Transformation de la communication : 20 questions clés aux auteurs du tout nouveau « Communicator »…

Cela fait un petit moment, je vous l’avoue, que je n’avais pas eu un manuel de communication entre les mains…

Autant j’apprécie en général les livres d’experts sur le marketing, la communication, le management ou la transformation numérique… autant j’ai toujours eu un peu de mal avec les « bibles » et autres vadémécum sensés embrasser toute une discipline et me ramenant un peu trop directement au souvenir de mes années passées sur les bancs du Celsa (même si celles-ci furent excellentes).

En découvrant le Communicator¹ il y a 15 jours, auto-estampillé « livre de communication le plus vendu en France », et malgré la qualité de ses auteurs, j’appréhendais donc de reculer une nouvelle fois devant l’obstacle, comme le cheval dans son premier concours complet…

Le beau bébé à la couverture rose et noire que j’avais dans les mains – 1,4 kilo à la pesée et pas moins de 640 pages – allait-il être à la hauteur de sa réputation ? Allait-il m’intéresser / me passionner / m’indifférer ? Et tiendrait-il sa promesse de livre de référence pour toutes les générations de communicants ? C’est ce que nous allions voir…

VERDICT : oui, le Communicator est non seulement un excellent manuel de communication pour la.le néophyte et pour toute personne intéressée à la communication, mais c’est également un bonheur de lecture pour les professionnel.le.s plus aguerri.e.s, et je l’ai dévoré pour ma part comme un roman (étant entendu que cet article est TOUT SAUF un publirédactionnel, et que je n’ai pas l’habitude de parler en bien de livres qui ne me m’ont pas convaincu !).

Une fois examiné le bébé sous toutes les coutures et constaté qu’il était « bien né », mon petit côté sadique a voulu savoir ce que les parents eux aussi avaient dans la tête, et dans le ventre…

A la hauteur de leur réputation de professionnalisme, de disponibilité et de gentillesse, Céline Mas et Assaël Adary² ont bien voulu répondre au « torture test » que je leur ai concocté : 20 questions pointues – en tout cas je l’espère – sur la transformation de la communication et sur leur ouvrage, que je recommande donc sans réserve à mes lectrices et lecteurs.

Merci aux deux auteurs³ de s’être prêté patiemment au jeu, et pour leurs réponses éclairantes. Voici ci-dessous les 10 premières questions-réponses de cette série. Et avis à celles et ceux que cette conversation aura intéressé.e.s : je publierai la suite de cette passionnante interview croisée dimanche prochain ;-)

Le BrandNewsBlog : Tout d’abord, Céline et Assaël, vous êtes tous les deux des communicants et des auteurs expérimentés, qui n’en êtes pas à votre coup d’essai en matière d’édition. Mais comment vous êtes-vous retrouvés à la barre de cette 8ème édition du Communicator ?

Assaël Adary : En commençant par la 7ème édition ;-) ! Voilà maintenant deux éditions, donc 5 ans déjà, que nous avons pris la relève du Communicator. L’édition 7 nous avait permis de remettre à plat très profondément le sommaire, en décloisonnant les disciplines, en problématisant davantage l’ouvrage et en trouvant de nouveaux angles… Bref : en remettant le Communicator dans la réalité des pratiques des communicants.

Nous avions alors fait évoluer le positionnement du Communicator, en ciblant non plus seulement les étudiants mais également les professionnels, tout au long de leur carrière !

Par ailleurs, Dunod édite mes livres depuis plus d’une décennie : « Evaluer vos actions de communication » éditions 1 et 2 et « l’ISO 26000 en pratique ». L’éditeur avait donc confiance dans notre duo, déjà à l’œuvre sur la deuxième édition d’ « Evaluer vos actions de communication ».

Céline Mas : Le Communicator avait en effet besoin d’une refonte. Et nous aimons les défis ! Nous avons foncé vers celui-ci. Pour rassurer l’éditeur, nous avions effectivement déjà publié chez Dunod et pour ma part, chez d’autres éditeurs, des livres professionnels mais aussi des textes plus littéraires.

