La rentrée dans le viseur… d’Anthony Babkine, co-fondateur des Diversidays

En cette rentrée si particulière, il me tenait aussi à coeur de donner la parole à celles et ceux qui s’engagent, et quel meilleur exemple en ce domaine que celui donné par Anthony Babkine, co-fondateur avec Mounira Hamdi de l’association Diversidays ?

Alors qu’il travaillait encore en agence de communication, celui que la plupart des communicant.e.s et des expert.e.s du digital connaissent bien a décidé de mettre tout son talent – et il est grand – au service de la promotion de l’égalité des chances et de la diversité des talents dans les métiers et filières du numérique.

Après deux premières années de lancement et de consolidation de leur initiative, mais aussi de test de leurs méthodes d’accompagnement auprès des demandeurs d’emploi et de créateurs d’entreprise, Mounira et Anthony ont été rejoints par des dizaines de bénévoles et de « diversimakers », ainsi que des entreprises et organisations partenaires désireuses et de relayer et d’appuyer leur démarche.

Identification des talents du numérique, programmes de mentoring, organisation de grands évènements de promotion des Diversimakers, réalisation d’études, lancement du nouveau programme « DéClics Numériques »… Anthony nous décrit les formidables avancées accomplies par Diversidays… et le chemin qui reste encore à accomplir, tant il est vrai que les talents issus notamment des quartiers prioritaires ou des zones rurales sont encore largement sous-représentés dans les métiers du digital et au sein de nombreuses autres filières professionnelles. 

Et alors qu’il s’apprête, avec ses amis du Conseil National du Numérique, à remettre justement au gouvernement ce mardi 8 septembre un ensemble de propositions pour surmonter durablement les freins à l’insertion des citoyens vivant dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la ville (QPV), Anthony a bien voulu également nous en toucher un mot.

Félicitations encore à lui, à Mounira, à tous les bénévoles et partenaires de Diversidays pour leur énergie si contagieuse et la formidable action menée depuis 3 ans pour améliorer notre société et contribuer, de façon si positive, à consolider ce fameux « vivre ensemble », qu’on nous dit parfois menacé.

Le BrandNewsBlog : Bonjour Anthony. En moins de 3 ans, avec la co-fondatrice de Diversidays, Mounira Hamdi, mais également un réseau de bénévoles, de partenaires et de « Diversimakers » hyper motivés, vous avez réussi à imposer votre association comme un tremplin incontournable pour les talents issus de la diversité vers les métiers et carrières du numérique. J’imagine que ce parcours n’a pas été un long fleuve tranquille. Quelles ont été les étapes clés dans le développement des Diversidays et de quels succès êtes-vous le plus fier aujourd’hui ?

Anthony Babkine : Tout d’abord, merci Hervé pour tes encouragements et pour m’avoir donné la parole sur ton blog.

Oui, l’association a fait de grands pas ces dernières années, même si Mounira et moi considérons que nous ne sommes encore qu’au début de l’aventure. Pourquoi ? Car l’égalité des chances est toujours en recul en France, et que les derniers travaux montrent qu’il reste encore de grandes fragilités à corriger. Selon une récente étude du Céreq, les étudiants ayant obtenu leur bac dans un lycée de quartier prioritaire accèdent moins fréquemment aux filières les plus sélectives. Passée cette barrière, ils rencontrent plus de difficultés dans leur insertion professionnelle.

En France, l’OCDE démontre qu’il faut 6 générations (180 ans) pour changer de classe sociale. Si ces constats peuvent glacer le sang, ils ne font que renforcer notre raison d’être et d’agir. Ce combat trouve toute sa place dans la société actuelle où la compétence numérique peut donner un coup d’accélérateur à des parcours et à des trajectoires professionnelles.

Notre première année consistait à lancer l’initiative Diversidays, et à tester des méthodes d’accompagnement. Fondées sur des programmes et ses opérations « tremplins » dans différentes régions de France, elles s’adressaient aux entrepreneurs de la diversité. Je tiens à préciser que quand on parle de diversité, il peut s’agir de diversité sociale, culturelle, ethnique, mais également de personnes en situation de handicap, de femmes et d’hommes victimes de discriminations (ex: LGBTQ+), seniors, et bien d’autres profils que l’on ne peut pas figer dans une catégorie.

La deuxième année était celle de la consolidation. Consolider nos appuis dans les territoires où nous avions mis en place des actions, mais également renforcer nos dispositifs d’accompagnement.

Cette année, nous visons le passage à l’échelle de notre dernier programme en date : « DéClics Numériques ». J’en reparlerai dans quelques instants ;)

Notre plus grande fierté est l’impact grandissant de l’association, grâce à l’implication de personnes très diverses (l’équipe, les bénévoles, les partenaires, les coachs, les freelances, les associations…). Je profite de cette interview pour les remercier pour le travail qu’ils ont abattu jusqu’ici, et pour leur confiance. Sans eux, Diversidays et son impact n’existeraient pas ! Pour moi, c’est finalement cela, la force du monde associatif : fédérer des personnes très différentes ayant un objectif commun, celui de changer positivement les choses.

Le BrandNewsBlog : Identification de talents du numérique issus de la diversité, programmes de mentoring et d’accompagnement, organisation de grands évènements en régions et en Ile-de-France pour promouvoir ces talents, mise à disposition d’outils pour les futurs entrepreneurs de la tech, réalisation d’études et de rapports… Entre 2017 et 2019, vous n’avez pas chômé pour sensibiliser les décideurs et le grand public aux enjeux de l’inclusion numérique. Est-ce que votre constat de départ, celui de la sous-représentation des talents issus de la diversité dans les métiers du digital, est encore d’actualité en 2020 ? Y-a-t’il aujourd’hui une prise de conscience à ce sujet, notamment de la part des entreprises et des pouvoirs publics ?

Anthony Babkine : Oui, notre combat est malheureusement plus que jamais d’actualité. Malgré les efforts fournis par les acteurs du marché, la Tech reste un milieu très endogame et peu ouvert. Le travail de la chercheuse Marion Flécher, publié dans le numéro 159 de Travail et emploi, la revue de la Dares, vient documenter ce constat.

On y apprend que 80 % de l’échantillon étudié par la chercheuse ont un niveau bac+5 ou plus. 21 % sont issus d’écoles d’ingénieurs et 35 % d’écoles de commerce. En général, seulement 7 % des créateurs d’entreprises présentent un tel niveau scolaire.

Aujourd’hui, de nombreux potentiels des territoires ruraux et des quartiers populaires ne se reconnaissent pas dans les métiers de la Tech. Cela est peu étonnant quand on voit le nombre de barrières qu’ils rencontrent à l’entrée.

Alors oui, il y a une prise de conscience des pouvoirs publics (Le programme French Tech Tremplin en est l’illustration), mais nous devons aller plus loin !

Quelques exemples : créer un bac lié aux métiers de développeur/se, exiger des entreprises qu’elles aillent plus loin dans la mesure de la diversité, ou encore créer un fond d’amorçage public pour les startups des talents de la diversité.

Mardi 8 septembre, nous allons remettre un rapport au gouvernement, qui contient des recommandations allant dans ce sens.

Il faut garder en tête que pour les entreprises, ce problème est une opportunité manquée. Les talents sont là, mais elles n’arrivent pas à les voir, à les repérer, à les former, puis à les recruter. Durant l’année 2018, la branche des services informatiques et logiciels a créé plus de 34 000 emplois nets. Pourtant, près de 80 000 emplois issus des métiers dans les technologies numériques sont non pourvus, faute de profils adaptés.

De plus, les analyses prospectives soulignent que 1,75 millions de nouveaux emplois sont attendus d’ici 2030 dans le domaines des technologies de l’information et de la communication. Il faut donc ouvrir la porte de ces métiers à tous les talents de notre pays, sans distinction de genre, d’âge, d’origine sociale. Car si la promesse de l’emploi est forte, il semblerait qu’elle s’adresse surtout à une population spécifique.

En effet, depuis quelques années, on constate que le profil type du salarié du numérique reflète peu la société française : il s’agit souvent d’un homme (70%), qui travaille en Ile-de-France (46%), qui a moins de 40 ans (52%) et qui est en CDI (93%).

Tant que nos organisations, nos institutions ne ressembleront pas à nos territoires, le problème ne sera pas réglé ! Alors, avec Diversidays, nous sommes convaincus qu’il faut retourner la table et agir. Agir pour permettre à tous les auteurs de solutions d’entrer dans la danse, à tous les potentiels des zones rurales et quartiers populaires de prendre leur place dans ces nouveaux métiers.

Le BrandNewsBlog : Pour les entreprises comme pour les associations, l’année 2020 n’a pas commencé sous les meilleures auspices et la crise sanitaire a retardé voire gelé de nombreux projets. Qu’en a t’il été pour votre association Anthony ? L’organisation de Diversidays en région ainsi que vos autres rencontres ont été fortement limitées par le confinement puis par les contraintes de distanciation sociale. Comment et sous quelle forme avez-vous poursuivi vos activités ?

Anthony Babkine : Comme beaucoup d’organisations, nous avons dû rapidement nous adapter pour rester accessibles et utiles.

Durant le confinement, nous avons déployé une opération 100% en ligne, intitulée #SolidairePasSolitaire, pour permettre à tous ceux qui le souhaitaient de partager gracieusement leur compétence. L’objectif de ces lives était de rompre l’isolement : au total, nous avons cumulé une centaine de lives sur nos plateformes, pour des milliers de spectateurs !

Durant cette période, nous avons utilisé le numérique comme vecteur du partage de compétences et outil majeur de l’égalité des chances et du maintien du lien social.

La période que représente la crise de la Covid-19 a été difficile pour plusieurs entrepreneurs passés par nos programmes. Malgré tout, un grand nombre d’entre eux ont su faire preuve de résilience, et sont restés actifs sur le terrain pendant la crise.

A titre d’exemple, j’aimerais en citer deux : Abdelaali el Badaoui, avec sa solution « En mode confiné » (article Le Monde) ; Daniella Tachana avec sa solution de cours à distance. Avec d’autres entrepreneurs, ils prouvent que les talents de la diversité font partie de la richesse des réponses face à la crise, et s’engagent bien au-delà !

Le BrandNewsBlog : Avec plusieurs des partenaires historiques de l’association, dont Pôle Emploi et la région Occitanie, vous avez lancé récemment un nouveau programme « DéClics Numériques », qui permet à des demandeurs d’emploi de tenter leur chance dans les métiers du numériques, grâce à un accompagnement express en ligne combinant coaching, mise à disposition d’outils innovants et mobilisation d’un réseau de mentors en région… Pouvez-vous nous parler de ce parcours et de cette expérience nouvelle ? Ont-ils vocation à être déployés ultérieurement dans d’autres régions et quelles sont les conditions pour en bénéficier ?

Anthony Babkine : En cette période particulière, nous avons souhaité accompagner des personnes qui peuvent être impactées négativement par la crise de la COVID-19 (perte d’emploi, recherche d’emploi difficile etc…) et/ou qui sont sous-représentées dans le domaine de la Tech et du numérique. L’enjeu est d’éviter l’avènement d’une société à deux vitesses.

Cette démarche s’inscrit dans notre visée : faire du numérique un accélérateur de diversité. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé le programme DéClics Numériques. Notre ambition, à travers ce programme, est de faciliter les reconversions et l’orientation vers les métiers du numérique, afin de permettre le retour vers l’emploi et de contribuer à répondre à l’urgence économique actuelle.

En effet, ce n’est hélas plus un secret : beaucoup de personnes vont pâtir de la fin du chômage partiel. Souvent, il s’agit de personnes qui n’ont pas pu développer leurs compétences numériques.

DéClics Numériques est un programme court, 100% en ligne, qui se déploie comme suit :
1 > Rencontrer des rôles modèles de sa région/ et comprendre la diversité des métiers du numérique ;
2 > Établir un bilan de compétence ;
3 > Trouver un mentor qui travaille dans la Tech/ les métiers du numérique ;
4 > Monter en compétence à travers des ateliers ;
5 > Rencontrer des organismes de formations dans sa région ;
6 > Avoir accès à des opportunités professionnelles et d’emploi dans sa région.

Lors de la première édition dans l’Hérault, en partenariat avec Pôle emploi et la région Occitanie, nous avons accompagné 600 demandeurs d’emploi.

 

Nous visons l’accompagnement de 10 000 demandeurs d’emploi d’ici fin 2021, et je suis heureux d’annoncer sur ton blog que la prochaine session se déroulera en Haute Garonne ! Nous officialiserons le lancement le 28 septembre prochain.

Pour les potentiels lecteurs en quête de reconversion, ils peuvent trouver plus d’informations par ici.

Le BrandNewsBlog : Je le disais, la réussite de votre association est aussi celle de votre incroyable réseau de partenaires, de bénévoles et d’ambassadeurs, à la fois hyper-motivés et très présents sur les réseaux sociaux. Quel est le secret pour susciter un tel engagement et une telle mobilisation, dans la durée. Pouvez-vous nous parler de ces partenaires et ambassadeurs de l’ombre, qui font avec vous un travail formidable ?

Anthony Babkine : Le seul secret ? le travail (exigeant). On bosse énormément pour produire un travail de qualité et pour permettre à nos bénéficiaires de tirer partie de leur participation à nos programmes (Retour vers l’emploi, retour vers la formation, rencontre de partenaires, montée en compétences…).

Depuis le début, Diversidays est une affaire de famille. Famille au sens large, car ce travail n’est possible qu’en équipe. Avec Mounira, nous avons toujours eu le goût du collectif. J’aime beaucoup l’adage « seul on va vite, ensemble on va plus loin ». Une famille de personnes engagées, aux parcours et regards très différents, qui préfèrent partager leur énergie à construire des solutions plus qu’à commenter les mauvaises nouvelles.

