Plus beaux, les bots ? Les vertiges de l’algorithme et de la com’ « no cost »

Mais puisqu’on vous dit qu’il y a de l’algorithme dedans ! Ne cherchez pas à comprendre, abdiquez toute raison : de toutes façons, ça va vous plaire et ça nous dépasse…

Etre dépassés, certains diront d’ailleurs que c’est un peu ce qui nous pend au nez, à nous autres journalistes et communicants. Vu qu’il y aura prochainement, d’après ces Cassandre, un bot pour nous remplacer au pied levé et réaliser à notre place les taches les plus ingrates… ainsi que les plus nobles ? (avec profit et sans jamais se plaindre, naturellement).

Certains d’entre vous penseront que j’exagère. D’autres en frémissent d’avance ? Dans les deux cas, soyez-en assurés : je n’ai rien en ce qui me concerne contre ces technos ni contre les robots. Et ma belle-mère fait d’excellentes purées avec son Thermomix® ;-)

Mais de là à nous en balancer un peu partout, de cette purée algorithmique et des bots, voilà qui est sans doute un brin exagéré. Pour faire tomber quelques statues et en épousseter d’autres, un petit tour de la question (aussi subjectif que possible) s’impose…

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Les robots et l’algo sont partout…

On savait que l’algorithme (« suite d’opérations et d’instructions permettant de résoudre un problème ») était à la base du succès de Google et de tous les moteurs de recherche. Les prévisions météo et de trafic et la gestion de nombreux services reposant sur l’exploitation de modèles statistiques et la corrélation de données (comme les sites de rencontres par exemple) constituent d’autres champs d’application déjà connus.

La production de l’information et la communication n’échappent pas au phénomène. Pour ceux qui en douteraient, l’association Journalisme et Citoyenneté avait choisi d’en faire le thème central des 8èmes Assises Internationales du Journalisme et de l’Information, qui se sont tenues à Metz la semaine dernière*. Il faut dire que les expérimentations d’écriture robotisée menées ces derniers mois par de grands médias anglo-saxons n’ont pas manqué de susciter des commentaires, voire d’inquiéter dans le landernau journalistique. Entre le programme Quakebot, conçu par un journaliste du Los Angeles Times, qui a fourni de l’information immédiatement après le tremblement de terre californien du 17 mars 2014 et la technologie Narrative Science, qui permet à Forbes de produire des contenus enrichis à partir de la data, il faut dire que les effets d’annonce sont souvent spectaculaires.

En matière de médiatisation de ce type d’innovation, c’est d’ailleurs à Associated Press que revient la palme, sans conteste. En annonçant en juillet qu’elle entendait multiplier par 15 son volume de publications grâce aux « automated insights », ces brèves rédigées automatiquement à partir de rapports financiers des entreprises, AP a suscité de nombreux commentaires. Le patron de Forbes, Kristian Hammond, n’est pas moins ambitieux, qui prévoit que 90% des articles seront générés par des robots d’ici 15 ans et qu’un ordinateur gagnera bientôt le prix Pulitzer…

Pas très « rassurante » sur ce point, Alice Antheaume, directrice adjointe de l’école de journalisme de Sciences-Po en rajoute d’ailleurs une petite couche :

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Et si l’ennui, en l’occurrence, était aussi d’alimenter la méfiance et la technophobie par de telles comparaisons ?

Algorithme analytique, prédictif ou « créatif » : quand les marques dopent leur formule par une bonne couche de calcul…

Mot-valise, objet de fantasmes, argument marketing favori des GAFA** et d’un certain nombre de start-up en mal de caution scientifique, l’algorithme suscite bien des peurs mais recèle aussi de belles promesses pour les marques. Au-delà du SEO et de la main-mise outrancière du Page Rank de Google sur la visibilité en ligne de toute entreprise, les algorithmes analytiques offrent une efficacité et une rapidité redoutables pour brasser des données complexes et en tirer des résultats pertinents propres à valoriser de nombreux services.

Dans le domaine de l’achat médias, où les agences et les grandes annonceurs ne jurent plus que par l’achat programmatique, l’algorithme permet par exemple d’automatiser et d’optimiser les processus de transactions, en sélectionnant les meilleurs emplacements publicitaires et en ajustant les prix. Dans celui du e-commerce, l’algorithme s’est aussi imposé comme un outil incontournable pour mieux cibler et adresser les besoins du consommateur, par des suggestions personnalisées, en fonction de ses goûts et de son historique d’achat.

Au-delà de ces utilisations devenues « basiques », l’évolution des modèles mathématiques et le croisement de l’analyse de données avec des statistiques poussées a permis d’accoucher d’algorithmes prédictifs, particulièrement prisés. A l’aide de ces programmes avancés, les marques espèrent en effet prévoir les comportements des internautes et pouvoir agir par anticipation, comme le permettent d’ores et déjà les modèles météo et les algorithmes utilisés par certains précurseurs. Comme Meltygroup en France, premier groupe média sur la cible des jeunes, qui se targue d’utiliser un modèle prédictif pour détecter les sujets les plus porteurs… et prédire ceux qui vont survenir ?

A partir de la segmentation fine des cibles et l’analyse poussée des achats, des historiques de navigation ou des évènements passés, l’extrapolation des comportements ou des évènements futurs est devenu le nouveau Graal de tous ceux qui rêvent de révolutionner leur business.