Cette confiance de départ n’était néanmoins pas un passe-droit et ne nous a pas permis d’échapper à l’entretien de recrutement en plusieurs fois, pour défendre notre vision du livre et de son approche éditoriale. En un sens, nous avons apprécié cette exigence parce qu’elle nous donnait le sentiment d’une relation partenariale fondée sur la qualité.

Le BrandNewsBlog : Avec ses 640 pages, son kilo et demi, ses dizaines de contributions d’experts, sa centaine de case studies et ses allers-retours permanents entre la théorie et la pratique, j’imagine qu’emmener un tel « paquebot » à bon port relève de la gageure… Etes-vous satisfaits du résultat final et quels sont les points forts de ce nouvel opus ?  

Assaël Adary : Si je prends un peu de recul, je dirai que les principales forces de ce livre sont d’être ultra contemporain et inspirant. Il aborde les problématiques d’aujourd’hui, en totale connexion avec les enjeux de 2018. Les cas traités sont ancrés dans nos pratiques, les experts sont le plus souvent « aux manettes » de leur organisation, que ce soit en agence ou chez l’annonceur… Bref, il est dans son époque.

C’est pour cela que nous le mettons à jour tous les 3 ans. En plus de cette dimension pratique et pragmatique, le principe du Communicator est de proposer aussi des espaces de réflexion et des contenus plus prospectifs, pour s’obliger en permanence à se questionner sur l’étape d’après, la question suivante. C’est pour cela que nous problématisons plusieurs cas analysés… Car plus que jamais, se poser les bonnes questions – pour un étudiant en communication comme pour un professionnel – demeure une compétence majeure !

Céline Mas : C’est un travail très minutieux parce qu’il s’agit à la fois de revisiter les contenus à chaque édition, mais aussi d’en créer de nouveaux, sans céder aux effets de mode. Le Communicator doit certes rendre compte de son époque quant à ce métier de communicant, mais sans oublier les principes et savoirs plus anciens qui continuent de nous guider dans nos pratiques. Je ne crois pas à la nouveauté permanente. Il y a des leitmotiv qui prennent des formes différentes selon les époques.

Ce qui m’enthousiasme le plus dans cette nouvelle édition : le chapitre inédit sur le monde de demain, parce qu’il s’attaque aux ruptures technologiques (IA, émotions, blockchain) qui bouleversent notre secteur. Je comprends les craintes que ces changements suscitent, mais il y a également des opportunités dans cette nouvelle donne. Les communicants demeurent les maîtres de la créativité et de l’entretien des relations avec les parties prenantes. Nulle machine ne peut s’en saisir avec autant d’impact.

Le BrandNewsBlog : Sûrs de votre ouvrage, nous n’hésitez pas à souligner dès l’introduction que cette nouvelle édition entend compter avec son temps. « Résolument tournée vers le digital, dites vous, elle raconte et illustre les évolutions de ce métier ». Quelles sont justement les nouveaux contenus et les innovations qui distinguent cette 8ème édition des précédentes ? Et comment accompagnez-vous éditorialement la transformation digitale de la communication dans ce livre ?

Assaël Adary : Je reviendrai sur une nouveauté en particulier, un nouveau chapitre dédié à l’organisation des Directions de la communication. Le digital fracasse les organigrammes, rend obsolète les processus, les systèmes de validation mais aussi de production des contenus. Les nouveaux formats questionnent les compétences des communicants et des agences. Bref, les «acquis» de la fonction communication sont questionnés. Nous traitons de ce « big bang » dans le Communicator et esquissons des solutions.

Il nous semblait intéressant d’appréhender le digital via ses conséquences sur l’organisation, qui est une composante du digital à mon avis insuffisamment traitée.

