Transformation numérique : non, les hyperconnectés ne sont pas les plus performants… ni les plus modestes

salvador-365x450Rabat-joie. Décidément, certains chercheurs ont vraiment le chic pour fiche à l’eau croyances et idées reçues ! Et celles qui sont liées à l’usage intensif d’Internet et des outils numériques ne sont pas les moins vivaces…

Premier exemple de ces croyances, devenues au fil du temps de quasi-certitudes : grâce à leur parfaite maîtrise du web et des ressources digitales, les nouvelles générations seraient plus douées que les précédentes pour le multitâche. Bien plus que leurs aînés, les digital natives hyperconnectés auraient en effet la faculté de gérer l’agrégation de plusieurs flux d’information et de données en simultané. Ils sauraient en outre capables de sauter rapidement d’une information à l’autre (« switch ») sans que cela nuise nullement à leur concentration ni à leur productivité… Bref : leur pratique et leur connaissance du web seraient en quelque sorte les gages d’une efficacité professionnelle accrue. Ces hypothèses, d’abord fondées sur l’observation très empirique des habitudes de travail et de navigation de membres des génération « y » et « z », semblèrent dans un premier temps confirmées par les travaux des professeurs Ophir, Nass et Wagner sur le « multitasking » ou bien par ceux des professeurs Al-Zarabi et Becker sur le « switch »¹…

De fait, et c’est ce que prouvent sans doute possible les recherches de Caroline Cuny, docteur en psychologie cognitive à l’université de Lyon II : ces deux croyances s’avèrent en réalité complètement fausses !

Outre le fait qu’il n’y aurait en définitive que très peu de différence de comportement entre les digital natives et leurs aînés, soumis à des tests similaires et équipés des mêmes matériels, l’usage intensif des outils numériques ne développerait en rien la performance en matière de multitasking ni de switch. Au contraire, même : tous les tests menés par Carolyne Cuny et son équipe tendent à prouver que les individus équipés de devices numériques ont tendance à sous-performer en termes d’appropriation de l’information et de réponse par rapport aux individus pas ou peu connectés.

Dans la pratique, confrontés à un exercice complexe de 15 minutes les obligeant à gérer une multitude de tâches et d’informations en même temps, les groupes de digital natives connectés et non connectés ainsi que les groupes de « digital immigrants » connectés et non connectés ont éprouvé des difficultés similaires à gérer le multitâche.

Si les plus jeunes ont parfois été plus rapides que leurs aînés pour finir l’exercice, les individus qui ne disposaient d’aucun outil numérique ont eu davantage tendance à prendre des notes (à 65 % contre 5 % pour ceux qui étaient connectés). A l’issue de l’exercice, les « déconnectés » (jeunes et vieux) ont eu globalement de meilleurs résultats que leurs homologues. Ils ont fait preuve d’une meilleure mémorisation des données et d’un degré de compréhension et d’analyse supérieur, leur permettant de formuler des réponses plus élaborées… OUPS.

Internet, hyperconnexion et illusion de la performance…

Autre exemple d’étude, aux résultats étonnants : les travaux de Matthew Fisher, doctorant à l’université de Yale et de ses collègues Mariel Goddu et Frank Keil, nous prouvent qu’Internet a tendance à nous rendre excessivement confiants… et à nous croire beaucoup plus intelligents que nous ne le sommes.

warhol_by_haring-365x450 copie

Concrètement, avant d’en arriver à cette conclusion, les trois chercheurs ont posé à leurs « cobayes » des séries de questions qui semblaient faciles en apparence, mais qui en réalité ne l’étaient pas (par ex : comment le verre est-il fabriqué ?). Tandis qu’une partie des individus a eu le droit de chercher les réponses sur Internet, les autres en étaient privés. Après un rapide débrief à l’issue de la première phase de tests, de nouvelles séries de questions étaient posées.

Résultat : à l’évidence, le groupe qui avait eu le droit de faire des recherches en ligne a largement surestimé ses capacités à répondre correctement aux nouvelles séries de questions.

