Les 3 facteurs de succès des marques surperformantes… et les 5 recettes du marketing holistique

facteurs-clesIl y a quelques semaines, le cabinet Brandwatch¹ a eu la bonne idée d’interroger 16 experts du marketing et des médias sociaux pour leur demander leur avis sur les perspectives de leur discipline et sur les grandes innovations à venir dans les prochaines années².

Cette compilation (à découvrir ici) est intéressante à parcourir car, au-delà des points de vue qui s’y expriment et des différentes tendances mises en avant par les uns et les autres, les convergences sont (fort heureusement) nombreuses. Digitalisation encore accrue, exploitation des big data et personnalisation, importance des nouvelles plateformes et de leur maîtrise réactive, développement de l’inbound marketing et professionnalisation du marketing digital… les 16 experts consultés mentionnent tous, que ce soit comme concept central ou simple tendance, l’importance de l’expérience client, du marketing expérientiel et de la prise en compte des différents points de contact avec le client dans les stratégies des entreprises…

Cette préoccupation, vous le devinez, n’est évidemment pas pour me déplaire. D’autant que ma propre contribution à cette compilation³, aussi succincte soit-elle, mettait justement à l’honneur cette notion « d’expérience parfaite » sur laquelle je me propose de revenir aujourd’hui plus en détail, en exposant quelles en sont les composantes… et les facteurs clés de succès qui y contribuent.

Ce faisant, derrière le titre aguicheur du mon article, c’est tout simplement la recette d’un marketing nouveau, un marketing « holistique », que je me propose de vous livrer ci-dessous. « 3 facteurs clés de succès » pour « 5 bonnes recettes » : mettez vos tabliers et sortez les ingrédients, aujourd’hui on part en cuisine…

Profondeur d’analyse, brand purpose et expérience totale : les 3 facteurs clés de succès des marques « surperformantes »

Pour ceux qui n’auraient jamais entendu parler de cette initiative, l’étude mondiale Marketing 2020 ou M2020, lancée en 2010 par le cabinet Millward Brown Vermeer, en partenariat avec l’Association of National Advertisers, la World Federation of Advertisers, Spencer Stuart, le magazine « Forbes », MetrixLab et Adobe, est sans doute l’étude le leadership marketing la plus ambitieuse et la plus complète jamais réalisée.

Elle s’est appuyée dans un premier temps sur pas moins de 350 entretiens qualitatifs menés avec des P-DG, des directeurs marketing et des directeurs d’agence + une douzaine de tables rondes organisées avec des directeurs marketing dans des villes du monde entier. Et dans un deuxième temps, une étude quantitative approfondie a été réalisée auprès de 10 000 professionnels du marketing issus de 92 pays.

Les données recueillies portaient notamment sur les capacités des marketeurs dans les domaines des sciences analytiques et de la stratégie de marque ; sur les interactions transversales entre fonctions et à l’échelle internationale ; sur la formation des collaborateurs… et elles ont été recoupées très scrupuleusement avec des données micro-économiques des entreprises dont provenaient les participants interrogés (progression du chiffre d’affaires sur 3 ans, rentabilité, stratégie et modèle d’organisation, etc).

Les résultats, sans aucune ambiguïté ni contestation possible, ont permis de déterminer 3 grand facteurs clés de succès des entreprises et marques surperformantes à l’échelle mondiale… Ceux-ci sont respectivement : 1) la profondeur d’analyse et l’excellence dans l’exploitation des données clients ; 2) un positionnement chargé de sens offrant un triple bénéfice fonctionnel, émotionnel et sociétal ; 3) la capacité à proposer une « expérience totale », à tous les points de contact entre la marque et les clients.

1 > Big data et profondeur d’analyse des données clients : là où la plupart des entreprises et des marketeurs utilisent les données clients de manière très partielle et limitée, essentiellement pour mieux cibler leur message et leurs contenus de marque, les entreprises surperformantes étudiées ont trouvé les moyens de savoir ce que chaque consommateur fait, où et quand, mais aussi et surtout pourquoi il le fait. En décryptant les motivations essentielles qui animent chacune des typologies de consommateurs : désir de réussir, de trouver un(e) partenaire, d’avoir un enfant… ces entreprises se positionnent sur des « vérités humaines universelles », dont la compréhension et l’exploitation leur permet d’offrir à leurs clients des produits vraiment utiles et parfaitement adaptés.