Toujours sur le même recette (le traitement et l’analyse de grandes quantités de data, associés ou non à des études ou panels consommateurs plus classiques), l’algorithme créatif permet quant à lui de dégager des pistes et suggestions pour améliorer une histoire ou un scénario par exemple, en tenant mieux compte des goûts et attentes des futurs spectateurs…

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Quand l’algorithme et les bots deviennent de super-arguments de vente et renforcent le lien émotionnel avec les consommateurs

A l’occasion de la sortie de sa série à succès sur les arcanes de Washington (House of cards), Netflix a largement insisté sur les spécificités de son modèle et sur ses méthodes innovantes, dont le recours à l’algorithme n’est pas la moins originale…

Déjà utilisés à toutes les sauces par Netflix, pour mettre au point son business model, détecter les besoins des consommateurs et proposer de nouveaux services, les algorithmes auraient en effet été utilisés pour valider toutes les composantes de la série proposée par Kevin Spacey et David Fincher : casting, pitch, mode narratif… Plus étonnant, à partir de l’analyse d’un grand nombre de séries précédentes, l’algorithme créatif utilisé par Netflix aurait contribué de manière significative à améliorer le scénario d’House of cards, en permettant de combiner intelligemment tous les ingrédients plébiscités par le public.

Qu’il me soit permis de douter de l’effet « miraculeux » de l’algorithme dans ce cas précis. Et de souligner le rôle promotionnel attribué à la technologie pour accroître le phénomène de buzz autour de Netflix…

Pour qui a pu voir la série en question, riche de rebondissements inattendus, de transgressions et d’astuces narratives, réduire son succès et la profondeur du récit à la performance d’un algorithme (aussi puissant soit-il) me paraît faire bien peu de cas du talent purement humain des scénaristes et des acteurs.

Il en est de même dans bien des cas, quand l’algorithme et les bots sont exploités et mis en avant avec plus ou moins de bonheur pour conférer à un produit ou à une marque une image « cool » et « trendy ».

C’est que l’algorithme, comme le soulignent Grégory Casper et Eric Briones dans « La génération Y et le luxe » est aussi devenu un puissant objet de désir, auprès des jeunes en particulier, comme la plupart des marques l’ont bien compris. Symboles de rationalité et de prise de recul, mais également de partage et de collaboration (des valeurs fortes pour la génération Y), les algorithmes sont aussi plébiscités pour ce lien plus émotionnel que suscite leur part de magieCar c’est un phénomène connu de longue date et presque transformé en axiome par l’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke : « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie »… On est là au coeur du rapport éternel entre les technologies produites par l’homme et la dimension du merveilleux. Inattendus, personnalisés, les résultats et suggestions livrés par l’algorithme peuvent en effet enrichir de manière significative l’expérience digitale et émotionnelle proposée aux clients.

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Magie noire ou magie blanche : les dégâts potentiels du « no cost » et les véritables enjeux derrière la surenchère technologique

Evidemment, quand on parle de technologie, les questions éthiques ne sont jamais loin... Et si les propos du patron de Forbes (voir ci-dessus) peuvent passer pour de la provocation, car aucun des acteurs n’ambitionne sérieusement d’évacuer l’humain de la scène du travail, les consommateurs semblent quant à eux beaucoup plus circonspects…

En attente d’une relation plus humaine avec les marques (voir mon prochain billet à ce sujet) et redoutant la généralisation du recours aux robots, ils plébiscitent néanmoins l’optimisation de la relation et la personnalisation que permettent les algorithmes.

Les nouveaux web-entrepreneurs et autres génies des big data ne s’y trompent pas, qui relativisent et dédramatisent volontiers eux mêmes la portée de leurs innovations… « Un algorithme ne remplacera jamais un directeur de création » affirmait ainsi Yannick Bolloré, lors de la toute récente Avertising week. Se présentant comme un fournisseur de « solutions d’aide à la création » et d’assistanat des créatifs, Guillaume de Roquemaurel, président de Little Big Data, ne dit pas autre chose : « à partir de la mesure des campagnes précédentes auprès de cibles données, nous aidons les créatifs à mieux bâtir le scénario publicitaire (…) Nous sommes davantage une aide à la création. Notre outil soutient les créatifs pour s’adapter à différents profils de cible ».

Pas de substitution systématique de l’humain par des robots donc, ou par un quelconque algorithme… en tout cas pour le moment. Et le spectre du journalisme et de la communication « no cost » semble encore écarté, pour un temps au moins.

Plus problématique semble en revanche le vide juridique qui entoure l’usage et la diffusion de plus en plus large de ces nouvelles technologies. Au-delà du monopole et de l’opacité de l’algorithme Page Rank, qui alimente toutes les spéculations, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à réclamer un droit d’information sur la nature des calculs et des traitements effectués par les machines.

Certains, comme les chercheurs en philosophie Antoinette Rouvroy et Thomas Berns n’hésitent pas d’ailleurs à dénoncer le nouvel ordre mondial instauré par ce « gouvernement algorithmique » et réclament à cors et à cris plus de transparence. « L’algorithme n’a pas vocation à être une boîte noire qui fait peur à tout le monde » confiait il y a peu Thibault D’Orso, fondateur de la start up Spideo. De même, on peut légitimement s’interroger sur ce biais de l’algorithme à réduire les êtres humains à leur seul comportement…

« Ignorant tout des motivations psychologiques des sujets (…) l’algorithme transfigure les sujets moraux en simples coordonnées dans des tables statistiques de calcul… » Un vrai problème à l’heure du machine learning. Car si les robots sont sensés apprendre et décider de plus en plus de manière autonome, quid du résultat de leur délibération, purement rationnelle, quand des intérêts ou des vies humaines seront directement en jeu à l’avenir ?

On le voit, les robots et les algo n’ont pas fini de faire parler d’eux… Et toute nouvelle utilisation soulèvera nécessairement de nombreuses interrogations, pour les marques comme pour les consommateurs.

