5 défis à relever pour moderniser la communication interne… et l’adapter aux nouveaux enjeux et attentes de ses publics

Trop souvent encore considérée comme le « parent pauvre » des stratégies de communication, la communication interne continue de souffrir, dans beaucoup d’organisations, d’une inadéquation avec les attentes et les besoins de ses publics et d’un sous-investissement chronique au regard de ses enjeux stratégiques.

La faute à qui ? Certainement pas aux professionnels ni à leurs associations de référence, AFCI* en tête, qui n’ont cessé depuis des années de faire la pédagogie de leur métier et de signaler le décalage croissant entre les objectifs ambitieux de transformation affichés par la plupart des dirigeants et la faiblesse des moyens alloués à la communication en entreprise.

Pas plus tard que l’automne passé, l’association Place de la communication pointait d’ailleurs, dans la deuxième édition de son Observatoire¹, une baisse des investissements en communication interne par rapport à 2016. Et parmi les objectifs de communication remontés par ses adhérents, le premier item concernant la communication interne (« Contribuer à l’information et à l’engagement des équipes ») n’est arrivé qu’en cinquième position des objectifs prioritaires des entreprises – essentiellement les plus grandes – laissant entrevoir que la situation est encore moins glorieuse dans les organisations de plus petite taille…

Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi un tel décalage et surtout que faire pour y remédier ? C’est ce que je vous propose de voir dans mon article du jour, mais sans omettre aucun des grands défis qui se posent par ailleurs aux expert.e.s de la communication interne : 1) Défi des moyens ; 2) Défi du rythme, de la profusion et du sens; 3) Défi du ton et du langage ; 4) Défi de la pertinence et du « lâcher-prise » ; 5) Défi de la redéfinition du rôle et des missions des communicant.e.s internes.

Longtemps occultées par de faux débats sur la « disparition de la communication interne » et/ou le constat de la porosité croissante entre interne et externe, de plus importantes problématiques se posent en effet aujourd’hui à tous les communicant.e.s sur la place et le rôle de la communication en entreprise, mais aussi sur la meilleure manière de la pratiquer et de la faire évoluer pour que celle-ci accompagne au plus près les besoins des collaborateurs et les enjeux des entreprises : compréhension fine du corps social de l’organisation et des communautés qui le composent, accompagnement du changement et de la « transformation », développement du travail collaboratif, (re)construction du sens commun…

On le voit : les enjeux sont considérables et il appartient à chacun de les aborder avec lucidité et honnêteté pour produire une communication interne plus efficace, authentique et moderne. Rien que ne puissent en définitive réussir les communicant.e.s, à condition d’être eux.elles mêmes convaincu.e.s des efforts et mutations à accomplir et de bénéficier dans cette mutation du soutien indéfectible d’une direction générale réellement impliquée…

Porosité croissante de l’interne et de l’externe et guerres de territoires : non, la communication interne n’est pas « soluble » dans le management transversal de la marque…

Chacun.e de mes lecteurs.trices sait à quel point je suis attaché aux principes d’un management plus transversal de la marque et à la disparition des « silos » : marque corporate, marque employeur et marque(s) commerciales ont trop longtemps été travaillées de manière distincte, alors qu’elles sont les différentes facettes d’une même entité émettrice, l’entreprise, qui a de plus en plus intérêt aujourd’hui à parler d’une seule voix – en tout cas de la manière la plus cohérente possible – à ses différents publics.

Ce constat est d’autant plus vrai aujourd’hui, à l’heure où le digital abolit de plus en plus les frontières et qu’il est demandé aux collaborateurs.trices qui le souhaitent de porter à l’extérieur la parole de l’entreprise, dans le cadre de démarches d’employee advocacy notamment. A l’heure également où chacun semble avoir enfin compris que le.la collaborateur.trice peut également être un.e client.e de l’organisation, actionnaire, et/ou conjoint.e d’une autre de ses parties prenantes…

Pour autant, ainsi que le soulignait l’an dernier Thierry Libaert dans un article des Cahiers de la communication interne de l’AFCI², « S’il est certain que la porosité existe et que le discours de l’entreprise doit être commun à toutes les communications, dans un souci de cohérence, la communication interne conserve toujours ses particularités ». Et la première d’entre elles est de s’adresser à un public bien spécifique – les salariés – sans lequel l’organisation ne peut fonctionner et dont on mesure de plus en plus l’importance dans la réussite de toutes les stratégies aujourd’hui.

A ce public, encore plus informé et exigeant de nos jours que toute autre partie prenante, et qui a appris depuis des décennies à « décoder » les communications descendantes émises par les communicant.e.s et leur direction générale, il est impossible de fournir les mêmes messages « formatés » qu’on adresse aux clients ou aux journalistes… Et si, dans une logique « d’écosystème » et pour des raisons de réduction de coût, il a été souvent envisagé de préparer des contenus rigoureusement identiques et communs à toutes les cibles, la plupart des entreprises qui se sont essayé à cette communication un brin « monolithique » en sont d’ores et déjà revenues ou en reviennent… Car elle est tout simplement aux antipodes de ce qu’attendent leurs collaborateurs et collaboratrices, avides d’explications, de pédagogie, d’authenticité et d’engagement de la part de leur hiérarchie.

De ce point de vue, il est à souligner que les guerres de territoires entre certaines directions (de la communication et des ressources humaines le plus souvent, auxquelles les communicant.e.s internes ont pu être successivement rattaché.e.s), ont sans doute eu pour effet de retarder la prise de conscience de l’importance et de la variété des nouveaux enjeux de communication interne, certaines réorganisations n’ayant eu parfois pour seul objectif que de justifier le rattachement des ressources correspondantes à la dircom ou à la DRH… sans tenir aucunement compte des expertises spécifiques des uns et des autres, ni des besoins de leurs publics internes.

5 défis à relever pour moderniser la communication en entreprise et répondre aux nouveaux besoins de ses publics

A l’aune des enjeux primordiaux que j’ai abordés en introduction et de l’évolution des publics internes et de leurs attentes – on voit notamment cohabiter pour la première fois près de 4 générations différentes au sein de l’entreprise, et cela est tout sauf anodin – il est indispensable de réinventer la communication interne, et de redéfinir ses objectifs, missions et modalités d’action au sein de la plupart des organisations…

A celles et ceux qui n’en seraient pas convaincus, je recommanderai volontiers la (re)lecture d’un article que j’avais déjà consacré il y a deux ans aux nouveaux défis de la communication en entreprise, article dans lequel je faisais abondamment référence au mémoire professionnel de Bernard Gaudin« Réinventer la communication interne à l’ère collaborative »³.

Dans le cadre de ce mémoire particulièrement riche, intéressant et abouti, Bernard Gaudin s’était permis d’adresser un questionnaire sur la communication interne à près de 560 collaborateurs.trices travaillant dans différentes entreprises et d’organisations de toutes tailles, les interrogeant à la fois sur leurs habitudes et pratiques en matière de consommation d’information, mais également sur leur perception de la communication interne et de sa pertinence/son intérêt.

Les résultats de ce questionnaire, recoupés par d’autres études et les remontées de terrain collectées par de nombreux communicants, ne sont pas nécessairement très flatteurs pour les entreprises et pour la communication interne en général, encore jugée trop impersonnelle, désincarnée, éloignée du terrain et excessivement positive dans la plupart des entreprises. Les enseignements de cette étude et autres remontées terrain ont donc naturellement alimenté plusieurs de mes recommandations ci-dessous :

1 – Défi des moyens : doter la communication interne de budgets et de ressources à la hauteur des enjeux et ambitions

Si les budgets et moyens alloués aux directions de la communication varient évidemment grandement d’une entreprise et d’une organisation à l’autre, j’ai souvent – pour ne pas dire toujours – été frappé de la faiblesse des moyens consacrés à la communication interne au sein de la plupart des entreprises.

Entre les organisations – très nombreuses encore – ne disposant pas d’une véritable ligne budgétaire dédiée (hormis pour leurs conventions et principaux évènements internes) et celles où le budget, voire l’ensemble des ressources, sont en quelque sorte la « variable d’ajustement » d’un budget marcom ou RH global – pouvant à ce titre être réduits à la portion congrue ou escamotés en cours d’année – trop rares sont encore les entreprises à « sanctuariser » en début d’année un budget de communication interne proportionné à leurs ambitions et à leurs différents chantiers de transformation.

A cet égard, outre le faible degré de priorité relevé pour les sujets et enjeux de communication interne dans le cadre de son Observatoire de la communication 2018, l’association Place de la communication pointe aussi une baisse des investissements consacrés à tous les supports internes, qu’ils soient traditionnels ou numériques, par rapport à son édition 2016… Et s’interroge : « Dans un contexte où l’intelligence artificielle monte en puissance, où la définition de ce qu’est une entreprise (et le travail) se brouille et où la dernière valeur refuge se situe dans l’humain, ses savoir-faire et son savoir être, le désinvestissement dans la communication interne interpelle. Il paraît pour le moins risqué ».

Et le président de l’association, Vincent Colas, d’enfoncer le clou en pointant le rôle et la responsabilité des dircom et des communicants dans la sensibilisation de leur direction générale, sur ce sujet : « Il est de la responsabilité des communicants de mieux faire comprendre et apprécier ce qui devrait être un enjeu central, un élément de compétitivité et non une préoccupation périphérique […] C’est aux professionnels de la communication de faire comprendre et de promouvoir l’idée que la première responsabilité d’une organisation est de communiquer auprès (et surtout avec) ceux qui la constituent et la font avancer. »

CQFD : on ne saurait mieux exprimer le décalage encore flagrant des ambitions et des moyens alloués dans ce domaine.

2 – Défi du rythme, de la profusion et du sens : privilégier des contenus UTILES plutôt que continus et l’alternance de formats longs et courts ayant un véritable SENS au stakhanovisme éditorial…

Trop de contenus et d’informations aurait-il tendance à tuer l’information ? Dans le domaine de la communication interne comme pour la communication en général, l’infobésité et le « content shock » guettent, assurément. Et nombreux sont les collaborateurs interrogés par Bernard Gaudin à regretter des « communications trop nombreuses, qui nuisent à leur lisibilité ».

A cet égard, chacun a sans doute en tête l’image de ces intranets regorgeant d’informations, où l’on est passé, en l’espace de quelques années, de pages quasiment statiques rarement réactualisées à la mise en avant de dizaines de contenus faiblement hiérarchisés, malgré la présence de carrousels sensés « montrer l’essentiel »… Les verbatim relevés par Bernard Gaudin sont à ce sujet on ne peut plus explicites : « Sans hésiter, le nombre de communications que l’on reçoit : entre les communications du groupe, celle de la direction où l’on travaille et celles de mon département… Sans compter les newsletters des projets transverses, les trucs et astuces… Un vrai problème !!! » ; « Trop d’information tue l’information » ; « J’ai l’impression que les communicants de ma boîte sont évalués au nombre de messages qu’ils envoient ! Cela fait 10 ans que je travaille pour le même groupe, j’ai l’impression d’en recevoir plus chaque année… Je ne lis même plus. »

Et cette tendance, qui parlera évidemment à tous les communicants de grandes et moyennes entreprises qui disposent d’une communication interne structurée, est également relevée par Carole Thomas, dans un tout récent article des Cahiers de la communication interne de l’AFCI** intitulé « C’est comment qu’on freine ?« . Car associée à l’injonction de la vitesse, à la réactivité à tout crin et à la mode des formats courts, la production de contenus internes – comme celle de contenus externes parfois – frise désormais souvent le stakhanovisme éditorial.

Et la directrice de la communication et du marketing digital d’Immobilière 3F de poser d’emblée le débat dans les bons termes, en introduction d’un excellent texte : « A force de faire court, toujours plus court, de faire ‘continu’, nos messages deviennent cacophoniques, fatigants pour nos publics. Les équipes communication s’épuisent à produire des contenus dont il faudrait prendre le temps d’interroger la valeur ajoutée. Comment arrêter cette machine infernale que nous alimentons ? Et si nous décidions de sortir de cette situation schizophrénique en nous appropriant des formats longs, en pensant contenus « utiles » et en réaffirmant notre attachement au temps et à la qualité ? »

Là encore, CQFD. Et si Carole Thomas ne se veut pas dogmatique et reconnaît bien volontiers les vertus des formats courts (qui poussent à éliminer le « gras », à éviter le bavardage et à « angler » les sujets de façon plus serrée, en évitant au passage quelques niveaux de validation inutiles), c’est bien dans une alternance de formats courts et de formats longs qu’elle voit le salut, faisant écho à mon article de fin d’année sur les tendances 2019 du marketing et de la communication, dans lequel je saluais ce sursaut éditorial salvateur et ce retour à la raison. Et la dircom d’Immobilière 3F de saluer le magnifique exemple du film « SNCF au féminin », primé par le jury des Top com 2018 : un documentaire de 52 minutes qui suit la vie de sept femmes appartenant au réseau SNCF au féminin et montrant sans fard la réalité quotidienne de l’entreprise.

