Sur ce blog, depuis des mois, je n’ai cessé de vous parler des impacts de la crise sanitaire et de son accompagnement par les experts et professionnels de la communication et du marketing, auxquels j’ai naturellement beaucoup donné la parole.
En cette rentrée 2020, définitivement « pas comme les autres », il me semblait important d’interroger également d’autres acteurs de notre écosystème : en l’occurrence des dirigeants d’établissements d’enseignement supérieur.
Depuis le mois de février, les écoles et universités ont en effet du s’adapter rapidement et efficacement pour poursuivre leurs enseignements et maintenir la meilleure continuité pédagogique possible vis-à-vis de leurs étudiants. Cela n’a certes pas été simple, mais les solutions d’enseignement à distance aidant, le lien a été maintenu et les cours ont été assurés, même si beaucoup auraient sans doute préféré une reprise plus rapide des enseignements en présentiel.
Qu’à cela ne tienne, pour dresser un premier bilan des mois écoulés et nous projeter sur cette rentrée et sur les mois à venir, j’ai souhaité interroger Christophe Germain, directeur général d’Audencia et Sylvie Chancelier, Directrice des programmes d’Audencia SciencesCom, l’école de la communication et des médias d’Audencia installée au Médiacampus de Nantes.
Qu’ils soient tous deux remerciés pour leur disponibilité et la qualité de leurs réponses !
Le BrandNewsBlog : Bonjour Christophe. Vous avez été nommé Directeur général d’Audencia il y a un peu plus de 2 ans. J’imagine que les mois écoulés, depuis le début de la crise sanitaire, ne ressemblent à rien de ce que vous avez connu par le passé. Comment votre école et les autres établissements d’enseignement supérieur ont-ils traversé cette crise ? Et quel bilan dressez-vous des mois écoulés ?
Christophe Germain : C’est dans la difficulté que se révèlent vos forces. Lors de ces derniers mois, Audencia et les grandes Ecoles de Management en général ont fait preuve d’une remarquable capacité d’adaptation.
Cela nous a permis notamment de pouvoir rapidement « basculer » nos formations du présentiel au distanciel tout en conservant une grande qualité dans les enseignements, et d’aménager nos dispositifs de promotion et de communication, nos processus de recrutement afin de pouvoir envisager sereinement la rentrée de septembre.
Il est trop tôt aujourd’hui pour faire un bilan de la période écoulée depuis mars dernier, d’autant plus qu’il y a de fortes chances que les mois à venir soient peu ou prou dans la continuité de ce que nous avons vécu lors du premier semestre 2020.
Le BrandNewsBlog : Dès le mois de février et plus encore durant le période du confinement, vos activités d’enseignement ont été particulièrement contraintes, puis irréalisables en présentiel… Comment vous êtes-vous adaptés à ce grand défi, et comment avez-vous pu assurer une continuité pédagogique, pour les étudiants, tout en maintenant la relation avec vos enseignants et intervenants ?
Christophe Germain : Nous nous étions préparé à l’éventualité d’une fermeture des établissements d’enseignement supérieur et nous avions travaillé sur un Plan de Continuité d’Activité qui nous a été très utile au moment du confinement.
Un comité de pilotage de « continuité pédagogique » spécialement constitué pour faire face à la situation se réunissait chaque semaine. Pour ce qui est de la relation avec les enseignants et les intervenants, elle était assurée par une cellule pédagogique qui tout au long de la période a fourni un service d’assistance et de support pour répondre aux questions et difficultés rencontrées.
Le BrandNewsBlog : Pour un certain nombre d’établissements, encore peu avancés en matière de transformation numérique, cette crise a joué à la fois un rôle de révélateur et d’accélérateur, avec une plongée dans le grand bain de l’enseignement 100% à distance. Comment cela s’est-il passé au sein d’Audencia ? Avez-vous travaillé avec une plateforme ou des solutions de visio-conférences communes à tous les enseignants ou chacun s’est-il débrouillé comme il a pu, avec les solutions grand public disponibles ?