Aujourd’hui, nous pouvons compter sur le soutien de nombreux bénévoles et partenaires. Il s’agit parfois d’acteurs publics (Pôle emploi, le Ministère délégué à l’égalité femmes/hommes, à l’égalité des chances et la diversité, le secrétariat d’état chargé du numérique, la FrenchTech…) mais nous avons également le soutien d’acteurs privés (à l’instar d’EDF, Google, AXA, Pierre Fabre, PwC, Shopify, Linkedin, l’agence Proches…)

À présent, afin de passer à l’échelle et d’accompagner jusqu’à 10 000 demandeurs d’emploi dans l’année qui arrive, nous avons besoin de lever 2 millions d’euros. Toutes les organisations qui aimeraient participer à ce défi sont les bienvenues !

Les collaborateurs de nos entreprises partenaires s’impliquent déjà dans l’animation de formations, partagent leurs compétences, mentorent des personnes en reconversions, etc. Cette mobilisation de masse est nécessaire : il n’y a que le collectif qui peut nous permettre de redistribuer les cartes!

Le BrandNewsBlog : En raison de votre expérience et du réseau constitué autour de Diversidays, 4 ministres vous ont récemment confié, aux côtés du Conseil national du numérique, la mission de faire un certain nombre de propositions pour surmonter durablement les freins à l’insertion de citoyens vivant dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la ville (QPV). Au terme de l’impressionnant travail réalisé cet été et à la veille de la remise de vos recommandations au gouvernement cette semaine, pourriez-vous nous en dire quelques mots ? Quels sont les principaux axes d’action ? Et la fracture numérique que nous évoquions ci-dessus est-elle surmontable ? Si oui, à quelles conditions ?

Anthony Babkine : Ce sujet me tenait beaucoup à coeur. Moi même ayant grandi dans un quartier d’Evry-Courcouronnes et étant passé par des dispositifs d’égalité des chances, je me suis rendu compte 10 ans plus tard (après avoir fait mes armes dans le domaine du conseil numérique) que le constat était inchangé : le numérique et ses métiers ne sont toujours pas perçus comme des opportunités par les jeunes de nos quartiers et de nos zones rurales.

Dans le cadre de cette mission qui m’a été confiée avec le Conseil National du Numérique, nous avons interrogé près de 150 professionnels et acteurs de l’insertion professionnelle, des ressources humaines, de l’égalité des chances… en passant par des acteurs associatifs, des entreprises et des organismes institutionnels partout en France.

Le résultat sera présenté officiellement ce mardi auprès des ministres Elisabeth Moreno, Nadia Hai et Cédric O. Dès le départ, mon objectif était clair : proposer des actions concrètes qui puissent être mises en oeuvre au coeur des politiques publiques. L’intérêt de cette démarche est qu’elle vient du terrain et que les solutions qui en émanent sont pragmatiques.

Oui, l’enjeu est surmontable, mais il faut agir très vite si on ne veut laisser personne sur le côté de la route vers l’emploi (⅓ des nouvelles offres sont en lien avec les métiers du numérique) et éviter que les inégalités ne se creusent.

Le BrandNewsBlog : Outre cette actualité associative chargée et votre mission auprès du gouvernement, vous avez tout de même trouvé le temps Anthony, avec un ami d’enfance (Cédric Marchand), de lancer un nouveau concept très réussi de reportage vidéo, mettant en avant des citoyens et des personnalités qui s’engagent positivement pour un monde meilleur : Grégory Gendre, Daniella Tchana, Stéphane Bern… Pouvez-vous nous parler de ce nouveau concept, #ToukTouk ? Et quels sont vos prochains invités ?

Anthony Babkine : Avec Cédric, notre objectif était de montrer la diversité de ceux qui oeuvrent dans le monde de l’économie sociale et solidaire pour des causes qui font avancer le monde, qui aspirent à un quotidien plus durable et souhaitable.

On avait imaginé cette chaîne avant la crise de la COVID-19. Elle a pris tout son sens pendant le confinement. Nous sommes en effet persuadés que la crise actuelle ne fait qu’accélérer les transitions en cours : écologiques, sociales, solidaires et bien d’autres. Beaucoup de gens veulent s’engager, mais ne savent pas toujours comment agir.

Les 12 épisodes que nous nous apprêtons à tourner avec ToukTouk donneront envie, on l’espère, à nos abonné.e.s de se projeter dans ces combats, et d’agir pour un futur plus durable, équitable et solidaire (> voir cet épisode pour découvrir le concept).

Prochain rendez-vous avec Jean Moreau, fondateur de Phenix à la veille de l’UEED !

Le BrandNewsBlog : Finalement, #ToukTouk, n’est-ce pas une autre façon d’ouvrir les chakhras des téléspectateurs, pour promouvoir une société plus riche et plus juste ? Et quels sont vos autres projets de la rentrée et des prochains mois Anthony ?

Anthony Babkine : Exactement ! Nous sommes convaincus qu’en montrant la diversité des visages et des parcours de la France sociale et solidaire, nous inciterons les citoyennes et citoyens à s’engager.

Avec ToukTouk, nous voulons montrer des personnes, peu importe leur milieu social, niveau d’études ou provenance géographique, qui agissent pour bouger les choses !

Pour chaque épisode, nous souhaitons mettre en valeur la personne et son combat. L’objectif : rencontrer l’humain derrière chaque combat et comprendre le sens de son engagement. En adoptant un ton sans filtre et sans détour qui devrait séduire les adeptes du sans langue de bois !

Et pour ce qui est de mon prochain projet en préparation : un livre plus personnel sur ces questions qui m’animent autour de l’égalité des chances !

Marketeurs.euses, communicant.e.s : 30 bonnes résolutions pour bien démarrer la rentrée !

Voilà, voilà… Pour celles et ceux qui en douteraient encore, les vacances estivales sont bien finies. Avec la rentrée scolaire qui se profile dès demain et le retour de l’essentiel des « masses laborieuses » au bureau, chacun.e s’apprête à reprendre le collier, son rythme et pour les moins téméraires, ses chères habitudes…

Mais avant de sentir une nouvelle fois dans l’air ce parfum fugace d’excitation et de stress propre à toute rentrée des classes, je vous propose de prolonger un peu la douceur estivale en vous inspirant des bonnes ondes et recommandations du BrandNewsBlog pour cette nouvelle rentrée.

Et une fois n’est pas coutume, c’est aux personnalités que j’ai interviewées dans le cadre des #5ansduBrandNewsBlog que j’ai décidé de donner la main, en leur laissant carte blanche pour vous étonner, vous inspirer et vous transmettre leur énergie, sous la forme de « 5 recos de rentrée » que chacun.e a bien voulu compléter et me retourner.

Une occasion comme une autre, pour celles et ceux qui auraient besoin d’une session de rattrapage, de découvrir ou redécouvrir les 5 interviews publiées cette semaine sur votre blog #branding et #communication favori ;-) :

…Le plein de bonnes ondes et de recommandations pour prendre soin de son corps… et de son esprit !

Parmi les 30 recos formulées par mes invité.e.s de marque de cette semaine, de belles et saines lectures bien sûr, des comptes et sites à découvrir, des évènements à ne pas manquer et des citations et conseils bien-être inspirants.

Mais je n’en dis pas plus : comme vous le verrez ci-dessous, les conseils des uns et des autres se répondent et rebouclent parfois joliment, alors que chacun.e les a complétées sans savoir ce que répondait l’autre :)

Avec une mention spéciale aux deux invitées de mercredi, Merete Buljo et Nathalie Ollier, dont l’énergie et l’optimisme contagieux ont déjà irradié et bluffé cette fin de semaine les 160 participant.e.s de la première université d’été des « Digital Ladies & Allies » : un évènement de rentrée au retentissement exceptionnel, présenté dans cet article.

En vous souhaitant une bonne lecture dominicale de cette série de recos taillées sur mesure pour les lecteurs du BrandNewsBlog, et en attendant la suite de mes 10 interviews de rentrée dès ce mardi, je vous souhaite à toutes et tous une bonne rentrée !

La rentrée dans le viseur… d’Anthony Babkine, expert en communication numérique et Président des Diversidays

Celles et ceux qui lisent régulièrement ce blog se souviendront sans doute que j’ai déjà interviewé Anthony Babkine…

A l’occasion de la sortie de son excellent dernier ouvrage*, co-écrit avec Emmanuel Chila et consacré à la communication en temps réel, j’avais en effet réalisé fin 2017 une interview croisée des 2 auteurs.

Il faut dire qu’Anthony est devenu en quelques années un expert reconnu en matière de communication et de communication numérique en particulier. Diplômé de Mines-Telecom et du CELSA, il a commencé sa carrière à 20 ans en créant sa propre agence évènementielle, avant de rejoindre les agences Wellcom puis TBWA, dont il a été Directeur général adjoint. Chroniqueur sur BFM Business, organisateur de cycles de conférences et fondateur du MBA Stratégies et Communication digitale à l’IICP, ce touche-à-tout précoce est déjà l’auteur de 4 ouvrages de référence sur la communication numérique et contribue régulièrement au Communicator (entre autres).

Talentueux, il a aussi le bon goût, comme les Digital ladies Merete Buljo et Nathalie Ollier, et comme Laurence Beldowski – autres personnalités interviewées dans le cadre de ce cycle spécial « 5 ans du BrandNewsBlog » – de s’intéresser aussi aux autres. Et il a co-fondé l’an dernier avec Mounira Hamdi les Diversidays : une initiative qui a pour but de valoriser les talents de la diversité sociale, ethnique et culturelle française à travers le numérique.

Bref, vous l’aurez compris : en le contactant pour répondre à mes questions, j’étais certain que ce communicant hyperactif ne manquerait ni d’idées ni de projets pour cette rentrée ! Décrypteur subtil de l’actualité, ses réponses échappent toujours, comme vous le verrez ci-dessous, aux fausses évidences et aux pièges des apparences et de l’immédiateté. Qu’il soit ici remercié pour sa disponibilité et ses analyses toujours éclairantes.

Le BrandNewsBlog : Bonjour Anthony. Pour vous, je crois savoir que ce mois d’août était synonyme de congé estival. Vous êtes-vous pour l’occasion offert un vrai « digital break » ou bien êtes-vous resté connecté, ne serait-ce que pour suivre l’actu et checker vos réseaux sociaux, comme semblent le faire de plus en plus de Français ? 

Anthony Babkine : Difficile pour un amoureux du numérique et de l’actualité de débrancher. Cependant, je crois qu’il faut savoir bouder son téléphone lors de moments propices, tels que les congés. A titre d’exemple, éteindre son mobile le soir/la nuit, se déconnecter de certaines applications le temps des congés, passer davantage de temps sur les réseaux où l’on retrouve ses amis (Instagram, Snapchat, Messenger, WhatsApp …). En somme, je crois que nous devons tous être bienveillants vis à vis de nos proches sur le temps que nous accordons à notre smartphone et en particulier pendant ces moments de repos. Ils sont des aspirateurs d’attention et si nous souhaitons rester des humains, charge à nous de reprendre un peu l’ascendant sur la machine.

Le BrandNewsBlog : Dans l’actu de cet été, quels sont les infos / les évènements qui vous ont le plus marqué ? 

Anthony Babkine : Je préfère ne retenir qu’une actualité, celle de la victoire des bleus. Je trouve qu’avec le vent des affaires estivales, le temps des réjouissances était de trop courte durée. Nous n’avons pas assez de moment de rassemblement et de joie collective !

En effet, je ne suis pas un spectateur assidu de football, mais la victoire captive et unit. Elle a cette faculté de dépasser les clivages, les différences culturelles, géographiques, religieuses pour ne retenir qu’une seule chose, le goût puissant de la réussite. Cette équipe, qui respire la diversité, est le plus beau symbole républicain que la France puisse porter. Elle est d’ailleurs incomprise par d’autres pays, mais son message d’espoir et son ambition traversent les frontières et générations ! Merci les bleus et merci à Mendy qui a résumé avec beaucoup de tact, l’esprit de cette team (cf tweet ci-dessous, en réponse au tweet de SPORF) !

Le BrandNewsBlog : Des Twittos bien connus comme Mathieu Flaig (cf son tweet ci-dessous) ont ironisé sur la difficulté croissante de tweeter sans froisser personne ni être pris à partie… Dans certaines périodes, comme celle que nous venons de vivre, le réseau au petit oiseau bleu deviendrait-il « infréquentable », de par sa polarisation politique croissante et l’activisme numérique des militants et sympathisants de tous bords ? Ou bien n’est-ce que la perception déformée d’observateurs qui passent trop de temps sur Twitter ? ;-) 

Anthony Babkine : La Twittosphère est devenue une arène publique où tous les coups sont permis. D’un côté, cela permet au réseau d’être un observatoire privilégié en temps réel des réactions diplomatiques, prises de paroles de personnalités et décideurs du monde entier.

D’un autre côté, Twitter devient le lieu de rendez-vous favori des mouvements contestataires, trolls et haters. Entre les deux, un jeu de « je t’aime, moi non plus » s’est installé. Je pense que cette atmosphère anxiogène s’est peut-être renforcée en raison des joutes oratoires (parfois très travaillées) des décideurs. Ces petites phrases, tweets assassins ou à chaud, sont souvent le résultat de comptes sociaux que les décisionnaires ne gèrent pas ou plus eux-mêmes… Il m’arrive parfois de me dire qu’un ton plus direct et une communication plus sincère permettrait d’éviter de nourrir les trolls.

Au démarrage de la popularisation de Twitter, nous étions nombreux à nous enthousiasmer de la capacité d’ouverture et de solidarité du réseau (je pense spontanément au rôle que la plateforme a pu jouer lors du printemps Arabe, ou encore en France autour de l’emploi, avec le mouvement #i4emploi), aujourd’hui les questions sont nombreuses autour de la permissivité du réseau. Peut-on vraiment tout dire ou tout laisser dire ? La biographie Twitter de Damien Viel (patron du réseau Twitter en France) résume la culture de l’entreprise « «Je désapprouve ce que vous dites, mais je me battrai à mort pour que vous ayez le droit de le dire».