Céline Mas : Le digital est traité dans un chapitre précis avec plusieurs variantes : la stratégie digitale, les réseaux sociaux et l’e-réputation notamment. Et c’est important de différencier ces sujets parce que fondamentalement, le mot est devenu une sorte de super « fourre-tout » qui va des compétences à la dématérialisation des outils en passant par la publicité en ligne…

Nous voulions être plus précis parce que les métiers de la communication souffrent justement des mots-écran, des jargons, des généralisations qui les vident de leur spécificité et de leur valeur perçue. En revanche, tout le livre traite néanmoins en filigrane des approches et outils digitaux parce que c’est aujourd’hui une toile de fond de nos pratiques et de nos vies.  

Le BrandNewsBlog : Première partie théorique allant des théories de la communication à la prospective, en passant par le plan de com’, les méthodes d’évaluation et les typologies d’organisation possibles ; deuxième partie illustrée et approfondie sur les différents canaux et outils de com’ existants ; troisième partie sur le secteur et ses métiers…  A vous lire, toutes les dimensions de la communication sont impactées par la révolution numérique et les mutations qui en découlent, jusqu’aux grandes théories de la communication, que vous n’hésitez pas à commenter à l’aune des évolutions les plus récentes. En quoi « la boucle de Wiener » est-elle toujours d’actualité selon vous, et le modèle des « 5 W » d’Harold Lasswell (le fameux » WHO says WHAT to WHOM in WHICH channel, with WHAT effect ») vous paraît-il moins pertinent aujourd’hui que par le passé, par exemple ?

Assaël Adary : Alors même que le monde de la communication s’est complexifié, certaines théories – les premières datent des années 40 – peuvent encore servir de trame de questionnement et de diagnostic pour les communicants d’aujourd’hui (les fameux « W » par exemple).

On peut citer de nombreux modèles dérivés de celui de Shannon et Weaver : celui de Théodore Newcomb (1953) ou encore Wilbur Schramm. Le principe du Communicator n’est pas de faire une check list idéale des « 10 théories qu’il faut connaître », mais de donner à penser et à réfléchir aux étudiants ou aux professionnels de la communication, en leur proposant des guides théoriques qui vont leur permettre de mieux décrypter leurs pratiques.

Par ailleurs, nous ne voulions pas que le Communicator rime dans cette partie théorique avec « penseurs morts ». Notre secteur a en effet la chance d’avoir des cerveaux biens vivants qui produisent tous les jours une pensée et des visions pour nos métiers : Wolton, Lipovetsky, Debray, Habermas… Bref, le Communicator permet de se forger des bases robustes pour affronter les évolutions rapides de nos univers.

Céline Mas : Concernant la « boucle de Wiener », elle est d’actualité parce qu’elle introduit une notion dont on entend parler quotidiennement dans les entreprises : le feedback. L’écoute n’est pas un vain mot, elle est la condition de la pertinence en communication. Et Wiener l’a posé et théorisé de manière juste. Les « 5W » sont plus unilatéraux : on estime que le message suit une trajectoire assez linéaire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec le bouche-à-oreille, les réseaux sociaux… 

Le contrôle est une notion du 20ème siècle qui a vécu. Ce qui compte désormais, c’est de maîtriser les conditions de la création, de l’émission et de la progression des messages. Foucault avait eu une formule célèbre lors d’un de ses derniers cours au Collège de France : «Le 21ème siècle ne sera plus un siècle de positions mais de trajectoires.» Appliquée à la communication, cette mobilité des temps présents plaide pour les penseurs qui ont proposé des modèles plus dynamiques, multidimensionnels. Je pense à Jakobson par exemple. Mais je m’arrête là parce qu’on va croire que le Communicator 8 est un livre uniquement théorique ;) !