 

 

Notes et légendes :

* Le grand débat des Assises Internationales du journalisme, organisé par l’association Journalisme & citoyenneté était cette année le suivant : « Algorythme et prédiction d’information : danger ou opportunité pour le journalisme ». Parmi les intervenants invités à s’exprimer sur le sujet figuraient notamment Guillaume Sire, maître de conférence à l’Institut français de presse, Alice Antheaume, directrice adjointe de l’école de journalisme de Science-Po, Basile Simon de BBC News ou encore Emile Servan-Schreiber, directeur général de Lumenologic.

** GAFA : acronyme utilisé en référence aux leaders de l’Internet (Google, Apple, Facebook et Amazon)

« Making of : Algo trip pour la presse », par Amaury de Rochegonde – Magazine Stratégies n° 1786 du 23 octobre 2014

« L’agorythme est-il vraiment le meilleur ami des marques ? », par Capucine Cousin et Emmanuel Gavard – Magazine Stratégies n°1784 du 9 octobre 2014

« Les robots d’Associated Press ont écrit leurs premiers articles », par Thomas Oliveau – Site lefigaro.fr, 21 juillet 2014

« Journalisme & algorithme : Laurent Delahousse est-il condamné à être remplacé par un robot », par Olivier Cimelière – leblogducommunicant2-0.com, 26 juillet 2014

Crédits photos :

123RF, Netflix, Alice Antheaume, X, DR

Dans les entrailles de Coca-Cola : comment la 3ème marque mondiale espère rebondir… grâce au branding

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Il y a quelques jours, j’évoquais le dilemme auquel Unilever se retrouve confronté aux Etats-Unis (voir ici). Le groupe anglo-néerlandais est en effet englué outre-Atlantique dans un combat douteux contre la labellisation OGM, alors que sa marque Ben & Jerry’s milite pour cette labellisation et une transparence totale sur l’origine et la composition des aliments.

Un autre géant de l’agroalimentaire est de plus en plus pointé du doigt dans les débats de santé publique qui mobilisent l’opinion américaine… Après avoir (pour l’anecdote) perdu cette année sa place de première marque mondiale dans le célèbre classement Best global brands d’Interbrand (au profit d’Apple et Google en l’occurrence), Coca-Cola est victime d’une double défaillance : 1) une baisse structurelle de ses ventes sur le marché nord-américain ; 2) une crise « rampante » de confiance envers ses produits.

Comment la première marque de boisson mondiale en est-elle arrivée là ? Comment peut-elle évoluer et reconquérir le coeur de ses clients perdus ?

Les deux journalistes Claire Suddath et Duane Stanford le laissait entendre il y a quelques semaines dans un excellent article*. Pour préserver son business, Coca-Cola doit impérativement évoluer, en s’appuyant sur ses atouts : la force exceptionnelle et émotionnelle de sa marque et son savoir-faire éprouvé en matière de branding, de contenu de marque et de publicité.

Des chiffres en recul depuis 10 ans aux Etats-Unis

« The Coca-Cola Company », tout le monde connaît… Ou plutôt : tout le monde croit connaître. C’est, depuis des années, l’entreprise de tous les superlatifs : 3ème groupe agroalimentaire mondial ; premier producteur mondial de boissons avec plus de 500 références commercialisées ; près de 130 000 collaborateurs et un chiffre d’affaires de près de 50 milliards de dollars… Bref, une superbrand habituée aux têtes de classement et un des tout premiers annonceurs mondiaux de surcroît.

Las, depuis près de 10 ans, les ventes de ses produits « vache à lait » n’en finissent pas de reculer, aux Etats-Unis surtout : – 2% pour les sodas dans leur ensemble, – 7% pour le Coca-Cocla light, etc.

La raison de ce « désamour » ? Les dirigeant de Coca-Cola eux-mêmes le reconnaissent aujourd’hui : elle est liée en premier lieu à la prise de conscience des Américains sur les questions de santé.

Alors que 25% des adultes américains souffraient d’obésité en 1999, cette proportion est passée à 35% aujourd’hui et le taux d’obésité chez les enfants a été multiplié par 3 ces 30 dernières années. Dans ce contexte, la junk food et les sodas, souvent stigmatisés comme les premiers responsables de ces dérapages (cf le rapport Liquid Candy en 1998, le livre Fast Food Nation ou bien encore le documentaire Super Size Me en 2005) ne sont plus en odeur de sainteté. Et, à part les boissons énergisantes dont les ventes continuent de progresser, les boissons gazeuses chargées en sucre et en colorants n’ont plus la cote.

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… et un problème de confiance dans la / les marque(s) du groupe

Les conséquences de cette désaffection semblent encore plus marquées pour Coca-Cola, dont la part de marché sur les sodas est de 25% (contre 11% pour PepsiCo). Outre la polémique qui enfle autour du Coca-Cola light et de l’aspartame qu’il contient, aucune boisson gazeuse du groupe n’est épargnée. Pas même les plus récemment acquises, comme l’eau Vitaminwater par exemple, qui fait l’objet aux Etats-Unis d’une plainte pour publicité mensongère du fait de sa teneur élevée en sucre (alors que le groupe d’Atlanta l’a vendue comme « allégée »).

Résultat : l’attrait et la confiance dans les marques du groupe s’étiolent aux Etats-Unis. Et du fait de son statut de leader, Coca-Cola semble un peu devenu la tête de turc des associations et des activistes. Dans un reportage au vitriol (Fed up, sorti en 2012), la réalisatrice Katie Couric s’en prend directement et quasi-exclusivement à la petite canette rouge, diabolisée durant 92 minutes. Les dirigeants et salariés de Coca-Cola ont fini par s’habituer à ces attaques, même s’ils ont la conviction d’être des boucs émissaires… alors que les boissons énergisantes sont largement aussi fautives. « Nous mettons tous la même chose dans nos canettes, confirme un concurrent direct, mais on ne nous a jamais mis le genre de pression que subit aujourd’hui Coca-Cola ! » Le triste privilège d’un n°1, en somme.