Cependant, avec le refus récent de Jack Dorsey de bannir de sa plateforme le complotiste Alex Jones, la plateforme a connu des remous jusqu’au sein de son entreprise. C’est l’ingénieur réseau de chez Twitter, Jared Gaut, qui a publiquement sonné la tirette d’alarme avec un tweet¹. Une liberté d’expression qui semblerait presque se retrouver contre son créateur… Espérons que les équipes dirigeantes du réseau social sauront trouver les réponses aux limites de la liberté de parole ; car je crois que Twitter reste l’un des réseaux les plus utiles de notre époque, tant par sa capacité d’ouverture sur le monde que son ancrage dans l’immédiateté…

Le BrandNewsBlog : Malgré cette relative polarisation des opinions et en dépit des excès propres aux réseaux sociaux, vous restez sans conteste un des plus fervents défenseurs du numérique, comme levier d’intégration et accélérateur de réussite. Au point de parler du numérique comme du principal « ascenseur social du 21ème siècle » dans une tribunecente accordée aux Echos… Pourquoi un tel optimisme ? Le numérique permet-il vraiment de lutter contre l’exclusion et de favoriser la diversité ?

Anthony Babkine : Oui, j’en suis convaincu, le numérique ouvre le champ des possibles et peut être un accélérateur de diversité et propice à l’ascenseur social. Il n’a jamais été aussi facile de se cultiver, vendre un service ou produit en ligne, de contacter un décideur, de créer son propre média (Youtube, Instagram…) via Internet. Il suffit de citer un jeune homme de banlieue comme Wil Aime², aujourd’hui pépite française du web, pour se projeter. La création de ses courts-métrages a débuté avec son iPhone, sa page Facebook et des scénarios bien ficelés. Il fédère aujourd’hui une communauté des près de 5 millions de fans, de véritables accros à ces séries. On imagine que tout le monde n’a pas son talent, mais son parcours en dit long sur cette vitrine sur le monde que peut permettre le Web.

Dans les chiffres, les opportunités sont là. En 2018, l’étude BMO de Pôle emploi³ estime à 80 000 le nombre de postes à pourvoir pour des emplois directement liés à l’informatique (Et la compétence réseaux sociaux ne représentent qu’une petite partie des postes). Cependant, transformer la compétence numérique en opportunité pour le plus grand nombre, demande de travailler sur quelques grands chantiers.

Je pense nécessairement à celui du très haut débit (pour éviter un internet à deux vitesses), mais surtout au besoin de pédagogie autour de ces nouveaux jobs. Pas évident d’imaginer le quotidien d’un programmateur, d’un expert en développement informatique mais aussi d’un professionnel du marketing ou de la communication numérique. A nous, professionnels du secteur d’être les acteurs de cette transmission. Enfin, l’avantage de ces compétences, c’est aussi qu’elles sont tellement recherchées, que le diplôme n’est pas tout le temps nécessaire pour l’étudier et y trouver un emploi. Il existe une carte de France des formations sans le bac, à diffuser sans modération* ! Enfin, je crois personnellement beaucoup au besoin de faire émerger des rôles modèles du numérique issus de la diversité sociale et culturelle. Ils existent, mais ne sont pas assez visibles. Le chantier est prioritaire et stratégique pour demain.

Le BrandNewsBlog : Vous avez justement lancé en 2017 une initiative citoyenne inédite autour de la diversité et du numérique, les Diversidays. Pouvez-vous nous parler de cette initiative, pour laquelle vous vous mobilisez de plus en plus et êtes intervenu dans de nombreux colloques ? 

Anthony Babkine : Nous avons créée les Diversidays en 2017 avec Mounira Hamdi, pour mettre en valeur et accompagner les talents du numérique issus de la diversité. Avec une conviction, celle que l’ascenseur social du 21ème siècle sera le numérique. Nous avons des champions du numérique partout sur le territoire et dont les histoires et parcours ne se ressemblent pas, mais nous ne les voyons pas suffisamment.

Il reste un travail énorme d’accompagnement, de mise en lumière qui se doit d’être fait pour montrer à des jeunes pousses, de quartiers, de banlieue, de zones rurales, des exemples à suivre. En somme, des modèles inspirants, qui leur diront combien le numérique, mais aussi l’entrepreneuriat dans la Tech, pourront être des voies royales pour leur avenir. Enfin, nous souhaitons accompagner ces talents pour les aider à se construire un réseau, gagner en compétence et les faire connaître.

Le BrandNewsBlog : Quels sont vos projets pour la rentrée ? Une actualité ou de prochains évènements à partager avec nos lecteurs ?

Anthony Babkine : Au lendemain de l’édition parisienne de Diversidays, nous allons à la recherche des talents numérique issus de la diversité sur le territoire national. Prochain arrêt Toulouse, pour une nouvelle édition des Diversidays. Et surtout en cette rentrée, des jolies annonces autour de l’initiative : des nouveaux partenaires, une équipe qui s’agrandit et un nouveau lieu (L’ascenseur) pour développer nos ambitions.

Le BrandNewsBlog : Avant de compléter vos 5 bonnes résolutions / recommandations de rentrée ci-dessous, un petit mot sur les 5 ans du BrandNewsBlog ? Je sais que vous en êtes un lecteur attentif depuis un moment :-) Y-aurait-il un article qui vous a plus marqué que les autres ?

Anthony Babkine : Pour ses 5 ans, je crois que le BrandNewsBlog pourrait dorénavant s’affranchir du mot « blog ». Sa ligne éditoriale précise, ses questions et recherches pointues, son public assidu font dorénavant de BrandNews(blog) un véritable « média ».

Si je devais relever un travail qui démontre l’intérêt du blog, il s’agirait des listes des professionnels à suivre, que tu mènes depuis quelques années. D’un côté, j’ai toujours été un peu sceptique autour de ce type de classements, ils sont parfois artificiels et révélateur de la machine à tweets (x RT, x mentions…). Mais les classements que tu fais sont liés au travail de veille que tu réalises au quotidien. Grâce à ces articles, j’ai découvert des pros très intéressants à suivre et rencontrer. Alors merci, bon anniversaire à ton média Hervé et bravo pour ta passion, elle nous fait grandir et nous transporte !

 

Notes et légendes :

« La communication en temps réel, stratégies et outils », par Anthony Babkine et Emmanuel Chila – édition Eyrolles 2017.

(1) Extrait du tweet >> https://twitter.com/jaredgaut/status/1029170702509719552

(2) Source > http://www.konbini.com/fr/tendances-2/will-aime-etudiant-court-metrage-internet/

(3) Source > https://labo.societenumerique.gouv.fr/2018/04/18/plus-de-80-000-emplois-a-pourvoir-metiers-numerique-2018/

* https://www.letudiant.fr/metiers/les-metiers-qui-recrutent/numerique-la-carte-de-france-des-formations-sans-le-bac.html

 

Crédits photos et illustrations : Anthony Babkine, The BrandNewsBlog 2018, X, DR

 

Le live, « nouvelle frontière » pour une communication de plus en plus synchrone et émotionnelle ?

Sur ce blog, depuis plus de 4 ans maintenant, je n’ai cessé de vous parler des évolutions de la communication, du marketing et du branding et des nouvelles missions et compétences des marketeurs et des communicants à l’heure du web 2.0 et de la révolution numérique.

Parmi les nouvelles tendances dont j’ai maintes fois parlé ici, le sentiment d’accélération du temps, la porosité croissante des publics internes et externes, la défiance de plus en plus forte vis-à-vis des artifices d’une com’ cosmétique et des discours corporate préformatés, associée à une exigence accrue d’authenticité, de transparence et d’implication des parties prenantes (entre autres) ont depuis un moment fait basculer la communication et les communicants dans une nouvelle ère.

La démocratisation des techniques du direct et l’essor sans précédent du « live », rendus notamment possibles par l’évolution des technologies (miniaturisation des caméras, sophistication des smartphones, amélioration des connexions web et accroissement de la bande passante…) et par l’offre de plus en plus sophistiquée de plateformes et outils dédiés (Periscope sur Twitter, Facebook Live, YouTube Live…) ont permis ces dernières années aux individus et aux marques de communiquer encore plus facilement en temps réel. Une nouvelle avancée vers une communication sans cesse plus « synchrone ».

Dans ce contexte, la publication de l’ouvrage d’Anthony Babkine et Emmanuel Chila, « La communication en temps réel »¹ arrive vraiment à point nommé. Précieux vade-mecum à l’usage des communicants et des professionnels, les auteurs y répondent à toutes les questions pratiques que l’on peut se poser avant de réaliser un live, tout en remettant intelligemment en perspective les enjeux de la communication en temps réel, cet art subtil et délicat de la communication de l’instant…

Quelles stratégie adopter pour être audible et visible en temps réel ? Comment mettre en scène et promouvoir sa communication live ? Quelles sont les plateformes incontournables, les compétences à mobiliser et les KPI à mettre en place et à suivre ? Et quels sont les risques et les opportunités inhérents à ce type de communication et la meilleure façon de s’y préparer ?

A toutes ces questions (et bien d’autres) les deux auteurs apportent des réponses à la fois claires et pédagogiques. Ils ont également eu la bonne idée d’associer à cet ouvrage Marion Dubuc et Chloé Balleix² ainsi que de nombreux autres experts reconnus de la communication 2.0, qui éclairent l’ouvrage de leurs conseils³.

A la lecture de cet excellent bouquin, 3 constats sautent à mon avis aux yeux :

  1. La communication live, en concentrant tous les défis du nouveau « paradigme communicant » tels que je les énumérais ci-dessus, représente bel et bien une « nouvelle frontière » de la communication : un horizon à la fois exigeant et exaltant pour toute communicant.e soucieux(se) de progresser et de se confronter aux nouvelles pratiques de la communication 2.0.
  2. De plus en plus nombreuses à se convertir au live, les personnalités, entreprises et marques y trouvent des opportunités inédites de rayonner en temps réel auprès de leurs publics et d’humaniser leur communication, en suscitant l’échange et la conversation.
  3. Format désormais incontournable pour toucher les nouvelles générations, pourvoyeur et catalyseur d’émotions, le live requiert à la fois « créativité, panache et minutie » pour ne pas sombrer dans l’amateurisme et éviter les pièges du bad buzz. C’est donc un nouvel enjeu pour les communicants, qui doivent en maîtriser les subtilités.

… Pour explorer les différentes facette de cet art de l’instant, cette forme de communication « sans filtre et sans filet » où l’authenticité, les interactions et la qualité des contenus priment, Anthony Babkine et Emmanuel Chila ont bien voulu répondre à mes questions. Qu’ils soient ici remerciés pour leur disponibilité et leurs réponses éclairantes.

>> Le BrandNewsBlog : Anthony, Emmanuel, félicitations à vous ainsi qu’à tous les contributeurs/contributrices pour la pertinence et la qualité de votre ouvrage. Pourriez-vous tout d’abord définir pour moi et pour les lecteurs du BrandNewsBlog ce que vous entendez par « communication en temps réel » ? Quelles activités/techniques cela recouvre-t-il ? S’agit-il d’un nouveau format de communication qui s’ajoute aux autres à l’heure des réseaux sociaux, ou bien d’une nouvelle discipline à part entière selon vous ?

Anthony Babkine : Merci surtout à toi Hervé pour ces encouragements et pour cette interview ! Selon moi, le live/temps réel intervient au croisement de deux enjeux majeurs : d’une part, la réinvention des formats publicitaires et des formats numériques de communication ; d’autre part  – et de manière plus puissante en définitive – la transformation des métiers de la communication et de nos modes de travail.

De l’événementiel à la communication de crise, en passant par le community management, l’ambition n’est plus seulement en effet d’écouter ou de régner en maître sur les Trending Topics en rebondissant sur l’actualité… mais tout simplement de créer en temps réel. Produire des contenus pertinents, s’emparer de phénomènes sociaux, créer des moments d’audience uniques au potentiel de visibilité et au storytelling puissants… Le live replace en première ligne le planning stratégique, l’analyse de la data, la créativité, mais également la capacité pour une marque ou son agence à orchestrer cette création dans des délais courts.

En somme, le live vient tous nous challenger sur notre capacité à être non seulement plus réactifs, mais également plus ingénieux, plus créatifs et plus agiles au sein de nos organisations pour aller pour ainsi dire « à la vitesse de la culture ». En guise d’illustration, notons que les phénomènes culturels et sociaux nés sur le web ont été de plus en plus nombreux ces deux dernières années, du #MannequinChallenge au #IceBucketChallenge, en passant par les grands rendez-vous politiques ou sportifs. Et il est toujours intéressant de voir comment les médias et les marques s’emparent de cette actualité/de ces phénomènes et réussissent à se distinguer en les mettant au coeur de leur communication, sans renier pour autant leur identité bien sûr.

Emmanuel Chila : Oui, merci Hervé pour ce retour positif sur notre ouvrage et pour cette opportunité de nous exprimer au sujet du live sur le Brandnewsblog. Pour moi, la communication en temps réel correspond à la création, l’édition, l’animation et la diffusion de contenus en temps réel sur l’ensemble des outils de communication numérique existants. C’est un format de communication qui vient en effet pousser à son paroxysme la réactivité des marques, des agences et des entreprises et qui requiert à la fois veille, créativité et authenticité.