Le BrandNewsBlog : Parmi les grandes évolutions de ces dernières années et les nouvelles tendances sociétales à prendre en compte par les communicants dans l’élaboration de leur stratégie de communication, vous évoquez bien sûr la transformation digitale et ses corollaires, la professionnalisation et la judiciarisation de nos métiers, mais également la crise de confiance des publics envers les institutions et les communicants (entre autres…). En quoi la « financiarisation » de la communication est-elle une autre tendance lourde à prendre en compte ? Qu’entendez-vous par ce terme et quelles en sont les conséquences ?

Assaël Adary : La financiarisation concerne surtout les entreprises cotées. Le constat que nous formulons est l’emprise de plus en plus forte de la variation du cours de bourse. En partant du principe que le battement d’aile d’un papillon au Pérou peut faire chuter le cours d’une entreprise du CAC 40, les stratégies, les contenus, les processus se trouvent profondément modifiés.

Le principe de précaution impacte donc aussi les stratégies de communication. Ce pilotage par la finance, souvent non-dit, modifie négativement les plans de communication en les empêchant de penser pleinement le long terme de l’entreprise. Le rythme trimestriel de présentation des résultats devient le tempo officiel de l’entreprise donc aussi en grande partie de la communication.

Céline Mas :…D’où l’intérêt de préparer des budgets en valorisant des objectifs plutôt qu’une centaine de lignes se rapportant à des actions dispersées dont certaines secondaires ! La communication doit servir des objectifs. Qu’elle soit privée ou publique, sa mission n’est ni cosmétique, ni d’agrément. Elle est là pour accompagner les transformations.

Le BrandNewsBlog : Dans votre chapitre « Concevoir le plan de communication », tout en dressant un inventaire ludique de ce que doit être un plan et de ce qu’il ne doit surtout pas être, Pierre Gomez reconnaît qu’il y a presque autant de formes et d’usages du plan de com’ qu’il y a d’organisations et de dircom… De même, avec l’accélération des cycles opérationnels au sein des entreprises, certains pourraient objecter qu’il devient parfois difficile d’appliquer rigoureusement les conseils d’élaboration du plan donnés par le Communicator… Vous arrivez pourtant à résumer brillamment l’essentiel en une liste de 10 recommandations clés (voir ci-dessous). Pourquoi, selon vous, cet outil qu’est le plan de com’ demeure-t-il indispensable, même à l’ère digitale ?

Assaël Adary : Le digital est un outil, un format d’expression du plan de communication, ne confondons donc pas contenu et contenant. Le contenant, c’est le plan de com et il reste essentiel en posant le tronc commun, les fondements, les principes… qui sont ensuite déclinés dans des stratégies de moyens et des tactiques qui intègrent ou non (c’est rare) la dimension digitale.

Bref, plus les tactiques se digitalisent, plus les Dircom ont besoin d’un plan de communication pour redonner un sens, une direction et réengager leur stratégie sur du moyen terme.

Le BrandNewsBlog : En grands experts des outils de diagnostic et de pilotage des politiques de communication, la partie que vous consacrez à l’évaluation des actions et stratégies de com’ est particulièrement réussie et bien documentée. Pour les communicants néophytes et/ou les professionnels les moins à l’aise avec cet exercice de la mesure, pourriez-vous résumer l’intérêt d’évaluer sa communication de manière rigoureuse ? 

Assaël Adary : Si je suis un peu provocateur, je dirai qu’évaluer, mesurer sert tout simplement à démontrer pourquoi nous existons ! Evaluer permet de répondre avec des données à la question : « à quoi ça sert la communication ? ». Si la réponse relève uniquement des moyens, des outils et actions… la communication sera toujours considérée comme une commodité. La réponse doit se faire via des KPI (indicateurs), de la data et un Dashboard !

Evaluer sert aussi à « objectiver » le travail accompli, sortir du «j’aime/j’aime pas», «c’est beau», «ça me plait»… Le Communicator explicite le processus pour engager sa direction de la communication dans une démarche de mesure : comment construire un indicateur, le mesurer, le restituer, etc. Dans ce processus tout commence par la bonne définition des objectifs, car comme le dit Frédéric Dard «Tout objectif flou conduit obligatoirement à une connerie très précise».

