring du web, de big data et de création de contenus de marque… des agences digitales, des spécialistes du community management ou de la social media intelligence se sont emparés de belles parts de ce marché de l’influence.

Et des éditeurs tels que Linkfluence, Spotter ou encore Augure (entre autres) sont aussi apparus pour proposer des solutions de gestion de l’influence clés en main, de plus en plus largement utilisés par les professionnels.

Qui de ces acteurs emportera au final la plus grosse part du gâteau ? Difficile à dire aujourd’hui, même si « l’OPA » des professionnels des RP sur la discipline a toutes les chances d’être couronnée de succès, du fait de leur vision transversale. A suivre, donc…

 

Notes et légendes :

* Etude Social Media Attitude 2013, créée par l’atelier réseaux sociaux du SNCD (Syndicat national de la communication directe)

** Directrice Générale France de l’agence We are social

*** Malcom Gladwell est en quelque sorte un des parrains de la conception moderne de l’influence qui prévaut aujourd’hui et de cette notion de « Law of the few », explicitée dans son ouvrage « The Tipping Point: How Little Things Can Make a Big Difference » (2000), 

**** « Moins de réputation, plus de relation », par Thierry Libaert, lenouveleconomiste.fr – 25 mars 2013

« Plongée dans les égouts de l’influence », par Nicolas Vanderbiest, reputatiolab.com – 24 juin 2014

« Ce que veulent les influenceurs (et devraient vouloir les marques) », par Cyril Attias, e-marketing.fr – 10 octobre 2014

« Communication, RP : les nouvelles règles du jeu #NewPR », par Caroline Baron, augure.com – 7 juillet 2014

« Qui sont les influenceurs ? », interview de Sandrine Plasseraud, laposte.fr/lehub – 17 octobre 2014

« 3 Reasons to Kill Influencer Marketing », par Greg Statell, http://blogs.hbr.org – 12 septembre 2014

« Le Devoir d’Influence », par Nicolas Narcisse, Editions Odile Jacob – 3 octobre 2013

Crédits photos :

123RF, X, DR / TheBrandNewsBlog

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