De fait, le live génère de nouveaux besoins en termes de compétences et de métiers, pour pouvoir produire une multiplicité de contenus et gérer les nouveaux codes de cette animation en temps réel. Un défi qui bouscule les schémas de communication classiques en mettant l’accent sur la réactivité et l’exploitation de la communication de l’instant… Ce n’est d’ailleurs pas Emmanuel Macron, auteur en début de mandat du fameux hashtag #MakeOurPlanetGreatAgain [NDLR : en réaction au slogan #MakeAmericaGreatAgain lancé par Donald Trump] qui nous dira le contraire…

>> Le BrandNewsBlog : Ainsi que vous l’expliquez en introduction du livre, le direct ne date pas d’hier et n’a évidemment pas attendu Facebook ni Periscope pour exister, mais le live a pris un nouvel essor et une toute autre dimension ces dernières années avec l’envol des réseaux sociaux et les outils dédiés mis à disposition par chacune des plateformes. De ce point de vue, votre ouvrage arrive à point pour proposer un premier retour sur les expériences et bonnes pratiques dans ce domaine… Mais quel est à votre avis le degré de maturité des entreprises sur le sujet ? J’ai l’impression qu’il est assez disparate d’un secteur à l’autre ?

Anthony Babkine : Certes, mais il faut dire que nous n’en sommes encore qu’aux prémices du live et de ses possibilités… Nombreuses sont en effet les marques à avoir déjà initié de premières opérations concluantes en temps réel. Quant aux personnalités politiques, elles sont également nombreuses à avoir compris tout l’enjeu du live et l’intérêt de créer leur propre média.

Sans surprise, les pros de l’évènementiel et de l’industrie du divertissement ont évidemment un (gros) coup d’avance dans ce domaine, bien conseillés et soutenus par les équipes de Twitter et de Facebook il faut le dire. Mais il faut aussi noter des initiatives audacieuses et parfois inattendues dans certains secteurs. À titre d’exemples, je citerai le lancement de la ligne TGV l’Océane par la SNCF, lancement qui a donné lieu au premier multiplex Periscope B2C en France, ou bien les #ElectricDays d’EDF (premier mutiplex Periscope B2B dans l’hexagone)… Deux rendez-vous live particulièrement réussis, puisque ces opérations ont généré chacune plus de 100 000 vues en moyenne et mobilisé des équipes et des moyens dignes des meilleures productions télé. Car une opération live se prépare et les marques qui réussissent leur communication realtime ont bien compris qu’il ne s’agissait pas seulement d’appuyer sur le bouton «GoLive» mais de bâtir une véritable expérience, une émission qualitative dont le super-héros est la marque et les meilleurs alliés sont ses propres ambassadeurs.

>> Le BrandNewsBlog : Vous avez choisi d’associer à votre livre de nombreux expert(e)s qui interviennent dans le cadre d’encarts dédiés sous la forme de réponses à vos questions ou de conseils. Olivier Cimelière, Nicolas Vanderbiest, Pascale Azzria, Clément Pellerin, Emmanuel Leneuf, Camille Jourdain… et j’en passe : un impressionnant panel de spécialistes et influenceurs du social media. Pourquoi vous paraissait-il important de recueillir leur éclairage et qu’apportent-ils au livre ?

Emmanuel Chila et Anthony Babkine : Oui, c’était une évidence pour nous, car l’expression « On n’est rien sans les autres » a encore plus de signification quand on traite des médias sociaux, bien évidemment. Au travers de leurs regards pointus et bien spécifiques, chacun de ces experts a contribué à enrichir notre perception de la communication en temps réel et à présenter le live sous différents angles, qu’il s’agisse d’évoquer les différentes plateformes, les métiers ou bien les nouveaux outils du temps réel… Pour augmenter encore la richesse de l’ouvrage, il nous paraissait en effet important d’offrir à nos lecteurs ces retours d’expérience, avis et conseils d’experts.

Les médias sociaux, c’est d’abord une histoire de conversations, d’idées, d’échanges, de rencontres… Pour nous, écrire sur le web social devait donc nécessairement être synonyme de co-construction. L’aide de Chloé Balleix et Marion Dubuc nous a été précieuse à la naissance de l’ouvrage, et nous avons par ailleurs veillé à ce que les conseils des spécialistes soient les plus concrets possibles. Un pari que nous espérons avoir réussi !

>> Le BrandNewsBlog : Hommes et femmes politiques, artistes, médias et journalistes : de plus en plus de professionnels ont aujourd’hui recours au live de manière régulière, ce qui est loin d’être le cas de toutes les entreprises ainsi que je viens de le dire. Si vous deviez le résumer en quelques lignes : quel intérêt pour les marques de se lancer dans une telle aventure et d’en maîtriser les outils et la stratégie ? Vous dites notamment que « l’effet live » vient décupler l’impact de la vidéo, « nouveau langage vernaculaire de l’ère des médias sociaux ». Qu’est-ce que le live apporte en définitive que les autres formes de communication n’apportent pas : viralité ? Pouvoir fédérateur ? Engagement ? Emotion ? Proximité ?…

Anthony Babkine : Je dirais que le live vidéo permet surtout aujourd’hui à n’importe quelle marque de créer sa propre émission, son propre rendez-vous. Une dose de créativité, une pincée d’audace, un peu de moyens tout de même (techniques, humains, financiers), une touche de média et le tour est joué ;)

Plus sérieusement, la communication en temps réel peut réserver évidemment son lot de bonnes et de mauvaises surprises, mais elle offre aux différents publics de la marque ou de la personnalité un cocktail absolument unique d’émotions et de proximité en humanisant la relation et en suscitant la conversation et de nombreuses interactions. Pas étonnant que les politiques, les artistes et les médias soient si nombreux aujourd’hui à l’utiliser et à la plébisciter !

>> Le BrandNewsBlog : Ainsi que vous le rappelez d’emblée, la révolution du social media a rendu les techniques du direct accessibles à tous. A priori en effet, plus besoin de lourdes équipes de production, d’ingénieurs du son, monteurs et autres maquilleuses. Et chacun peut désormais « s’improviser » acteur et réalisateur de son propre live. Pourtant, quels que soient les outils et plateformes de live utilisés, vous déconseillez fortement aux professionnels et aux marques de communiquer en temps réel sans préparation. Est-ce à dire que « partir en live » pour une entreprise, cela ne s’improvise pas ? Quelles sont les précautions à prendre avant toute communication live digne de ce nom ?

Emmanuel Chila : Aussi étrange voire paradoxal que cela puisse paraître à certains, communiquer en live ne s’improvise pas et supporte mal l’amateurisme en effet ! Il ne suffit pas « d’appuyer sur le bouton » et d’avoir une vague idée du sujet que l’on va aborder pour réussir… Le cas de notre ancien Président de la République [François Hollande] essuyant une foule de commentaires négatifs et insultes en tous genres lors de sa rencontre avec les salariés de l’entreprise Showroom privé, filmée et diffusée en live, demeure un contre-exemple cinglant…

Il est en effet primordial que les marques et les entreprises prennent en compte que – comme toute opération de communication classique – le live demande une préparation approfondie et cela sur plusieurs aspects, ne serait-ce que du point de vue des contenus mis en avant, de l’environnement, du matériel utilisé, de la promotion de l’opération, mais aussi de la construction et du déroulé du live en lui même. Il est également fondamental d’anticiper en termes de moments d’animation, de modération et en imaginant quelle réutilisation sera faite du contenu par la suite. Avec selon moi une exigence complémentaire à intégrer, propre aux outils de livestream tel que Periscope, Facebook Live, Instagram Live ou Youtube live : à savoir l’absolue nécessité de réaliser en amont un véritable médiatraining, pour captiver et animer l’auditoire.

Il est en effet important d’anticiper et de savoir faire face à la variable qu’on peut le moins contrôler durant un live : les réactions en temps réel des individus. D’où l’importante de se préparer pour éviter des accidents qui pourraient nuire à l’image et à la crédibilité de l’entreprise.

>> Le BrandNewsBlog : Facebook Live, Facebook Reactions et « Journées partagées » sur Messenger ; Periscope et la fonctionnalité Moments de Twitter ;  Snapchat et sa plateforme média Discover ; Instagram et sa fonctionnalité Instagram Stories ; YouTube Live… Les grandes plateformes se sont lancées depuis des années dans la course au live et une surenchère d’outils, que vous présentez en détail dans l’ouvrage, sur fond de concurrence féroce. Quels sont à votre avis les plafetormes les plus avancées et les outils incontournables ? Et surtout, pour une marque : comment s’y retrouver dans cette jungle ? En fonction de quels critères choisir l’outil adapté à son besoin ?

Emmanuel Chila : Capacité à générer de l’engagement pour Snapchat ; « puissance de frappe » de Facebook Live ; ascension fulgurante d’Instagram en termes de live et de « stories » ; portée de la nouvelle application « Moments » sur Twitter… Chacune des plateformes existantes offre évidemment ses propres atouts et points forts. Mais plutôt que de se concentrer en premier lieu sur ces « outils » du live, les entreprises et les marques seraient bien inspirées de raisonner d’abord en termes d’objectifs d’audience et de ciblage, puis de réfléchir aux moyens et compétences nécessaires pour monter leurs dispositifs.

Tout outil a en effet un intérêt à partir du moment où il répond à un véritable besoin et que l’on sait s’en servir… Et les plateformes n’échappent évidemment pas à cette règle. Si les différentes fonctionnalités qu’elles proposent peuvent paraître séduisantes, elles doivent avant tout répondre à une problématique et servir un objectif de la marque.

Utiliser « Discover » pour promouvoir ses contenus de manière créative en transformant sa matière première et en respectant les codes de Snapchat, comme a su le faire le journal le Monde, est évidemment intéressant. Mais toutes les entreprises ont-elles vraiment les ressources et l’équipe pour le faire ? Utiliser Facebook Live pour réaliser la captation d’un show digne d’une émission télé, comme l’a fait Étam pour sa communauté Facebook constitue assurément une belle opération, mais disposez-vous des moyens techniques réaliser vous-mêmes un tel programme ? Faire comme la SNCF la promotion d’une nouvelle ligne de train en multiplex sur Periscope, en mêlant visite du train en temps réel, plateau avec une journaliste et gestion de nombreuses interactions est assurément impactant, mais en ce qui vous concerne, votre communauté se trouve-t-elle sur Periscope ?…

Pour choisir au mieux l’outil live adapté aux besoins de votre marque et de votre opération, je suggérerais de se poser d’abord les questions suivantes : où se trouve notre cible ou notre communauté ? Quel valeur ajoutée puis-je offrir à ma cible par le biais de ce réseau ? Ai-je les ressources suffisantes pour produire pour ce réseau un contenu qualitatif et engageant auprès de ma cible ? Ai- je les compétences techniques pour le faire ? Est-ce que cet outil et le contenu que je souhaite proposer sont vraiment en lien avec l’ADN de ma marque ? En répondant à ces questions, il sera ensuite bien plus facile de choisir la plateforme et les outils adéquats…

>> Le BrandNewsBlog : Nous avons beaucoup parlé de plateformes, de technologies et de formats, mais le contenu et le fond des messages demeurent évidemment la principale clé de succès dans toute communication en temps réel ? Production de contenus dédiés jouant sur les registres du storytelling, de l’expérience ou de la gamification ; partenariats éditoriaux avec des influenceurs reconnus (blogueurs, périscopes, youtubers et autres instagrammers référents)… sont évidemment chaudement recommandés. Quelles sont les règles à suivre pour que ces contenus/collaborations « fonctionnent » en live ? Et en quoi consiste le newsjacking, cette technique que vous évoquez dans votre livre et qui semble de plus en plus pratiquées par les marques ?

Emmanuel Chila : Encore une fois l’une des règles les plus importantes pour des contenus et surtout pour des collaborations réussies résidera dans la préparation. De ce point de vue, la veille est assurément l’un des facteurs clés de succès. Le benchmark d’autres entreprises et d’autres marques doit permettre de connaître les bonnes et les mauvaises pratiques. Etre au fait des dernières tendances, aussi bien en termes d’actualité que de contenus et identifier les influenceurs incontournables sont autant de pré-requis. Maîtriser les nouvelles fonctionnalités proposées par les plateformes, pour innover et aller toujours plus loin dans l’exploitation des outils, répondre aux besoins et attentes des cibles en terme d’information, réfléchir à la valeur ajoutée de la communication pour ses communautés, détecter en amont les relais d’informations… font également partie de mes recommandations.

Je conseille vraiment de ne pas « faire pour faire” mais de favoriser avant toutes choses la co-création et le collaboratif, avant, pendant et après un live pour impliquer au maximum les influenceurs dans la communication en temps réel. Il faut bien sûr rester en lien avec leur ligne éditoriale et savoir être à leur écoute, car ils connaissent les codes et savent parfaitement comment parle et réagit leur communauté.

Il appartient aussi aux communicants de « sécuriser le live » en préparant en amont le storyboard, les règles d’animation et de modération, et en identifiant les risques de « dérapages éventuels ». Peut-être mes propos vont-ils vous paraître paradoxaux, mais il faut en réalité « préparer l’improvisation” pour être performant le jour J et pouvoir offrir une expérience exclusive en temps réel, source d’engagement et de visibilité pour les marques et pour les entreprises.

Dans le prolongement de ces recommandations, le newsjacking est une technique qui consiste pour une marque ou une entreprise à rebondir sur une actualité, en créant un contenu pertinent afin de profiter de la viralité liée à cette actualité et de créer de l’engagement envers sa marque. Oasis, Oreo, Innocent ont été parmi les premiers à le comprendre et à l’intégrer complétement dans leur stratégie de communication. C’est un bon moyen pour les marques de toucher une communauté plus large et de bénéficier d’une visibilité forte à coût réduit, mais il faut faire attention quand on prend de telles initiatives à respecter l’identité de sa marque et à demeurer légitime, bien entendu. 

>> Le BrandNewsBlog : Avec la communication en temps réel, évidemment, le spectre du bad buzz et la crainte du faux pas de la marque ne sont jamais loin… Ces risques inhérents au live ont d’ailleurs tendance à décourager beaucoup de professionnels et d’entreprises de se lancer dans l’aventure. Pourtant, ainsi que le dit très bien Nicolas Vanderbiest dans votre ouvrage, il faut savoir distinguer sur Internet les (petits) bad buzz des véritables crises. Et si une réputation construite patiemment en des années peut effectivement être mise à mal en quelques secondes, une veille pointue et des précautions simples permettent d’éviter le drame et à défaut de mieux gérer les situations délicates. Là encore, le bon mot d’ordre n’est-il pas l’anticipation ? 