Devenues moins sexies que les Red BullMonster et autres succédanées énergisantes, qui accaparent désormais les têtes de gondole aux Etats-Unis, les marques de soda de The Coca-Cola Company payent en quelque sorte les péchés de toute une industrie…

Le résultat d’une course effrénée aux volumes

Pas au mieux de sa forme en termes de vente et de réputation, Coca-Cola subit en effet le contrecoup d’une politique commerciale agressive initiée dans les années 80 et 90. C’est en effet à cette époque que, pour accroître ses revenus et ceux des distributeurs, Coca-Cola a commencé à commercialiser des bouteilles grands formats et des fontaines à soda pour les chaines de restaurant. Le succès aidant, ses concurrents lui ont rapidement emboîté le pas : la course aux volumes était lancée.

Alors que la consommation de soda progressait fortement depuis les années 70, les taux d’obésité et de diabète ont explosé dans des proportions quasi-identiques. Du fait de la prise de conscience évoquée ci-dessus, les volumes de Coca-Cola consommés ont commencé à s’infléchir en 2005, pour ne plus jamais repartir à la hausse. Il faut dire qu’à cette époque, chaque américain buvait en moyenne… 200 litres de soda par an !

Heureusement pour Coca-Cola, ce renversement de tendance sur le continent américain a longtemps été compensé par les résultats du groupe sur les autres continents, où ses marques étaient encore dans une phase de développement. Mais même adoucie, la baisse récente de son chiffre d’affaires global n’en est pas moins réelle (de 48 milliards de dollars de CA en 2012 à 46,8 en 2013).

Le brand content, la publicité et le branding comme planches de salut…

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Difficile, de surcroît quand on en est le leader, de s’extraire d’un marché aussi rémunérateur que celui des sodas. On ne change pas son business model du jour au lendemain. Et tandis que PepsiCo peut compter sur les revenus d’autres gammes de produits (comme sa marque de grignotage Frito-Lay), les boissons gazeuses représentent encore 74% du chiffre d’affaires mondial de Coca-Cola et près de 68% de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis… C’est sans doute la raison pour laquelle le groupe d’Atlanta a décidé de contre-attaquer sur ses marchés historiques, en relançant en premier lieu le Coca-Cola classique, qui demeure aujourd’hui encore son best-seller, ainsi que ses déclinaisons (Coca-Cola light…).

Mushar Kent, P-DG de The Coca Cola Company a ainsi annoncé en février un plan de « réintroduction » exceptionnel de ses marques stars, soutenu par un investissement marketing-communication de près d’1 milliard de dollars sur 2 ans !

De quoi inverser la spirale baissière de ses ventes et améliorer son image auprès du grand public. Car Coca-Cola sait, comme nul autre, sublimer la force émotionnelle de sa marque en mettant en scène les moments de bonheur partagés que ses boissons procurent.

Ce storytelling sans cesse renouvelé, qui a su s’appuyer sur des mythes aussi universels que celui du Père Noël**, a largement contribué au succès planétaire de Coca-Cola, au travers de campagnes de publicité ou de brand content mémorables. Nul doute que la manne financière annoncée permettra de rééditer des spots aussi réussis qu’America the beautiful, révélé lors du dernier Super Bowl, ou des initiatives comme la personnalisation de ses canettes, qui ont eu un réel impact sur les ventes dans le monde entier. Sans parler de la production de contenus de marque, autre spécialité dans laquelle Coca-Cola excelle aujourd’hui (voir ci-dessous exprimée la philosophie du liquid and linked content, qui a inspiré de nombreuses autres marques).

 

A côté de ces ressorts publicitaires et communicants, et du plan de relance de ses marques-phares, The Coca-Cola Company entend aussi poursuivre sa diversification au travers d’une politique d’acquisitions ciblées. Cette extension de son portefeuille de marques, le groupe d’Atlanta la mène de manière presque scientifique, au travers d’une division dédiée (VEB : Venturing & Emerging brands) dont la mission est de repérer les futures « pépites » parmi les quelques 2 650 marques de boisson non alcoolisées aujourd’hui existantes.

Cette politique de capital-risque, qui cible des boissons régionales non gazeuses et non alcoolisées réalisant une dizaine de millions de CA, pour en faire ensuite de véritables cash-machines mondiales, a conduit Coca-Cola à acheter 4 nouvelles marques ces 7 dernières années => les eaux arômatisées à la noix de coco Zico, l’eau Glacéau, les thés Fuze Tea et Honest Tea.

Le groupe a aussi lancé ou investi dans cette même période dans des marques couvrant les segments sur lesquels Coca-Cola souhaite se développer. C’est ainsi que l’eau arômatisée Fruitwater, les jus de fruits Odwalla ou Simply ou bien la boisson énergisante Core power ont enrichi l’offre de The Coca Cola Company.

Pour profiter à plein de ces acquisitions et affiner sa politique de développement, Coca-Cola peut aussi compter sur une innovation précieuse : la dernière née de ses fontaines à soda baptisée Freestyle. A partir d’une interface tactile, cette machine permet de choisir parmi une centaine de références de boissons de The Coca Cola Company. Disponible dans toutes les enseignes de restaurants, les données de commande et données personnelles renseignées par les utilisateurs sont ensuite exploitées dans le détail par les services marketing du groupe, qui en tirent de précieux enseignements. C’est ainsi que, du fait de son succès dans la fontaine Freestyle, le Fanta cerise (qui n’était disponible que dans les fontaines) a ensuite été commercialisé en bouteille et en canettes, pour le plus grand bénéfice de sa marque-mère.