Autre enseignement : au-delà de cette illusion sur leur propre performance, les individus ayant eu accès à cette « prothèse cognitive » qu’est Internet avaient tendance, a posteriori, à s’attribuer le succès à l’exercice, sans faire la part entre les réponses qu’ils avaient eux-mêmes trouvés et celles qu’Internet leur avait soufflé… Un exemple de confusion manifestement de plus en plus courant entre ce qui est stocké dans nos cerveaux et les ressources de la Toile.

Moralité (il paraît qu’il en faut une ;) => à défaut de nous passer de nos prothèses numériques et cognitives, méfions-nous d’abord de nos propres perceptions… et de ce sentiment de facilité qui n’est qu’illusion. Dans les disciplines qui exigent un fort degré d’autonomie et d’expertise « embarquée » (par ex : science, médecine…), il devient critique de conserver une bonne vision de ce que peuvent apporter les outils d’aide à la décision et ce qui, a contrario, repose et dépend de nos propres ressources cognitives et psychiques. Il en va de la qualité même de nos futures décisions, justement…

 

Notes et légendes : 

(1) En 2009, les travaux et observations des professeurs Ophir, Nass et Wagner, de la National Academy of Science, avaient été largement commentés et extrapolés, pour affirmer que les digital natives présentaient une aptitude accrue à faire plusieurs choses à la fois (multitasking).

A contrario, l’étude des professeurs Al-Zarabi et Becker, en 2013, tendait à prouver que les digital natives ne sont pas meilleurs sur le multitache, mais qu’ils savent sauter rapidement et avec aisance d’une info à une autre (switch).

Illustrations : Greg Guillemin / TheBrandNewsBlog 2016

Pilotage de marque : un exercice de plus en plus complexe, des indicateurs à réinventer…

img004C’est un constat de plus en plus partagé parmi les professionnels du marketing et de la communication : le pilotage de la marque est devenu une activité « multidimensionnelle et complexe ». Du fait de l’extrême sophistication de l’écosystème marketing et faute d’indicateur synthétique pour appréhender globalement le retour sur investissement de leurs actions, beaucoup estiment se trouver démunis au moment d’examiner ou de remettre à plat leur stratégie.

Qu’on en juge par ces résultats de sondages récents : tandis que 56% des responsables marketing et communication considèrent leur entreprise « peu avancée dans la mesure de la performance » ¹, ceux qui évaluent régulièrement leur actions marketing-com’ et disposent d’indicateurs bien définis en la matière n’en sont pas nécessairement satisfaits, au contraire… D’après TNS Sofrès², 42% des annonceurs considèrent que les indicateurs dont ils disposent ne sont pas pertinents !

Un aveu d’impuissance équitablement partagé, puisque des marques B to C aux marques B to B, l’insatisfaction exprimée est la même : 50% des annonceurs B to B pensent que leur mesure de la performance est « inexistante ou peu efficace », d’après une autre étude, de l’Adetem cette fois³.

Comment piloter la marque à l’heure de la mondialisation, de la démultiplication des pôles d’influence et de « l’éclatement » de la relation entre la marque et ses publics ? A quels indicateurs se vouer ? Comment arbitrer entre les différents objectifs de la marque et quels outils privilégier ?

C’est à ces questions, ô combien importantes, que le magazine Stratégies consacrait récemment un intéressant dossier*. Je vous en livre ci-dessous la quintessence, enrichie des apports de quelques experts des KPI et de l’évaluation de la performance des marques sur les médias sociaux notamment**. Chaussez vos jumelles et attrapez la calculette : ce matin, on va parler KPI, ROI, PDM… entre autres ;-)

9075741_m

Les marketeurs et les communicants fâchés avec les indicateurs ? 

Ne nous voilons pas la face. Les enquêtes ne laissent d’ailleurs guère de doute sur ce point : pour beaucoup de professionnels et d’annonceurs, la définition et le suivi de KPI (Key Performance Indicators, ou indicateurs de performance) et l’analyse du ROI (Return On Investment) ne sont pas des exercices aussi familiers qu’on pourrait le penser.