Projeté aux personnels de la SNCF dans des salles et lors de moments dédiés, tel qu’il a été tourné, c’est à dire sans filtre, sans coupe ni interviews de responsables ou d’experts pour venir édulcorer les propos des unes et des autres, ce reportage authentique a connu un large succès en interne, au point d’être aujourd’hui montré comme une fierté en externe, lors de présentations dans des entreprises de secteurs variés.

Sans aller nécessairement vers des formats aussi longs, pourtant très adaptés pour retrouver le temps de l’émotion, Carole Thomas en appelle aussi au bon sens de chacun.e et à la quête de sens, en préconisant de penser d’abord les contenus internes en termes d’utilité pour les salariés, plutôt que de vouloir alimenter à tout prix les différents canaux de communication et autres intranets. « Tels des ogres à avaler des contenus, les intranets nous poussent à publier une information à la moindre actualité corporate, qu’elle ait ou non un sens pour les collaborateurs et collaboratrices. Nous postons aussi ‘sous pression’ la news d’une équipe ou d’une direction souhaitant absolument ‘être visible en une’, tout en sachant qu’elle n’intéressera que celle-ci […] Autorisons-nous à produire moins pour produire mieux ! »

On ne peut que souscrire à ces conseils, quitte à faire la promotion en interne comme en externe d’un « slow content » ou d’une « slow communication » permettant de renouer avec la sérénité et de retrouver le chemin de la qualité et de l’utilité éditoriale, au détriment des « snacking contents » internes à faible valeur ajoutée.

3 – Défi du ton et du langage : oser une communication moins « langue de bois », une langue plus authentique et crédible s’affranchissant de la propagande corporate 

Parmi les commentaires relevés par Bernard Gaudin dans le cadre de son enquête sur la perception de la communication interne par les collaborateurs.trices, les plus nombreux concernent assurément le ton et le langage utilisés, jugés excessivement positifs et pour tout dire, presque propagandistes par moment…

Les verbatim illustrant ce biais sont on ne peut plus explicites : « La com’ interne a tendance à être ‘excessivement positive’, au point où elle en devient non crédible, proche de l’outil de propagande. Il faut une communication plus juste (abordant les bonnes ET les mauvaises informations, qui doivent être passées avec la même régularité et clarté auprès au staff). La communication positive est utile, mais le positivisme excessif est une faille dans laquelle il ne faut pas tomber ».

Et les salariés de pointer du doigt, sur la forme comme sur le fond, une communication interne souvent « ripolinée », ayant tendance à repeindre tout en rose, avec un décalage important entre les informations transmises et la réalité vécue par tout un chacun sur le terrain : « Le décalage avec la réalité, les obstacles rencontrés, fait que les employés perdent confiance dans cette communication qu’ils considèrent comme des voeux pieux plus que de réelles informations » ; « Il faudrait rendre la com’ interne moins ‘professionnelle’. Elle est aujourd’hui trop léchée, trop pesée, pas suffisamment naturelle » ; « Plus de sincérité et moins de corporate ; plus de transparence et moins de politique ! ».

Dans son article « C’est comment qu’on freine ? », décidément très lucide, Carole Thomas dépeint les mêmes travers : d’une part, le peu de goût des dirigeants et des communicant.e.s pour explorer ou expliciter les échecs, et ne pas faire uniquement la promotion de « ce qui marche » au sein de l’entreprise ; et d’autre part cet enjeu du langage et de la qualité d’écriture interne, qui mériteraient d’être améliorés d’urgence pour ne pas sombrer ad vitam dans la langue de bois.

Dixit la dircom d’Immobilière 3F :  » L’autre question à se poser concerne la qualité d’écriture au sens large. La volonté de tout ‘positiver’, inhérente à la communication interne, se traduit par un catalogue de titres, de formules et donc de contenus sans surprise, souvent plats, consommés sans plaisir par nos publics : ‘C’est parti pour…’ ; ‘Une initiative remarquable…’ ; ‘Toujours plus innovant…’ ; ‘Des résultats en progrès…’ ; ‘Des produits toujours plus performants…’, ‘Une entreprise socialement engagée…’, ‘Tous ensemble pour…’ Autant de propos le plus souvent éloignés de ce que vivent les équipes confrontées au quotidien aux guerres de silos et autres coupes budgétaires. »

On ne saurait dresser plus clairement le constat. Pour ce qui est remèdes, évidemment, le retour à de meilleures pratiques et à un langage plus authentique n’est pas si facile ! Il requiert à la fois de l’audace de la part des communicant.e.s et une volonté farouche de ne pas retomber dans les ornières de formes langagières désincarnées et éculées. Une réelle conviction, aussi, que les recettes de la communication de « papa » ne peuvent plus fonctionner à l’heure de l’hyper-information des publics internes et que le retour au « parler vrai » passe aussi par la valorisation de la parole sans filtre des collaborateurs.trices, chaque fois que cela est possible.

Un tel renversement nécessite évidemment le soutien des dirigeants – qui pourraient d’ailleurs montrer eux-mêmes l’exemple du parler vrai – en revenant plus régulièrement sur les raisons de tel ou tel échec, s’il y a lieu. Et pour s’assurer qu’on évite au maximum la langue de bois et qu’on chemine toujours vers le parler-vrai, je suggère aussi de passer tous les messages internes importants au filtre du petit « prisme de crédibilité » décrit ci-dessous…

4 – Défi de la pertinence et du lâcher prise : de l’importance de se reconnecter aux besoins des publics internes et de co-produire ensemble la communication du changement 

Au-delà de la langue de bois et du ton/du contenu excessivement positifs des communications, c’est aussi, en définitive, le calendrier et le choix des thématiques de com’ interne auxquels les collaborateurs et collaboratrices demandent à être davantage associés.

Car quels que soient les sujets abordés par cette communication interne encore bien trop descendante, ils.elles ont bien du mal à y reconnaître aujourd’hui leurs propres sujets d’intérêt : « J’ai souvent du mal à m’identifier au messages ‘top level’ que je reçois, je ne vois pas le reflet de ce que je vis au quotidien » ; « Il faudrait une communication interne plus proche, plus tournée vers les préoccupations des salariés » ; « Une communication plus ciblée en fonction du type de collaborateur » ; « Il faut trouver les vrais sujets d’intérêts pour les collaborateurs »…

Bref, si les thématiques et l’agenda de la com’ interne semblent encore trop souvent « à la main » des directions générales, il appartient en définitive aux communicant.e.s de se recentrer aussi sur les besoins de leurs publics, en identifiant les contenus les plus utiles aux différentes communautés qui constituent l’entreprise, quitte à les cibler et les « audiencer » encore davantage, mais aussi en lâchant davantage prise, et en co-produisant avec les collaborateurs.trices la communication du changement et de la transformation de l’entreprise.

Cela passe nécessairement par un repositionnement et une redéfinition du rôle des communicant.e.s internes, à qui il n’est plus demandé seulement d’être de parfaits connaisseurs de la culture d’entreprise et les seuls émetteurs.trices des contenus internes, mais des « générateurs de lien et de sens commun » ainsi que de véritables « coaches » du changement, experts des méthodes collaboratives et à même d’accompagner tous les émetteurs internes de l’entreprise (correspondant.e.s de communication interne, pilotes de communautés, directeurs.trices et responsables d’équipes, ambassadeurs-salariés de l’entreprise…) dans la production de leurs messages.

Nulle raison en effet que les évolutions et mutations observées quant au rôle des dircom et des communicant.e.s externes à l’ère numérique n’affectent pas à leur tour les communicant.e.s internes, dont la mission ne cessera d’être de plus en plus diversifiée et stratégique.

5 – Défi de la redéfinition du rôle et des missions des communicant.e.s internes : loin de disparaître, un métier de plus en plus « multifonctions » et stratégique… et des compétences vitales pour l’entreprise

Dans son mémoire passionnant sur les évolutions de la communication interne (voir ici mon article à ce sujet), Bernard Gaudin retrace avec talent l’histoire de cette fonction encore très jeune, dont les missions n’ont cessé de s’enrichir et de se complexifier au fil des décennies…

Après l’heure de gloire des purs journalistes d’entreprise, les professionnels de la communication interne ont rapidement gagné en responsabilités et en crédibilité au gré de l’évolution des besoins de l’entreprise, dont ils ont sont devenus les meilleurs experts du corps social et les accompagnateurs du changement. A la fois « chefs d’orchestre » des contenus internes, « sociologues » de leur propre organisation, mais aussi « ministres de la culture d’entreprise » et responsable des relations internes, on a dernièrement renforcé leurs prérogatives de « coaches du changement » dans le contexte des grands projets de transformation que j’évoquais en introduction.

L’émergence et le développement sans précédent en entreprise des approches et outils collaboratifs, mais également le net accent mis sur la mobilisation et l’engagement des salariés, dans le cadre des chantiers de transformation ou de démarches d’employee advocacy notamment, augmentent encore les attentes vis-à-vis des communicant.e.s internes, quand celles-ci/ceux-ci ne sont pas aussi engagés dans la gestion des différentes facettes (y compris externes) de la marque employeur.

Interconnecteurs et émulateurs de sens au sein de l’organisation, les communicant.e.s internes sont également (rappelons-le) les premiers dépositaires des valeurs de l’entreprise et parmi les meilleurs ambassadeurs internes de sa mission ou de sa raison d’être…

Avec ces multiples casquettes et face aux grands défis évoqués ci-dessus (amélioration des contenus et du sens, promotion du parler vrai, reconnexion aux attentes et aux centres d’intérêt des salariés…), les communicant.e.s internes sont à nouveau sommé.e.s de réinventer leur métier, de ré-éxaminer et de reprioriser leurs missions pour répondre aux nouvelles attentes de leurs dirigeants et de leurs publics.

Tout comme Bernard Gaudin, si je n’ai aucune certitude sur ce qui composera demain le référentiel de compétences du bon communicant interne, je suis néanmoins convaincu que l’avenir de la fonction réside d’abord dans sa dimension d’accompagnement et dans « l’ingénierie » des démarches collaboratives et de changement au sein de l’entreprise, ainsi que dans la création de lien et de sens au sein de l’entreprise, bien plus que dans le contrôle tatillon de canaux et de contenus internes qui ont vocation à être de plus en plus co-produits et co-gérés en mode user-content.

Avec leurs différents publics et communautés, il appartient donc aux communicants et communicantes d’entreprise de définir les nouvelles approches et nouveaux outils qui feront vraiment basculer l’organisation dans cette ère plus collaborative qui pourra seule garantir l’atteinte des ambitieux objectifs de transformation formulés ici et là, et la production de contenus plus proches des besoins des collaborateurs.trices. A ce titre, je vous renvoie encore une fois vers le brillant mémoire de Bernard Gaudin, qui donne des pistes plus qu’intéressantes à ce sujet.

 

 

 

Notes et légendes :

(1) 2ème édition de l’Observatoire de la Communication réalisée à l’automne 2018 par l’association Place de la communication, premier réseau de communicants au nord de Paris, avec pas moins de 450 adhérents (annonceurs privés et publics, agences et free-lances, écoles…) et dont l’objectif était de décrypter les nouvelles tendances et identifier les enjeux phares des métiers de la communication à l’aube de la nouvelle année à venir. 

(2) Dossier des Cahiers de la communication interne de l’AFCI n°41 de Décembre 2017 : « Communication interne : ce qui est en jeu »

(3) Mémoire professionnel de l’Executive Master Communication de Sciences Po de Bernard Gaudin, promotion Pierre Lévy – octobre 2015 : « Réinventer la communication interne à l’ère collaborative »

* L’AFCI est l’Association Française de référence en Communication Interne. Créée en 1989 et forte de 900 membres aujourd’hui, dont plus de 500 entreprises, elle propose à chacun.e un espace d’échange, de professionnalisation et de rencontres et est notamment éditrice des excellents Cahiers de la communication interne. L’association fêtera le 25 juin prochain ses 30 ans, et j’aurai sans doute l’occasion de vous en reparler.

** « C’est comment qu’on freine ? » par Carole Thomas, Directrice de la communication et du marketing digital d’Immobilière 3F, Les Cahiers de la communication interne de l’AFCI n°43 – Décembre 2018

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, The BrandNewsBlog 2019.

Quels enjeux pour les dircom et leurs équipes en 2019 ?

Chaque début d’année, depuis quatre ans maintenant, je vous propose l’interview croisée de deux dircom, que j’interroge notamment sur l’évolution de leurs missions, sur leur pratique de la communication au sein de leur entreprise et sur les perspectives de nos métiers.

Après avoir mis à l’honneur en 2016* Anne-Gabrielle Dauba, directrice de la communication de Google France et Pierre Auberger, directeur de la communication du Groupe Bouygues ; puis en 2017** Béatrice Mandine, directrice exécutive d’Orange, en charge de la communication et de la marque et Benoît Cornu, directeur de la communication de PMU, et enfin en 2018*** Julien Villeret, directeur de la communication du groupe EDF et Anne-Sophie Sibout, directrice de la communication d’Edenred, c’est au tour de deux autres dircom de nous livrer cette année leur vision.