Christophe Germain : Il est indéniable que la situation inédite qui s’est présentée à nous depuis mars dernier a accéléré le développement de l’enseignement en distanciel tout simplement parce que nous n’avions pas d’autres alternatives.
A Audencia, nous avons utilisé l’outil Blackboard Collaborate (implantée à l’Ecole depuis 2008), avec lequel les enseignant étaient familiers.
Le basculement vers le distanciel a été facilité par le fait que depuis la rentrée 2019, le plan de charges des professeurs est évalué en crédits ECTS et non plus en nombre d’heures de face à face pédagogique. Ce changement avait été opéré pour promouvoir l’innovation pédagogique et permettre à chaque enseignant de remplacer, à hauteur de 20%, les heures en présentiel par des dispositifs pédagogiques innovants, dont des contenus en ligne. Il pouvait y avoir ici et là des réticences, des craintes quant à l’adoption du distanciel, mais la situation ne nous a pas laissé le choix.
Le BrandNewsBlog : Les entreprises ont tiré un bilan mitigé du travail à distance à temps plein. S’il a notamment permis d’assurer la continuité des activités de service, tout en étant plébiscité par la plupart des collaborateurs, certaines missions n’ont pu être réalisées de manière satisfaisante et le travail en présentiel ainsi que les réunions « physiques » demeurent a priori indispensables. Qu’en est-il de l’enseignement à distance ? Peut-on tirer les mêmes constats ? L’enseignement supérieur de demain est-il entièrement soluble dans le digital ?
Christophe Germain : Le constat est identique. C’est, comme bien souvent, dans l’équilibre que se trouve la panacée.
Plus que d’enseignement, je parlerais d’ailleurs de formation en indiquant que la formation d’un individu n’est pas entièrement soluble dans le digital. L’Homme est en effet comme le disait Aristote un animal social et il est donc illusoire de vouloir le former au seul moyen d’un écran. D’ailleurs, les étudiants sont en demande de présentiel et c’est la bonne combinaison entre le présentiel et le distanciel qui fera la qualité des formations demain.
Le BrandNewsBlog : Après une période de quasi « lock-down », durant laquelle les établissements d’enseignement supérieur ont très peu communiqué en externe et ont fait « profil bas », de nombreuses écoles se sont remises à communiquer dès le mois d’avril, en mettant en avant leur excellence, leur adaptabilité ou des initiatives solidaires pas toujours pertinentes… Il me semble qu’Audencia a choisi une posture plus prudente, en communiquant sur des actions très concrètes et en oeuvrant localement, avec son écosystème, sur des initiatives solidaires qui faisaient sens. Pouvez-vous nous en parler ? Pourquoi un tel choix ?
Christophe Germain : En effet, nous nous sommes bien gardés, lors de la crise sanitaire, de nous lancer dans une surenchère en matière de communication, considérant que le contexte invitait à la retenue et que nous devions nous concentrer sur le « faire » plutôt que sur le « faire savoir ».
Audencia est une Ecole internationale qui rayonne de par le monde en étant enracinée dans son eco-système. Il était donc tout naturel pour nous d’orienter nos initiatives vers nos parties prenantes locales. C’est dans ce cadre-là par exemple qu’un Professeur de management d’Audencia a lancé un appel aux entreprises locales en difficulté, accompagné d’étudiants et d’une dizaine de professeurs et intervenants pour les aider à traverser la crise sanitaire, en leur apportant une expertise sur la dimension commerciale et marketing.
Le BrandNewsBlog : La rentrée 2020, toujours sous le signe d’une certaine incertitude, est au cœur de vos préoccupations depuis plusieurs mois déjà. En amont, quel a été l’impact de la crise sanitaire sur votre recrutement : la campagne 2020 a-t-elle été plus laborieuse que les années précédentes ? Aurez-vous autant d’étudiants étrangers inscrits, ou beaucoup moins que les années précédentes ? Et en terme pratique, comment devrait se dérouler la reprise : en présentiel, en distanciel ou bien en combinant ces deux formes d’enseignement ?