Comme le prouvent les résultats de l’Observatoire des KPI publiés à l’automne dernier par l’agence Dufresne Corrigan Scarlett (en partenariat avec l’Union des Annonceurs et l’Adetem), de nombreux professionnels sont conscients de ne pas « être au taquet » sur ces questions, souvent considérées comme « rébarbatives » ou/et chronophages. 13% des annonceurs avouent même sous cape ne procéder à aucune analyse de la performance ou du ROI de leurs actions¹… 

La première raison de ces réticences demeure d’abord culturelle (pour 80% des responsables interrogés). Mais le manque de temps et de formation des équipes (pour 70% des répondants) et le déficit d’expertise dans l’identification et le monitoring des indicateurs (20%) sont également pointés du doigt, au titre des freins à surmonter.

Confrontés à des marchés de plus en plus mondialisés, à des parcours de consommation rendus de plus en plus imprévisibles par la révolution du digital et l’explosion du web 2.0 en particulier, les professionnels (y compris les plus aguerris à l’évaluation des actions) s’interrogent sur leurs outils de mesure et leur capacité à anticiper l’évolution des attentes leurs publics.

REMONTAGEeclairage

Un pilotage de plus en plus complexe et multidimensionnel… 

Pour faire face à cette complexité croissante, marketeurs et communicants expriment presque tous le besoin d’expérimenter de nouveaux leviers de compréhension et de nouvelles méthodologies. Mais ils sont aussi de plus en plus nombreux à éprouver la nécessité de s’élever vers une vision synthétique et prospective, au-delà du suivi de leurs différents objectifs et des indicateurs correspondants.

Ligne de fracture entre les « anciens » et les « modernes », sur ces considérations de pilotage de marque notamment, le développement sans précédent du digital s’est accompagné de l’irruption d’un lot impressionnant de nouveaux indicateurs. Mais il a également fait naître une nouvelle doxa. Celle de la mesure absolue et sans limite, en temps réel, de toutes les dimensions de la relation client et de la performance des actions marketing. 

Or comme le résume Bertrand Espitalier, directeur du développement et de la communication de l’agence Le Fil : « La bonne nouvelle avec le digital, c’est certes qu’on peut tout mesurer. Mais la mauvaise, c’est aussi que l’on peut tout mesurer »… Et s’encombrer, au gré des remontées d’informations, d’une masse de données peu utiles et d’indicateurs pas toujours pertinents au regard de la stratégie de l’entreprise.

Ainsi, entre les indicateurs traditionnels relevant directement du business ou de la gestion de l’image (chiffre d’affaires, part de marché, nombre/proportion de nouveaux clients, points d’image ou de notoriété…) et les nouveaux indicateurs digitaux servant par exemple à mesurer le taux de clic, le nombre de leads ou le taux d’engagement des internautes vis-à-vis de la marque… les professionnels se retrouvent parfois noyés. Avec la nette impression de ne plus trop savoir à quels saints se vouer.

Pour mémoire, je vous propose ci-dessous une typologie des grandes familles d’indicateurs les plus couramment utilisées. A vrai dire, il en existait déjà une très large palette pour chacun des champs de la communication et du marketing (communication institutionnelle, relations publiques et relations presse, com’ interne, publicité, com’ financière et évènementiel, etc). L’essor du digital et des médias sociaux, par lequels je commence le tableau ci-dessous, n’a fait qu’ajouter à cette tendance inflationniste :

KPI4

Des indicateurs de plus en plus nombreux, mais toujours la même recette pour mesurer l’efficacité des actions : savoir ce qu’on veut évaluer et dans quel objectif…

La recommandation peut paraître basique voire triviale, elle n’en est pas moins confirmée par l’expérience : plus la complexité augmente (et le nombre d’outils de mesure possibles), plus il est important d’avoir une idée claire de ce que l’on recherche et de ce que l’on veut mesurer. Au diable la dictacture de la data et les illusions d’un « pilotage automatique » de la marque, fondé sur une batterie d’algorithmes. S’il est toujours intéressant de marier des indicateurs de court terme avec des objectifs et indicateurs de moyen-long termes, chaque professionnel gagnera à développer sa propre vision de la marque pour définir les outils de mesure qui lui paraissent les plus adaptés à ses besoins.