Et c’est à nouveau à deux éminents professionnels, visionnaires et hyperconnectés, que j’ai souhaité donner la parole : Anaïs Lançon¹, directrice de la communication et de la marque du Groupe RATP, et Frank Dormont², directeur de la communication d’Audencia, que je tiens à remercier chaleureusement pour la richesse de leurs réponses, pour leur disponibilité et leur réactivité sans faille.

Ces deux experts nous livrent une analyse pointue des nouveaux enjeux de la communication, la transformation de nos métiers par la révolution numérique étant d’emblée pour eux considérée comme un fait acquis et le « digital » comme une nouvelle compétence à maîtriser par tout communicant.

Premiers témoins (et parmi les premiers acteurs) de la transformation de leur entreprise, les dircom sont en effet passés ces dernières années d’un statut d’émetteurs, garants de tous les messages de l’organisation à celui de « facilitateurs connecteurs » et de chefs d’orchestre, à l’écoute et au service de tous les interlocuteurs susceptibles de prendre la parole au nom de l’entreprise.

Tout à la fois « vigies ès réputation », managers et pilotes des équipes et des projets de communication, accompagnateurs-enablers et « transformistes », capables de passer en permanence d’un costume et d’une casquette à l’autre, elles.ils n’ont cessé de gagner en crédibilité et en épaisseur stratégique au sein de leur organisation, tout en s’adaptant aux changements permanents qui n’en finissent plus de faire évoluer leur fonction.

Pour leur regard sur ces différentes mutations, et cette vision de la communication qu’ils ont accepté de partager avec les lecteurs du BrandNewsBlog ce matin, merci encore à ces deux dircom exemplaires.

Le BrandNewsBlog : Anaïs, Frank, pourriez-vous tout d’abord me dire quels sont les bouleversements qui ont le plus impacté votre métier ces dernières années ? Et quels sont ceux que vous anticipez dans les mois et années à venir ? En quoi ces bouleversements modifient-ils les comportements des différentes parties prenantes de vos organisations ?

Anaïs Lançon : Bien-sûr, en premier lieu, quand on parle de « bouleversement », on pense à la révolution technologique et digitale que nous vivons tous à titre personnel ou professionnel. Mais pour moi, cette transformation n’est pas tant une question d’outils qu’un changement de vision du monde et de rapport aux autres.

C’est pourquoi la question de l’engagement est devenue un sujet central ces dernières années. Nous attendons en effet désormais des entreprises qu’elles se positionnent sur les sujets sociétaux, voire qu’elles impulsent le changement. Cela amène les directions de la communication à intégrer encore davantage les préoccupations des clients et à montrer en quoi l’entreprise répond à leurs attentes, au profit d’une société meilleure.

Au quotidien, l’arrivée des réseaux sociaux nous a par ailleurs donné l’opportunité de faire évoluer profondément nos modes de communication, en passant d’une posture émettrice « top down » à une posture d’écoute ; en passant également d’une communication informative/déclarative à une communication beaucoup plus relationnelle.

Par ailleurs, un autre phénomène à noter est évidemment la prolifération des fake news, qui pousse les marques à avoir un discours de plus en plus authentique, dans le registre de la preuve. Le déclaratif ne suffit plus : les marques doivent en effet passer à l’action !

Frank Dormont : En ce qui nous concerne, nous vivons en tant que directeurs de la communication d’établissements d’enseignement supérieur une double révolution : d’une part, celle du modèle économique de nos établissements et d’autre part, la montée en puissance du numérique, bien entendu.

Cette dernière se traduit notamment par une interactivité permanente avec nos cibles – via les réseaux sociaux en particulier – et nécessite une veille permanente. Elle nous confronte également à la question de la gestion de l’infobésité et exige la mise en cohérence de nos supports « traditionnels » de communication et des supports numériques. En réalité, c’est l’ensemble de nos processus de communication et de marketing qui sont aujourd’hui de plus en plus digitalisés… Pour en donner un exemple, au sein d’Audencia, nous avons ainsi développé en interne une plateforme de contenu baptisée « Panka », dont la vocation est de gérer tous les contenus produits par mes équipes communication et par nos différentes directions, ainsi que leur diffusion. Celle-ci a vu naître plus de 5 000 articles et contenus divers en moins d’un an !

Mais ces outils et nouvelles méthodes ne remettent pas pour autant en cause chez Audencia les supports et canaux plus traditionnels de communication comme les évènements et les rencontres en face à face, car les meilleurs systèmes digitaux du monde ne pourront jamais remplacer la richesse du contact et des interactions humaines.

Le BrandNewsBlog : La communication, mais également les entreprises de manière générale, ont été heurtées de plein fouet par cette révolution numérique que vous évoquez. Comment cela se traduit-il au quotidien et quelle incidence cette révolution a-t-elle dans vos missions et sur la manière d’envisager et pratiquer votre métier, dans une entreprise comme la RATP et au sein d’une institution d’enseignement supérieur comme Audencia ?

Anaïs Lançon : Comme partout ailleurs, le numérique a tout bousculé dans le secteur du transport. Il permet désormais une information voyageur beaucoup plus personnalisée, car en temps réel. Ainsi, vous pouvez retrouver vos infos RATP sur Twitter, en chatbot, sur Alexa ou en wechat en chinois ! Le digital ouvre également le champ à de nouvelles mobilités, notamment avec le véhicule autonome, que nous développons. Enfin, l’open data a fait naître une nouvelle forme de concurrence, avec l’arrivée d’acteurs issus du digital qui créent leurs propres applis de mobilité…

S’agissant plus particulièrement de la communication, il nous revient aujourd’hui de concevoir nos stratégies en ayant en tête qu’en France, 92% de la population est désormais connectée et que 38 millions de français utilisent les réseaux sociaux ! (étude Global Digital Report 2019 de We Are Social). C’est un vrai levier pour communiquer et la transformation numérique doit donc irriguer toutes nos actions.

Nos animations dans les stations sont par exemple toujours réfléchies pour être « phygitales » afin de toucher le public sur le réseau physique mais aussi les nombreux voyageurs qui sont abonnés à un de nos comptes sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que avons atteint le chiffre record de 1,3 million de vues pour notre post Facebook et 2 millions d’impression pour le tweet relayant notre opération dans 6 stations du réseau pour fêter la Coupe du Monde de football (changement de noms sur les plaques), par exemple.

Frank Dormont : Par rapport aux impacts que j’évoquais à l’instant – interactivité permanente avec nos cibles, gestion de l’infobésité, besoin de cohérence et d’adaptation permanente de nos outils… – j’insisterai pour ma part sur le besoin de formation, car il me semble en effet impératif de former nos collaborateurs à cette révolution numérique. Lorsque nous avons organisé en interne de telles sessions, au sujet des réseaux sociaux notamment, nous nous sommes rendus compte qu’un grand nombre de nos interlocuteurs.trices étaient ravis de découvrir les fonctionnalités et finalités de plateformes telles qu’Instagram, Snapchat ou Twitter car ils comprenaient enfin l’usage qu’en faisait leur progéniture et pouvaient se projeter sur une utilisation future.

Par ailleurs, il est certain que la révolution numérique nous a permis, en tant que communicants, de rationaliser encore davantage nos dispositifs et différents canaux de communication : ainsi nous continuons évidemment d’utiliser les salons, les forums et les journées portes ouvertes qui reprennent de la vigueur, ainsi que les relations presse, les brochures, les mailings… avec pour chacun de ces canaux des KPI bien définis, comme nous le faisions déjà naturellement pour chacun des pans de notre écosystème digital, en terme de référencement notamment. Mais nous avons également pris conscience chez Audencia de l’importance de nos réseaux d’Alumni, qui sont de véritables ambassadeurs de nos programmes et de nos marques sur les réseaux et de précieux relais et leviers de croissance.

Enfin, je dirai que le web 2.0 a renforcé les vertus de la communication dite « naturelle », et l’on mesure de plus en plus aujourd’hui son importance en relai et en complémentarité des canaux de communication « traditionnels ». La communication digitale a en effet vocation à accompagner l’ensemble des modes d’expression interactifs – depuis l’évènementiel jusqu’à l’innovation physico-numérique – et à en augmenter encore la performance et la valeur ajoutée. Et il appartient en définitive aux communicants de gérer l’ensemble des points de contacts de la marque, offline comme online, tout en restant innovants et en préparant l’avenir face à la montée des pure players et à l’«ubérisation» qui guette par exemple nos établissements d’enseignement.

Ainsi, on le mesure chaque jour davantage : la transversalité du digital dans toutes les actions de communication est avérée. Relations presse 2.0 en complément des RP classiques, Webdocs & Rich media en complément du print, virtualisation des événements (Journées Portes ouvertes virtuelles, expositions), conseils en ligne (solution de ChatToCall)… : tout se digitalise et nos métiers sont à réinventer en permanence.

Le BrandNewsBlog : Face à cet impératif de transformation qui s’impose aujourd’hui à la plupart des organisations, c’est toute la gestion de la marque et l’organisation même des services communication qui est souvent à repenser. Pour répondre à ces nouveaux enjeux et aux nouveaux besoins, avez-vous procédé à des changements au sein de vos équipes communication ? Comment sont-elles organisées ? 

Frank Dormont : Oui, nous avons évidemment adapté notre organisation à la nouvelle donne numérique. En véritable direction stratégique et complètement transverse, en soutien des autres direction d’Audencia, notre équipe rassemble ainsi des experts aguerris, qui travaillent à la fois pour nos publics externes et internes et constituent une véritable agence intégrée de communication au sein de notre école.

Si nous participons à la définition et à la mise en œuvre de la stratégie globale d’Audencia, dans le but de mettre en cohérence notre positionnement, notre identité et nos messages au service de nos parties prenantes et du grand public ; si nous sommes également les garants de la mise en œuvre efficace de tous les plans et actions de communication visant à promouvoir nos marques et nos différents programmes… je tiens aussi à souligner que la co-création avec nos parties prenantes devient de plus en plus importante dans nos méthodes de travail.

Ainsi, quand nos institutions soumettent et proposent, nos communautés challengent et enrichissent – et ce, à tous les étages – tant au niveau de la stratégie globale qu’au niveau opérationnel. Nous avons ainsi remis l’humain au cœur du système, les communautés à l’épicentre de notre communication, en nous appuyant sur un certain nombre d’outils simples et performants (comme Panka) mais aussi sur des référentiels communs co-construits et partagés.

Anaïs Lançon : De notre côté, après 10 ans de relative stabilité organisationnelle, nous abordons cette année une réorganisation importante de notre direction de la communication.

Celle-ci vise à mieux nous « armer » pour relever les grands enjeux de communication, qu’il s’agisse de créer de l’engagement en donnant du sens, ou de garantir la cohérence de l’entreprise dans ses différentes expressions. Cela passe inévitablement par davantage de transversalité et un rapprochement des expertises. A ce titre, je pense que les équipes digitales ne doivent pas être isolées du reste de la direction. Tout le monde doit aujourd’hui savoir intégrer le numérique dans son activité. Une gestion davantage mutualisée des contenus est également un point clé, car si l’on veut une marque média qui fonctionne, il faut se rapprocher du principe de fonctionnellement des rédactions médias.

Le BrandNewsBlog : Frank, vous me disiez lors des échanges préparatoires à cette interview qu’un des impacts importants de la révolution numérique pour Audencia a été la réduction significative des budgets consacrés à la publicité et aux médias traditionnels, au profit de contenus et d’évènements désormais produits par vos propres équipes ou par les parties prenantes d’Audencia. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Considérez-vous que votre école est devenue un média à part entière ?

Frank Dormont : Oui c’est tout à fait le cas, je considère en effet qu’Audencia est devenue un média à part entière et je suis assez fier que notre école soit reconnue comme tel dans le monde de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, ainsi que par nos parties prenantes. Depuis notre plateforme de brand content Panka, dont j’ai parlé tout à l’heure, nous pouvons dorénavant rayonner vers toutes nos cibles et vers tous les autres médias et éditer de surcroît des newsletters ou des magazines thématiques spécifiques, rassemblant nos différentes prises de parole sur un sujet donné.

Ainsi, si nos budgets pub et insertions presse ont été revus à la baisse, notre capacité de production collaborative et décentralisée de contenus et d’événements a en effet été démultipliée.

Et la caisse de résonance de ces contenus et le meilleur relai de notre média Audencia, ce sont désormais nos communautés – de professeurs, d’étudiants, d’alumni…- qui sont plus que jamais au centre de nos actions de communication et de marketing, car ils en sont les meilleurs ambassadeurs sur les réseaux et « In Real Life », évidemment. Il est donc essentiel de les « nourrir », d’animer, cultiver et motiver ces communautés ! Et les outils numériques sont là encore aujourd’hui les solutions les plus efficaces dans le domaine : réseaux sociaux, mailings, newsletters, applications, plateformes collaboratives, questionnaires, bulletin de notes online avec statistiques d’efficience, social walls… Autant d’outils mis à la disposition des étudiants, des alumni, des professeurs chercheurs, ou encore des partenaires, qui les utilisent activement.

Le BrandNewsBlog : Et en ce qui concerne la RATP Anaïs, j’imagine que la communication a connu une évolution assez similaire, avec l’augmentation importante de la part des contenus produits et gérés directement en interne ? Vous considérez-vous également comme un « média » et quelle est votre stratégie en ce qui concerne les contenus : sont-ce les mêmes équipes qui travaillent sur les contenus « chauds » et les contenus « froids » ? Les contenus internes et les contenus externes ? 