Contenus de marque, storytelling et personnalisation, diversification et big data : voici résumées les premières clés du redressement de Coca-Cola. Je gage d’ailleurs, sans trop prendre de risque, qu’on reverra très bientôt Coca-Cola et ses marques en tête de gondole aux Etats-Unis… Comme l’a récemment rappelé son P-DG, la mission première de Coca-Cola est en effet « d’offrir à ses clients des moments de bonheur et les boissons qu’ils veulent ». Si celles-ci doivent être débarrassées d’aspartame et non gazeuses, qu’à cela ne tienne : soyez sûrs que la maison d’Atlanta est déjà sur le coup. Et le rythme de ses innovations, campagnes et autres acquisitions n’est pas prêt de se ralentir…

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Source & légendes :

* “Coke Confronts Its Big Fat Problem”, Claire Suddath & Duane Stanford – Bloomberg Business Week, 10 août 2014

** Pour mémoire, Coca-Cola est la première marque à s’être emparée du mythe de Santa-Klaus, à partir des années 30 et a largement contribué à populariser l’esprit de Noël et l’image du père Noël qu’on connaît aujourd’hui en Occident, par la force de ses publicités et de l’imagerie puissante qu’elle a popularisée.

Crédits photos :

> Première image issue de la série « Tiny people » de l’excellent Jean-Joseph Renucci

> Autres images : Coca-Cola, X, DR

 

 

« Love brands », marques « irrésistibles » et autres « like-marques » : 3 buzzwords au banc d’essai…

img008C’est bien connu : les marketeurs et les communicants affectionnent les nouveaux concepts et les terminologies qui sortent de l’ordinaire. Souvent d’origine anglo-saxonne, les « buzzwords » (= expressions de jargon à la mode) sont en particulier largement employés (voire créés) par les agences de communication et autres cabinets d’étude, toujours en quête d’approches innovantes et de termes différenciateurs pour valoriser leurs méthodologies. Et dans cette novlangue du marketing et de la com’, il faut avouer que les sémantiques réellement novatrices côtoient parfois des concepts « kleenex » aussi éphémères qu’inutiles. Le branding n’échappe pas à la règle, bien sûr. Au point qu’il faut souvent un jugement averti pour distinguer l’innovation « choc » du marketing flop…

A cet égard, 2 articles du magazine Stratégies ont récemment attiré mon attention, l’un évoquant l’initiative et l’offre de TNS Sofres visant à mesurer le quotient « d’irrésistibilité » des marques*, l’autre décrivant les attributs de la « like-marque »**, une marque à la fois plus mâture et plus complexe que la fameuse « love brand » propulsée en son temps par le P-DG de Saatchi & Saatchi.

Autant le dire tout de suite : ces deux articles et les approches qui les sous-tendent me paraissent fondés sur des bases théoriques et méthodologiques consistantes… Des bases d’autant plus intéressantes pour le BrandNewsBlog qu’elles traduisent des « philosophies » du branding à la fois différentes… et plus complémentaires qu’il y paraît.

Pas bête : TNS Sofres teste le « QI » des marques

Qu’on se le dise, une offre d’étude savamment marketée n’est pas forcément synonyme de vide méthodologique et conceptuel !! A cet égard, je dois dire que j’ai été plutôt séduit par l’argumentaire de TNS Sofres, au sujet de son outil de mesure de « l’irrésistibilité » des marques (voir ci-dessous la présentation vidéo synthétique de Fabrice Billard, Directeur Brand Strategy de l’institut)



 

L’irrésistibilité, kesako ?

C’est en effet sur base de 8 000 études Need Scope et d’un double prisme (performance de la marque / besoins des consommateurs) que TNS Sofres a choisi de s’intéresser au critère de l’attractivité, un des facteurs clés du succès des marques, tout aussi important ou presque que leur part de marché, leur influence ou leur notoriété… Avec une innovation « choc » : la mesure synthétique, à l’aune de 8 critères d’irrésistibilité, du QI ou « Quotient d’irrésistibilité » des marques.

Qu’y-a-t’il sous le capot ?

Certes, dans le choix des 3 grands ressorts d’attraction et surtout des « huit principes qui contribuent à rendre les marques désirables« , on retrouve les grands fondamentaux du branding : cohérence interne de la marque / alignement-capacité à démultiplier un même discours / unité / savoir-faire / différenciation… mais pas seulement. TNS Sofres insiste aussi sur ces critères plus dynamiques que sont la vitalité de la marque, la capacité à générer des émotions, ou la puissance de la symbolique de la marque (Voir ci-dessous le tableau synthétique du BrandNewsBlog et ici la présentation détaillées des 8 critères clés de succès  par TNS Sofres).

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L’argument clé, « sonnant et trébuchant » :

TNS Sofres insiste sur le caractère exponentiel du lien entre augmentation du « QI » et intensité du besoin exprimé par les consommateurs : ainsi, l’institut démontre que quelques points seulement de gagnés sur l’indice QI sont de nature à permettre de doubler la part d’usage d’une marque… Une proposition qu’on ne peut décemment rejet d’un revers de main ;)

De la love brand à la like-marque, un changement de décor et d’ambition

Plus prospectif, l’article signé par Thierry Herrant et Yannick Salmon** (respectivement directeur général du pôle image et contenus et directeur chez Publicis Consultants) décrit une marque assez éloignée de la love brand – lovemark chère à Kevin Roberts.