Et tandis que deux écoles semblent de plus en plus s’affronter sur le terrain de l’évaluation (entre les partisans d’une approche réactive et « adaptative » du brand management, capitalisant sur un pilotage « en temps réel » de la marque et les tenants d’une approche plus traditionnelle, privilégiant la maîtrise de quelques grands indicateurs, comme le point d’image ou la part de marché…), les résultats probants obtenus par certaines marques plaident clairement en faveur du pragmatisme…

Pour ces dernières en effet, peu importe la méthode et les outils retenus, pourvu que ceux-ci reflètent une véritable orientation stratégique et des priorités bien définies. A l’heure de l’incertitude et de la gestion de données complexes, il importe surtout de faire des choix, comme en témoignent la plupart des opérationnels interviewés par le magazine Stratégies.

Des KPI à s’approprier ou à réinventer au besoin, en les mettant au service de sa stratégie… 

Ainsi pour Jérôme François, directeur général communication consommateurs de Nestlé, « le fait de fixer des directions est devenu plus essentiel que jamais. Quant à la fréquence du suivi, elle reste fonction des objectifs à atteindre ». Si la sélection des bons indicateurs apparaît à 60% des annonceurs comme le principal défi à relever pour mesurer l’efficacité marketing, la prise de recul et le fait de s’accorder le temps de l’analyse apparaissent souvent comme des préalables à la réussite de cet exercice et à la définition d’une véritable « vision » marketing.

« Cette vision, c’est en effet la garantie d’un pilotage plus serein, plus sûr, dépollué des secousses aléatoires » confirme Marc Meuer, qui a quant à lui opté pour la définition d’un noyau d’indicateurs clés de performance pour toute la durée de son plan stratégique. Mais en bon pragmatique, le directeur marketing de Volkswagen France ne ferme aucune porte: « Avoir une vision sur le long terme et un noyau restreint d’indicateurs n’empêche pas d’exploiter une multitude d’outils. Sous les dix KPI clés, qui encadrent le pilotage de marque au niveau mondial, nous suivons une petite trentaine de sous-indicateurs (…) déclinables par pays et qui actionnent eux-mêmes des dizaines d’autres KPI. »

On le voit, pour une bonne gestion de la mesure, rien de tel qu’un retour aux fondamentaux, mais à condition de savoir aussi ôter ses œillères au besoin ! Sans oublier qu’à défaut d’indicateurs adéquats, il est tout à fait possible (et même indiqué !) de les construire sur-mesure. Ainsi, pour faire écho à mon billet de la semaine dernière, si un objectif important pour la marque est de faire évoluer la relation qui la relie à une partie de son public, les facteurs clés de succès et les indicateurs correspondants à mettre en oeuvre seront à coup sûr très spécifiques.

Ils devront refléter, le plus fidèlement et le plus régulièrement possible, l’évolution de cette relation dans le temps, au moyen des retours qualitatifs ou quantitatifs recueillis auprès des clients. On le voit, quand il n’existe pas d’indicateur idéal, il est toujours possible d’en adapter ou d’en « réinventer » un de plus performant. L’important étant in fine de le suivre de manière cohérente et constante dans le temps… quitte à le corriger et le réaménager si la mesure remontée ne correspond pas aux besoins de votre évaluation ! :)

 

 

Notes et légendes :

(1) Observatoire des KPI (première édition, octobre 2014) réalisé par l’agence Dufresne Corrigan Scarlett (en partenariat avec l’Union des Annonceurs et l’Adetem).

(2) Etude TNS Sofres réalisée en 2013 pour le compte du Club des annonceurs

(3) Etude de l’Adetem, automne 2014

* Dossier « Pilotage de marque : comprendre pour anticiper », par Muriel Jaouën – Stratégies n°1798, 22 janvier 2015

** Paul Cordina (Chef de produit CRM et Digital chez Nestlé, auteur de « Les marques et les réseaux sociaux ») et Emmanuelle Lussiez (UQAM))

 

Crédit photos : 123RF, X, DR / Infographie : TheBrandNewsBlog 2015

 

 

8 défis à relever pour remettre le marketing au coeur de l’entreprise

mkg

Sale temps pour les marketeurs ! Si l’on s’en réfère aux résultats de deux études récentes (IBM Global CMO Study 2013 + Enquête Ernst & Young 2014), les professionnels auraient un peu le moral dans les chaussettes…

La faute aux bouleversements qui ont secoué la fonction marketing ces dernières années : inefficacité des stratégies de mass market, atonie des marchés liée aux crises à répétition, mondialisation, imprévisibilité des comportements d’achat, réorganisation des entreprises et transformation digitale accélérée à laquelle ils s’estiment insuffisamment préparés… Sans parler de la réticence croissante des consommateurs vis-à-vis du marketing, dont plusieurs grands esprits ont déjà annoncé la mort.