Anaïs Lançon : Oui, bien sûr, la RATP est en quelque sorte aussi un média pour les 12 millions de voyageurs que nous transportons quotidiennement en Ile-de-France et qui se connectent sur nos réseaux sociaux pour obtenir des informations sur leur trajet. Rien que pour Twitter, la RATP compte 30 comptes avec plus de 500 000 followers. Cela nous oblige à une gouvernance digitale resserrée pour être très réactifs et donc autonomes dans la production de contenus afin de répondre aux besoins, le plus rapidement possible, en temps réel. C’est la raison pour laquelle notre community management est géré en interne au sein des équipes.

Nous développons par ailleurs une communication « 360° » pour multiplier les points de contact avec nos voyageurs et renforcer la préférence de marque. Cela implique d’avoir des équipes avec une vision globale, capables de maîtriser aussi bien en effet la production de contenus chauds que ceux sur le plus long terme. La répartition du travail de notre côté se fait donc davantage en fonction de la nature du contenu produit : s’il s’agit d’un événement, d’une activation digitale ou une campagne pub…

Concernant l’interne et l’externe, il existe bien une segmentation entre ceux qui produisent les contenus, mais en veillant à garder un lien fort, car nos 61 000 collaborateurs seront toujours nos meilleurs ambassadeurs : cela veut dire qu’il est essentiel de les impliquer et les informer en amont, pour chacun de nos projets.

Le BrandNewsBlog : J’évoquais à l’instant les contenus internes. Dans le contexte et face aux enjeux que nous venons d’évoquer, quelle est justement la place et le nouveau rôle de la communication interne ? J’imagine que la grande époque des informations « top-down » et de la com’ désincarnée est là aussi révolue ? Comment répondez-vous aux attentes des collaborateurs d’être davantage associés à la stratégie et aux décisions de l’entreprise, mais aussi à sa communication ? 

Anaïs Lançon : Qu’il s’agisse de communication interne ou externe, le sujet reste à mon avis le même. Il faut plus de transversalité et de sens pour créer de l’engagement. Ceci est particulièrement vrai pour la RATP, qui doit relever à la fois les défis de transformation que connaissent toutes les entreprises, mais aussi celui de l’ouverture à la concurrence de son réseau historique en Ile-de-France.

De ce point de vue, il est primordial que tous nos collaborateurs reçoivent bien les informations. C’est évidemment un enjeu clé dans une entreprise comme la RATP, où beaucoup de salariés sont sur le terrain. C’est pourquoi nous misons sur le digital pour déployer des outils accessibles à tous, comme les applis.

Mais informer ne suffit pas. Il faut aussi associer les salariés très en amont pour que cela marche. Pour accompagner notre transformation digitale, nous avons par exemple créé une communauté qui comprend actuellement 300 collaborateurs, issus de tout le Groupe, et identifiés comme des activateurs de cette transformation. Cette communauté est un complément efficace aux médias interne car elle permet de partager l’information et les bonnes pratiques. Elle permet aussi de bénéficier de l’intelligence collective pour des bêta-tests, des feedbacks, des idées… Dans la même veine, nous travaillons en groupes de travail avec les départements opérationnels. C’est avec eux que nous définissons la bonne « maille » de communication interne et les messages clés pour réussir notre accompagnement du changement.

Frank Dormont : Oui Hervé, je confirme, la grande époque de la communication « top-down » est bien révolue, c’est certain. D’ailleurs, au sein d’Audencia, ce n’est pas seulement la communication et le plan de communication qui sont co-créés avec toutes nos directions transverses et de programmes. La stratégie de l’école elle-même, qui est basée sur un plan stratégique à 5 ans, est aussi co-crée avec nos 330 collaborateurs et la plupart de nos parties prenantes.

Dans ce contexte, le rôle de la communication interne a évolué et notre enjeu chez Audencia n’est plus tant de transmettre des informations descendantes vers les différents publics de l’entreprise que d’animer les nouvelles modalités d’échange et de travail collaboratif et d’accompagner les grands changements de l’organisation, dans toutes leurs dimensions. Animateur des communautés de l’entreprise, accompagnateur, le communicant interne porte aussi le drapeau des valeurs de l’organisation et motive et alimente en contenus et nouvelles idées les différents ambassadeurs de l’entreprise, que ce soit parmi les étudiants, les alumni ou les professeurs-chercheurs…

Le marché de l’enseignement supérieur subissant de profondes mutations au niveau local, national et international, les écoles de management sont devenues de véritables entreprises, avec des clients – les étudiants – dans un secteur très concurrentiel. Le dernier classement SIGEM, la baisse considérable des subventions publiques, la baisse liée à la réforme de la taxe d’apprentissage, sont d’autres facettes de ces évolutions importantes et spécifiques à notre univers de l’enseignement supérieur, évolutions que les communicant.e.s internes doivent aussi faire connaître à leurs publics au sein de l’entreprise et accompagner.

Le BrandNewsBlog : Pour répondre à ce besoin des parties prenantes d’être davantage associés à la communication de leur organisation, mais aussi du fait de la crédibilité et l’importance croissante de la parole des « ambassadeurs » de l’entreprise dans les médias ou sur les réseaux sociaux, de nombreuses sociétés se sont lancées dans des démarches ambitieuses de brand advocacy et notamment d’employee advocacy. Quel est le degré de maturité de vos organisations respectives sur ces sujets ? Et quelles initiatives avez-vous pu lancer ou souhaitez-vous lancer dans ce domaine ?

Frank Dormont : Au sein d’Audencia, nos premiers ambassadeurs sont nos 5 300 étudiants et nos 26 000 diplômés/alumni, qui ont un attachement très fort à l’école. Ensuite, nous avons évidemment la chance de pouvoir compter sur l’implication active de nos 330 collaborateurs et quelques 121 professeurs-chercheurs. Mais nous nous gardons bien d’établir une quelconque hiérarchie entre ces différents ambassadeurs car en réalité, c’est l’ensemble de nos parties prenantes en France et à l’étrangers qui représente pour nous un excellent « avocat ».

Je citerai ainsi avec plaisir nos 190 partenaires internationaux dont 127 sont au même titre qu’Audencia accrédité EQUIS, AMBA ou AACSB, nos 167 entreprises partenaires qui font rayonner notre marque et qui prennent aussi la parole en tant que titulaires d’une chaire… sans oublier de citer notre Fondation, qui est aussi une extension et un porte-drapeau de la marque Audencia qui fonctionne avec 86 entreprises mécènes et 457 amis et donateurs.

Mais la communication comme la vision et la stratégie d’une institution telle que la nôtre doivent en premier lieu être portées et incarnées au plus haut niveau par notre Président et notre Directeur Général. En la matière, l’exemplarité est à la fois une obligation et un devoir.

Anaïs Lançon : Pour ce qui est de la RATP, nous nous sommes lancés dans cette démarche d’advocacy en 2018, pour booster notre marque employeur et relever le défi de l’attractivité dans un secteur en forte tension sur l’emploi.

Nous animons ainsi aujourd’hui, via les ressources humaines, une communauté de près de 200 ambassadeurs, issus de tous les départements de l’entreprise. Et cette communauté augmente très vite. Ces salariés volontaires ont notamment pour mission de mieux faire connaître le Groupe et ses métiers auprès des étudiants et de nos écoles cibles, en partageant leur expérience professionnelle sur les réseaux sociaux. De fait, cette nouvelle forme de communication incarnée par nos ambassadeurs a aussi eu pour vertu de réduire notablement nos besoins d’achat média pour soutenir notre marque employeur.

Le BrandNewsBlog : A l’échelon national, de plus en plus de personnes prennent donc la parole au nom de vos organisations respectives, mais c’est aussi le cas à l’étranger, puisque la RATP aussi bien qu’Audencia sont très internationalisées (la RATP est présente dans 14 pays et Audencia dispose de 4 campus hors de France, notamment en Chine). Dans un tel contexte et avec un tel degré d’exposition, comment parvenez-vous à vous assurer de la cohérence des messages qui sont véhiculés ici et là sur vos marques ?

Frank Dormont : Sur ces sujets en effet essentiels de cohérence, je crois tout d’abord en la formation des porte parole, qui est indispensable dès lors qu’un de nos collaborateurs doit s’adresser à des médias, online ou offline. Celle-ci est en général dispensée par nos propres équipes, mais on peut également passer par des organismes spécialisés bien sûr.

Par ailleurs, afin de s’en tenir à une ligne éditoriale précise, comportant les messages et chiffres clés de l’institution, nous éditons régulièrement à l’attention de toutes les personnes susceptibles de s’exprimer en notre nom un Corporate Fact Sheet. Nous veillons également à réunir très régulièrement nos correspondants internes et externes, afin de les accompagner dans cette dimension « communication » de leur mission. Enfin, nous avons également internalisé nos relations presse afin d’être à la fois plus agiles et réactifs, de garantir encore davantage le respect de cette cohérence dont nous parlons et de procurer un service encore plus qualitatif aux journalistes, avec la création d’une newsroom notamment, répondant parfaitement à leurs besoins.

Anaïs Lançon : Je vous remercie de l’avoir souligné Hervé, en 70 ans la RATP est bel et bien devenue un groupe mondial et conquérant, avec une présence sur 4 continents.

La communication doit servir cette stratégie de développement et c’est pourquoi 2018 a été une année clé pour le Groupe. Nous avons revu toute notre stratégie de marque et un des objectifs était justement de fédérer l’ensemble des collaborateurs autour d’une culture commune. Cela est passé bien-sûr par des dispositifs de communication interne dédiés, pour informer et impliquer les salariés. Nous avons par exemple organisé des « Transformation days » afin de proposer à nos 4 300 cadres une journée dédiée à la transformation du Groupe et à ses enjeux. Cela passe aussi par la mise à disposition d’outils communs, qui facilitent la cohérence entre les messages. Au-delà de nos médias internes traditionnels, nous avons ainsi le projet pour 2019 de développer une application ouverte à tous et dédiée spécifiquement à nos sujets de transformation.

Le BrandNewsBlog : J’évoquais à l’instant le degré d’exposition croissant de vos organisations. Combiné aux spécificités des nouveaux médias et à la dynamique des réseaux sociaux, mais également à des phénomènes comme le développement inquiétant des « infox », cela fait un cocktail réputationnel explosif… Comment luttez-vous contre les bad buzz et arrivez-vous à anticiper les crises ? J’imagine que la veille et notamment la veille social media est primordiale, mais qu’il est également intéressant, en amont, de pouvoir cultiver des communautés d’influenceurs et de suiveurs susceptibles de relayer les messages de vos organisations et d’en soutenir l’argumentation ? 

Anaïs Lançon : Pour une entreprise comme la nôtre, en prise avec le quotidien de millions de personnes, le risque de bad buzz est évidemment permanent. La réactivité, dès la remontée de faits avérés ou la détection de signaux faibles, est primordiale. Cela suppose effectivement une veille très fine des réseaux sociaux, sur une large amplitude horaire qui couvre au moins toute l’amplitude de nos heures d’ouverture des réseaux.

Lorsque l’on détecte une alerte, notre premier réflexe est bien sûr de vérifier les informations sur le terrain, ce qui peut prendre un certain temps, notamment s’agissant de faits divers ou d’incidents complexes. Si une fake news est avérée, le challenge est de d’y couper court rapidement en diffusant la bonne info et en interpellant, si besoin, les médias sur les réseaux sociaux.

L’appui de prestataires externes performants est à ce sujet un vrai avantage pour bénéficier d’un regard externe et « objectiver » la viralisation et la portée d’un sujet ou buzz sur les réseaux sociaux et offline.

Frank Dormont : En effet, la veille social media est également primordiale et au cœur de nos dispositifs et de nos habitudes. Nous sommes en mesure, grâce à cette veille, de détecter très rapidement des signaux faibles et ainsi d’intervenir pour éviter que des crises se développent sur les réseaux sociaux et/ou en dehors.

Ces dispositifs sont d’autant plus importants que nos différentes communautés et parties prenantes sont très « connectées » en moyenne : qu’on parle de professeurs-chercheurs ou de parents issus de la génération « x », des alumni ou des étudiants qui sont plutôt des millenials dont les plateformes de prédilection peuvent être différentes : cela incite à d’autant plus de vigilance et nous devons être prêts à répondre à toutes les demandes, 24 heures sur 24 et 365 jours par an.

En amont des crises, nous intervenons aussi régulièrement auprès de nos professeurs ou de nos étudiants pour leur rappeler qu’ils sont dépositaires de l’image de l’école… et qu’à ce titre ils.elles doivent faire attention à ce qu’ils.elles publient ou relaient, afin de ne pas ternir la réputation de leur établissement ou leurs collègues/camarades : ils y sont sensibles.