Pour mémoire, dans son ouvrage culte Lovemarks : the future beyond brands (édition powerHouse Books, avril 2004), le P-DG de l’agence Saatchi & Saatchi en appelait à l’amour des consommateurs pour sauver les marques et construire une fidélité client durable. Partant du constat d’une défiance généralisée des publics, Kevin Roberts identifiait 3 ressorts pour atteindre son ambitieux objectif : magnifier la part de mystère et de mythes à travers le storytelling et les contenus de marque ; diversifier l’expérience émotionnelle et sensorielle de la marque ; renforcer le développement de l’intimité client et l’empathie de la marque vis-à-vis de celui-ci… 

La like-marque, kesako ?

Eminemment sociale, la like-marque est en fait la marque à l’heure de l’entreprise « open-source ». Plus ouverte et plus intelligente qu’aujourd’hui (grâce à une intelligence collective supérieure), innovante à la vitesse des idées (et non plus avec un ou deux trains de retard), cette like-marque, qui n’en est aujourd’hui qu’à ses balbutiements d’après les auteurs eux-même, est à la fois une belle promesse et le « seul chemin pour renouer durablement avec la croissance et avec la confiance« .

Qu’y-a-t’il sous le capot ?

D’abord, un excellent constat de la part des auteurs, Thierry Herrant et Yannick Salmon. Celui du bouillonnement d’un monde que l’innovation domine, mais dans lequel « la confiance n’est nulle part« . Une concurrence accrue et mondiale, des échanges et des relations en partie transformée par l’avènements des médias sociaux, une accélération sans précédent des informations et des affaires… La conséquence de ce changement de paradigme est que les organisations et les entreprises doivent « opérer une révolution culturelle plus importante que toutes celles qu’elles ont menées jusqu’ici » pour survivre.

La mise en commun des intelligences, la contribution et la coconstruction, en résumé, la « conception sociale » est promise à un bel avenir. Et la compétence des marques résidera dans leur capacité à attirer, motiver et fidéliser des communautés d’ambassadeurs et de « contributeurs » de marques, intéressés pour participer à l’évolution de ses produits et services, voire de son positionnement. Non des supporters aveugles et autres « fans de marque » prompts à liker quelques messages publicitaires, mais des partenaires avec lesquels il sera nécessaire de construire une relation de confiance « à la fois managée et égalitaire, gratuite et rétribuée ».

L’argument clé :

A l’époque du web 2.0 et de l’innovation accélérée, les entreprises n’ont plus seulement besoin de clients mais d’idées. Or « elles sont là. Dans des cerveaux accessibles – et disponibles – connectés plusieurs heures par jour, qu’il faut approcher et séduire dans un climat de confiance réciproque pour s’en faire des amis » (…) Et pour conquérir et garder ces amis, l’entreprise devra nécessairement s’ouvrir et se réorganiser !

Trois terminologies différentes, mais des « philosophies » du branding plus complémentaires qu’opposées

Si, à première vue, ces trois terminologies (love brands / like-marques / marques irrésistibles) semblent se rattacher à des registres de langage et des conceptions différentes du branding…

=> marque irrésistible = séduction raisonnée / attraction (registre rationnel)

=> love brand / love mark = passion / émotion (registre fusionnel)

=> like-marque = relation « win / win », plus juste et équilibrée (registre de la confiance)

… les constats et hypothèses qui sous-tendent ces différentes approches reposent sur un socle commun :

  1. la défiance croissante des consommateurs envers les institutions et les marques ;
  2. l’accélération des rythmes lié au nouveau paradigme digital, qui oblige notamment les marques à innover sans cesse ;
  3. la nécessité de s’affranchir des arguments purement rationnels qui ne permettent plus de gagner de nouveaux clients
  4. l’investissement par les marques des champs émotionnels et sensoriels
  5. le rééquilibrage des relations entre consommateurs et entreprises-marques : les marques ne pouvant plus tout contrôler adoptent de nouvelles stratégies et s’engagent vis à vis des consommateurs
  6. Transparence, écoute, empathie, réactivité sont les nouvelles vertus cardinales pour conquérir ou fidéliser les clients

 

Légendes :

* Huit conseils pour être irrésistible, de Muriel Jaouën – Revue Stratégies n° 1761 du 20 mars 2014

** Vers la like-marque, de Thierry Herrant et Yannick Salmon – Revue Stratégies n° 1760 du 13 mars 2014

 

Pour en savoir plus :

Lovemarks : the future beyond brands, de Kevin Roberts -Edition powerHouse Books, avril 2004

 

Crédit photos : TNS Sofres

 

Les 4 secrets du renouveau de Yoplait, éleveuse de marques musclées

Dans son dernier numéro, le magazine Capital se penche sur les raisons de la santé insolente de la marque à la petite fleur. Depuis son rachat par le groupe américain General Mills il y a 3 ans, Yoplait n’en finit plus de grignoter des parts de marché et accumule les succès commerciaux. Le fruit d’une réorganisation délicate et d’un marketing novateur et agressif, mis au service de ses marques filles. Décryptage de cette leçon de réalisme (et de brand management) avec le BrandNewsBlog…

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La résurrection de Yoplait : l’histoire d’une réorganisation rondement menée

A lire le dossier de Capital, on se dit qu’il n’y a pas que les concurrents de Yoplait qui ont du sérieusement grincer les dents ces dernières années. Si le mastodonte américain General Mills (propriétaire d’Häagen-Dazs, Géant vert ou Old El Paso) a su transformer la marque en « challenger ultra-conquérant« , cette embellie fait suite à un sérieux passage à vide dans les années 90, puis à une restructuration à marche forcée.