Anthony Babkine : En effet, comme le dit ce proverbe qui convient parfaitement aux médias sociaux : “la peur n’évite pas le danger, le courage non plus. Mais la peur rend faible, et le courage rend fort.” Avoir peur des réactions sur les médias sociaux, c’est quasiment à mon avis en refuser les règles du jeu. Celles de la conversation, des commentaires négatifs et/ou positifs… Face aux signaux négatifs que la marque pourrait recueillir, l’anticipation est évidemment un prérequis stratégique, mais personne n’est capable d’anticiper un bad buzz de grande ampleur. Cependant, nous pouvons tous apprendre les bonnes manières de le gérer et intégrer les outils nécessaires, qui permettent pour la plupart de mesurer l’écho, les sentiments, et la propagation en temps réel d’un buzz. Une arme efficace pour le communicant en période de crise…

Il est aussi très important de rappeler qu’un bad buzz découle le plus souvent d’une erreur commise par la marque elle-même. Celle-ci peut avoir lieu en ligne ou avoir été révélée par le biais de messages émis en ligne par un.e client.e (le cas #UnitedAirlines en est un bon exemple : la vidéo virale provenait du smartphone d’un passager…). Dans de tels cas, l’anticipation ne réduit hélas pas le risque. Enfin, je suis de ceux qui pensent que la somme des opportunités est supérieure aux risques réputationnels en ligne. Une bonne réputation se construit en effet dans la durée… ainsi que je l’ai déjà dit avec Mounira Hamdi dans notre ouvrage « Bad buzz » écrit en 2013, qui commence certes à « vieillir » mais dont les grands principes et bonnes pratiques demeurent valides…

>> Le BrandNewsBlog : Au-delà des risques réputationnels que nous venons d’évoquer et bien que les entreprises n’aient jamais eu autant d’opportunités de rayonner auprès de leur public en temps réel, beaucoup de communicants et de dirigeants se disent encore réticents à l’exercice, refusant de se plier à une « tyrannie du temps réel » qu’ils dénoncent, à l’image d’un Emmnuel Macron souhaitant limiter au maximum en début de mandat les occasions de communication et la confrontation « live ». Mais cette posture est-elle encore tenable aujourd’hui ? La communication instantanée ne tend-elle pas à devenir tout simplement la modalité majeure de communication à l’heure des réseaux sociaux : une forme incontournable, et pas seulement dans l’évènementiel ?

Emmanuel Chila : La communication instantanée tend en effet à prendre de plus en plus de place et à faire de plus en plus « partie du paysage » de la communication pour les marques et les entreprises. Elle est à coup sûr un révélateur d’authenticité voire un accélérateur de proximité… Mais comme toute nouvelle pratique, elle se doit d’être comprise et utilisée à bon escient afin de maximiser son impact auprès de sa communauté. Les entreprises et les marques ne sont en aucun cas obligées de faire du live mais doivent plutôt réfléchir à l’opportunité et la meilleure manière d’utiliser la communication en temps réel pour servir leurs objectifs.

Pour exceller dans ce domaine, les entreprises et les marques doivent d’abord comprendre les codes, les formats, les besoins, les compétences nécessaires, les risques, la part de spontanéité et l’exigence d’authenticité que le live requiert. Ceci afin de changer leur manière de penser et de mettre toute la puissance de la communication en temps réel au service de sa communauté, de ses publics.

Paradoxalement, le temps court se travaille dans le temps long, et le véritable défi pour l’entreprise sera assurément de prendre conscience des efforts de préparation, d’édition, de conception, de promotion et d’animation à mettre en œuvre pour réussir sa communication en temps réel. Le tout en gardant toujours en tête un point essentiel : la valeur ajoutée de l’expérience pour sa communauté/ses publics.

>> Le BrandNewsBlog : Vous soulignez que la communication en temps réel repose en définitive sur 4 piliers : la data, la connaissance de la cible, la créativité et la mesure et que ces 4 piliers doivent être articulés pour capter l’attention, l’intérêt, le désir et l’adhésion du public. Pouvez-vous expliciter ces 4 piliers du live et nous dire pourquoi vous revisitez ainsi le modèle AIDA, en remplaçant le dernier « A » (pour « achat ») par le « A » de l’adhésion ? Est-ce à dire, à vous entendre, que le but premier de la communication en temps réel n’est pas de vendre ?

Emmanuel Chila : Connaître avec précision le profil et les attentes de son public reste évidemment le meilleur moyen de répondre à ces attentes et d’augmenter, grâce au live, l’engagement et le sentiment d’appartenance. La data y contribue car elle nous amène à mieux comprendre les désirs de notre audience et à pouvoir réagir en temps réel en proposant des contenus créatifs adaptés et personnalisés et en offrant en définitive le bon contenu au bon moment à la bonne personne.

La créativité permet quant à elle aux marques et aux entreprises de « sortir leur épingle du jeu » via le live. Par le biais de contenus innovants et disruptifs, elles doivent en effet réussir à capter l’attention d’un public désormais accablé d’informations à faible valeur ajoutée. Il ne s’agit pas seulement de proposer à son audience un contenu informatif ou promotionnel, mais une véritable expérience émotionnelle qui constituera un vrai levier d’engagement envers la marque.

En ce qui concerne la mesure, elle est évidemment essentielle. Evaluer l’impact de la communication en temps réel, être capable de diagnostiquer en direct (puis à froid) les réactions de sa communauté face aux contenus et aux dispositifs proposés, permet à la fois de confirmer ou d’infirmer très rapidement sa vision et surtout de réagir immédiatement en répondant en live aux attentes.

Chaque jour on en prend davantage conscience : les réseaux sociaux sont et resteront un espace “social” où la première monnaie que l’on puisse gagner réside dans l’engagement des internautes ! La vente est certes une finalité et une réalité pour nombre de marques sur les réseaux, mais celle-ci ne doit pas/ne peut pas constituer le leitmotiv d’une communication en temps réel. Si une vente est réalisée au final, celle-ci peut être considérée comme un « bénéfice collatéral » de la communication, venant récompenser la volonté réelle de la marque/de l’entreprise de créer du lien par une expérience unique en termes d’outils, de dispositifs et de contenus qui marquent l’esprit et le coeur de sa communauté.  

Dans notre vision du modèle A.I.D.A, le « A » d’Achat est en effet remplacé par « l’Adhésion » car nous sommes persuadés qu’avec le live “on n’oblige pas à” mais “on donne envie de”. L’engagement est en effet la plus belle monnaie d’adhésion dont une entreprise puisse rêver et la communication en temps réel, si elle intègre ce postulat, ne fera que lui donner davantage de valeur.

>> Le BrandNewsBlog : Après avoir été souvent des « funambules du temps réel », vous exhortez les professionnels de la com’ à devenir davantage des « dompteurs du live ». Cette maîtrise passe notamment par une curiosité sans cesse renouvelée des communicants vis-à-vis des nouvelles technologies, de nouvelles méthodes de travail (en mode test&learn notamment) et l’association et la collaboration étroite des trois fonctions que sont la veille social media, le community management et la création… A ce titre, une « dream team » dédiée au live devrait selon vous associer ces nouveaux métiers que sont notamment le social media analyst, le social media strategist, un directeur artistique et un concepteur social media (entre autres). Quelles sont les nouvelles expertises les plus déterminantes à intégrer dans les services communication ? Et faut-il encore s’attendre à l’émergence de nouvelles technologies du live, occasionnant une remise en cause perpétuelle désormais de nos métiers de communicants ?

Anthony Babkine : Chaque jour je constate à quel point nos métiers changent rapidement, avec des mutations profondes des modes de travail et de notre environnement. Transformation du paysage médiatique, émergence du numérique comme premier allié du communicant, diktats de la conversation et des médias sociaux, transformation des formats et de la temporalité… D’un côté le.la communicant.e doit maîtriser – a minima – les contours d’une bonne stratégie de présence numérique. Mais par ailleurs, il.elle doit aussi accompagner la transformation de son organisation à l’ère de l’IA, de la numérisation des services, etc…

Cependant et presque paradoxalement, la force d’une bonne idée/de la créativité n’ont pas beaucoup changé et demeurent intactes.

Au-délà des nouvelles technologies et des nouvelles compétences que nous présentons dans l’ouvrage, je pense que le communicant doit être une personne curieuse, avec un coup d’avance sur la connaissance de son environnement. Alors au-delà des nouvelles compétences techniques à mettre en place, je pense que le dircom actuel doit veiller à s’entourer d’une équipe hybride, multi-générationnelle et aux compétences stratégiques, opérationnelles et techniques éprouvées.

La crise illustre bien ce dilemme du communicant : vous aurez beau maîtriser toutes les plateformes de veille du marché, les réflexes de la bonne gestion d’une communication de crise n’ont pas beaucoup changé. Car l’humain et son savoir-faire priment encore avant toute technologie…

 

 

Notes et légendes :

(1) « La communication en temps réel », par Anthony Babkine et Emmanuel Chila, avec la collaboration de Marion Dubuc et Chloé Balleix, vient d’être publié aux éditions Eyrolles (Date de publication : octobre 2017).

>> Directeur du département Médias sociaux chez TBWA Corporate, Anthony Babkine est également chroniqueur pour BFM Business et l’émission Tech&Co. Il est fondateur et directeur pédagogique du MBA stratégies et communication digitale de l’IICP et particulièrement investi dans la thématique de la diversité des talents en France.

>> Fondateur de WAYTA, Emmanuel Chila est consultant en stratégie digitale et coach en prise de parole. Intervenant dans l’enseignement supérieur, il est également Coach TEDx et conférencier. Il intervient et forme de nombreuses entreprises et collectivités sur les questions numériques et l’appréhension du digital par les collaborateurs.

(2) Marion Dubuc est quant à elle Social Media Strategist chez Spintank et Chloé Balleix Social Media Strategist chez TBWA Corporate.

(3) Olivier Cimelière, Nicolas Vanderbiest, Pascale Azzria, Clément Pellerin, Emmanuel Leneuf, Camille Jourdain, Gaëtan Gabriel, Maxime Barbier, Adrien Rosier, Julien Carlier, Nathalie Badreau, Romain Saillet, Damien Douani, Alizée English, Bruno Fridlansky, Jean-Guillaume Santi, Aurély Cerise, Chloé Gattison, Cédric Cousseau, Cyrille Lavizari… sont par ailleurs les 20 experts qui ont accepté de livrer leur vision et donner leurs conseils dans le cadre de cet ouvrage.

 

Crédit photos et illustrations : 123RF, éditions Eyrolles, Anthony Babkine, Emmanuel Chila, The BrandNewsBlog 2017, X, DR.

 

 

Principe, bonnes pratiques et perpectives : où en est aujourd’hui le PERSONAL BRANDING ?

Popularisé sous ce nom il y a déjà une dizaine d’années, par plusieurs auteurs américains essentiellement*, le personal branding ou « marketing personnel » ou « marketing de soi-même » est longtemps demeuré relativement méconnu de ce côté-ci de l’Atlantique, malgré l’écho et le relai efficaces qu’il a trouvé auprès de quelques précurseurs francophones**…

D’abord décrié dans les sphères académiques, qui continuent d’en contester la rigueur conceptuelle et lui refusent le statut de nouvelle discipline du marketing ; récusé également par tous ceux qui y voient une « marchandisation de l’être humain », le personal branding a néanmoins continué son petit bonhomme de chemin et gagné de nouvelles lettres de noblesses avec l’émergence puis le développement sans précédent du web 2.0.

A l’heure où l’image que chacun renvoie de soi-même, de sa personnalité, son dynamisme et sa communication est devenue si importante, sur les réseaux sociaux notamment, l’intérêt voire la nécessité de travailler sur cette image et son identité personnelle et professionnelle, de valoriser sa personnalité et ses atouts, on-line et dans la vraie vie, ne font plus guère débat désormais.

De là à s’engager dans une démarche méthodique et réfléchie de construction d’une « marque personnelle », en respectant chacune des étapes préconisées par les experts du personal branding (travail sur soi, création de sa marque, communication…), il reste un pas que beaucoup n’osent franchir. Pour autant, les professionnels et décideurs qui, pour ce faire, font appel à des personal brander sont chaque jour plus nombreux, preuve d’un engouement croissant pour ces démarches.

Pour faire le point sur le développement de cette nouvelle discipline, dix ans après son émergence, et en évoquer les principaux enjeux, les bonnes pratiques et les perspectives, j’ai choisi d’interviewer ces grands experts du digital et du web 2.0 que sont Fadhila Brahimi¹, Anthony Babkine² et Alban Jarry³.

Qu’ils soient ici remerciés pour leur disponibilité et leurs éclairages indispensables sur le personal branding, mais également pour leurs recommandations à l’attention des collaborateurs, entreprises et dirigeants qui s’intéressent à ce sujet, aux synergies entre marques personnelles et marque employeur/marque corporate et qui souhaitent par exemple développer des démarches structurées de brand advocacy… Il trouveront ci-dessous de précieux conseils :-)

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Le BrandNewsBlog : Tout d’abord Fadhila, pourriez-vous nous donner votre définition du personal branding ? Qu’est-ce qui se cache derrière cet anglicisme et en quoi cela consiste ? Quel intérêt pour les lecteurs du BrandNewsBlog et pour tout internaute de connaître et maîtriser ce type de démarche ? Et y-a-t’il des profils ou des catégories professionnelles plus particulièrement concernés ?

Fadhila Brahimi : Le personal branding, c’est l’art de valoriser et faire reconnaître sa singularité au profit d’un projet individuel/collectif afin de provoquer des opportunités pour le développement de son activité.