Le BrandNewsBlog : On le mesure bien à travers vos propos, le rôle des communicants est chaque jour de plus en complexe et stratégique. D’une mission basique d’émetteur et de « superviseur en chef » des messages sortants de l’entreprise, les dircom ont vu leur périmètre d’action s’étendre considérablement ces dernières années, pour devenir à la fois des « vigies » en mode crise quasi-permanent , des « animateurs et émulateurs » des contenus et prises de parole de l’entreprise, des « chefs d’orchestre » coordonnant les talents et impulsant les stratégies de communication… Et ils.elles doivent aujourd’hui pouvoir alterner ces casquettes de plus en plus rapidement. Pour arriver à faire tout cela, quelles sont les qualités et compétences que doivent absolument posséder les communicants et les dircom ?

Frank Dormont : Pour endosser le costume et pouvoir alterner ces différentes casquettes que vous avez identifiées, à juste titre, les communicants et les dircom doivent certes être d’excellents experts et des stratèges, mais ils doivent aussi et surtout montrer l’exemple, avoir la passion des autres, posséder des qualités d’écoute, d’organisation, une agilité et une réactivité fortes et faire preuve de sang froid, pour être capables de gérer de manière appropriée les inévitables montées d’adrénaline.

Ils.elles doivent aussi être innovant.e.s et capables de porter la transformation numérique de leur métier et de leur entreprise… mais en ce qui concerne plus spécifiquement les dircom’, ils.elles doivent aussi savoir s’entourer d’une excellente équipe de professionnels, qu’ils.elles auront la responsabilité de faire grandir et monter en compétence.

Ainsi, l’ère des grands dircom égotiques qui faisaient passer leur intérêt avant celui de l’entreprise qui les employaient est bien révolue, et les grands adeptes du « verrouillage » et de l’hyper-contrôle doivent désormais aussi apprendre à lâcher prise, et à passer du rôle de « chef de gare » à celui de chef d’orchestre, accompagnateur et émulateur en effet.

Anaïs Lançon : C’est certain, l’exigence portée aux fonctions de communication est croissante. Elles demandent donc une formation de plus en plus technique mais supposent également des qualités relationnelles, du pragmatisme et de la psychologie !

Et cela sans parler de la capacité à travailler en équipe, à décider vite et à écrire correctement bien entendu ! Bref, le bon communicant de 2019 est un peu un mouton à 5 pattes, mais en résumé, son expérience et ses soft skills sont au moins aussi importantes que ses hard skills.

Le BrandNewsBlog : En tant que directrice de la communication d’un Groupe figurant parmi les leaders mondiaux de la mobilité, présent sur 4 continents et dans plus de 14 pays, avec des activités particulièrement variées, vous avez Anaïs vécu un moment très important fin 2018, avec le lancement au mois d’octobre d’une nouvelle stratégie mondiale de marque et d’une nouvelle plateforme de marque. Pouvez-vous nous en expliquer les enjeux et les objectifs ? L’un d’entre eux n’était-il pas justement de faire prendre conscience au grand public que la RATP, cela dépasse largement aujourd’hui les lignes de métro en Ile-de-France ?

Anaïs Lançon : Le groupe RATP vit effectivement un moment inédit de son histoire. Nous devons préparer l’ouverture à la concurrence de nos réseaux en Ile-de-France et affronter, en parallèle, la diversification et l’intensification de la concurrence en France et à l’international. Du point de vue de la communication, cela se traduit par l’émergence de marques de plus en plus fortes et visibles, y compris du grand public.

Dans ce contexte, et pour nous permettre de gagner la bataille du leadership sur nos marchés, il était nécessaire de donner davantage de force et de visibilité à la marque « Groupe RATP » en la distinguant de notre marque d’opérateur en Ile-de-France « RATP». L’objectif était aussi de permettre au Groupe d’émerger davantage auprès des publics B2B/ institutionnels et de passer du statut d’opérateur de transport à celui d’acteur de la transformation des villes. C’est en définitive cet objectif qui a guidé tout notre travail sur la nouvelle stratégie de marque.

Le BrandNewsBlog : Autour de votre marque-mère « RATP Group » et d’une nouvelle architecture de marques qui uniformise enfin toutes vos marques-filles (RATP Dev, RATP Travel Retail, RATP Real Estate, RATP Smart System, RATP Capital Innovation…), vous avez retravaillé à la fois l’ensemble de votre territoire graphique et le positionnement de chacune de vos filiales. Vous avez également choisi une nouvelle signature « Moving towards a better city » qui traduit à la fois votre mission et votre « brand purpose ». Pouvez-vous nous en dire quelques mots, et en quoi cette « raison d’être » est en quelque sorte une boussole stratégique pour votre Groupe ?

Anaïs Lançon : Oui, à la différence de nos concurrents, qui se positionnent essentiellement sur la mobilité, le groupe RATP, revendique sa position unique d’entreprise intégrée avec de multiples expertises.

Dans un contexte d’urbanisation croissante, qui pose des questions économiques, sociétales et environnementales, nous sommes en effet convaincus que notre rôle doit aller au-delà du simple métier de transporteur. Notre mission est d’accompagner les villes dans leur transformation pour offrir une meilleure qualité de vie aux habitants grâce à des solutions de mobilités évidemment, mais aussi grâce à tous les services urbains que nous proposons dans l’immobilier, la billettique, le commerce de proximité…

Nous ambitionnons in fine de nous imposer comme le partenaire privilégié des villes intelligentes et durables. C’est d’ailleurs le cœur de notre plan stratégique Défis 2025, dont la communication doit servir les orientations.

Le BrandNewsBlog : Audencia aussi s’est récemment dotée d’un nouvelle signature novatrice, qui traduit parfaitement son positionnement et la distingue des autres grandes écoles de commerce française : « Never stop daring ». Vous avez d’ailleurs lancé une campagne audacieuse sur ce thème, avec une vidéo décalée qui s’adresse aussi bien aux étudiants qu’aux parents. Quels sont les retours de cette campagne et pourquoi un tel message et un tel positionnement ?

Frank Dormont : En effet, 2018 a été l’année du lancement de notre nouveau slogan « Never stop daring », dont la vocation était de réaffirmer en France et à l’international l’essence de notre marque : l’audace.

Pour accompagner ce lancement, nous avons souhaité créer une campagne qui reflète à la fois cette singularité de notre école et ses valeurs. Le clip vidéo auquel vous faites allusion, et que je vous incite évidemment à découvrir [voir ici la vidéo] a été réalisé avec le concours actif de nos parties prenantes et nos étudiant.e.s, dont beaucoup se sont prêtés au jeu de la figuration, autour du personnage principal très dynamique qui présente l’école. Ce clip illustre à la fois les notions d’audace et d’innovation, tout en soulignant l’importance de la responsabilité et des valeurs humaines qui doivent sous-tendre chacune de nos actions. Il reflète bien les valeurs forte d’Audencia, école ouverte à tous et désireuse de former, non pas seulement des managers responsables, mais des hommes et des femmes qui agiront pour un progrès qui aille de pair avec un monde plus juste et plus fraternel.

En somme, cette campagne avait à la fois pour but de casser les idées reçues sur les écoles de commerce et de valoriser la singularité d’Audencia. Et pour répondre à votre question, elle a été très appréciée par nos différents publics et par nos parties prenantes, générant pas moins de 100 000 vues sur notre chaîne YouTube en l’espace de quelques jours seulement.

Le BrandNewsBlog : Et pour les mois à venir, quels sont les enjeux majeurs de communication de la RATP et d’Audencia ? Et quels seront les projets importants auxquels vont s’atteler vos équipes ?

Anaïs Lançon : Pour les mois à venir, il est essentiel que nous poursuivions notre accompagnement de la transformation de notre Groupe. À la fois en favorisant une culture d’entreprise toujours plus intégrée, toujours plus innovante, mais aussi en continuant à nourrir notre nouvelle marque groupe RATP et en valorisant ses atouts différenciateurs.

S’agissant de notre présence en Ile-de-France, elle reste bien entendu notre ADN et une marque de référence de la mobilité dans une ville qui compte un des réseaux de transport les plus denses au monde. Marque du quotidien, nous devons également valoriser la RATP comme une marque servicielle, capable de répondre aux exigences croissante de ses clients. Pour cela, nous nous appuyons sur le programme d’ampleur de renouveau de l’expérience client que nous mettons actuellement en œuvre dans l’entreprise. Notre politique d’animation des stations en fait partie et nous comptons donc l’intensifier. Nous organisons chaque année des expositions photos dans le réseau, des concerts, des événements sportifs,… pour être toujours plus proches de nos voyageurs.

Frank Dormont : Pour les mois à venir, nous allons nous aussi continuer d’accompagner le plan de transformation digitale de notre école, remettre à plat nos outils et pratiques en matière de communication interne afin de mieux accompagner encore les changements en cours et veiller à renforcer encore les liens avec nos différentes communautés et parties prenantes.

 

 

Pour aller plus loin :

> Découvrez ci-dessous mon interview de Frank Dormont, réalisée récemment au sein du magnifique Mediacampus d’Audencia SciencesCom, ainsi que les interviews des 5 responsables de pôles métiers de la direction de la communication d’Audencia : Axelle Chevy, Arnaud Fournier, Marion Tardivel, Christine Besneux, Frédéric Sénard

 

> Découvrez également ici l’interview accordée par Anaïs Lançon à BFMTV, lors du lancement de la nouvelle stratégie de marque du Groupe RATP.

 

Notes et légendes :

* « Quels enjeux pour les dircom et leurs équipes en 2016 » ? Interview croisée d’Anne-Gabrielle Dauba et Pierre Auberger.

** « Quels enjeux pour les dircom et leurs équipes en 2017 » ? Interview croisée de Béatrice Mandine et de Benoît Cornu.

*** « Quels enjeux pour les dircom et leurs équipes en 2018″ ? Interview croisée de Julien Villeret et de Anne-Sophie Sibout.

(1) Titulaire d’un DEA de droit social et d’une maîtrise de l’Université de Bologne, Anaïs Lançon commence sa carrière professionnelle en 2002 au service de presse de la mairie de Paris, puis au cabinet du Maire. Après 3 années passées au sein de l’agence TBWA Corporate en tant que directrice de clientèle, elle devient en 2008 directrice adjointe de la direction de l’information et de la communication de la mairie de Paris, avant d’intégrer en 2012 le cabinet du Ministre de l’Education Nationale en tant que conseillère communication et presse, poste qu’elle occupe jusqu’en 2014. Elle sera ensuite conseillère communication et presse du Président de l’Assemblée Nationale, avant de rejoindre le Groupe RATP en tant que directrice de la communication et de la marque et membre du comité exécutif, poste qu’elle occupe depuis lors.

(2) Diplômé d’un master en communication de l’ESIG de Rennes, Frank Dormont débute sa carrière en 1989 en agence de communication avant de rejoindre l’entreprise Secma du Groupe Roullier en tant que directeur de la communication externe et du marketing. Après 3 années passées au sein de l’entreprise Locatel comme directeur de la communication interne et externe, il rejoint le Groupe DHL en qualité de directeur de la communication sociale et de l’intégration (1999-2004), avant de rejoindre Deutsche Post en tant que directeur de la communication et de la transformation (2004-2007). Après avoir été directeur de la communication externe de Naval Group (Groupe DCNS) puis de CMA CGM, il rejoint Audencia en 2012, en tant que directeur de la communication de l’école et pilote de la communication de l’alliance Centrale – Audencia – Ensa Nantes. Il est également, depuis octobre 2018, pilote du groupe de travail Communication de la Conférence des Grandes Ecoles.

 

Crédits photos et illustrations : RATP, Audencia, The BrandNewsBlog 2019.

 

CQFD : les 6 clés de performance pour les marques en 2019, selon BVA-Limelight

A défaut de constituer une réelle surprise, voilà une confirmation intéressante et utile pour tous les marketeurs.euses…

Dans sa toute récente et très riche étude sur les grands enjeux du marketing en 2019¹, l’Institut BVA Limelight nous éclaire sur les principaux leviers de compétitivité des marques, à la lueur des témoignages consolidés de plus de 700 professionnels issus de 491 entreprises de différents secteurs.

Et qu’apprend-on dans cette étude, me direz-vous ? Et bien que si la notoriété demeure un des facteurs clés de succès pour la plupart des entreprises, la sincérité, l’authenticité et la capacité à générer une confiance durable auprès des consommateurs et des différentes parties prenantes représentent désormais des enjeux tout aussi vitaux pour les marques. Et l’on ne peut évidemment que s’en réjouir !

A y regarder de plus près, ces résultats font aussi écho aux enseignements du dernier baromètre Elan-Edelman sur la confiance (2019 Edelman Trust Barometer²), dont je serai amené à vous reparler prochainement et qui ont été dévoilés cette semaine. De la bouche même de Richard Edelman, lors de son discours d’ouverture au forum de Davos ce mardi, nous apprenions en effet que si le climat mondial est à l’incertitude et la morosité, avec de réelles inquiétudes sur la situation économique et environnementale internationale et une défiance de plus en plus marquée des opinions vis-vis-vis des politiques, des médias et des institutions, les attentes des individus vis-à-vis des entreprises n’ont jamais été aussi fortes.