Sur fond de baisse des ventes, l’arrivée en 2002 d’une société d’investissement au capital de Yoplait, jusqu’alors détenue par la coopérative Sodiaal*, a notamment été suivie par la fermeture d’une usine et le licenciement de 653 salariés. Et depuis quelques années, c’est la totalité de l’équipe commerciale qui a été renouvelée, notamment sous la houlette de son nouveau P-DG, Olivier Faujour, arrivé en 2012.

Le résultat de ce régime draconien a priori inévitable ? Depuis 3 ans, le groupe Yoplait, n°2 mondial de son marché, n’a cessé de grignoter des parts à son principal concurrent, le n°1 Danone. Tandis que sa PDM est passée de 11,2 à 13,1 % en deux ans seulement, celle de Danone a reculé de 32,3 à 30,6 %. Dans le même temps, la barre symbolique des 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires a été franchie par la marque à la fleur, pour le plus grand plaisir de son actionnaire américain bien évidemment.

5 marques filles que Yoplait n’a cessé de chouchouter…

Mais cette renaissance, Yoplait ne la doit cependant pas uniquement à des « remèdes de cheval ». Si le groupe a su redresser aussi nettement et rapidement la barre, c’est en étant commercialement agressif et en concentrant toutes ses forces sur un portefeuille de marques filles volontairement moins étoffé que celui de son concurrent principal (5 marques déclinées pour Yoplait contre une quinzaine pour Danone en rayon frais). Des marques qui sont chacune de véritables best sellers et que la nouvelle direction a su moderniser et développer, sans modifier leur « ADN » : Yop, Petits Filous, Panier de Yoplait, Perle de lait et Calin +.

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Certes, à elles cinq, ces marques « blockbusters » étaient déjà présentes dans près de 50 pays et représentaient 8% de PDM avant l’arrivée de la nouvelle direction. Mais depuis 2011, l’activisme acharné de la nouvelle équipe commerciale, les économies d’échelle autorisées par l’intégration dans un groupe international et le travail effectué sur les marques ont considérablement accéléré leur développement…

Voici en guise de synthèse les quatre piliers / « secrets » de cette transformation réussie :

1) Sur le terrain, les forces de vente de Yoplait ont su reconquérir des mètres de linéaires aux concurrents. Capital nous apprend que la centaine de commerciaux de la marque à la fleur, « tous durs en affaires« , a notamment su négocier pied à pied avec les grands groupes comme Carrefour pour que la place accordée aux marques de Yoplait soit désormais plus conforme à leur part de marché.

2) Côté achats et distribution, les effets des économies d’échelle ont joué à plein. La taille du groupe General Mills a notamment permis à Yoplait de réaliser d’importantes économies sur l’achat de cartons d’emballage et de pénétrer, grâce à ses réseaux de distribution mondiaux, des marchés jusque là inaccessibles.

3) Une modernisation et une montée en charge des usines a également été menée. D’importants investissements ont été réalisés sur la plupart des lignes de production, comme au Mans (14 millions d’euros) afin d’intensifier la production. Et la nouvelle direction a mis fin à la production de petites séries siglées Leclerc ou Carrefour par exemple, privilégiant dans sa montée en charge les marques « maison ».

4) La rénovation la plus délicate et la plus magistrale a été celle du branding et de la promotion des marques de Yoplait. Pour chacune d’entre elles, les gammes ont été soit repositionnées, soit rebrandées et des investissements publicitaires sans précédent ont été consentis pour soutenir leur croissance. Pour la marque culte Yop par exemple, qui existe depuis quarante ans, de nouvelles déclinaisons ont été lancées en 2012 dont une version avec arôme naturel et sans colorant. La campagne pub osée et potache « T’as craché dans mon Yop » a également contribué à rénover le discours de la marque, avec un impact immédiat sur les ventes.

Pour la marque Petits Filous, autre star des linéaires, c’est à la fois la formule qui a été revue et enrichie en calcium et vitamine D et les packagings qui ont été modernisés, avec l’insertion de tatouages dans les emballages. Changement de recette et de conditionnement également pour le Panier de Yoplait ou pour Calin +, qui a été renforcée en calcium et habilement repositionnée sur la cible des femmes seniors, concernées par l’ostéoporose.

S’appuyant sur des investissements publicitaires et promotionnels colossaux (54 millions d’euros ne serait-ce qu’en France, presque autant que Danone), la communication autour des marques Yoplait décline à l’envi l’identité de la marque à la petite fleur, fondée sur « l’affectif, la joie de vivre plutôt qu’une approche froide et médicale« . De ce point de vue, les marques de Yoplait entrent en parfaite résonance avec la tendance actuelle qui est au retour des produits « plaisir », après la mode des produits allégés, aujourd’hui un peu dépassée.

Une nouvelle marque parmi les « enfants terribles du rayon frais »

Et la série des innovations est loin d’être terminée pour Yoplait. Dernier challenge en date : le lancement en février 2014 d’une nouvelle marque. Cadet des « enfants terribles du rayon frais », comme Olivier Faujour qualifie lui-même les marques de son groupe, le yaourt Yopa!, hyper-protéiné et peu gras, s’avère d’ores et déjà une réussite.

Yopa! aurait conquis 1% du marché de l’ultra-frais en valeur, contre 0,8 % à Danio, le concurrent conçu par Danone. Ce nouveau yaourt est d’autant plus important que ses marges sont doublées par rapport aux autres produits stars de Yoplait… De quoi motiver encore et mobiliser les forces de ventes de la marque à la fleur ces prochains mois !