Christophe Germain : Nous allons à la rentrée combiner les enseignements en présentiel et en distanciel.
S’agissant des recrutements, il nous a fallu, dans un contexte inédit comme je l’ai indiqué précédemment, revoir nos dispositifs de promotion et de communication. Cela a été parfaitement réussi puisque nous réalisons une rentrée historique en matière de recrutement avec une progression très significative des cohortes étudiantes tout en maintenant le même niveau de qualité. En revanche, la crise sanitaire a eu un impact fort sur le recrutement des étudiants internationaux pour lesquels nous enregistrons une baisse de 40%.
Le BrandNewsBlog : Sur un tout autre sujet Christophe, je suis tombé cet été sur une infographie pointant l’augmentation des frais de scolarité au sein des grandes écoles de commerce françaises. De 2009 à 2020, ces frais ont pratiquement doublé en moyenne, avec des augmentations comprises entre 45 et 650% suivant les établissements… Même s’il s’agit d’un serpent de mer et que les consoeurs anglo-saxonnes sont certes encore plus coûteuses en moyenne, une telle inflation est-elle justifiée au regard des débouchés offerts aux étudiants ? N’est-ce pas la porte ouverte à une sélection des étudiants par le revenu et à l’endettement des étudiants et des parents par ailleurs… Et comment le comprendre quand les frais en écoles d’ingénieurs sont à des niveaux bien moindres ?
Christophe Germain : La différence avec les Ecoles d’Ingénieurs et les Ecoles de Management sur le sujet du montant des frais de scolarité est simple à expliquer.
La majorité des premières perçoit des subventions de l’Etat là où les secondes doivent aujourd’hui assurer leur développement (investissements) et leur équilibre financier de façon autonome.
La question du coût d’une formation se pose dès lors que le retour sur investissement n’est pas au rendez-vous. Les formations délivrées dans les Grandes Ecoles de Management permettent aux diplômés de s’insérer rapidement sur le marché du travail avec des emplois rémunérateurs. Nous prêtons par ailleurs beaucoup d’attention au fait que la dimension financière ne soit pas un facteur bloquant pour les étudiants. De nombreux dispositifs d’aide financière ont été mis en place pour aider les étudiants qui rencontreraient des difficultés sur ce plan.
Le BrandNewsBlog : Au sein du MEDIACAMPUS, vous disposez d’une magnifique école de communication : Audencia SciencesCom. Comment celle-ci a-t-elle été impactée par la crise sanitaire et quels sont ses enjeux spécifiques en cette rentrée ?
Sylvie Chancelier, directrice des programmes Audencia SciencesCom : En tant que formation à Bac +5 en communication et médias, SciencesCom et les étudiants et apprentis que nous formons, font face aux enjeux spécifiques liées à la transformation des dispositifs de communication du fait de la crise sanitaire.
Du point de vue du terrain, on a observé très vite un besoin accru de communiquer au sein des organisations, au niveau institutionnel et en interne, mais aussi une nécessité d’adapter la communication des marques : il a fallu repenser totalement l’expérience des publics, la place du digital s’est évidemment démultipliée, on fait d’autant plus appel à la créativité des communicants !
La spécificité des activités de communication et la façon dont elles ont été impactées par la crise sanitaire nous ont donc invités à adapter nos contenus de formation avec encore plus de réactivité que d’habitude. En effet, de tout temps, les métiers de la communication évoluent rapidement, au fil des innovations technologiques, mais là, il s’est agi d’une situation vraiment soudaine et différente.
Ainsi, dès le début du confinement, nous avons travaillé avec nos entreprises partenaires et nos diplômés pour intégrer à nos contenus et projets la réflexion autour des enjeux communicationnels liés à la crise : circulation des fake news, posture critique et éthique, rôle de la publicité… Pour cette rentrée, nous continuons dans cette lignée, les fondamentaux de la formation restent les mêmes, mais la coloration spécifique liée au rôle, à la posture, à la responsabilité et aux enjeux des communicants est renforcée.