Plébiscités par une majorité des 33 000 personnes interrogées par l’institut suédois, les marques-employeurs et leurs dirigeants sont en effet perçus aujourd’hui comme les acteurs recueillant le meilleur score de confiance. Et la figure du P-DG en vient, toujours selon Elan-Edelman, à concentrer la plus forte crédibilité et les meilleurs espoirs de changements pour des collaborateurs qui n’attendent désormais qu’une chose : que leur entreprise s’engage encore davantage sur le plan sociétal, quitte à pallier l’impuissance des Etats pour faire avancer les grands débats et problématiques de notre planète.

Dans un tel contexte et face à de telles attentes de sens et d’engagement de la part des marques, celles-ci sont évidemment appelées à faire preuve d’initiative et d’exemplarité, en éclaircissant rapidement la question de leur mission et de leur finalité (brand purpose), mais à accélérer également en parallèle leur transformation pour répondre aux nouveaux enjeux technologiques (big data, IA, objets connectés…) et à relever leurs défis organisationnels et humains. Car il en va tout simplement, aussi, de leur pérennité.

1) Construction d’une empreinte originale ; 2) Capacité à susciter et alimenter l’adhésion ; 3) Utilité et sincérité de la marque ; 4) Faculté à générer des connexions émotionnelles ; 5) Responsabilité et exemplarité ; 6) Capacité à intégrer les nouvelles technologies et à se transformer…

C’est cette recette de succès et ces 6 leviers de performance des marques, abordés dans son étude 2019 par BVA Limelight, que je vous propose tout simplement de détailler ci-dessous… Bonne lecture et excellente semaine à toutes et tous !

1) Construction d’une empreinte originale et 2) capacité à susciter et conserver l’adhésion: le grand enjeu de la notoriété 

Dans une société où le consommateur est plus que jamais en attente de sens et de leadership de la part des entreprises et de leurs dirigeants (comme on vient de le voir), la capacité des marques à construire une empreinte originale et surtout à susciter et conserver l’adhésion de leurs parties prenantes est devenue primordiale.

Plus que jamais, les entreprises doivent en effet travailler leur plateforme de marque et se différencier, dans un environnement saturé d’offres et d’information où la qualité intrinsèque des produits/services et les fondamentaux du marketing sont désormais très insuffisants pour se faire connaître et s’imposer durablement. Il appartient donc aux marques et aux marketeurs.euses de tisser de nouveaux liens avec leurs différents publics, en activant tous les points de contact (online et offline) et en s’appuyant sur leurs valeurs et cet « ADN » de marque dont on nous rebat si souvent – mais à raison – les oreilles.

Dans la perspective de cette construction e marque, la course à la notoriété est un passage obligé et reste un gage de succès et de pérennité, ainsi que le note à juste titre Amaury Laurentin : « Sur tous les marchés, on observe aujourd’hui une guerre de notoriété féroce » commente d’ailleurs le directeur d’activité de BVA Limelight. « Et cet enjeu de notoriété est une très bonne nouvelle pour les grands médias à qui on promettait la disparition au profit du numérique ».

3) Sincérité, authenticité et utilité de marque : 3 piliers fondamentaux dans la construction d’une marque performante

Celles et ceux qui lisent régulièrement ce blog me l’accorderont : ce n’est pas aujourd’hui que j’ai découvert les vertus de l’authenticité, de la sincérité et de la brand utility. Je vous en ai parlé à moult reprises dans ces colonnes, notamment ici et .

Valeurs fondamentales pour les générations Y et Z (lire en particulier à ce sujet cet article), mais de manière croissante également pour les générations qui les ont précédées, la transparence et l’authencité sont devenues des exigences des consommateurs à l’heure des « réseaux sociaux rois ». Et tout comme les acteurs institutionnels (Etat, collectivités locales, personnalités publiques…) il est attendu des entreprises une sincérité et une limpidité absolues (parfois problématiques d’ailleurs car certaines informations stratégiques ont vocation à rester confidentielles), sans qu’il soit possible d’imaginer un quelconque retour en arrière.

Si tant est que certaines marques ne l’aient pas encore compris, le succès phénoménal d’applications de notations comme Glassdoor ou d’information comme Yuka, viennent d’ailleurs rappeler aux marketeurs.euses que le temps des « secrets de famille » est aujourd’hui révolu, les sphères internes et externes à l’entreprise étant chaque jour plus poreuses.

Dans cette quête de sens et d’authenticité, les consommateurs les plus jeunes comme leurs aînés sont désormais intraitables sur l’utilité des marques, dont il font désormais un de leurs premiers critères d’achat. Et les Cassandre du marketing et autres experts des millenials de rappeler en guise d’avertissement que 25% seulement des marques qui existent aujourd’hui trouveraient ainsi grâce aux yeux des millenials, les 75% restant leur apportant si peu de valeur qu’elles seraient selon elles.eux destinées à disparaître !

4) Faculté à générer des connexions émotionnelles avec les différents publics

Susciter des émotions, qu’elles soient positives ou négatives, est un levier privilégié par de nombreuses marques (pas seulement en BtoC) afin de créer des liens puissants avec leurs publics et leur donner une impression de proximité, ainsi que le souligne Amaury Laurentin.

Ce n’est pas Patrice Laubignat, grand expert du sujet et auteur de l’ouvrage de référence Le marketing émotionnel qui dira le contraire : bien choisies, dans le respect de l’identité et des valeurs de la marque, et surtout en adéquation avec les intérêts des consommateurs, les émotions ont ce pouvoir de réenchanter les prospects et clients en redonnant de la valeur aux offres de produits et de services.

Utilisées depuis des années dans les campagnes publicitaires, les techniques du marketing émotionnel gagnent évidemment à être déclinées sur tous les canaux de communication et points de contact entre la marque et ses publics, dès lors que cela est possible et pertinent. Cela recquiert, bien évidemment, une connaissance fine de la psychologie de ses prospects et de ses différents segments de clientèle, de leurs passions et centres d’intérêt : en un mot, une intelligence relationnelle et émotionnelle poussée, qui se nourrira de toutes les données disponibles sur leurs profils, attitudes et attentes : je vous incite à ce sujet à lire ou relire cet article que j’avais consacré à l’intelligence relationnelle des marques et qui en détaille les grands principes.

5) Responsabilité et exemplarité : le deux pré-requis d’une confiance durable

Si les personnes interviewées par Elan-Edelman, dans le cadre de son « 2019 Trust barometer », expriment en moyenne une confiance plus importante vis-à-vis de leur employeur que vis-à-vis des institutions, des ONG ou des médias ; s’ils sont en attente d’un engagement sociétal encore plus important de la part de leur entreprise et de leurs dirigeants… cette confiance relative est tout sauf un chèque en blanc, bien entendu.

A l’opposé du « greenwashing », qui consiste en définitive à dire beaucoup et à faire peu (voire rien du tout), il est en effet attendu des employeurs et des marques qu’ils agissent au quotidien pour alimenter la confiance, en démontrant en quoi leurs engagements sont sincères et tenus, en quoi leur politique RSE est réellement efficace et adresse de vrais problèmes de société. Et dans ce domaine, faire beaucoup – en tout cas davantage chaque jour – vaut certainement beaucoup mieux que sur-communiquer en faisant peu.

Non pas que les réussites et engagements sociétaux ne puissent ou ne doivent être relayées par l’entreprise, bien entendu. Mais, et cela relève tout simplement du bon sens, il faut veiller à conserver une proportionnalité entre la réalité et l’importance des avancées réellement obtenues et la quantité et la teneur des messages donnés par l’entreprise. En ce sens, les problématiques sociétales adressées sont souvent si vastes et si complexes et l’action des entreprises si modeste qu’une posture d’humilité et un discours factuel de preuve sont assurément les bienvenus.

Ainsi que le prouvent en effet de nombreux retours d’expérience, les différents publics sont d’autant plus exigeants et vigilants sur la réalité des résultats sociétaux obtenus que l’entreprise a communiqué largement en amont sur une « mission » ou sur ses engagements en la matière. Et si cette communication est généralement bien reçue par le grand public, elle expose naturellement davantage aux éventuels « bad buzz » les marques actives sur le plan sociétal que celles qui ne font rien et ne communiquent sur rien. Une petite injustice à laquelle doivent s’habituer les marques engagées, qui y gagnent en revanche en terme d’attractivité, d’image et de réputation à moyen terme quand leur action est vertueuse.

6) Capacité à intégrer les nouvelles technologies et à se transformer

Au-delà des facteurs clés de succès et de performance énumérés ci-dessus, les marques doivent également veiller à demeurer innovantes et à la pointe des nombreuses avancées technologiques, pour ne pas être distancées en termes d’expérience, que ce soit dans les parcours numériques qu’elles proposent ou dans la globalité de leur(s) parcours prospects/clients.

Cela suppose de rester en phase avec les toujours plus nombreuses technos disruptives à intégrer : objets connectés, robots conversationnels, intelligence artificielle… le tout sur fond de convergence à mener de nombreux systèmes : CRM (relation client), DMP (données), etc. Autant de front ouverts en même temps et qui contribuent à rendre inéluctable la transformation des organisations, ainsi que le pointe à juste titre l’étude BVA Limelight.

« Plus d’expertises, de technicité, d’adaptabilité, d’efficacité. Citius, altius, fortius ! » ainsi que le résume Amaury Laurentin… sans que les experts du marketing, des SI et de la communication ne disposent de davantage de ressources le plus souvent : il faut dès lors prioriser les projets et les chantiers avec minutie, pour que la transformation soit effective et positive et la plus rapidement perçue par les différentes parties prenantes : collaborateurs, clients, prospects, partenaires…

 

 

Notes et légendes : 

(1) « Les grands enjeux du marketing en 2019 », étude BVA Limelight réalisée au terme de 54 entretiens dans des grands groupes (BNP Paribas, EDF, Heineken, Monoprix, Philips, P&G, Shell…) pour sa phase qualitative et 708 professionnels issus de 491 entreprises pour sa phase quantitative, entre juin et septembre 2018.

(2) « 2019 Edelman Trust Barometer », étude mondiale publiée mardi 22 janvier 2019 par l’institut Elan-Edelman.

 

 

Crédits iconographiques : Photos Anna Devis – Daniel Rueda, TheBrandNewsBlog 2019.

 

 

Marketeurs et communicants : 10 tendances persistantes ou émergentes à prendre en compte en 2019 !

Péché mignon de tous les plumitifs de la communication et du marketing, la publication des tendances de l’année écoulée et de l’année à venir est un peu à nos métiers ce que le christmas pudding est à la gastronomie britannique : une tradition incontournable du mois de décembre !

Après la parution de moult articles et autres rapports plus pertinents et inspirés les uns que les autres – mais aux constats disparates – je ne pouvais résister à l’envie de vous livrer ma propre version, quintessence de ces différentes analyses et de mes propres observations.

Pour faire sobre et sans succomber au côté « putaclic » de l’exercice, je suis donc parti sur 10 grandes tendances, parce que c’est à la fois un chiffre rond et facile à mémoriser. Il va sans dire que j’aurais pu en citer davantage : l’accélération technologique et la transformation de nos métiers fournissent à elles seules une telle matière que je n’aurais eu aucun mal. Mais je ne voulais pas vous voir frôler l’indigestion…

Sursaut de la lutte contre les discriminations et avènement du brand purpose ; importance de la lutte contre les fake news et besoin d’authenticité ; fin de la communication top-down et envol du e-to-e et de l’employee advocacy ; professionnalisation et sophistication du marketing d’influence ; retour en grâce des contenus de qualité et du storytelling Les 10 tendances à découvrir en deux épisodes sur le BrandNewsBlog (ce dimanche pour les 4 premières et mercredi pour les 6 suivantes) étaient pour un certain nombre d’entre elles déjà en germe en 2017 et se confirment aujourd’hui. D’autres sont en revanche plus nouvelles et émergentes. Elles donnent en tout cas une bonne idée de la diversité et l’importance des enjeux auxquels les marketeurs.euses et communicant.e.s sont et seront plus que jamais confrontés demain.

Pour aborder au mieux 2019 – et les années suivantes – il s’agira par conséquent de faire preuve d’ouverture d’esprit et d’adaptabilité : soit tout le contraire de l’application de ces vieilles recettes marketing-com’ qui ont longtemps prévalu mais sont désormais largement dépassées…

Pour nous guider sur ce chemin et en guise d’aliment indispensable à ma réflexion, je tiens en particulier à remercier l’association de communicants COM-ENT, pour le précieux éclairage apporté par ses Grands Prix 2018 et son analyse poussée des enseignements qui en ressortent¹. Je distinguerai également parmi d’autres contributions passionnantes le travail effectué par l’institut Kantar² (« 12 tendances médias communication 2018 ») ou celui désormais bien connu mené année après année par Talkwalker³ et ses experts-invités (« 13 tendances digitales et social media 2019 »).

Bonne dégustation de ces tendances marketing communication 2019 donc, et comme d’habitude : n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires et compléments, toujours bienvenus ! Car dans cette matière prospective encore plus que dans toute autre, nul n’a la science infuse, on le sait bien :-)

1 – Sursaut de la lutte contre les discriminations et avènement du brand purpose

Sans aucun doute boostées par l’ampleur du phénomène #MeToo et par un élan sans précédent dans la lutte contre les discriminations, les entreprises ne sont pas demeurées en reste sur ces thématiques en 2018, comme en témoigne le palmarès des Grands Prix décernés cette année par l’association COM-ENT.

