Non, les responsables du digital n’ont (vraiment) pas le moral…

CDO

Ceux qui lisent régulièrement le BrandNewsBlog s’en souviennent peut-être : j’avais déjà abordé en fin d’année dernière la question du blues des responsables digitaux… Ceux qui ont encore meilleure mémoire se souviendront peut-être que les Chief Digital Officers et autres personnes interrogées à l’époque par l’institut Boléro s’attribuaient alors une note d’humeur ou de moral de 11,4 sur 20 (soit à peine plus que la moyenne).

… Un résultat quelque peu étonnant au regard de l’engouement que connaît le métier depuis 3 ans. Offres d’emploi à foison, jobs évolutifs et de mieux en mieux reconnus, rémunérations attractives : tous les indicateurs semblaient pourtant au vert et auraient du concourir à l’épanouissement de ces experts très recherchés. L’édition de décembre 2015 du baromètre des responsables digitaux¹ (voir ici mon article à ce sujet²) avait le grand mérite de constituer en quelque sorte une première « alerte », en démontrant que les motifs d’insatisfaction et de frustration étaient en définitive assez nombreux, pour beaucoup de professionnels.

Las, disons le d’emblée : la nouvelle livraison de résultats de ce baromètre semestriel, dévoilée fin juin par Boléro et le magazine Stratégies, ne montre aucune embellie. Au contraire même : le niveau d’humeur des responsables digitaux plonge dangereusement dans le rouge, avec une note de 9,4 sur 20, tendant à prouver que le moral est résolument dans les chaussettes, cette fois.

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Des disparités suivant le contexte et les profils, mais une note moyenne globalement (très) basse

Alors certes, comme l’indique François Pinochet, directeur et cofondateur de Boléro, les perceptions peuvent s’avérer assez disparates, suivant l’entreprise et le profil des CDO interrogés. Interviewée par Stratégies et appelée à réagir à ces résultats, Cécile Lagé, directrice digital clients et innovation de FDJ, témoigne d’ailleurs de son étonnement : « Ce moral assez bas m’a surprise, parce que ce n’est pas ce que je vis. Mais il y a des natures de postes très différentes pour les responsables digitaux ou chief digital officers ».

Au-delà du secteur d’activité considéré ou du titre de fonction inscrit sur la carte de visite, le cabinet Boléro pointe surtout des différences significatives de perception en fonction du positionnement adopté au sein de sa structure par chaque responsable. Ainsi, en identifiant 5 grandes familles de CDO (le « geek », « l’apôtre », le « leader », « l’influenceur » et « l’ambassadeur » => voir ci-dessous le descriptif de chacune de ces familles), Boléro relève également des disparités assez nettes, avec des notes d’humeur qui varient de 4,9 sur 20 pour le CDO « geek » (le moins reconnu au sein de son entreprise), jusqu’à 13 sur 20 pour le responsable digital « ambassadeur » (11% seulement des responsables digitaux), qui bénéficie d’une forte reconnaissance interne et a souvent l’occasion de représenter l’entreprise à l’extérieur.

Mais quel que soit le profil considéré et à l’exception du CDO « ambassadeur » justement, la moyenne des notes attribuées par chacune des familles décrites ci-dessous, reste in fine très faible, au-dessous ou très légèrement supérieure à la moyenne…

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Niveau d’implication de la direction générale, présence dans les instances de direction, degré d’acculturation digitale de l’entreprise… Les freins identifiés par les CDO…

Lors de la présentation des résultats précédents du baromètre, en décembre 2015, François Pinochet avait déjà insisté sur l’importance, pour les CDO et autres responsables digitaux d’être présents dans les comités de direction. De l’avis général, parmi les professionnels interrogés, cette présence est certes un facteur de motivation indéniable mais surtout une condition devenue presque sine qua non, désormais, pour garantir la bonne avancée des projets et une meilleure visibilité/reconnaissance du rôle du CDO en interne. Je terminais d’ailleurs mon précédent article de blog au sujet du baromètre sur une exhortation à l’adresse des P-DG et des dirigeants d’entreprise, pour qu’ils donnent enfin les moyens et cette reconnaissance à leurs responsables digitaux, même si la fonction est encore assez récente (la plupart des CDO dans les entreprises ont été recrutés il y a moins de 4 ans).

De fait, tandis que plus de 60% des directeurs de la communication seraient membres du comité de direction de leur entreprise/organisation, les Chief Digital Officers sont moins d’un tiers (31%) à y participer.