Une autre conséquence très immédiate a concerné la recherche de stage. Elle a été plus longue que d’habitude pour nos étudiants, le temps que les organisations s’adaptent à la situation. En revanche, pour les contrats d’apprentissages, les demandes ont été nombreuses et nous n’avons eu aucune rupture des contrats en cours, ce qui indique une certaine santé des activités de communication, mais aussi leur nécessité, dans les entreprises, les institutions et les agences qui les recrutent. Nous sommes actuellement en train de faire le point avec les jeunes diplômés afin de proposer, si nécessaire, un accompagnement dédié au contexte actuel. Nous constatons que plus que jamais le rôle central du réseau, nos alumni ont d’ailleurs été d’un grand soutien ces derniers mois !
Le BrandNewsBlog : Alors qu’une grande partie de l’écosystème et des entreprises de communication sont encore très centralisés en région parisienne, comment réussissez-vous à séduire des étudiants, des entreprises et des intervenants pour venir y enseigner ? Sur la base de quel positionnement et avec quelle promesse de débouchés : les emplois des futurs diplômés de cette école se trouvent-ils davantage en régions ou sur Paris ?
Sylvie Chancelier : Vous avez une vision très centralisée de la situation ! Certes, cela reflète la tendance générale française, mais il ne faut pas oublier le formidable dynamisme des entreprises régionales, qui d’ailleurs, pour beaucoup, rayonnent au-delà de nos frontières et ont toutes des besoins en communication. Par ailleurs, Nantes est une ville particulièrement bien structurée au niveau des agences de communication, en particulier sur le digital.
Notre localisation, au sein du quartier de la création, est un vrai facteur d’attractivité, tout comme la dynamique unique proposée au MEDIACAMPUS qui rassemble agences, médias, recherche et enseignement. De plus, Audencia SciencesCom est la seule école privée jouissant de la reconnaissance académique du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation puisqu’elle est visée Bac+5. Elle permet donc d’offrir une formation unique sur le territoire national en termes de reconnaissance, tout en offrant à nos différents publics une importante qualité de vie (classée troisième meilleure ville étudiante de France par Le Figaro en juin 2020 grâce à son environnement et la qualité de son offre de formation).
Grâce à notre réseau et à cet ensemble d’éléments, nous avons la chance de recevoir des experts et spécialistes nationaux et internationaux pour intervenir dans le programme, en complément de la faculté permanente, qui elle aussi provient d’horizons multiples, bien au-delà du territoire.
Nous constatons que nos jeunes diplômés apprécient une première expérience à Paris et qu’un balancier s’opère assez régulièrement en faveur d’un retour en province. Finalement, parmi nos 3 300 diplômés, 45% sont en région parisienne.
Le BrandNewsBlog : Depuis de nombreuses années, Audencia a affirmé une réelle expertise en matière de développement durable et de RSE, appuyée sur cette conviction que les modèles économiques doivent évoluer pour demeurer viables et promouvoir un développement équilibré et pérenne. Alors que la crise sanitaire sévit toujours et qu’on annonce une crise économique pour les prochains mois, demeurez-vous optimistes pour une telle transition, vers une économie plus responsable et écologique ? Tous les indicateurs climatiques se dégradent rapidement : comment une école comme Audencia peut-elle contribuer face à des enjeux aussi vastes ?
Christophe Germain : Il est vraiment difficile de savoir aujourd’hui si la crise économique découlant de la pandémie va ralentir ou non la transition vers une économie plus responsable et écologique.
Audencia, parce qu’elle forme des managers qui demain prendront des décisions qui impacteront la société, a indiscutablement une responsabilité vis-à-vis de ces évolutions. Notre mission consiste à sensibiliser et former les étudiants à ces enjeux et à produire, par la recherche, des connaissances qui permettent d’accompagner ces changements.