A partir de quand peut-on considérer qu’une marque est réellement morte ? Peut-elle survivre à un dépôt de bilan ou à une liquidation judiciaire ? Sous quelle forme et à quelles conditions ? Les cas récents de Virgin ou de Spanghero, et quelques autres précédents restés célèbres, constituent autant d’exemples et de réponses différentes à ces questions.
Le cycle de vie des marques : une asymptote en pointillé ?
La métaphore de l’être vivant a sans doute ses limites, on peut néanmoins considérer que les marques naissent (avec leur lancement), grandissent (en se développant puis en régressant, le cas échéant) et sont susceptibles de mourir. Mais ce cycle de vie, si tant est qu’on puisse filer la métaphore, est loin d’être linéaire et continu. Les crises économiques, de mauvais résultats, une crise d’opinion ou des scandales à répétition, peuvent endommager l’image d’une entreprise voire remettre en cause sa viabilité, au point qu’elle soit acculée à la liquidation, comme ce fut le cas pour Virgin Megastore en juin dernier. Pour autant, derrière l’entreprise en redressement ou l’entreprise qui disparaît, la ou les marques correspondantes ne s’éteignent pas nécessairement. En cas de reprise, en particulier, le repreneur a parfois intérêt à conserver la marque rachetée et à capitaliser sur sa notoriété et sa valeur immatérielle (son « goodwill »), si celles-ci sont importantes, plutôt que de repartir du néant. Même après liquidation, le capital immatériel que représente la marque peut le cas échéant être acquis par une autre société.
La valeur immatérielle de la marque, dernier actif de certaines entreprises en difficulté
Dans le cas de Virgin Megastore, il est évident que la somme des investissements réalisés depuis des années en matière de publicité et en communication, le degré de notoriété atteint par l’enseigne, par le « flagship » des Champs-Elysées en particulier, constituaient de véritables atouts. Si un repreneur s’était manifesté, il lui aurait sans doute été long et coûteux d’acquérir une notoriété équivalente à partir d’une marque moins connue. En mettant la main sur la marque Atari en 2001, puis en prenant officiellement le nom d’Atari en 2009, la société Infogrames Entertainment ne visait pas d’autre objectif que « de bénéficier de la notoriété de cette marque à travers le monde ». Atari étant en liquidation judiciaire depuis janvier 2013, rien n’interdit pour autant de penser qu’une autre société, du même secteur ou d’un autre, puisse être un jour intéressée pour récupérer cet actif au pouvoir d’évocation intact pour les plus âgés des gamers. A l’inverse, dans le cas de Spanghero, placée en liquidation judiciaire en avril dernier, l’image de la marque était à ce point dégradée que même avec le temps, il aurait été suicidaire pour son repreneur de conserver ce nom pour relancer une activité. C’est donc sous une nouvelle marque, « La Lauragaise », que Laurent Spanghero a redémarré la production fin juillet.
Quelle vie pour la/les marques après un dépôt de bilan, voire une liquidation ?
Une marque peut être reprise pour sa valeur intrinsèque, indépendamment de son activité. Pour des repreneurs aux activités connexes à l’entreprise défunte, ayant eux même certaines difficultés d’image ou une faible notoriété sur leur propre marché, il peut être intéressant de s’approprier une marque célèbre, pour s’accaparer à bon compte sa puissance d’évocation symbolique et ses attributs d’image. La branche grand public de Thomson est ainsi devenue Technicolor il y a quelques années. Un mariage et un rebranding pas forcément très convaincant, du fait de la nature très hétérogène de leurs activités et de leurs images respectives notamment. Certains choix jugés « stratégiques » en terme de communication à un moment donné, ne font à l’expérience qu’ajouter de la confusion dans la perception des marques par leurs clients et parties prenantes. Dans de tels cas de « brandstretching » (extension de marque), le risque de vampirisation ou de pollution d’une marque par l’autre est à prendre en compte.
En résumé, une marque forte, qui aurait conservé son capital symbolique à peu près intact, peut survivre à l’extinction de l’entreprise qui l’a en portefeuille, à condition néanmoins d’être vigilant et de ne pas faire n’importe quoi en termes de branding et de marketing par la suite…