Enfin, si évaluer sert à court terme à opérer des arbitrages ou des allocations plus intelligentes des moyens et des budgets, à plus long terme la mesure de la performance sert tout simplement à légitimer la fonction communication et à l’aider à démontrer qu’elle crée de la valeur pour son organisation.

Céline Mas : La valeur, encore la valeur, et toujours la valeur… La communication, on le sait, crée de la valeur à plusieurs niveaux. C’est d’abord un secteur économique qui pèse près de 46 milliards d’euros, soit presque 2,1% du PIB comme le rappelle dans le livre Emmanuelle Raveau, Présidente de COM-ENT, une des premières associations du secteur. C’est ensuite un métier qui doit délivrer des résultats. Et de ce point de vue, la mesure est le seul moyen pour comparer, objectiver et démontrer son véritable impact.

Que l’on en soit féru ou que l’on préfère au final des descriptifs qualitatifs, elle est indispensable. Pour autant, il y a plusieurs types de mesure et le quantitatif est souvent associé au qualitatif qui permet d’affiner, de comprendre des résultats… Enfin, quand on sait l’utiliser, la mesure est un formidable levier de motivation collectif pour une équipe !

Le BrandNewsBlog : Ces dernières années, pour répondre aux nouveaux enjeux de la communication et en particulier « adresser les bons contenus au bon moment à des publics de plus en plus multiples », de nombreuses directions communication se sont réorganisées en véritables « newsrooms »… Quelles sont les caractéristiques et vertus ce modèle d’organisation ?

Assaël Adary : La démarche que nous présentons dans le Communicator est fondée sur le « copiage » assumé de la stratégie d’organisation des grands médias. Il s’agit de placer les contenus au centre du jeu et de l’organisation d’une Direction de la communication, puis de travailler sur les processus de transformation de ces contenus en « formats » compatibles avec les canaux et les plateformes de diffusion… et surtout compatible avec les attentes et les besoins des récepteurs.

L’enjeu étant pour les entreprises de déployer des contenus qui intéressent les publics, au bon moment, via le bon canal et dans le bon format… C’est exactement ce que font les grands médias.

Le BrandNewsBlog : Largement remanié à l’occasion de cette 8ème édition, votre chapitre prospectif sur les dernières évolutions de la communication et les techniques et pratiques les plus innovantes donnera peut-être le vertige à certain.e.s. A ce sujet, quelles sont selon vous les technologies les plus disruptives et qui ont ou auront le plus rapidement un impact majeur sur nos métiers ? En quoi révolutionnent-elles les pratiques de la communication ?

Céline Mas : Vous parlez de « vertige », je dirai que c’est un vertige délicieux, tant qu’on ne tombe pas dans le précipice ! L’IA tout d’abord est une innovation de rupture qui devrait modifier durablement les modes d’interaction avec les parties prenantes, dont les clients. Les chatbots en font partie mais aussi des expériences d’idéation ou de conceptions de campagne co-crées via du machine learning.

Ici, la data sera aussi importante pour basculer dans du pur conversationnel : on passera d’une requête pour trouver une marque à une offre poussée vers nous via les multiples outils domotiques ou informatiques… La composition de personnalisation va se renforcer, avec son caractère intrusif pour certains et ses avantages en termes de rapidité pour d’autres. D’où le fait que le RGPD soit une loi utile : dans un monde où on peut tout savoir de vous, il faut créer des espaces de régulation et de libre-arbitre individuel.

La mixed reality est une deuxième rupture majeure que nous abordons dans le livre. Quand la réalité vécue devient la somme des expériences, on peut mêler des univers physiques et numériques pour découvrir des produits virtuels. La communication pourra s’appuyer sur ces approches pour tester des volumes, des lieux, des objets nouveaux… Et puis enfin, l’émotion va prendre une place de plus en plus importante dans la communication. L’émotion est d’une puissance infinie, elle détermine l’ensemble de nos choix. Voire plus : elle les pré-détermine. Elle aidera à créer des concepts plus saisissants dans une époque de flux dans laquelle l’attention est menée à mal.