C’est en identifiant de telles motivations chez les coureurs, en comprenant de manière approfondie les motivations qui les faisaient courir et en associant cette analyse à la manne de données recueillies que Nike a pu développer sa gamme Nike + de produits et de services de running et de fitness. Outre le suivi des itinéraires et des temps de course que permettaient déjà les premiers capteurs insérés dans les chaussures, Nike a très vite eu l’idée d’accompagner les sportifs en termes de motivation et de relier les utilisateurs de Nike + au travers de communautés d’amis au profil similaire, voire à des coachs. Les utilisateurs reçoivent ainsi des programmes d’entraînement parfaitement adaptés et se sentent récompensés pour leur performance grâce à la fonctionnalité de publication de leurs résultats sur les réseaux sociaux. C’est un parfait (et très connu) exemple d’exploitation réussie des données clients par une marque surperformante en ce domaine : Nike.

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2 > Un positionnement chargé de sens : là où la plupart des entreprises et des marketeurs ne joue finalement que sur une à deux des dimensions des marques : les bénéfices fonctionnels (ensemble des fonctionnalités pour lesquelles les consommateurs achètent une marque) voire les bénéfices émotionnels (manière dont le produit/la marque répond(ent) à des besoins d’ordre affectif), les marques surperformantes savent associer les 3 dimensions >> bénéfices fonctionnels + bénéfices émotionnels + bénéfices sociétaux (la mission sociale ou la finalité la plus civique de leur activité en somme).

Pour les lecteurs assidus de ce blog, vous savez à quel point que je suis attaché à cette notion (souvent résumée de manière réductrice sous l’expression « brand purpose »), qui consiste en réalité, pour la marque, à se doter d’un positionnement complet et chargé de sens, en identifiant une grande finalité ou mission sociale à servir. J’ai souvent évoqué, sur ce blog, la manière dont Danone était devenu un précurseur dans ce domaine, en se positionnant sur cette mission cohérente avec ses valeurs et sa culture de marque : « Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre ». De même, Unilever, avec son Sustainable Living Plan, qui définit (et surtout met vraiment en application) un certain nombre de principes pour une croissance durable, ou la marque de peinture Dulux, du groupe AkzoNobel, illustrent ce qu’un positionnement chargé de sens peut apporter à l’entreprise.

Depuis 2008, Dulux a ainsi entrepris de comprendre pourquoi les gens ressentaient le besoin de peindre et de mettre de la couleur dans leur vie et autour d’eux. En étudiant les motivations des ses clients et les grandes « vérités humaines universelles » auxquelles ces motivations se rattachaient, Dulux a compris qu’il ne vendait pas seulement de la peinture, mais véritablement de « l’optimisme en pôt ». L’entreprise s’est ainsi engagée, dans le monde entier, dans de grandes campagnes de dons de peinture et de mobilisation de volontaires (80% de ses salariés ont souhaité en faire partie) pour repeindre et revitaliser les quartiers urbains les plus défraîchis du monde (favelas de Rio, rues de Jodhpur en Inde…). Un engagement sociétal en parfaite adéquation avec ses contrats de marque transactionnel et relationnel…

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3 > Une expérience totale offerte aux clients : tandis que beaucoup de marques et de marketeurs ne jurent encore que par la « share of voice », c’est à dire essentiellement la part de voix / la visibilité que les investissements publicitaires leur ont permis d’acquérir, les entreprises et marques surperformantes considèrent déjà leur « part d’expérience » comme l’indicateur de mesure le plus déterminant et le plus important à suivre.

La conséquence ? Dans ces entreprises surperformantes, les marketeurs cherchent avant tout à associer leurs produits / services à une véritable expérience, valorisante et bénéfique pour le client. Et là où certaines de leurs concurrentes essaient « d’approfondir » la relation client en s’appuyant sur des études pour personnaliser davantage leur offre ; là où d’autres concurrentes cherchent plutôt à « élargir » cette relation par l’ajout de nouveaux points de contact avec le client, les marques surperformantes font les deux et veillent à proposer une « expérience totale » à leurs clients.

