Hommage à Benoît Anger, communicant au grand coeur et personnalité de l’enseignement supérieur

Les rentrées se suivent, mais certaines sont décidément plus douloureuses que d’autres… Il y a deux ans, j’avais sollicité Benoît dans le cadre d’une série d’interviews spéciale « 5 ans du BrandNewsBlog ». Avec la réactivité et la bienveillance qu’on lui connaît, le DGA Corporate development et Communication de NEOMA avait été le premier à répondre favorablement à mon appel, via Twitter et en DM bien sûr… et le premier également à me retourner ses réponses, éclairées par sa parfaite connaissance de nos métiers et de l’enseignement supérieur.

Ce matin, j’avais prévu de publier un nouvel article… mais je vous avoue ne pas avoir eu le courage de le terminer après avoir appris hier – via Twitter encore et toujours – la disparition tragique et prématurée de ce professionnel hors pair, de cet humaniste aujourd’hui regretté non seulement par ses proches mais aussi par tous ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui ou de le côtoyer.

Il suffit d’ailleurs de lire les nombreux commentaires, tweets et autres posts LinkedIn publiés depuis hier soir, pour mesurer à quel point Benoît était apprécié. Que ce soit les dirigeants de NEOMA, la dernière école pour laquelle il a officié, ou bien ceux de SKEMA, de l’EM Normandie… tous nous parlent de ses qualités professionnelles, de son grand humour et de sa personnalité à la fois affirmée et attachante. Et que dire des témoignages de ses pairs, de ses collègues, des membres de son équipe ou des étudiants qu’il a accompagnés et fait grandir professionnellement… Chacun évoque ce condensé unique de compétences et d’humanité que l’on devine derrière la photo-portrait ci-dessus.

Adossé contre ce mur sombre, Benoît nous observe et son sourire autant que ses yeux pétillants et malicieux nous attrapent en effet le regard, comme une invitation à poursuivre la conversation, ou bien à l’engager pour celles et ceux qui ne le connaissaient pas.

En ce qui me concerne, je n’ai hélas jamais rencontré Benoît « in real life », comme on le dit entre nous sur cette plateforme au petit oiseau bleu qu’il affectionnait tant. Ce n’est pas faute de nous être dits que nous le ferions un jour… et cela restera assurément un de mes grands regrets. J’aurais vraiment aimé rencontrer l’homme de la photo, apprendre à le connaître et parler avec lui de ses convictions, de son amour pour l’enseignement supérieur et pour notre profession, ainsi que de son affection pour toutes celles et ceux qui la pratiquent au quotidien.

Alors certes, des années d’échanges et d’interactions via les RS ne vaudront jamais une vraie rencontre – qu’on se le dise et se le redise – et pardon de n’être pas le mieux placé pour rendre aujourd’hui hommage à Benoît, mais quoiqu’il en soit, la curiosité, la générosité et la bienveillance de l’homme transpiraient aussi derrière son avatar numérique. Raison pour laquelle je m’étais permis de le mentionner année après année dans ma sélection de professionnels du marketing et de la communication, au chapitre si important pour moi des Twittos « AAA », c’est à dire « Hyper-Actifs, Attentionnés et Altruistes ». La catégorie la plus évidente pour cet humaniste, qui fut successivement et entre autres directeur de la communication et du développement de France Business School, directeur du marketing et des admissions de SKEMA, avant d’être DGA du Corporate development et de la Communication chez NEOMA…

En ce début de semaine, vous l’aurez compris, la famille du marketing et de la communication est en deuil car elle vient de perdre l’un de ses plus dignes représentants.

Qu’il me soit donc permis de transmettre mes condoléances et tout mon soutien dans cette épreuve à sa compagne, à ses enfants, à ses proches, à ses amis et collègues… et à tous ceux qui pleurent aujourd’hui la disparition d’un professionnel et d’un être humain hors-norme. Les Anglo-Saxons disent « larger than life »… Je crois que le qualificatif correspond bien à celui que nous venons de perdre, bien top tôt.

Repose en paix, cher Benoît.

 

Comment les marques font face à la disparition (ou au discrédit) de leur « gourou »…

steve-jobs

Dans mon précédent article sur les modes de légitimation des marques (voir ici), j’évoquais les entreprises dont la légitimité repose toute entière (ou presque) sur le charisme d’un leader ou d’un créateur. Les exemples en sont nombreux, dans les secteurs du luxe, de la création et du design, mais pas seulement. J’évoquais notamment l’exemple des marques éponymiques Afflelou, Ricard, Saint Laurent ou E. Leclerc…

Quand le leader charismatique de la marque disparaît, quitte l’entreprise ou devient plus ou moins « incontrôlable », ce ne sont pas seulement l’image et la réputation de l’entreprise qui sont affectées. Comme le souligne Delphine Dion*, c’est l’essence même de la légitimité de la marque qui peut se trouver remise en cause. Comment les marques s’adaptent-t-elle à ce type de situation ? Quelles réponses sont les plus pertinentes ?