Derrière cet anglicisme se cache le processus de création et de promotion d’une marque emprunté aux entreprises, que l’on va transposer à la personne en utilisant les techniques de développement personnel pour mieux se connaître et se présenter, ainsi que les techniques de communication et de marketing on- et offline pour se faire remarquer.

Le Saint graal du personal branding est in fine d’être recommandé pour son talent :

  • …parce que vous êtes LA personne qui vient tout de suite à l’esprit lorsque l’on pense à un savoir-faire et/ou un savoir être ;

  • …parce que vous êtes LA signature que l’on reconnaît derrière une production, une oeuvre;

  • …parce que vous êtes LA personne que l’on sollicite pour répondre à une problématique/situation particulière ;

  • …parce que vous êtes LA personne qui incarne les valeurs et la vision d’un projet.

Cela signifie en définitive que avez su marquer l’attention de votre réseau grâce à une communication cohérente et que ce dernier a confiance en votre expertise, estimée crédible.

Chacun peut s’approprier le personal branding pour l’adapter à ses propres objectifs (emploi, mobilité, entrepreunariat, répresentation, etc), en fonction de sa capacité et de sa volonté à se faire connaître. Certains vont juste avoir besoin de décrocher un emploi, d’autres d’accompagner le développement de leur entreprise, d’autres encore de dynamiser leur carrière… Nous sommes tous uniques. Nous avons tous un talent à cultiver. Nous aspirons tous à suivre notre propre étoile… Nous savons également que nous devons nous « armer » pour pouvoir rebondir en cas de changement de vie personnelle et/ou professionnelle. Et que, sans réseau et sans réputation numérique positive, les opportunités s’amenuisent…

En revanche, nous n’aspirons pas tous à devenir célèbre, populaire, ou « influenceur » bien sûr.

A minima, le personal branding vous servira donc à vous connaître, à concevoir une stratégie pour atteindre vos objectifs et à vous présenter efficacement lors d’un entretien, sur vos documents écrits (CV, carte de visite, etc) et sur vos profils sociaux professionnels (LinkedIn, Twitter…)

Utilisé de manière optimale, au maximum des opportunités qu’il offre, le personal branding vous permettra de devenir une référence incontournable dans votre secteur d’activité et/ou au sein de votre entreprise avec une forte notoriété (conférence, ouvrage, interview, etc).  Le personal branding pourra également renforcer votre capacité à mobiliser des acteurs autour d’un projet. Pour un(e) Dirigeant(e)/Président(e)/Directeur(trice), c’est votre posture d’éclaireur, d’évangéliste et de leader d’opinion (tant attendue par les collaborateurs et les autres parties prenantes : voir le tableau ci-dessous) qui s’en trouvera aussi renforcée.

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Le BrandNewsBlog : Le personal branding a longtemps souffert d’une relative incompréhension voire d’une mauvaise image. Entre ceux qui ne savent pas ce que cela recouvre, ceux qui refusent catégoriquement à ces démarches le statut de nouvelle discipline (le terme ne figure dans quasiment aucun dictionnaire de marketing, par exemple) et ceux qui dénoncent la futilité du développement de la marque personnelle, en parlant notamment de personal « branling », les résistances ont été parfois fortes… La première ambiguïté ne vient-elle de l’utilisation du terme de « branding » et justement de cette assimilation de la gestion de la marque personnelle à la gestion d’une marque traditionnelle ? Le marketing de soi et le marketing d’une entreprise ne sont-ils pas pourtant fondamentalement différents ?

Fadhila Brahimi : Lorsqu’une idée nouvelle se présente, elle génère toujours des interrogations, des résistances, des emballements et des amalgames… C’est d’autant plus vrai lorsqu’elle touche à l’intériorité et aux « tabous » collectivement admis. Le principe même qu’une personne puisse s’approprier les attributs affectés à un produit ou à un service a parfois été ressenti comme une marchandisation de la personne, alors que nous savons tous que, dans le cadre d’un entretien de recrutement, d’une présentation commerciale ou d’un rendez-vous de networking, l’objet de l’attention se porte sur notre attitude, notre comportement et notre force de conviction dès les premières minutes… Donc notre personnalité, la manière dont nous argumentons et le choix des mots ont nécessairement un impact positif ou négatif.

Le branding n’est pas la propriété unique de l’entreprise : c’est une logique d’action qui vise à positionner une marque dans l’esprit d’un individu. Si vous cherchez à marquer l’esprit de votre interlocuteur pour qu’il se souvienne de vous, vous êtes déjà dans une logique de branding

L’intérêt fondamental du personal branding ne réside pas tant dans sa logique d’action que dans les racines de la marque, l’objectif poursuivi et la manière dont vous le traduisez.

Le terme de “branling” a en effet été associé à des attitudes perçues comme egocentrées, visant à tout bout de champ à attirer la lumière des projecteurs pour se faire « mousser »… Nous parlons ici essentiellement de « ressentis », dans un pays où, dans la conscience collective, il faut vivre caché pour vivre heureux et où il n’est pas de bon ton d’afficher une forme de réussite, voire insupportable d’avoir une tête qui dépasse…

Ceci dit, j’ai aussi remarqué que beaucoup pratiquaient le personal branding sans autre projet que d’être aimé par leurs fans en croyant qu’une présence (hyper) active sur les médias sociaux suffisait à construire une marque. Raison pour laquelle j’insiste toujours sur l’importance d’avoir un projet de vie personnelle et de vie professionnelle, même sous forme de rêve, ainsi qu’une virtualité effective.

Bien évidemment, le personal branding n’est pas nouveau. Longtemps, il n’a tout simplement pas été reconnu en tant qu’usage. Les artistes et les journalistes par exemple ont toujours eu conscience de la nécessité de se démarquer en peaufinant leur style. Ainsi, l’acteur Bourvil avait façonné son personnage de comique-paysan en puisant dans ses racines familiales et en cultivant le talent que l’on lui reconnaissait.

La nouveauté réside dans les évolutions sociétales : la concurrence qui entraîne une compétition et une nécessaire employabilité, l’expansion des outils de communication qui nous transforment tous en médias avec l’obligation de gérer notre image en ligne…

Pourquoi serait-il improbable ou scandaleux que le personal branding s’inspire du marketing de l’entreprise alors que l’entreprise s’inspire des attributs humains, en cultivant notamment l’art de la conversation sur les médias sociaux ?

En 1992, Jean-Noël Kapferer analysait l’identité des marques d’entreprise sous le prisme de l’identité humaine (le physique, la personnalité, la culture, la relation, le reflet et la mentalisation : voir le schéma ci-dessous). Aujourd’hui, l’identité humaine s’approprie les techniques des entreprises pour construire sa propre marque.

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Le BrandNewsBlog : Ainsi que je le disais en introduction, de l’eau a coulé sous les ponts du web 2.0 depuis la parution de votre premier ouvrage sur le sujet¹. Et il semble notamment que la nécessité de la gestion de la réputation et de l’image personnelle sur Internet soit aujourd’hui beaucoup plus largement admise et ne fasse plus guère débat, les internautes et socionautes ayant beaucoup mûri sur ces questions… Pour autant, pour la précurseur que vous êtes sur ces sujets, assimiler gestion de sa réputation 2.0 et personal branding n’est-il pas réducteur ? A notre époque, le management de la marque personnelle existe-t-il vraiment en dehors de notre présence en ligne ?

Fadhila Brahimi :  Comme on l’a vu à l’instant, il n’est pas aisé de définir le personal branding. Ceux et celles qui entrent dans de telles démarches expriment plus souvent un résultat attendu (“avoir plus de client”, “se faire démarcher”, “être reconnu(e) en tant qu’expert(e)”) ou une crainte (“se distinguer des homonymes”, “ne pas passer pour un(e) has-been”, “réparer des erreurs en ligne”) plutôt qu’une véritable démarche de développement personnel (“J’ai besoin d’aligner ma communication à mes valeurs”). La e-réputation est bien sûr l’une des composantes du personal branding, dans la partie visible de l’iceberg. C’est une discipline inhérente au travail autour de la gestion de l’image et de la communication digitale de la marque personnelle. Il serait néanmoins incomplet de résumer le personal branding à un score d’audience sur les médias sociaux. Il reste en effet essentiel dans notre société latine de cultiver le visuel, les rencontres dans la vie physique et les échanges autour d’un café pour consolider des relations.

Au fil des années, de nombreux professionnels ont embrassé cette discipline en exploitant consciemment et/ou inconsciemment qu’un seul versant de cette méthode : soit en limitant le personal branding à une présence en ligne justement (objectif de visibilité) au détriment du sens et de la profondeur ; soit au contraire en niant l’importance de l’identité numérique.

Limiter le personal branding à des publications en ligne (même en démultipliant les supports) ou à une démarche introspective, cela revient de facto à ignorer toute la complexité de la notion d’image, qui comprend nécessaire trois facettes complémentaires :

  • « l’image vraie » : ce que nous sommes réellement sans les fioritures du marketing, et de la bienséance ;

  • « l’image voulue » : ce que nous aimerions être et laisser transparaître ;

  • « l’image perçue » : ce que nous renvoyons aux autres et la manière dont ils nous perçoivent à travers notre attitude, nos comportements, notre empreinte numérique (réputation/eréputation), etc.

fadhila_brahimi-quote1Le BrandNewsBlog : Au fil de vos différents ouvrages, vous défendez évidemment une conception et une méthodologie bien précises du personal branding, qui exploite à la fois des recettes du marketing et du e-branding et certains des fondamentaux du coaching. Pourriez-vous nous rappeller en quoi consiste exactement une démarche individuelle de personal branding, telle que vous la recommandez ? Par où une personne désireuse de développer sa marque personnelle doit-elle commencer et quelles sont les grandes étapes à ne pas manquer ?

Fadhila Brahimi : Dans mon adaptation du livre “Me 2.0” de Dan Schawbel, j’ai transposé les exemples et les explications au public français, tout en respectant la structure du processus. Ainsi, pour celles et ceux qui souhaitent initier ou renouveler leur marque personnelle, je recommande une méthode en quatre étapes :

  • Première étape : découvrir sa marque. Ce premier pas vous invite à travailler sur vous-même afin de trouver les clefs de votre singularité. Il s’agit d’analyser  vos qualités personnelles, vos valeurs, à travers vos différentes expériences de vie, vos atouts et votre environnement (concurrents compris). En utilisant la grille d’analyse SWOT – forces (strengths), faiblesses (weaknesses), opportunités (opportunities) et menaces (threats) – puis en formalisant votre projet professionnel, vous apprendrez d’abord à vous situer et à vous projeter.

  • Deuxième étape : créer sa marque. Pour communiquer, il vous faut une « boîte à outils » composée d’une photo professionnelle, d’une bio, d’une promesse et d’un press book compilant vos réalisations et contenant des recommandations ou des références. Cette étape doit tenir compte du fait que votre personal branding se déploiera on- et off line. Ainsi, l’appartenance à des communautés en ligne, ou bien une participation à des soirées de networking, des salons, des  forums ou des think tanks sont tout aussi importants que les publications sur les réseaux sociaux… A ce stade, vous pourrez déterminer vos territoires d’expression ainsi que les outils adaptés à votre personnalité, votre cible et votre projet (logo, blog, réseaux sociaux, etc).

  • Troisième étape : communiquer autour de sa marque. Vous êtes en quelque sorte votre propre chargé de relations publiques. Soignez votre carte de visite et vos signatures e-mail. Manifestez-vous sur les médias sociaux et sur les blogs pour affirmer vos domaines d’expertise afin de vous faire repérer par les médias. En somme : suscitez l’envie que l’on vous cite et vous recommande. Pourquoi pas en créant votre propre événement, un ouvrage, une chaîne tv !

  • Quatrième étape : entretenir sa marque. Votre identité numérique est vivante. Elle est alimentée par vous et par les internautes qui interagissent avec vous. A ce stade, vous devez vous armer d’outils de gestion de tableau de bord et connaître des principes de base du référencement naturel (Search Engine Optimisation) pour amadouer les algorithmes d’autorité sociale… Vous devez également apprendre à protéger vos données, à paramétrer des outils de veille  et à animer vos profils pour générer de l’engagement, afin d’obtenir des recommandations.

Le BrandNewsBlog : Certains de vos confrères et consœurs insistent beaucoup sur les étapes amont : introspection, connaissance de soi voire prise de confiance pour être capable de déterminer d’abord son identité et son projet personnel… Ils s’appuient pour se faire sur des bagages et méthodologies souvent très variés : tests de personnalité, auto-analyse, voire relooking… Ces étapes de retour sur soi sont-elles si importantes et quelle différence avec les autres formes d’accompagnements personnels qui existent, de la psychanalyse au coaching en passant par le bilan de compétence ?… Le personal branding trop « psychologisant » tel qu’il est prescrit par certains « gourous » du développement personnel n’a-t-il pas fait du tort aux coachs et aux véritables conseils en développement de la marque personnelle  ?

Fadhila Brahimi : Le personal branding n’est puissant que lorsque l’intéressé commence par appliquer ce principe : “Connais toi, toi même”. En se jetant sur les médias sociaux  sans passer par cette étape, vous risquez de vous éparpiller et de vous épuiser à développer une audience sans avoir de retour constructif. L’étape d’introspection propre au développement personnel a le mérite de vous aider à verbaliser ce qui vous rend unique afin vous projeter dans une dynamique d’action. Un travail long et parfois fastidieux car il paraît futile et abstrait, alors qu’il est en fait la « racine de l’arbre ».

Faire l’impasse sur le sens que l’on donne à sa présence numérique crée en effet de l’ambiguïté.