 

 

Légende : 

* Fruit d’une union de coopératives agricoles, dont les producteurs cherchaient des débouchés sûrs pour écouler leur lait, Sodiaal a eu l’excellente idée de baptiser sa marque Yoplait, en fusionnant tout simplement deux marques régionales, Yola et Coplait.

Après avoir inventé le yaourt aux fruits en 1967, puis le yaourt à boire Yop, la coopérative agricole a connu sa première période noire dans les années 90. C’est en 2002 qu’a été décidée l’entrée au capital du fond d’investissement PAI, qui prit en charge les premières restructurations.

Si General Mills a pris le contrôle de l’entreprise depuis 2011, il est à noter que la coopérative Sodiaal s’est assurée de continuer à fournir le lait pour les marques de Yoplait et reste propriétaire (à 1 action près) de la marque.

 

Crédit photo : Yoplait / Infographie : TheBrandNewsBlog 2014 + Le Figaro

LVMH, P&G, Orange… : ces holdings qui renforcent leur marque corporate

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Mardi dernier, j’évoquais la leçon de branding donnée récemment par François-Henri Pinault (voir ici). A l’issue d’un processus qui l’a fait passer du statut de conglomérat opérationnel et financier à celui de groupe spécialisé dans les domaines du luxe, du sport et du lifestyle, la holding PPR est ainsi devenue « Kering » le 18 juin 2013. Un nom hautement symbolique proposé par Havas Lifestyle et Dragon rouge, et qui pour mémoire renvoie à la fois au « Ker » breton (le foyer) et au « caring » anglais… Bref, il s’agissait à la fois de signifier le rôle de « maison des marques » de la holding, et de mettre en avant le soin particulier que le groupe entend justement porter aux différentes marques qui le composent et à ses parties prenantes (collaborateurs, partenaires, environnement…).

Mais Kering n’est pas la seule holding à avoir récemment amorcé un nouveau départ ou négocié un virage stratégique en matière de branding. LVMH, Procter & Gamble ou bien encore Orange ont elles aussi, pour des raisons différentes, choisi de capitaliser davantage sur leur marque corporate ces dernières années. Décryptage de ces opérations avec le BrandNewsBlog…

>> LVMH travaille sa réputation

On ignore encore à quelle date LVMH est susceptible de programmer la 3ème édition de ses « Journées particulières » *. Les deux premières éditions, en octobre 2011 et juin 2013, ont en tout cas été de grands succès. Au-delà des 120 000 visiteurs dénombrés l’an dernier, du million et demi de pages vues sur le site web de LVMH et des quelque 45 000 fans de la page Facebook dédiée, le groupe de Bernard Arnault a également bénéficié de retombées presse inespérées, dans les pages culture, sorties et art de vivre des magazines… Une véritable bouffée d’air pour un groupe plus habitué aux pages saumon du Figaro, régulièrement épinglé pour sa réputation de prédateur ou les déconvenues de son « riche contribuable » de Président.

C’est que, sortant d’une réserve quasiment inscrite dans les gênes du groupe, LVMH a résolument choisi d’investir dans sa marque corporate et d’améliorer, par la magie de ses marques icôniques, son image et sa réputation. Robert Zarader, Président de l’agence Equancy&Co résumait ainsi à l’époque le dilemme auxquelles les holdings de l’industrie du luxe sont confrontées : « toute la valeur de la marque mère réside dans la valeur des marques filles« . En même temps, impossible pour la holding de trop empiéter sur le territoire de ses marques filles ou de s’afficher comme caution, car dans le secteur du luxe (aussi bien chez LVMH que Kering d’ailleurs), chaque marque se doit d’apparaître comme unique et l’indépendance de chacune demeure un credo largement partagé.

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>> Procter & Gamble réassure et cautionne

Avec sa campagne à la fois corporate et promotionnelle multimarques de l’été 2013 (« L’innovation à votre service, essayez-les »), P&G  a joué, pour la première fois de son histoire, le rôle de marque ombrelle. Une véritable révolution pour ce grand groupe international, mais qui se justifie par deux facteurs : d’une part, l’opportunité de réaliser d’importantes économies d’échelle (qui peuvent rapidement se chiffrer à plusieurs dizaines de millions de dollars) ; et d’autre part la demande de transparence de la part des consommateurs.

Sur ce dernier point, pour Procter & Gamble comme pour LVMH ou Kering, il s’agit en effet de répondre à cette question de plus en plus pressante de la part des clients : savoir qui est « derrière » les marques que nous connaissons tous (NB : ce besoin est beaucoup moins fort pour les  e-brands que pour les marques traditionnelles : voir ici mon précédent article à ce sujet).

>> France Télécom passe à l’Orange

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Depuis le rachat d’Orange par France Télécom, la marque historique de notre opérateur national était peu à peu tombée en désuétude. Le dernier mouvement de cette évolution inéluctable a été l’adoption par la marque entreprise (France Télécom) du nom de sa marque commerciale (Orange) le 1er juillet 2013. Ce rebranding a mis un point final à l’épopée de notre service public national de télécommunications, pour laisser place à une holding résolument tournée vers l’international.

Là aussi, comme chez Procter, les enjeux stratégiques et de branding rejoignent l’intérêt financier, puisque la fin de la cohabitation des deux marques (corporate et commerciale), a évidemment été source d’importantes économies. Plus simple, plus homogène et moins coûteux, le rebranding opéré ne pouvait représenter que des avantages.

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Sources :

>> Article du Figaro sur les Journées particulières

>> Article : Ces holdings qui cherchent leur marque, 6 juin 2013 – Stratégies n°1726

>> Site de LVMH : www.lvmh.fr

>> Crédit hoto : LVMH, Orange

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