Dans cette quête gagnant-gagnant pour la marque et le consommateur, de nombreuses marques se sont déjà illustrées en offrant à leur client l’expérience la plus totale possible : dans le domaine du luxe (Burberry), dans la cosmétique (Sephora) ou bien dans le divertissement notamment (Disney et son concept « My Disney Expérience ») ont ainsi réussi à de différencier et fidéliser de manière innovante leurs clients.

Johnna Marcus, senior director for Sephora Innovation Lab, demonstrates the Sephora's Pocket Contour Class technology which which launches on Thursday, March 5, 2015.
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Connexion du marketing à la stratégie, inspiration des collaborateurs, concentration sur quelques priorités essentielles… : les recettes du marketing « holistique »

Au-delà de ce diagnostic sur les 3 facteurs clés de succès des marques surperformantes, l’étude Marketing2020 est d’autant plus précieuse qu’elle a permis d’identifier, de manière tout aussi limpide et scientifique, les 5 recettes d’un marketing efficace.

Certains de ces enseignements semblent couler de source, mais, considérés dans leur ensemble, ils sont encore appliqués par un trop petit nombre d’entreprises et de marques. Celles qui arrivent néanmoins à exceller sur ces différents critères se différencient assurément de leurs concurrentes par une performance et une efficience accrues.

On peut résumer ces 5 facteurs d’efficacité opérationnelle de la manière suivante : le marketing des marques surperformantes se distingue 1) par sa connexion à la stratégie et au reste de l’organisation ; 2) par le sens et la motivation qu’il inspire à tous les collaborateurs ; 3) par sa concentration sur quelques priorités essentielles ; 4) par la mise en place d’équipes agiles et transfonctionnelles ; 5) par la mise en oeuvre et la consolidation des moyens nécessaires à la réussite.

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1 – Une réelle connexion à la stratégie d’entreprise. Trop souvent, encore, dans les organisations les moins performantes, les équipes marketing ont tendance à travailler « en silo » en s’efforçant de remplir leurs propres objectifs de marque ou de marché (tel que le développement de la visibilité ou du capital de marque) et sans se soucier des résultats de cette politique sur la performance globale de la marque et sur la stratégie d’entreprise.

A contrario, toutes les études sérieuses sur le marketing, à commencer par cette initiative Marketing2020, prouvent que celui-ci est d’autant plus efficace que ces moyens et ses objectifs sont largement partagés dans l’entreprise… et étroitement connectés à la stratégie. Pour être à même de fournir cette « expérience parfaite » que j’évoquais ci-dessus, renseignée par la data et nourrie par le sens qu’incarne la marque, il est évident que tous les salariés de l’entreprise, depuis les employés des centres d’appels jusqu’aux patrons de business units doivent parler le même langage et partager une même vision. En ce sens, on parle de marketing « holistique » car les entreprises surperformantes ont compris depuis longtemps que le marketing était une chose bien trop importante pour être laissée aux seules mains des marketeurs professionnels. Ses objectifs et méthodes doivent être approuvés par la direction générale et largement communiqués et incarnés à tous les niveaux de l’organisation.

En ce sens, les meilleures organisations marketing sont incontestablement celles où les marketeurs ont réussi non seulement à créer un lien direct avec la direction générale, mais avec tous les autres services et fonctions. Et une des manières les plus courantes pour y arriver a souvent consisté, au sein de ces organisations surperformantes, à placer le marketing et d’autres fonctions sous la responsabilité d’un seul et même dirigeant. Ainsi, chez Motorola, le vice-président marketing dirige également le service informatique. De même, le directeur marketing d’Unilever est également à la tête de la communication et du développement durable de la marque, en charge de trois fonctions clés par conséquent.

2 – L’inspiration de tous les collaborateurs et leur contribution à la marque. Dans les organisations surperformantes, l’engagement et la motivation des salariés sont souvent directement ancrés dans une marque porteuse de sens et qui suscite le respect. Et il est évidemment bien plus facile d’impliquer clients et employés autour d’une marque exprimant des valeurs et un véritable « brand purpose » plutôt que pour une enseigne ou une entreprise axée uniquement sur l’atteinte d’objectifs commerciaux et financiers.