Les tests de personnalité ne sont utiles que dans le cadre d’une maïeutique : les résultats seuls ne vous aideront pas à faire émerger la solution qui est en vous. Il n’est pas facile de parler de soi. Tout comme il n’est pas facile de faire le tri entre ses croyances limitantes, ses préjugés, ses envies et son potentiel…

Mais attention à ne pas s’égarer : le développement personnel sert à connaître son potentiel et à trouver les clefs permettant de se rendre en quelque sorte « un étage plus haut ». Il ne s’agit pas d’une thérapie utile pour ranger et soigner sa « cave intérieure » (objectif de soin).

En revanche, il est nécessaire de savoir si vous êtes plus à l’aise à l’écrit, à l’oral, en dessin… pour choisir le média approprié. Et il est essentiel de connaître vos valeurs pour trouver votre place au sein d’un réseau… Les femmes ont souvent du mal à choisir les bons mots pour valoriser leurs expériences professionnelles ; les personnes qui ont un parcours fragmenté/varié expriment des difficultés à donner du sens à leur bio ; les entrepreneurs se questionnent régulièrement sur la meilleure stratégie à adopter pour faire vivre simultanément leur marque personnelle et la marque de leur entreprise ; les leaders en entreprise ont besoin de clarifier leur positionnement (comment incarner la marque de l’entreprise tout en gardant leur « patte » ?). Quant aux dirigeants, ils doivent apprendre à sortir du langage « corporate » en osant l’imparfait, la spontanéité, l’émotion…

Ce travail de positionnement entraîne en général un changement intérieur qui va déclencher des désirs de changement et des révélations qui peuvent notamment s’extérioriser par un changement de look, une libération de la parole…

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Le BrandNewsBlog : Alban, vous êtes quant à vous un expert dans les domaines de l’assurance et de la communication 2.0 des entreprises et des collaborateurs. Vous incarnez un très bel exemple de personal branding réussi, puisque vous avez su utiliser toutes les ressources du web et des plateformes sociales notamment pour faire connaître vos expertises et accélérer, il y a de cela quelques années, une réorientation professionnelle. Pouvez-vous nous parler de cette expérience et nous dire quand et comment vous est venue au départ cette idée d’utiliser le web pour faciliter votre évolution de carrière ?

Alban Jarry : Comme beaucoup de monde, j’ai découvert et appris le personal branding numérique en le pratiquant involontairement. Comme le faisait remarquer à l’instant Fadhila, la notion de marque personnelle existait depuis longtemps dans le monde professionnel sans que le terme « personal branding » n’ait été vraiment utilisé. Beaucoup de professionnels, d’experts, des conférenciers, étaient connus et entraient probablement déjà dans les critères actuels en étant visibles dans les supports traditionnels des médias ou en intervenant régulièrement devant un public. Le numérique a ouvert des possibilités complémentaires en démocratisant cette notion où tout le monde devient acteur de son personal branding, où tout le monde peut gérer plus ou moins activement son image. Il n’est pas nécessaire selon moi d’être communicant ou marketeur pour commencer à faire du personal branding numérique : il suffit juste d’apprendre à utiliser quelques plateformes gratuites et accessibles en quelques clics.

Me concernant, la première phase a consisté à créer un profil LinkedIn qui, via sa CVthèque, propose à chaque utilisateur de gérer sa « vitrine numérique ». Très rapidement, j’ai utilisé l’outil de diffusion des actualités en y partageant des articles qui renvoyaient vers des thèmes autour de mes compétences. LinkedIn ne conservant les actualités que quelques jours, j’ai ouvert un blog servant de support à cette curation. A l’époque, d’autres outils plus simples devaient exister pour faire de la curation, mais une fois que le blog WordPress fut créé, il était malheureusement trop tard pour moi pour changer, ce qui m’aurait pourtant simplifié la vie. J’utilise toujours ce blog pour faire de la curation.

A partir de février 2012, j’ai commencé à publier les supports d’interventions en conférences (sur SlideShare) car je pars du principe que dès lors qu’une information est devenue publique il n’y aucune raison de ne pas la diffuser plus largement. Puis, est venu Twitter, où j’ai découvert progressivement des personnes formidables et les vastes possibilités de partage de l’information. Cette plateforme permet de s’éveiller très simplement à l’innovation et d’agir en mode collaboratif, notamment grâce aux Direct Messages (DM) que nous utilisons pour les communautés #i4emploi ou #612rencontres, comme le fait excellemment Emmanuelle Leneuf avec le #FlashTweet. La méthode a donc été empirique au départ et probablement facilitée par le fait que je venais de l’univers de l’informatique. Pendant 17 ans, j’ai en effet dirigé des projets notamment autour du numérique. Cette expérience  m’a permis sans aucun doute d’aller plus vite.

Etant à l’époque intégré dans un plan social, j’avais besoin de retrouver rapidement un travail. Ce fut le cas, à l’issue de ce plan, en quelques jours. Pour reboucher sur la complémentarité des canaux évoquée ci-dessus, je pense d’ailleurs que ce sont surtout la participation à des groupes de travail de l’AFG (Association Française de Gestion) ou du Club AMPERE, les interventions en conférence et les articles dans Les Echos qui m’ont permis d’accélérer cette recherche et de gagner en visibilité. En faisant partie depuis plusieurs années de groupes de travail dans les associations professionnelles et en y ayant des responsabilités, suffisamment de graines avaient été semées pour finalement que quelques-unes d’entre elles finissent par pousser.

A l’époque, les réseaux sociaux m’ont surtout permis de collecter de l’actualité, car ce sont de véritables mines d’or de ce côté-là. Aujourd’hui, je pense que les réseaux sociaux ont toujours un côté irréel (voir même « mythique ») dans le monde professionnel car il n’y a qu’une faible proportion des acteurs du monde professionnel qui y est présente activement. Par contre, depuis quatre 4 ans, ce monde, irréel et parallèle, ne cesse de se rapprocher du monde réel et pourra incontestablement y avoir un impact de plus en plus important sur nos carrières…

Le personal branding devrait par conséquent devenir une matière à part entière qu’il faudra maîtriser. Il me semble que progressivement il sera de plus en plus enseigné aux étudiants pour leur faciliter l’entrée dans le monde professionnel puis pour s’appuyer dessus pour progresser. Et les collaborateurs des entreprises aussi auront tout intérêt à y être formés.

Le BrandNewsBlog : En l’espace de deux années seulement Alban, vous avez su créer une présence en ligne assez remarquable, en vous appuyant sur différents ressorts et outils : votre blog, dont je recommande la lecture, un investissement particulièrement actif sur Twitter et Linkedin, la production et la diffusion de livres blancs sur les professionnels connectés, la publication d’article et de tribunes dans des médias en ligne de référence tels que Les Echos.fr ou la Harvard Business Review… Pouvez-vous nous dire quels ont été les facteurs clés de votre succès et quels sont vos secrets pour maintenir cette belle visibilité que vous avez sur le web aujourd’hui ? 

Alban Jarry : Dès la création de mon blog, il y a quatre ans, j’ai privilégié le mode de la curation d’informations sur ce support. En effet, j’ai eu la chance de pouvoir publier très rapidement pour des médias notamment pour La Nouvelle Revue de Géopolitique ou Le Cercle Les Echos. En conséquence, j’ai toujours proposé en priorité ces tribunes à des médias en ligne, ou papier, tout en indiquant sur mon blog que j’avais publié ces articles. Pourquoi ? Car la puissance des médias est toujours incroyable par rapport au numérique et à un blog. Le blog permet ensuite de diversifier les points d’entrée sur une information, c’est une sorte « d’entonnoir ».

Ensuite, Twitter et LinkedIn servent de relais à ces tribunes et amplifient ce fameux personal branding à mon sens. Ils démultiplient les points d’impacts. Ecrire des tribunes, publier, prend du temps, beaucoup de temps. Il serait donc dommage de se priver de ces moyens de communiquer numériquement avec des marques fabuleuses. Ces associations illustrent d’ailleurs la force que peuvent avoir le rapprochement entre des marques personnelles et des marques institutionnelles. Au cours de ces 4 dernières années, j’ai utilisé plusieurs outils différents. Certains ont marché, d’autre moins. Aujourd’hui, par manque de temps, je privilégie les plus efficaces dans l’univers professionnel que je côtoie : Twitter, LinkedIn, Slideshare et un peu Google+.

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Il faut cependant tenir compte du fait que ces sites peuvent disparaitre du jour au lendemain. Par exemple, il y a régulièrement des rumeurs autour de Twitter. Leurs modèles économiques sont plus ou moins stables. Il est donc primordial de ne pas trop s’attacher à un outil car il n’est qu’un moyen parmi tant d’autres. Un personal branding efficace repose donc sur une variété de supports et il faut toujours prévoir des solutions alternatives.

Pour maintenir une visibilité, il est nécessaire d’avoir une présence régulière qui peut s’assimiler à un marathon. D’autant plus que cette présence se matérialise tôt le matin et tard le soir en dehors des horaires de bureau. Au niveau des contenus, il faut oser et tout le temps essayer de trouver les limites du système. Dans les tribunes, je m’appuie souvent sur les citations ou des exemples. Je conseille la relecture du Petit Prince car Antoine de Saint Exupéry y avait décrit l’ensemble des caractères humains qui s’appliquent encore de nos jours dans l’univers numérique.

Le BrandNewsBlog : Pour arriver à ce résultat, grâce à vos publications en premier lieu, vous reconnaissiez récemment (dans cet article) avoir consacré beaucoup de temps à développer votre personal branding et encore aujourd’hui à maintenir une présence effective sur autant de supports et plateformes (blogs, réseaux sociaux, rubriques experts des sites d’information en ligne…). Pour nos lecteurs qui souhaiteraient renforcer leur image de marque et leur présence en ligne sans investir au départ autant de temps, par où commenceriez-vous de commencer ? Et quelles sont les 3 ou 4 principales erreurs à éviter ?

Alban Jarry : Le point de départ commence nécessairement par la création d’un profil de type CVthèque, par exemple dans LinkedIn. Ensuite, il faut utiliser ces outils pour y trouver de l’information. Pour cela, Twitter est indispensable car c’est une porte d’entrée vers toute l’actualité professionnelle (le fil AFP gratuit des professionnels en quelque sorte). Dans un troisième temps, il est possible de partager de l’information en utilisant sur les sites des revues ou médias les boutons de partage, c’est le plus simple. Puis dans une quatrième temps d’interagir sur ces plateformes par des messages courts. Très peu de personnes passent à l’étape suivante qui consiste à publier des articles et qui est l’étape la plus compliquée… Cette étape ne peut s’envisager que pour les personnes qui ont envie de tenter cette expérience car en publiant, l’exposition devient beaucoup plus importante et il faut savoir la gérer.

Il y a très peu d’erreurs à véritablement éviter dans ce monde. Les règles sont à peu près les mêmes que dans la « vraie vie », car ce sont des humains qui y interagissent. C’est en participant que l’on apprend les règles et qu’il est possible de progresser… Il n’y a selon moi aucun modèle unique d’utilisation de ces outils car beaucoup de voies sont encore défrichables. Tout cela peut encore s’assimiler au far west avec un écosystème qui progressivement s’auto régule. C’est un monde où il faut oser, essayer, ne pas avoir peur de se prendre les pieds dans le tapis. La seule règle incontournable est probablement de ne jamais répondre à des polémiques car l’expérience prouve que cela cela ne sert à rien.

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Le BrandNewsBlog : Anthony, comme Fadhila, vous conseillez quant à vous des entreprises et des P-DG dans le développement de leur image personnelle et de leur e-réputation. En quoi la marque personnelle d’un dirigeant est-elle aujourd’hui si importante pour lui… et pour son entreprise ? Et en quoi le personal branding de tout collaborateur, de manière générale, peut-il contribuer à valoriser le branding de l’entreprise ?

Anthony Babkine : Je fais partie d’une agence (TBWA\CORPORATE) qui croit profondément en la « brand advocacy » (ndlr : la parole des collaborateurs et autres ambassadeurs de la marque). Au point que notre Président, Emlyn Korengold, a pris pour habitude de dire qu’à l’heure des réseaux, ce que dit une entreprise a, chaque jour, moins de valeur que ce qu’on dit d’elle. 

En d’autres termes, il ne s’agit plus de savoir si les présences numériques d’une entreprise sont plus ou moins stratégiques que celles de ses dirigeants ou des collaborateurs : il s’agit de prendre conscience qu’elles sont indissociables et toutes aussi importantes les unes que les autres !

En ce sens, les prises de parole des collaborateurs, décideurs et la communication corporate d’une entreprise se doivent aujourd’hui d’être synchronisées… Le tout en tachant d’être les plus pertinentes, authentiques et cohérentes possibles.

La présence en ligne d’un patron, d’une marque et des collaborateurs peuvent ainsi avoir la même ambition pour un Directeur de la communication :

  • renforcer l’incarnation de l’entreprise,
  • humaniser l’entreprise/ lui donner un visage,
  • démultiplier la puissance de frappe de ses prises de parole,
  • permettre à des futurs clients/ collaborateurs de mieux se projeter,
  • échanger/ partager avec les différentes parties-prenantes de l’entreprise

Bref : il s’agit de permettre à l’entreprise de ne plus parler d’elle même, mais de donner l’occasion à des centaines, milliers (en fonction de la taille de la structure) d’individus de porter sa communication, ses valeurs, ses compétences… auprès de différents publics.

Le BrandNewsBlog : Les entreprises cherchent de plus en plus à associer leurs collaborateurs au développement de leur image sur Internet, en développant des réseaux de « salariés ambassadeurs » notamment. Certaines, comme Orange, La Poste, Generali ou encore PVCI ont développé des programmes internes dédiés pour pousser leurs salariés à être actifs sur les réseaux, à développer leur personal branding et à parler de l’entreprise ? Quels sont à votre avis les facteurs clés de succès de ce type de démarches et leurs risques éventuels ? 