Promotion de l’égalité femme-homme et dénonciation des préjugés sexistes, racistes, générationnels ou religieux, de même que des tabous sur le handicap ont ainsi rythmé l’année et de nombreuses campagnes de communication, internes ou externes. Exemplaires de cette tendance sont à cet égard la web-série égalité professionnelle hommes-femmes réalisée par l’agence WAT pour MBDA Systems ou la campagne « Eclairages » de GRTgaz mettant à l’honneur la diversité. Chacune a été récompensée, la première par un COM-ENT d’or, ex aequo avec la campagne #Maintenantonagit réalisée par TBWA corporate pour la Fondation des femmes ; la seconde par un prix d’honneur.

Et cette tendance ô combien vertueuse devrait assurément perdurer en 2019 et 2020, tant il y a hélas encore à faire sur le sujet des discriminations, les prises de parole des entreprises reflétant désormais une véritable prise de conscience qui dépasse enfin le champ de la marque employeur pour s’afficher comme une priorité d’entreprise, en particulier dans les secteurs dont l’activité est historiquement très masculine.

En écho à cet engagement, et peut-être aiguillonnées par les discussions autour de la loi Pacte et ses dispositions touchant la transformation responsable des entreprises et le statut « d’entreprise à mission », de plus en plus nombreuses ont été les organisations à affirmer ou réaffirmer cette année une mission sociétale au-delà de leur activité commerciale et de leur vocation marchande. C’est enfin – du moins je l’espère – la reconnaissance et l’avènement de ce brand purpose dont je n’ai cessé dans ces colonnes de répéter l’intérêt et l’importance pour les entreprises, tant il est vrai qu’une mission d’entreprise légitime et crédible demeure pour toute entité un des premiers leviers de motivation et d’engagement de ses collaborateurs.

Pourquoi, en effet, marques et entreprises ne pourraient-elles avoir pour ambition de prendre part à l’amélioration du monde ? C’est non seulement un bel axe d’engagement et de communication, mais surtout un devoir à l’heure où 60% des Français pensent que « les entreprises ont aujourd’hui un rôle plus important que les gouvernements dans la création d’un avenir meilleur », ainsi que le rappellent les contributeurs du blog We are com¹.

Engagées pour être engageantes, les organisations n’ont à mon sens d’autres choix que de réfléchir à cette mission sociétale et à ce brand purpose, qui constituera une des tendances majeures des années à venir à mon sens, et on ne peut que s’en réjouir !

2 – Importance de la lutte contre les fake news et besoin d’authenticité

A l’heure où les théories du complot et les conspirationnistes de tous bords font un carton sur les réseaux sociaux, certains d’entre eux recevant même un adoubement médiatique inespéré sur les plateaux TV de médias en quête d’audience, les fake news ou vérités alternatives n’ont hélas jamais eu autant le vent en poupe. Et représentent un vrai défi pour les entreprises tout autant que pour la démocratie, ainsi que le rappelle en substance Caroline Faillet, Chief Executive Officer du cabinet Boléro et auteure du tout récent « Décoder l’info : comment décrypter les fake news ? » aux éditions Bréal.

Ainsi, pour préserver leur réputation intacte contre des attaques externes et la malveillance d’adversaires souvent difficiles à identifier, mais également pour ne pas prêter le flanc elles-mêmes à la critique ou au relai de fausses informations, les entreprises devront-elles se montrer vigilantes et exemplaires.

Cette exemplarité passe notamment par un examen rigoureux de leur propres pratiques et cette prise de conscience que « l’acceptabilité sociale est une nouvelle contrainte à intégrer dans toutes leurs décisions de gestion, de la plus stratégique à la plus quotidienne » résume l’auteure de « L’art de la guerre digitale », son précédent ouvrage.

Cette nouvelle norme sociale à laquelle doivent se conformer les entreprises, au risque de voir sinon se mobiliser contre elles les internautes, repose sur des critères à la fois éthiques (santé, environnement, dignité humaine…) et des questions de perception, puisque le moindre fait et geste de l’entreprise est d’abord appréhendé à l’aune de l’émotion.

Il en découle que les fake news – et cette nouvelle légitimité sociale dont je viens de parler – demeureront des enjeux capitaux pour les organisations et leurs communicants en 2019 et au-delà. Les organisations devront également veiller à ne pas propager via leurs propres contenus ou des contenus tiers de fausses nouvelles, et arrêter de financer des sites ou médias diffusant des fake news (ce que trop d’annonceurs ont hélas fait pendant des années, ainsi que l’ont révèlé de nombreuses études sur les achats médias).

Dans ce contexte, qui coïncide également avec une exigence accrue de transparence et d’authenticité exprimée par les différents publics, avec un refus de la langue de bois et une appétence marquée des audiences pour des informations non retraitées (infographies épurées, vidéos « à la Brut »…), il est plus important que jamais que les entreprises veillent à la sincérité, à l’exactitude et à l’authenticité de leurs messages.

3 – Fin de la communication « top-down », envol du « e-to-e » et de l’employee advocacy

On comprend, à la lecture des deux tendances précédentes, que la « communication de papa » à la fois unilatérale et « top-down » est complètement révolue et inadaptée aux nouveaux enjeux.

De cette communication descendante, ripolinée et autosatisfaite, privilégiant les messages grandiloquents et les visuels ultra-léchés des banques d’image à la simplicité des faits, les publics ne veulent plus ou le moins possible.

Et, avec la quête d’authenticité, ce sont de vrais gens et de vraies situations que se nourrissent désormais les communications des entreprises, qui capitalisent au maximum sur les témoignages « sans édulcorant » et un discours de sincérité. En témoignent les innombrables campagnes et publications vues cette année, mettant le collaborateur à l’honneur et au centre du récit de l’entreprise.

Guest-star plus « bankable » que jamais, le collaborateur est ainsi accommodé à toutes les sauces, au cœur de dispositifs de communication aussi bien internes qu’externes, que ce soit en mode « figuration » ou plus souvent en tant qu’acteur/actrice d’un discours d’authenticité sur l’organisation. La campagne « Génération 3F » primée par COM-ENT et dans laquelle les collaborateurs et collaboratrices expriment clairement ce qu’ils aiment et ce qu’ils aiment moins et pourquoi ils ont rejoint 3F en est un bel exemple.

Meilleur atout de la marque employeur, pour convaincre de futures recrues de rejoindre l’entreprise dans le cadre de dispositifs « e-to-e » ou « employee to employee », le collaborateur est aussi sollicité de plus en plus fréquemment comme ambassadeur digital de l’organisation, dans le cadre de politiques d’employee advocacy ambitieuses. Sur ce sujet, cet article récent du BrandNewsBlog et mon interview croisée de Benoît Cornu (Elior) et de Kate Phillips (Faurecia), démontrent bien les progrès importants accomplis dans la dernière année par beaucoup d’entreprises, dont 94% des dircom ont déjà entrepris ou ont prévu de lancer prochainement une démarche d’employee advocacy.

4 – Professionnalisation et sophistication du marketing d’influence 

L’utilisation d’un influenceur ou d’une influenceuse numérique serait-elle en passe de devenir LE nouveau Graal des marques et des entreprises, que ce soit en B2B ou B2C ?

Après des débuts plus que timides et laborieux, il semblerait bien en tout cas que le marketing d’influence ait pris une toute autre dimension avec le développement de l’influence numérique. Dixit les membres du Think Do Tank Digital et Innovations de l’association COM-ENT : « L’influence a de tout temps existé dans les stratégies de communication, mais elle n’était pas jusqu’alors la dimension la plus valorisée par les entreprises. L’explosion du numérique, l’impact du Web et des réseaux sociaux ont changé la donne, faisant de l’influence numérique une véritable discipline pratiquée… il faut bien le dire avec plus ou moins de réussite ».

Et même si les dircom reconnaissent en être pour la plupart au stade exploratoire et que les marques « tâtonnent encore, cherchent et testent », les opérations et coopérations se multiplient avec des influenceurs plus ou moins connus, youtubeurs et youtubeuses en tête. Et si les secteurs de la mode ou des cosmétiques, ainsi que du divertissement et des loisirs ont une réelle avance sur le sujet, il est intéressant de voir des entreprises telles que Sofinco ou Isagri recourir avec succès à des stars du net, pour rendre le crédit conso plus sympa pour la première ou pour attirer des développeur à Beauvais pour la seconde.

Mais la palme de l’opération la plus audacieuse et la plus réussie dans le genre, d’après l’association COM-ENT, revient sans doute en 2018 à la MAAF, avec sa campagne virale pour la prévention de l’alcool et de la drogue au volant, qui sort des codes habituels et fait mouche, grâce au youtubeur Axel Lattuada, très apprécié de la cible des 18-24 ans.

Dans ce domaine, la véritable maturité (encore à venir pour la plupart des entreprises) et la prochaine étape, consisteront sans doute à mesurer en toute objectivité de part et d’autre – pour l’influenceur et pour la marque – le bénéfice final en terme d’image et de business pour la seconde, et le bénéfice en terme de recrutement pour le premier, afin de pérenniser les collaborations tout en respectant l’univers et le ton des influenceurs.

Mais ainsi que le faisait observer récemment avec humour l’expert social media Jonathan Chan, le marketing de l’influence est loin de se limiter aux collaborations avec des youtubeurs stars, et la professionnalisation et la sophistication de la discipline, palpables au sein des agences comme des annonceurs, passe aussi par la concentration sur d’autres relais, tout aussi efficaces en terme d’engagement : les micro-influenceurs, nano-influenceurs (auxquels j’avais consacré cet article)… et bientôt les « pico- » ? Jonathan Chan s’étonne dans son tweet ci-dessous du nombre de segments d’influenceurs proposé lors d’une présentation par le cabinet Digimind… Mais cette segmentation montre bien en réalité le degré de maturation grandissant des professionnels, et le chemin restant à parcourir pour les marques et les entreprises pour embrasser tout le champ et toutes les perspectives prometteuses de l’influence digitale.

Pour en lire davantage sur ces opportunités et la nouvelle frontière du marketing d’influence, je vous renvoie d’ailleurs à cet article du BrandNewsBlog et aux propositions enthousiasmantes de Brian Solis, que j’avais analysées…

5 – Retour en grâce/en force des contenus de qualité et du storytelling

Si les contenus de marque à faible valeur ajoutée créative et informationnelle se sont hélas multipliés exponentiellement ces dernières années, dans une sorte de couse à l’échalote éditoriale sensée répondre au besoin des médias sociaux et à la frénésie des fils d’actu – au point qu’on parle de « snacking content » pour désigner ces productions formatées et sans saveur à consommer sur le pouce – 2018 semble montrer une inflexion notable de la part des marques.

Certaines d’entre elles, s’il ne s’agit pas encore d’une majorité, paraissent avoir enfin compris l’intérêt de revenir à des productions plus réfléchies et qualitatives et à de véritables partis pris éditoriaux. Ces choix structurants s’accompagnent en général d’une réinvention des codes et d’un retour en force du storytelling, avec l’alternance de formats courts et de formats longs dans les récits et l’amorce de schémas narratifs plus structurés, propres à susciter l’émotion et à capter l’attention des publics.

Parmi les productions éditoriales remarquables de l’année, que ce soit en communication externe ou en communication interne, l’association COM-ENT a ainsi remarqué le très beau support papier réalisé par AccorHotels et qui invite à rencontrer celles et ceux qui font vivre ses hôtels, en racontant de manière sensible leur quotidien. Autre bel objet print, le reportage « Au cœur de la machine » dessiné par deux auteurs en immersion dans une raffinerie de Total constitue un projet à la fois valorisant pour les collaborateurs, original et décalé, qui témoigne d’un engagement pédagogique fort de la marque et d’une volonté de réinventer les codes de la com’ interne : une approche récompensée par un COM-ENT d’or.

Pour les membres du Think Do Tank Prospective de l’association de communicants, ce regain d’intérêt pour le print est tout sauf un hasard : « A l’heure du tout digital, nous observons un retour en force du bel objet print, qui raconte une histoire en prenant son temps, en faisant le tour de la question, en invitant toutes les parties prenantes à venir s’y exprimer. C’est une pause structurante dans la frénésie du fil d’actu et un choix constructif et aspirationnel de la part des entreprises. C’est aussi le signe d’une reconnaissance et d’une attention particulière qu’elles donnent à celles et ceux qui sont destinataires de ces livres, de ces magazines, de ces ovnis pour certains ».