Mais attention à ne pas franchir la ligne : toute manipulation intentionnelle sera sanctionnée dans la confiance des parties prenantes. Il faut distinguer la création qui suscite une émotion et qui rencontre un souvenir durable de l’intention dont les ressorts émotionnels visent à tromper.  

Le BrandNewsBlog : Vous dites dans le livre que « les innovations de rupture vont plonger le monde communicationnel dans un paradoxe. La communication de masse sera plus personnalisée, plus engageante et plus en phase que jamais avec nos émotions ». Mais vous indiquez qu’elle sera aussi « plus étrangère qu’elle ne l’a jamais été à l’humain »… Cette évolution est-elle réellement inéluctable d’après vous ? Comment les communicants et les entreprises peuvent-ils s’y préparer et en tirer profit ? Et comment rendre la primeur à l’humain, et à une communication pour ainsi dire augmentée ?

Céline Mas : Oui, cette évolution semble inéluctable mais pas nécessairement fatale. L’ignorer reviendrait à vivre dans un déni de réalité complet, d’autant plus quand la vitesse d’adoption des technologies croît de façon exponentielle.

L’accepter passivement serait une folie car l’innovation, si elle draîne des possibilités incroyables, ne parvient pas à réparer la planète. Tous les grands fléaux contemporains, au premier rang desquels le changement climatique, en sont l’illustration. Et dans ce contexte paradoxal, je crois que la communication peut garder une longueur d’avance en revenant à ses origines : Communicare, c’est-à-dire « mettre en commun ». Donner du sens aux évolutions, continuer de nourrir et de faciliter les interactions sociales, incarner les changements : un visage, des échanges, des messages clairs, du temps.

Les organisations ont profondément besoin de ces traducteurs des changements que sont les communicants. Ce qui veut dire qu’ils doivent avoir une casquette de prospectivistes et beaucoup de pédagogie et d’empathie.

 

Découvrez la suite et fin de cette interview croisée dès dimanche prochain…

 

Notes et légendes :

(1) « Communicator – Toute la communication à l’ère digitale », 8ème édition – par Assaël Adary, Céline Mas et Marie-Hélène Westphalen, Editions Dunod, juin 2018.

(2) Sociologue, experte en data, communication internationale et évaluation, Céline Mas est associée du cabinet Occurrence et fondatrice du projet Love for Livres. Elle est également conférencière et professeur au CELSA, à l’université Paris-Descartes et à l’ESSEC.

Cofondateur et président du cabinet d’études et de conseil Occurrence, Assaël Adary est également intervenant au Celsa et à Sciences Po Paris. Il est président des Alumni Celsa Sorbonne Universités et Secrétaire général de l’association des communicants COM-ENT.

(3) Outre Marie-Hélène Westphalen, Journaliste et conseil en communication, 3ème auteur de cet ouvrage, le Communicator fait appel à l’expertise de nombreux experts en communication puisque près d’une centaine d’interviews de professionnels du secteur et de chercheurs enrichissent l’ouvrage, qu’il s’agisse de directeurs.trices de communication, dirigeant.e.s d’agences de communication… Denis Marquet, Stéphane Billiet, Jacques-Emmanuel Saunier, Olivier Cimelière, Eric Camel, Guillaume Aper, Benoît Cornu, Christopher Abboud, Jean-Yves Léger, Didier Heiderich, Anthony Babkine, Thierry Wellhoff, Emmanuelle Raveau ou encore Frédéric Fougerat ont notamment contribué à ce Communicator 8ème édition…

 

Crédits photos et illustrations : The BrandNewsBlog 2018, Dunod, Occurrence, X, DR.

 

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