Mais aussi important que ce soit ce facteur, il n’est pas le seul frein relevé par les responsables digitaux dans leur mission quotidienne. Les 4 autres points bloquants potentiels identifiés sont aussi : 1) le niveau d’implication de la direction générale sur les sujets digitaux ; 2) le degré d’acculturation digitale de l’entreprise et de la hiérarchie ; 3) le degré d’autonomie (vis-à-vis du marketing notamment mais surtout des DSI) ; enfin 4) la question des moyens et de l’implication des équipes dans les projets, ce dernier point pouvant également s’avérer crucial dans la réussite des projets.

Freins

Déjà la fin de l’état de grâce des directeurs du digital ?

Recrutés pour la plupart dans les 3 à 4 dernières années et souvent confrontés depuis à de vrais freins culturels et pesanteurs au sein  des organisations, les responsables digitaux  doivent par ailleurs de plus en plus rendre compte de leurs avancées et leurs résultats. Passée la période de lancement des démarches, ils doivent désormais justifier de leurs actions, à l’aune d’outils d’évaluation et de KPI qui se sont sensiblement affinés. Finie par conséquent la période « d’état de grâce » qui avait présidé à la création de ces nouveaux postes au sein des entreprises, d’après Pierre Cannet, P-DG du cabinet Blue Search : « La plupart des directeurs du digital ont été nommés en 2014, et nous assistons peut-être à la fin de l’état de grâce […] Ils sont arrivés pour évangéliser les entreprises et se rendent compte au fur et à mesure que cela est loin d’être simple et qu’ils peuvent être pris dans des jeux politiques »

En réalité, en constante évolution, le profil et les objectifs de la mission des responsables digitaux n’en finissent pas de se préciser, au contact de la réalité et à l’aune de la volonté et l’implication de leurs dirigeants. Autant statégiques que techniques, en définitive, ces nouveaux postes requièrent en effet une grande finesse, de l’expérience et un sens politique aigu pour pouvoir atteindre les objectifs impartis.

Bien conscients des contraintes, mais également de cet espace qui leur reste le plus souvent à conquérir, les directeurs du digital restent néanmoins globalement optimistes sur l’avenir de leur fonction, qu’ils/elles ne voient pas disparaître à court terme au sein des organisations. Car les besoins demeurent aujourd’hui immenses et la digitalisation des comités de direction et des entreprises est bien loin d’être achevée… En dépit des freins évoqués ci-dessus, 72 % d’entre eux continuent de juger leur fonction stratégique et la plupart estiment qu’elle peut être, le cas échéant, un excellent tremplin vers d’autres activités au sein de l’entreprise.

De quoi continuer à voir l’avenir en rose, assurément, même quand le quotidien n’est pas des plus faciles :-) !

 

Notes et légendes :

(1) Le baromètre semestriel des responsables digitaux, ou « Baronet » Boléro-Stratégies a été mené en décembre 2015 puis au mois de mai 2016, auprès d’une centaines de responsables en charge du digital (CDO, responsables du digital + quelques directeurs marketing et communication ou d’autres fonctions en charge du digital au sein de leur entreprise).

(2) « Non, les directeurs du digital n’ont pas (tous) le moral… », article du BrandNewsBlog du 22 décembre 2015

 

Crédit photos et infographies : Greg Guillemin, TheBrandNewsBlog 2016

 

Non, les directeurs du digital n’ont pas (tous) le moral…

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11,4 sur 20 : c’est, selon la toute première édition du baromètre semestriel Boléro/Stratégies*, la note moyenne du moral des responsables digitaux français.

Pas vraiment folichon, me direz-vous ? Je suis d’accord : j’avoue que je m’attendais à mieux à la lecture des résultats de cette étude, s’agissant d’une fonction aussi stratégique et valorisée au sein des entreprises dans lesquelles elle existe. Dotés d’une visibilité accrue, de budgets en hausse et d’équipes de plus en plus étoffées, les CDO (chief digital officers) ne semblent en effet pas les plus à plaindre ces temps-ci. Un avis partagé par plusieurs d’entre eux, d’ailleurs : « Je suis surprise de ce niveau de motivation » confirme ainsi Marie Lalon, directrice du digital de Citroën, « car notre métier est très galvanisant, plein de nouveautés, et nous l’exerçons dans un secteur qui bouge en permanence ».

Les CDO, enfants gâtés de l’entreprise ?