Comment ne pas sombrer dans la même atonie que les marchés, « transformer les freins d’aujourd’hui en leviers de demain » et profiter des opportunités pour remettre le marketing au coeur des préoccupations et de la stratégie de l’entreprise ? David Naïm, Marc Antoine Schuck, François Laurent et Jean Watin-Augouard nous en livrent les pistes dans le dernier numéro de l’excellente Revue des marques*.

La fonction marketing à la croisée des chemins

Vous êtes marketeur / marketeuse et vous vous sentez démuni(e) face aux bouleversements de votre métier et à l’ampleur de la tache à accomplir ? Manifestement, vous n’êtes pas le/la seul(e)…

Année après année, les enquêtes menés auprès des professionnels du marketing semblent témoigner du décalage croissant entre les objectifs à atteindre et les moyens et connaissances dont ils disposent. Alors que la transformation digitale et une mutation « 2.0 » du marketing semblent inévitables dans la plupart des secteurs d’activité (gestion intégrée des données, notamment issues des médias sociaux ; intégration des nouvelles technologies de traitement et d’analyse…) la réduction des budget et des effectifs, l’inadéquation des outils encore utilisées par la plupart des entreprises mettent à mal les efforts des marketeurs. Au point de les faire sérieusement douter de leur propre stratégie…

graphes

Au-delà du manque de moyens et de l’inadaptation technologique, le malaise découle surtout de la mutation profonde du métier… et des consommateurs. Du fait de la multiplication des sources d’information et du développement du web 2.0, tout le monde sait que les comportements de consommation ont profondément changé.

Mieux informés, plus méfiants et exigeants vis-à-vis des marques, les consommateurs n’ont jamais été aussi difficiles à cerner et leurs attentes évoluent beaucoup plus rapidement que par le passé. Plus ennuyeux : ils semblent être devenus « allergiques » à toute forme de marketing, même (et surtout) déguisée, et fuient les manoeuvres des marques pour nouer une conversation superficielle dont ils n’ont bien souvent que faire.

Noyés sous une masse de données de sources multiples, désemparés par les dégâts collatéraux de l’infobésité sur leurs stratégies (de contenu notamment), les marketeurs nagent en plein doute et ne le cachent plus : « Alors que 79% des responsables marketing interrogés prévoient un accroissement sensible du niveau de complexité dans les prochaines années, ils ne sont que 48% à se déclarer prêts à affronter cette complexité », souligne l’étude IBM Global CMO. Pire, quand on leur demande de citer leurs quatre défis majeurs, ils avancent ceux où ils manquent le plus de préparation : 1) identification des connaissances réellement utiles 2) définition d’une stratégie efficace sur les médias sociaux 3) choix des bons canaux et périphériques 4) réponse aux évolutions démographiques et nouvelles attentes des consommateurs.

Bref : l’heure est grave…

Non, le marketing n’est pas mort !

Moribond le marketing ? C’est (sous forme de provocation) ce que laissait entendre cet article de la Harvard Business Review il y a deux ans, ou le blog Marketing is dead. Au point que l’Adetem, principale association du marketing en France, s’est fendue l’an dernier d’un plaidoyer intitulé Le marketing est mort, vive le marketing !