Anthony Babkine : Construire un réseau d’ambassadeurs, c’est croire en la force du collaboratif et du collectif pour incarner sa communication et porter ses valeurs/expertises. Peu d’entreprises françaises ont réussi à prendre relativement tôt ce virage sur les média sociaux. Pourtant, à beaucoup d’égards, cette stratégie est payante… autant pour la marque employeur que pour l’attractivité de l’entreprise et l’incarnation humaine/des expertises et singularités de l’entreprise.

De manière très concrète, la réussite et le déploiement efficace d’un réseau d’ambassadeurs dépendent souvent du fait que l’entreprise :

  • monte des programmes d’acculturation au numérique (acculturation qui concerne les employés à tous les étages),
  • intègre des ‘digital gourous’ dans l’entreprise (ces pionniers, talents et acteurs du web qui donnent l’impulsion au service du collectif),
  • montre l’exemple grâce à l’impulsion donnée par des décideurs clés en interne (P-DG, Dircom, DRH…)
  • se prononce de manière claire sur le fait de donner une part de voix réelle à ses collaborateurs (longtemps les média sociaux ont été bannis et parfois interdits dans l’entreprise. Aujourd’hui la tendance est à la pédagogie… On avance !),
  • souhaite démultiplier son approche conversationnelle (la fin du « one-to-all » et le début du « one-to-one »),
  • valorise les professionnels les plus impliqués dans cette démarche (programme interne, rencontres, récompenses, interviews etc.)

anthonybabkinequote2Le seul risque que j’identifie vraiment pour l’entreprise est de déployer trop tardivement une stratégie d’employee advocacy… à l’heure où l’internaute voudra de moins en moins parler avec la marque et davantage à ses ambassadeurs.

Le BrandNewsBlog : Beaucoup d’entreprises se montrent encore très réticentes par rapport à ce type d’initiatives et considèrent que le développement de la présence en ligne et du personal branding de leurs collaborateurs n’est pas de leur ressort, voire représente un risque important de les voir partir, car ils peuvent ensuite être « chassés » par des concurrents ou chercher à se « vendre » ailleurs. Que répondez-vous à ces objections et jusqu’où les DRH et services com’ des entreprises peuvent-ils aller en ce sens sans être trop intrusifs dans la vie et l’activité en ligne de leurs collaborateurs ? 

Anthony Babkine : À ces objections, je réponds souvent : « Allez-vous arrêtez de former vos salariés sous prétexte qu’ils seront trop qualifiés sur le marché et susceptibles d’être débauchés ? ». La présence numérique d’un collaborateur a autant à apporter à l’entreprise qu’au collaborateur lui-même… à l’instar d’un salarié auquel on accorde une formation. En ce sens, c’est « donnant-donnant ». Le contexte, les ambitions et règles de l’accompagnement de l’entreprise doivent être claires dès le départ vis-à-vis des collaborateurs.

Le BrandNewsBlog : Quand on est un dirigeant de société, j’imagine que les enjeux et peut-être même les méthodes de développement du personal branding ne sont pas tout à fait les mêmes que pour un collaborateur « lambda » ? Quelles sont les premières précautions ou règles à respecter et que dites vous aux P-DG qui ont déjà une idée de ce qu’ils veulent faire ou qui souhaitent par exemple ouvrir tout d’un coup leur propre compte Twitter, par exemple ? Pouvez-vous nous citer quelques exemples de dirigeants qui ont selon vous un personal branding efficace et quel est le secret de leur succès ?

Avant de « lancer » un patron sur les médias sociaux, je m’assure souvent qu’il soit accompagné dans cette démarche en interne… A vrai dire, un bon niveau de maturité dans l’entreprise et une grande bienveillance sont nécessairement requis. Certains décideurs découvrent parfois la puissance des médias sociaux en même temps qu’ils s’acculturent au web social.

Pour ma part, je suis particulièrement vigilant à un certain nombre de points et j’ai tendance à poser d’emblée les questions suivantes à mes interlocuteurs :

  • est-ce que le décideur qui souhaite se lancer sur les médias sociaux perçoit bien les enjeux de sa présence ? (cf. ci-dessous les principaux à mon sens)
  • Est-ce que ce même décideur est accompagné d’un(e) professionnel(le) capable de suivre, conseiller et alimenter sa présence numérique ? Il y a à mon sens aujourd’hui beaucoup de questions de fond sur le rôle du dirigeant dans sa propre incarnation… Par exemple : doit-il tweeter lui même ?… C’est son compte professionnel et il se doit de comprendre et être celui qui impulse la ligne éditoriale de son entreprise, donne le “La”, mais il doit aussi être épaulé pour faire vivre ses réseaux et les incarner avec brio !
  • Faire prendre conscience très tôt qu’une présence numérique se travaille dans la durée et aussi dans une logique de plan de rencontre physique.
  • Ancrer au coeur de la présence numérique du décideur les codes de la culture web, du live et de la conversation.

Les règles d’or d’un lancement ou d’une présence réussie ? Authenticité, intérêt pour le sujet, envie d’apprendre… La curiosité du décideur reste notre meilleur allié, car au final les médias sociaux ont aussi leur part ludique et de fraîcheur.

Avec mes équipes (je me permets de mentionner ici Chloé Balleix – Social Media Manager – qui est l’un des talents de TBWA\CORPORATE sur l’accompagnement des décideurs), nous passons beaucoup de temps à :

  • observer les bonnes pratiques de l’écosystème numérique du décideur,
  • comprendre son empreinte numérique,
  • analyser ses sujets de prédilection pour avoir une ligne éditoriale proche de ses attentes et possibilités…

… des étapes cruciales où nous avançons en tandem resserré avec le patron et ses conseillers/ executive assistants/ directions de communication.

anthonyquote1Par ailleurs, les méthodologies pour accompagner un patron peuvent parfois être les mêmes qu’un individu lambda (pédagogie, formation, accompagnement etc.). Mais les enjeux stratégiques de sa prise de parole/ présence numérique sont nécessairement bien différents de ses collaborateurs. Je pointerai plus particulièrement 3 enjeux fondamentaux :

  • Leadership : porter la fonction de dirigeant en incarnant son expertise sectorielle et ses grands chantiers / initiatives (exemple: l’engagement de l’entreprise dans sa transformation numérique, l’innovation, etc) ;
  • Influence & Business : toucher une audience influente et amplifier sa part de voix sur son secteur avec une portée le cas échéant internationale (journalistes, leaders d’opinions, blogueurs…)
  • Interne : fédérer les collaborateurs en bâtissant une présence forte pour créer une caisse de résonance au service de ses actions.

… Le tout en ayant la possibilité de mesurer évidemment la portée de ses actions et prises de parole autour de cette activité numérique. En somme, une action qualifiable et quantifiable (nombre de relais, nouveaux abonnés, influence des prises de parole, analyse sémantique/sentiments etc.…)

Voici ci-dessous quelques exemples de patrons qui maîtrisent particulièrement bien leur image et leurs prises de parole via les réseaux sociaux, et Twitter en particulier :

patrons

Le BrandNewsBlog : Fadhila, dans un article très intéressant publié il y a quelques semaines (à découvrir ici), vous évoquiez des perspectives plutôt radieuses pour cette discipline du personal branding, qui est promise selon vous à un bel avenir. Banalisation du recours à des personal branders ; développement du conseil et de l’accompagnement des collaborateurs en matière de personal branding ; émergence d’un Quotient de Conversation Sociale (QSC) parmi les critères de recrutement de certaines entreprises ; généralisation de la co-création et du co-branding entre les marques personnelles des salariés ambassadeurs et la marque employeur de leur entreprise, etc. Pourriez-vous nous en dire plus sur ces perspectives et les évolutions que vous sentez inéluctables d’ici 5 à 10 ans ?

Fadhila Brahimi : Ces 10 dernières années, j’ai perçu essentiellement trois grands changements…

  1. à la dimension « être acteur de sa vie », nous avons ajouté l’adage “tous média” ;

  2. à la démarche d’introspection (coaching) et de promotion de sa singularité (communication et marketing), nous avons dû intégrer les leviers de la communication d’influence dans le digital (portée, amplification, pertinence) ;

  3. aux techniques de référencement et à l’apprentissage de l’animation de ses profils sociaux professionnels se sont ajoutés les enjeux de l’analyse de la data (engagement, tonalité, viralité)…

La mission du “personal brander” (ce professionnel dont le métier consiste à accompagner ses clients dans une démarche de personal branding) n’est plus seulement d’être un agent du changement à un moment T mais d’être un accompagnateur d’un changement permanent avec des multi-compétences (développement personnel, communication et marketing, physical et média-training, audit et analyse de la data, droit à l’image, brand content, référencement…)

Parallèlement, l’individu a pris conscience que le travail sur son image est essentiel, même hors d’une période de challenge professionnel, et ce, dès l’école. Prendre soin de son image et de sa communication est devenu une activité dont il faut se préoccuper en permanence, à l’instar d’un bâtiment. La construction et l’entretien d’une maison ne sont jamais terminés : il faut toujours procéder à des travaux d’embellissement et de réparation.

Ces  5 dernières années, la demande des leaders a évolué et ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter un “accompagnement à durée indéterminée” afin de suivre l’évolution de leur présence en ligne (analyse des profils et de l’impact des publications), d’intégrer les nouveaux codes de communication et les nouveaux outils (ex : émoji, vidéo live), de sélectionner les influenceurs, les followers, de conseiller sur les réponses à apporter en cas d’interpellation ou de crise (spin doctors), de transmettre des suggestions d’articles, etc. Ils  utilisent ainsi le personal branding pour créer leur marque et la promouvoir mais également pour l’entretenir en temps réel et la renouveler en permamence.

Si quelques youtubers/instagramers/blogueurs ont su capitaliser sur leur audience en monnayant leur influence, peu ont conscience que leur identité numérique est un capital immatériel et social à chérir.

Les entreprises commencent à peine à comprendre l’intérêt d’accompagner des influenceurs et des ambassadeurs pour incarner la marque corporate en esquissant des programmes d’employee advocacy (ambassadeurs salariés) souvent basés sur un partage de veille (automation) mais sans avoir intégré les différents enjeux RH qui en découlent... Quid en effet de la valorisation de l’investissement individuel des salariés/collaborateurs sur les médias sociaux pour diffuser les opérations de communication de la marque ? Quid de la prise en compte du développement des compétences issues d’une pratique réussie des médias sociaux ? Quid du capital social créé par un networking efficace ?

De même, aux niveaux individuel et personnel : qui parmi nos lecteurs a déjà pensé à son testament numérique ? Qui a déjà délégué son trousseau numérique (procuration, login et mots de passe…) ? 

Récemment, j’ai accompagné la famille d’une personnalité publique décédée dont la vie numérique se poursuivait (modifications de sa page wikipédia, démentis, apport de preuves). Je suis certaine que nous sommes au début d’une extension de la discipline du personal branding, avec l’apparition de problématiques tout à fait nouvelles comme celle-ci, auxquelles nous n’avions encore jamais pensé.

Pour conclure, je dirai que je suis intimement convaincue que…

  1. … dans 10 ans, une grande majorité de leaders et de décideurs aura son personal brander !

  2. Le personal branding servira à accroître son “Quotient de Conversation Social », levier de négociation.

  3. Le personal branding sera intégré au processus RH comme un droit social.

  4. …Il permettra de devenir un véritable conso’acteur sociétal.

 

Notes et légendes :

* Le terme de personal branding est apparu pour la première fois en 1981 dans le livre The Battle for Your Mind des auteurs Al Ries et Jack Trout, avant d’être repris dans un autre ouvrage par Tom Peters. 

Parmi les auteurs de référence, on peut citer William Arruda, l’auteur en 2007 de « Career Distinction: Stand Out by Building Your Brand » et Dan Schawbel, dont l’ouvrage « Me 2.0: 4 Steps to Building Your Future », publié en 2010, a été transposé en Français par Fadhila Brahimi.

** En France, les précurseurs du personal branding ont été notamment Fadhila Brahimi, Thierry Do Espirito et Pascale Baumeister, tous trois auteurs d’ouvrages sur le sujet dans les années 2000.

(1) Entrepreneuse, fondatrice de sa société FB-Associés et précurseur du personal branding en France, Fadhila Brahimi est consultante et coach en e-réputation et communication d’influence. Chroniqueuse, conférencière et speaker TEDx, elle est notamment co-auteure avec Dan Schawbel de « Moi 2.0 – Devenez l’entrepreneur de votre vie grâce aux Personal Branding » aux Editions Leduc.

(2) Directeur du pôle Médias sociaux chez TBWA/CORPORATE, Anthony Babkine est également blogueur, co-fondateur et organisateur des conférences Labcom ; fondateur et directeur de la formation « MBA ESG/ IICP – Stratégie et Communication Digitale » et chroniqueur. Il est également auteur de « Réussir l’organisation d’un événement » aux éditions Eyrolles et co-auteur avec Mounira Hamdi de « Bien gérer sa réputation sur Internet » aux éditions Dunod et « Bad Buzz, gérer une crise sur les médias sociaux » également aux éditions Eyrolles.

(3) Directeur Solvency 2, ORSA et Risques stratégiques en Mutuelle jusqu’à aujourd’hui, Alban Jarry sera prochainement (à compter du mois de mars) Chief Digital Officer dans une entreprise du secteur de l’Asset Management. Intervenant à HEC et conférencier, Président Délégué et membre du Comité scientifique sur le Big Data et le Numérique de l’Ecole Polytechnique d’Assurances, auteur de nombreuses tribunes pour Forbes, Harvard Business Review, Les Echos, Revue Politique et Parlementaire, Nouvelle Revue de Géopolitique, Argus de l’Assurance, il a notamment été classé parmi les 15 Linkedin Top Voices de 2016, le TOP 15 des experts à suivre sur Twitter et le Top 5 des influenceurs B2B à suivre sur LinkedIn.

 

Crédit photos et illustrations : Christophe Averty pour la photo de Fadhila Brahimi ; Anthony Babkine ; Alban Jarry ; The BrandNewsBlog 2017.

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