… Mais c’est un biais assez fréquent dans ce genre d’étude et le propre de toute moyenne : il arrive qu’une note globale cache des disparités importantes, d’un individu et d’une entreprise à une autre. Patrick Hoffstetter, CDO et directeur de la digital factory de Renault, pointe ainsi d’emblée la différence de statut et de moyens entre petites et grandes organisations : « Pour les digital managers exerçant dans de petites structures, qui disposent d’équipes réduites et qui doivent gérer tous les aspects du digital, c’est plus compliqué ».

Sollicités sur tous les front du digital : la publicité en ligne, l’e-commerce, le développement des réseaux sociaux (internes et externes), la transformation de l’entreprise… la charge est en effet très importante pour la plupart des CDO. Et il arrive qu’une partie d’entre eux, souvent les moins rompus aux lourdeurs de certains fonctionnements internes d’ailleurs, se décourage et baisse un peu les bras…

Un optimisme qui varie en fonction de la maturité digitale de l’entreprise et de l’expérience du CDO…

De fait, François Pinochet, Chief Executive Officer de Bolero, distingue trois groupes parmi les responsables digitaux que son agence a pu interviewer : 1) d’une part, les « découragés » (39% des CDO, avec un moral moyen de 7 sur 20). Souvent les plus jeunes de l’échantillon interrogés, ces managers au profil très opérationnel sont souvent de bons experts du point de vue technique, mais ils peuvent être rapidement déçus et parfois très critiques vis-à-vis du manque de culture et d’enthousiasme digital de leurs aînés et de leurs dirigeants… « Un jeune CDO maîtrise en général très bien le process digital, mais pas toujours le fonctionnement d’une grande entreprise et de ses circuits de décision. Cela peut générer des frustrations. » confirme ainsi Vincent Montet, Chief Digital Officer des écoles Efap, ESJ et Icart.

Plus sereins, 2) les responsables digitaux « épanouis » (42% des CDO, avec un moral moyen de 12,8 sur 20) manifestent davantage de confiance dans l’avenir de leur fonction. Bénéficiant souvent d’un environnement de travail plus favorable et d’une culture d’entreprise ouverte à la transformation digitale, ils ont en général le soutien de leur direction et apprécient la confiance qu’on leur témoigne.

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Enfin, 3) les « enthousiastes » (19% des CDO, avec une note de 17,5 sur 20) ont en général la chance de participer directement à la stratégie de leur entreprise et d’y être valorisés et reconnus. Disposant d’équipes et de moyens plus importants (souvent dans les plus grandes entreprises), ce sont aussi ceux qui expriment le plus de confiance dans l’avenir de leur fonction, convaincus que celle-ci peut le cas échéant être un tremplin vers des jobs encore plus intéressants : soit en élargissant leur périmètre pour englober à la fois digital, CRM et relation client, soit en faisant un bond vers le marketing, par exemple.

Rattaché(e) au comité de direction… ou pas ?

Au final, en dehors de la taille des structures et de leur maturité digitale, au-delà de la charge de travail et de la reconnaissance par les pairs au sein de l’entreprise, c’est bien l’appartenance au comité de direction de l’entreprise qui semble influencer le plus directement le moral des CDO et la perception de leur fonction. Comme le résume Marie Laloy : « Notre satisfaction dépend beaucoup de notre présence au comité exécutif : plus on est visible au comme’, plus on a le sentiment que nos missions sont stratégiques et que l’on est respecté ».

Cette intégration au comité de direction constitue un pré-requis souligné par la plupart des responsables digitaux interrogés, même si une minorité d’entre eux l’est effectivement. « Si le CDO n’est pas rattaché au comité de direction, c’est tout simplement du digital washing » résume ainsi Vincent Montet.

Avis à tous les dirigeants d’entreprise soucieux de réussir leur transformation digitale, on ne saurait être plus clair : si vous voulez vraiment réussir cette transformation et vous attacher durablement les services d’un expert motivé et d’un véritable évangéliste numérique auprès de ses collègues : donnez-lui de la visibilité et des responsabilités ! Et intégrez-le à votre comité de direction. Cela fera du bien à tout le monde, vous verrez… :-)

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Sources et légendes :

Baronet * Bolero/Stratégies, réalisé au mois de novembre 2015 auprès de 112 responsables et directeurs du digital  ou d’une autre fonction en charge du digital (marketing, communication…).

Crédits photos / illustrations : Greg Guillemin, 123 RF, Stratégies

 

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