Discipline encore récente, le personal branding a fait l’objet d’une littérature abondante ces dernières années et continue de susciter le débat, même si l’effet de mode en est légèrement retombé. Après avoir conquis les pays anglo-saxons, ce sont les coaches et autres spécialistes du développement personnel qui ont été les premiers à s’emparer du sujet de ce côté-ci de l’Atlantique. Ces experts ont à leur tour théorisé puis largement contribué à populariser un phénomène présenté comme inéluctable : la « marchandisation » par chaque individu d’une image valorisante de lui-même. Cette « construction » d’une marque personnelle, plus ou moins inspirée du branding des marques commerciales, devant permettre à chacun d’entre nous de séduire plus efficacement de potentiels employeurs, partenaires ou relations professionnelles… tout en nous réconciliant avec nous-mêmes. Un ambitieux programme.
Mais que préconisent exactement les experts du personal branding ? Quel rapport avec le branding des marques commerciales ? Et surtout quel intérêt et quels impacts pour les personnes qui s’engagent dans une telle démarche ?
Avant de donner prochainement la parole à un(e) spécialiste pour faire le point sur le développement de cette discipline, le BrandNewsBlog vous propose un premier tour du sujet…
> Le personal branding, qu’est-ce que c’est exactement ?
Au sens presque littéral, le personal branding est « l’art de développer sa marque personnelle » et regroupe « l’ensemble des techniques qui permettent d’identifier et de promouvoir cette marque vis-a-vis d’autrui ». Grossièrement résumé, il s’agit d’abord d’étudier ses compétences, forces et faiblesses personnelles (le fameux « connais-toi toi-même »), avant de bâtir une proposition cohérente d’image mettant en avant ses forces et atouts, puis de « partir à la conquête du monde » en communiquant largement cette nouvelle « marque » autour de soi (principalement via les réseaux sociaux et autres « canaux » numériques, mais pas seulement).
> Peut-on réellement parler de branding dans un tel cas de figure ?
A bien y regarder, les termes de branding et de « marque » personnelle, qui ont largement contribué à faire parler de cette nouvelle approche, sont en grande partie impropres. Il ne s’agit pas en effet, comme le reconnaissent d’ailleurs les experts du personal branding eux-mêmes, de transposer sans discernement toutes les techniques de gestion des marques commerciales à la construction d’une marque personnelle. Mais la « mise en ordre de bataille » de chaque individu, dans un objectif de séduction de ses différentes cibles, à partir d’une proposition d’image uniforme et cohérente, relève bien d’une approche marketing.
> Quelle est l’origine de cette approche ?
A la base, il y a évidemment la confusion, subtilement exploitée dans le concept du personal branding, entre la nécessité de surveiller son e-réputation personnelle (ce dont tout le monde ou presque est aujourd’hui convaincu) et la volonté de projeter une identité homogène et flatteuse. Il est vrai que tout, dans notre environnement actuel, semble valider la pertinence d’une telle démarche : le contexte de crise et la compétition accrue entre candidats dans le contexte d’un processus de recrutement par exemple… qui font que l’image et l’e-réputation personnelles sont devenues un capital à soigner bien avant les phases éventuelles d’entretiens. Le développement d’un réseau de contacts personnels et la participation à des « communautés » via les réseaux sociaux n’étant même plus présentés comme des options mais des passages obligés, en tout cas dans certains métiers (communication, marketing, commercial…).
> Quelle sont les étapes préconisées par les experts pour développer sa propre marque personnelle ?
Selon les auteurs et les ouvrages, les étapes de construction et de développement d’une marque personnelle varient souvent de 4 à 10. Pascale Baumeister, coach et consultante en personal branding, en identifie 4 principales dans son ouvrage Révéler sa véritable personnalité avec le personal branding (Editions Leduc S., mars 2011) :
- Etape 1 : déterminer son objectif principal, identifier son marché et sa/ses cibles ;
- Etape 2 : révéler qui on est vraiment (son identité, ses talents, ce qu’on souhaite monter de sa personnalité…) ;
- Etape 3 : définir sa stratégie de communication (construire son réseau relationnel, savoir se présenter et se vendre, développer sa notoriété, gérer son e-réputation) ;
- Etape 4 : atteindre les objectifs fixés (identifier les obstacles qu’on va devoir surmonter pour réussir, connaître ses priorités, faire vivre son projet dans le temps…)
… En résumé, rien de très nouveau sous le soleil comparé aux théories et méthodologies de développement personnel connues jusqu’ici, si ce n’est la mise en perspective de ses objectifs en termes de marché et de cibles, typique d’une réflexion marketing.
> Du personal branding au personal « branling » : quelles sont les limites de la marque personnelle ?
Du côté des théoriciens de la marque et et du branding, rares sont ceux dont les ouvrages traitent ou font ne serait-ce que mention des problématiques de personal branding. A peine Benoît Héry et Monique Wahlen y consacrent-ils une page, dans leur ouvrage De la marque au branding de septembre 2012, pour rappeler qu’aujourd’hui « tout fait marque« , ou presque. Pour la majorité des autres auteurs, il est encore abusif de parler de « marque » pour le commun des mortels, cette appellation n’étant à leur sens légitime que pour quelques stars et people, dont l’image et le comportement sont susceptibles d’influencer un grand nombre de leurs concitoyens.
Quant aux détracteurs de la marque personnelle, leurs réserves concernent le plus souvent le principe même sur lequel repose le développement du personal branding, à savoir ce postulat d’une hyper-compétition où toute réussite individuelle ne serait possible que par opposition au voisin. Chacun jouant et abusant de son ego (d’où le terme de personal « branling ») pour se différencier…
Dans un bon article, Nicolas Beretti n’y va pas par quatre chemins et dénonce quant à lui la « tyrannie du personal branding et des experts » au nom de la richesse et la complexité de l’intelligence humaine. Comme il ne manque pas de le souligner, la méthode en entonnoir du personal branding ne retient au final qu’une fraction infime des compétence et de la personnalité d’un individu, facteur d’appauvrissement et d’uniformisation considérable des savoirs et des profils, dans des contextes de recrutement par exemple.
Beaucoup de recruteurs expriment finalement la même réserve, quand, confrontés à des candidats trop formatés ou « brandés », il leur devient difficile (voire impossible) de discerner la part d’authenticité et de sincérité de leur interlocuteur. Comme quoi trop de branding peut parfois annihiler la « marque » personnelle… au lieu de la sublimer !
(Crédit photo : X, DR)
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