Le BrandNewsBlog vous propose un rapide tour d’horizon des enjeux et solutions trouvés ces dernières années par les marques Apple, Dior, Alexander McQueen ou Intel/McAfee notamment…

Quand la marque incarnée devient « orpheline »…

Comme le rappelle Davina Dauzet, dans un article récent de la Revue des marques**, les avantages  pour une marque de « s’incarner » au travers de son fondateur ou d’une personnalité charismatique sont nombreux. Cette stratégie leur confère « humanité, proximité et attachement » et leur permet de bénéficier de tous les attributs d’image de la personnalité considérée. Ainsi, l’autorité charismatique du leader s’impose-t-elle « comme par magie », reposant sur la croyance largement partagée en la supériorité des qualités prêtées au dirigeant.

A contrario, en cas de disparition, de départ ou de grave crise de réputation touchant le « gourou » de la marque, l’image et la légitimité de celle-ci peuvent soudain devenir très fragiles. « Pour éviter la disparition de la légitimité charismatique liée au départ du leader (…) il est recommandé de rester dans le sillon que celui-ci a créé », voire « de mettre en place une filiation entre les leaders au sein de la marque, pour permettre à la légitimité charismatique de perdurer » nous dit Delphine Dion…

D’Apple à McAfee, des solutions différentes mais en règle générale la volonté de rester « dans un même sillon »

> Cette filiation entre leaders a été la solution retenue par Apple et Steve Jobs lui-même, lors de son passage de témoin à Tim Cook en janvier 2009, comme nous le rappelle cet extrait d’Inside Apple, d’Adam Lachinsky (éd. Dunod, avril 2012).

Certes, il a beaucoup été dit et écrit depuis au sujet de la différence de charisme entre les deux hommes. Mais souvenons-nous tout de même que lors de son intronisation, Tim Cook était présenté comme le plus digne (et le plus fidèle) successeur de Jobs au poste de n°1 d’Apple. En s’emparant du pouvoir « sans faire de vagues », Cook avait repris à son bénéfice tout le discours de son mentor sur les valeurs d’Apple, sa mission à caractère messianique et les fondamentaux de la marque (simplicité, concentration et constance). Un soucis de la filiation poussé jusque dans l’imitation du style vestimentaire et de la sobriété du maître à l’occasion de ses première keynotes comme nouveau DG d’Apple.

> Après le suicide d’Alexander McQueen (le brillant créateur de la marque éponymique), Sarah Burton, la nouvelle directrice artistique de la marque, fut présentée comme la fille spirituelle du créateur. Elle a su depuis réinterpréter le style de McQueen selon sa propre inspiration, et faire ainsi perdurer la marque au-delà de son créateur, ce qui apparaissait a priori comme une gageure. On peut dire que le lignage artistique entre ces deux stylistes a permis à la légitimité charismatique de la marque de se maintenir.

> Pour Dior, la mésaventure fut plus rude. Alors que son directeur artistique, John Galliano, était totalement identifié à la marque après avoir été adulé pendant des années par les journalistes, blogueurs et autres fashionistas (voir ici le très bon article consacré à ce cas d’école)sa déchéance personnelle et médiatique avait largement entaché l’image de Dior en février 2011.

L-enfer-de-John-Galliano

Heureusement, la marque avait réagi très réactivement dès le mois de mars de la même année, en condamnant les propos de John Galliano puis en annonçant son licenciement, non sans reconnaître son inconstestable apport à la marque. Cette réaction rapide, efficace et pondérée avait permis d’éteindre les premières critiques. Par la suite, Dior a su regagner en deux temps la légitimité qui lui avait été en quelque sorte confisquée par John Galliano, dont l’image avait fini par « vampiriser » celle de la marque… Dans un premier temps, Dior a remis en avant le savoir faire unique de ses artisans en s’appuyant sur une légitimitation « traditionnelle ». Symbole de ce changement : Sidney Toledano a eu l’idée de faire saluer les « petites mains » de la maison à la fin du défilé de haute-couture qui suivait le scandale. Parallèllement, la marque a réalisé une série de reportages au sein de ses ateliers et Christian Dior a été remis largement à l’honneur. Dans un second temps, depuis l’arrivée du directeur artistique Raph Simons, la marque joue désormais sur deux modes de légitimation : traditionnelle d’une part et charismatique de nouveau.

> Dans le cas de l’encombrant John McAfee, inventeur de l’anti-virus informatique du même nom, dévoré depuis par la paranoïa et suspecté un moment de meurtre (lire ici son histoire rocambolesque), Intel n’a eu d’autre choix que de « tuer la marque » qu’il avait racheté en 2010, pour la renommer récemment Intel security. Bien qu’Intel s’en défende, cette décision a clairement été dictée (ou au moins hâtée) par l’attitude du créateur du logiciel, qui n’a cessé de critiquer son anti-virus depuis des années. Au point de déclarer qu’il d’agissait du « pire logiciel du monde »… et de réaliser une vidéo expliquant comment désinstaller le logiciel de son ordinateur. Un comble ! Dans un tel cas, légitimité charismatique ou non, il est clair qu’on ne peut blâmer Intel de sa décision, John McAfee étant devenu totalement incontrôlable (voir ici sa délirante vidéo).

john-mcafee

 

* Management transversal de la marque – Edition Dunod (septembre 2013)

** La revue des marques – Prodimarques (n°85, janvier 2014)

(Crédits photos : Redlime / Benoît Tessier / Brian Finke)

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