Evidemment, comme François Laurent le résume d’ailleurs très bien dans son article de la Revue des marques*, ce qui est aujourd’hui rejeté par les consommateurs, c’est d’abord « le marketing de papa » et ses vieilles recettes manipulatoires. La cadence infernale des lancements de produits (jusqu’à 22 nouveaux parfums par mois sur le marché français par exemple) ; « l’hyperbolisme outrancier de la communication publicitaire » ; l’inflation des messages non sollicités, envoyés tous azimuts par des marketeurs-spammeurs zélés ne voyant même pas le problème… ont causé un tort considérable au marketing, en le discréditant peu à peu. Et l’avènement du web 2.0 n’a pas forcément amélioré les choses, un bon nombre d’entreprises et d’agences conservant dans leurs stratégie digitale la même logique et les mêmes objectifs, purement quantitatifs, via-à-vis de leurs prospects / fans / relations / followers…

Or les consommateurs eux-mêmes ont trouvé les moyens désormais, avec le web 2.0, de réagir et rééquilibrer les rapports qu’ils entretenaient avec les marques. Comme le montrent les innombrables exemples d’entreprises piégées sur les réseaux sociaux au jeu de leur double discours ou pris en flagrant délit de « greenwashing« , le seul moyen d’aller de l’avant, et de refonder le marketing, est de tourner d’abord le dos aux méthodes du passé et de s’engager résolument dans un « marketing plus éthique et responsable, respectueux des citoyens et de la planète ».

Exit donc la surproduction des lancements et des messages, la malhonnêteté intellectuelle ou les comportements non-éthiques de certaines marques qui continuent de faire produire leurs modèles les plus populaires dans des conditions de travail déplorables… Le 21ème siècle exige un marketing plus transparent, agile, inventif et intelligent, qui s’attache vraiment à comprendre les gens et à démontrer son empathie…

8 chantiers prioritaires qui replacent les marketeurs au coeur de la performance de l’entreprise…

… A cet égard, les 7 pistes de travail identifiées par David Naïm et Marc-Antoine Schuck, auxquelles j’ai ajouté une huitième recommandation appelant justement à un marketing plus emphatique, sont à mon avis à considérer comme autant de chantiers prioritaires pour repositionner la fonction marketing au coeur de la stratégie et de la performance de l’entreprise.

Si les ressources budgétaires et technologiques (pour apprivoiser notamment les big data) demeurent des préalables essentiels, nul doute que s’attaquer méthodiquement à chacun de ces 8 défis doit permettre de remédier à la crise existentielle que traverse le marketing :

  1. Poursuivre les efforts d’ultra-segmentation et de recentrage client pour proposer des produits, des services et une expérience client toujours plus personnalisés.
  2. Mettre en place une réelle stratégie de données afin d’améliorer l’analyse du ROI et sa dimensions prévisionnelle.
  3. Concevoir une expérience client à 360° aboutie, en favorisant un parcours client enrichi (cohérence de tous les points de contact et mise en place d’un processus de désintermédiation).
  4. Faire évoluer le mix canal (grandes surfaces, hard discount, livraisons à domicile, commerces de proximité, click & collect, etc) tout en conservant un positionnement image et prix cohérent.
  5. Repenser l’articulation entre global et local pour un fonctionnement plus souple et agile.
  6. Privilégier de nouveaux modèles organisationnels améliorant la collaboration interne (avec les fonctions sales, communication, SI, parcours client notamment) et externe (via des plateformes de co-création avec le client).
  7. Identifier, former et intégrer les talents de nouveaux métiers du marketing (community managers, data scientists, etc) pour constituer des équipes plus performantes.
  8. Promouvoir un marketing à la fois plus éthique et responsable, et plus « emphatique » favorisant une intimité dans la durée, c’est à dire respectueuse des clients et des autres parties prenantes et ce, sur l’ensemble du cycle de vie de la relation.

 

Sources :

* La Revue des marques n°86, 2ème trimestre 2014 :

>> « Le marketing est-il mort » (article de François Laurent, Coprésident de l’Adetem) ;

>> « La fonction marketing en mutation » (article de David Naïm, Associé chez EY et responsable des activités de stratégie, marketing et innovation / et Marc-Antoine Schuck, Directeur Associé chez EY, distribution et produits de consommation).

>> « Les métiers du marketing de demain » (article de Jean Watin-Augouard)

 

Iconographie :

>> Illustration : X, TheBrandNewsBlog

>> Graphes : La revue des marques / Etude EY 2014

 

 

 

%d blogueurs aiment cette page :