Et tandis que les unes ciblent leurs collaborateurs, les autres leurs clients – et parfois les deux, comme dans ces rapports annuels audacieux que nous avons pu voir cette année, les entreprises n’hésitent plus à dévoiler leurs coulisses et à jouer sur la corde sensible de l’émotion. Dixit Sarah-Pearl Bokobza et Séverine Lecomte* : « Pour marquer les esprits et rendre leur marque inoubliable, les entreprises jouent la carte du tendre et de l’intime, de l’accueil chaleureux des lecteurs.rice.s dans leur univers. Avec un contenu riche, une forme de ‘tout en un’ qui réinvente les codes en proposant un mix gagnant entre formats courts et histoires longues, entre les faits et les gestes, entre le process et l’humain, entre anecdotes et stratégie… De quoi garder leur lectorat éveillé et en alerte. »

6 – Triomphe de l’UX, de la personnalisation, des technologies immersives et du live

Certes, ce n’est pas aujourd’hui que les entreprises ont commencé à s’intéresser à l’expérience client/collaborateur. Et au-delà de ce « marketing expérientiel » dont on nous rebat les oreilles et de la quête ultime de cet « effet waouh » sensé tout renverser sur son passage, c’est à un travail de fond sur leurs points de contact et leurs parcours clients/candidats que se consacrent désormais un nombre croissant d’organisations, bien aidées par les outils et nombreuses opportunités offertes par le digital.

Désormais au cœur de toutes les stratégies marketing et de communication, l’UX et la personnalisation sont en effet partout prégnantes, avec des objectifs ambitieux de retour sur investissement et de réels moyens consacrés à la rationalisation des parcours.

Dans cette approche sans cesse plus mature de la dimension expérientielle – et quel que soit d’ailleurs l’objectif recherché (acquisition, fidélisation ou génération de leads) – les données et les contenus viennent nécessairement nourrir les dispositifs et les entreprises ont enfin compris l’importance d’enrichir et de personnaliser au maximum l’information délivrée à chaque étape, en veillant également à simplifier au maximum les interactions avec les utilisateurs de leurs sites et de leurs applis.

Parfaite illustration de ces efforts concrets et payants, les membres du Think Do Tank Digital et Innovations n’hésitent pas à citer en exemple le nouveau hub mis en place par la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP), pensé par typologies d’utilisateurs et conçu avec eux dans une logique UX. Marquante également, la refonte réussie du site carrières du groupe La Poste fait la part belle à l’UX et à la personnalisation en proposant pas moins de 4 entrées et 4 parcours digitaux bien distincts en fonction du profil des internautes, affranchissant les chercheurs d’emploi de toutes les étapes superflues dans l’atteinte d’un job sur-mesure et mettant à leur disposition chatbot, quizz d’orientation ou social wall pour une expérience 100% personnalisée et interactive.

Plus que jamais immersifs, interactifs et conversationnels, les dispositifs de communication digitale les plus marquants de 2018 font aussi la part belle aux nouvelles technologies : réalité augmentée, VR, assistants virtuels… tandis que le besoin de lien, d’authenticité et d’interaction s’est traduit par un fort développement du live, dont l’usage s’est largement diversifié. Au-delà des défilés de grandes marques de mode et autres grands messes diffusés en direct sur Twitter par Free ou par Apple, on notera dans ce registre les initiatives originales d’Auchan Retail, organisateur d’un défilé diffusé sur Facebook ou bien encore ce comité de direction exceptionnel diffusé en live par le groupe EDF pour tous ses collaborateurs…

7 – Prise de conscience de l’importance de la data, nouvel « or noir » du marketing

Qui dit personnalisation accrue des parcours et des contenus proposés aux diverses parties prenantes dit évidemment données. Et de ce point de vue, 2019 et les années à venir devraient enfin voir l’avènement de l’entreprise « data driven », dans laquelle les multiples points de contact sont pilotés en utilisant la donnée en amont et en aval, pour garantir une relation fluide, optimale et engageante avec les publics internes et externes.

Plus qu’une tendance, la maîtrise de la donnée est en définitive une nécessité dans des univers à la fois hyper concurrentiels et où la volatilité du client est plus forte que jamais. Fondateur de Faber-content.com, Fabrice Frossard estime d’ailleurs que « le combo gagnant à l’avenir sera celui d’une donnée finement exploitée et de la créativité pour affirmer sa différence dans des univers balisés et banalisés. »³

Co-fondateur de Talkwalker, Christophe Folschette est tout aussi optimiste en estimant quant à lui qu’à partir de 2019, les entreprises reprendront résolument la main sur leurs données : « Le monde change tellement rapidement que les entreprises doivent gérer leurs données plus efficacement. En alignant leurs KPIs clés à tous les aspects de l’entreprise, avec des benchmarks clairement définis ainsi que des sets de données, elles pourront développer leur business. Nous verrons également que les sociétés se concentreront plus sur la maturité de leur social data. Les marques devront apprendre à gérer l’entièreté de leur Big Data, au risque d’être noyées sous des KPIs et métriques sans valeur ajoutée. »

CQFD… Nouvel or noir pour les entreprises, au cœur de la fameuse « transformation digitale » dont on nous parle tous les jours, la data n’a donc pas fini d’être collectée, stockée et analysée et nous n’en sommes de ce point de vue qu’au milieu du gué, en attendant l’avènement d’une ère de la donnée 100% utile et systématiquement exploitée pour le bien-êre et la satisfaction de chacune des parties prenantes de l’entreprise.

8 – Irruption irrésistible de l’IA…

En tête de gondole des sujets les plus abordés dans la presse professionnelle en 2018, l’IA a un peu été (mal)traitée à toutes les sauces cette année et a fait les choux gras d’une kyrielle d’experts tous mieux informés les uns que les autres…

Et pour cause : ainsi que l’expliquait dans les colonnes de ce blog l’éminent professeur Niraj Dawar, tous les plus grands géants de la technologie ont désormais lancé leur propre plateforme d’IA et le domicile des usagers est déjà en voie de colonisation accélérée par leurs assistants virtuels.

Enceintes Echo et assistant vocal Alexa d’Amazon, enceinte Google Home et assistant vocal de Google, HomePod d’Apple, assistants IA Cortana et Xiaowei pour Microsoft et Tencent : chacun des grands acteurs présents sur le marché a déjà équipé des dizaines de millions de foyers… et le mouvement s’est encore accéléré cette fin d’année, avec notamment l’annonce par Free du choix d’Alexa comme assistant vocal sur sa nouvelle Freebox Delta, ou l’annonce de l’intégration d’Alexa dans la nouvelle enceinte connectée d’Orange. Une course à l’IA dont les industriels européens sont hélas totalement absents, n’ayant su imposer une solution viable de plateforme IA parmi celles des grands acteurs évoqués ci-dessus, tandis qu’un vaste mouvement de concentration entre la douzaine de concurrents déjà présents est à attendre d’après tous les experts dans les 5 à 10 prochaines années.

L’enjeu : conquérir au plus vite une place auprès d’un maximum de consommateurs pour imposer ensuite définitivement sa solution IA comme le tiers de confiance privilégié entre ces usagers et les marques.

Car ne nous y trompons pas, même si de par leur niveau de performance actuel – encore largement perfectible – les plateformes IA et autres assistants vocaux ou virtuels sont encore loin de répondre avec fiabilité à toutes les questions et besoins de leurs utilisateurs, il ne s’agit plus que d’une question de temps avant qu’elles ne s’imposent définitivement comme intermédiaires auprès des consommateurs et que plus personne ne puisse s’en passe. Et ainsi que le résume Niraj Dawar, à terme, « la plateforme IA recueillera et transmettra l’information, tandis que l’assistant virtuel sera l’interface de l’usager avec ses installations domestiques, les différents appareils et autres dispositifs. » […] Et par dessus tout : « Les assistants IA minimiseront les coûts et les risques encourus par les usagers ; ils offriront également un confort d’utilisation inégalé. Ils veilleront à ce que les achats de routine parviennent sans encombre jusqu’aux différents foyers – comme la fourniture d’eau et l’électricité – et ils géreront les décisions d’achat plus complexes en apprenant à connaître les critères des consommateurs et en optimisant les compromis que ceux-ci sont prêts à faire ».

On comprend dès lors que tout le battage médiatique fait autour de l’IA – dont je viens ici de ne mentionner qu’une des applications – n’a rien à voir avec une effet de mode et que cette technologie révolutionnera bel et bien les pratiques des professionnels du marketing et de la communication…

9 – Emergence et enjeux du social selling pour les entreprises et pour les marques

Encore balbutiantes de ce côté-ci de l’Atlantique, où l’advocacy a souvent d’avantage pour but de soutenir la réputation des entreprises que leur business, les techniques du social selling devraient néanmoins se professionnaliser et être de plus en plus plébiscitées parmi les pratiques des entreprises et des marques à partir de 2019.

Et pour Julie Albenque, consultante et formatrice en stratégie digitale, cette évolution est inéluctable : « Attendez-vous à ce que le cycle d’achat évolue radicalement l’année prochaine. Avec l’intégration de l’achat au sein des stories Instagram et de Facebook messenger par exemple, ou l’augmentation des avis vérifiés, vous devrez adapter votre marketing social pour activer des ventes directes ». Et il est bien certain que « grâce à une stratégie social media bien pensée, les marques pourront toucher les consommateurs lors des différents moments du parcours client : les fameux « Touch Points », aussi bien en amont du processus d’achat, que pendant ou après ».

Critères primordiaux du choix et de la fidélité à une marque, la qualité des produits et services devraient dans ce contexte demeurer des atouts clés. Mais il est aussi tout à fait certain que le consommateur s’attachera de plus en plus à la pertinence des contenus qui lui sont proposés à chaque étape du cycle d’achat et à la capacité d’une marque à être créative et à capter son attention, sur les réseaux sociaux notamment.

Dans cette optique, tout l’enjeu pour les marques sera donc d’utiliser l’éventail des possibilités offertes par les nouvelles technologies pour créer du contenu à la fois pertinent, personnalisé et différenciant, qui répondra parfaitement au besoin des consommateurs à un instant t. Un défi de taille, mais qui est constitue tout l’enjeu du social selling, d’où la nécessité de l’appropriation de ses techniques par les entreprises et leurs équipes commerciales, en particulier.

10 – Besoins de nouveaux outils, de nouvelles organisations et d’une véritable éthique de la communication et du marketing

On le voit : ainsi que je le notais en introduction, les défis pour les marketeurs et les communicants sont plus nombreux et diversifiés que jamais à l’orée de la nouvelle année qui se profile. Et l’ouverture d’esprit et l’adaptabilité sont et seront primordiales pour réussir dans nos métiers, en gardant un œil sur l’évolution rapide des besoins de nos publics et l’autre sur l’émergence accélérée des nouvelles technologies, qui requiert des efforts inédits d’acculturation de la part des entreprises et des marques.

Transformation numérique, formation et auto-formation… les professionnels doivent non seulement être capables d’assimiler les nouveaux codes et d’utiliser les nouveaux outils, mais ils doivent également être en mesure de sélectionner les KPI les plus pertinents pour mesurer en permanence le ROI de leurs actions, avec ce souci de piloter efficacement leur activité et de délivrer des indicateurs compréhensibles et aisément appropriables par leurs interlocuteurs au sein des entreprises.

L’évolution continue des modes de fonctionnement et des organisations, pour répondre à ces nouveaux défis, devient presque partout une nécessité pour des directeurs de la communication et du marketing plus que jamais en quête de d’autonomie, de réactivité et de polyvalence de la part de leurs équipes.

Ainsi, dans les profils comme les organigrammes, dimensions interne et externe des missions tendent de plus en plus à se confondre, tandis que la quête de l’engagement des parties prenantes et la maîtrise des leviers d’influence deviennent des compétences cardinales, de véritables « directions de l’engagement » ayant ici et là tendance à se substituer aux traditionnelles directions de la communication, ou à venir les compléter le cas échéant.

Brand newsrooms, social rooms : celles et ceux qui le peuvent n’hésitent pas non plus à mettre en place de nouvelles équipes ou de nouveaux dispositifs pour répondre aux nouveaux besoins en matière de veille et de production de contenus, tandis que les organisations les plus mâtures regardent également comment rendre les pratiques de la communication plus éthiques et responsables, à l’image du groupe EDF, signataire fondateur en début d’année 2018 du Programme FAIRe de l’Union des Annonceurs, une charte qui s’attache à promouvoir des pratiques plus vertueuses en terme de marketing et de communication, et qui a été traduite en interne sous la forme d’une soixantaine d’engagements précis à respecter par tous les communicants d’EDF : un engagement complètement en ligne avec le soucis d’éthique, de transparence et d’authenticité dont je faisais mention ci-dessus en début d’article, et avec la lutte contre les fake news qui en est un des volets…

 

 

 

Notes et légendes :

(1) L’intégralité des Prix attribués par l’association COM-ENT dans le cadre de ses 32èmes Grand Prix est consultable dans le Mag’ des grands prix n°8, « Les trending tropics ». De nombreux décryptages y sont proposés : par les membres du Think Do Tank Prospective de COM-ENT ; par les membres du Think Do Tank Digital et Innovations ; par les membres du réseau « Toutes femmes toutes communicantes »; par Laurence Rousseau de l’association Meet in et par les contributeurs du blog We are com’.

(2) « 12 tendances médias communication 2019″ – Institut Kantar, WPP (6 décembre 2018)  

(3) « Stratégie digitale et réseaux sociaux : 13 tendances à surveiller en 2019″ – par les contributeurs-invités de Talkwalker (27 novembre 2018)  

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, The BrandNewsBlog 2018, X, DR.

 

 

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