De ce point de vue, les marques surperformantes alliant à la fois bénéfices fonctionnels, émotionnels et sociétaux savent comme aucune autre motiver leurs collaborateurs autour de programmes fédérateurs tels que l’opération mondiale « Let’s colour the world » de Dulux. Dans de telles organisations, chaque collaborateur se sent dépositaire d’une partie de l’ADN de la marque et contribue activement à la marque et à sa mission sociétale, en prenant par exemple le pinceau pour aller aider les habitants des quartiers défavorisés à repeindre leurs bâtiments publics ou leurs maisons…

Au niveau organisationnel, les grandes marques superformantes savent aussi rassembler régulièrement tous leurs marketeurs et cadres pour partager régulièrement les bonnes pratiques marketing, comme le fait notamment Unilever dans le cadre d’évènements de communication interne et externe coordonnés à l’échelle mondiale et appelés « Grands moments ». Dans ces groupes, on n’hésite pas non plus à mesurer régulièrement le degré d’engagement des collaborateurs vis-à-vis de la marque en intégrant cet engagement dans leurs indicateurs de performance : Google évalue ainsi, chaque année, le degré de « Googliness » de chacun de ses collaborateurs dans le cadre des entretiens annuels. Et chez Zappos, il est connu que le Groupe offre même 3 000 dollars aux nouvelles recrues qui ne se sentent pas à l’aise et préfèrent quitter l’entreprise dès leur 4ème semaine !

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3 – La concentration autour d’un nombre réduit d’objectifs prioritaires. Pour ne pas se disperser, les marques surperformantes focalisent leurs efforts autours de quelques objectifs et messages clés. L’intégration de ces messages et objectifs au niveau local est assurée par des communications régulières et évaluée par des tableaux de bord clairs, partagés par l’ensemble des managers à l’échelle mondiale. 

Ainsi, chez Unilever comme PepsiCo, la cohérence et l’adéquation de tous les plans marketing locaux avec les objectifs globaux de la marque est mesurée régulièrement et fait l’objet de toutes les attentions, pour éviter les dépenses inutiles et la dispersion des talents et de l’énergie marketing.

Pour s’en assurer, les grands groupes et marques surperformantes n’hésitent pas à investir autant dans la communication interne et managériale qu’ils le font dans la communication externe.

4 – L’organisation de la souplesse : la capacité d’adaptation ne s’improvise pas. De nos jours, les organisations marketing doivent de plus en plus être capables de fonctionner efficacement à l’échelle mondiale, mais également de se montrer flexibles et de planifier en l’espace de quelques semaines des opérations complexes, voire de réagir dans l’immédiat pour profiter d’opportunités marketing ou de communication.

Cette souplesse est loin d’être facile à promouvoir et à favoriser, surtout au sein de groupes très structurés et de services marketing parfois organisés en véritables « bureaucraties de marque ».

C’est la raison pour laquelle, au sein des marques surperformantes, les organisations structurées selon des matrices complexes et rigides (dites en « arbre de Noël ») ont tendance à être remplacées par des organisation plus souples, en réseaux. Celles-ci sont caractérisées par des rôles flexibles, des responsabilités évolutives et des processus de validation plus souples. Et tandis que partout, les profils de marketeurs généralistes ont tendance à se raréfier, peu à peu remplacés par des profils plus spécialisés, dans les différentes disciplines du digital notamment le principal savoir-faire des marques surperformantes en matière de marketing consiste d’abord à distribuer les rôles de manière plus souple. Il est ainsi possible de définir par exemple, dans ces organisations en réseau, des « orchestrateurs » chargés d’animer des groupes de travail interdisciplinaires rassemblant aussi bien des « marketeurs de la réflexion » (data scientists, chargés d’études), que des « marketeurs de l’émotion » (experts de la relation client) et des marketeurs de l’action (concepteurs multimédia, rédacteurs, content marketers…). C’est ainsi que NikeRed Bull ou Tesla motors ont quasiment institutionnalisé le travail en équipes pluridisciplinaires dans leurs processus ces dernières années.

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5 – La mise en oeuvre et la consolidation des moyens nécessaires à la réussite. Critère essentiel dans la pérennité de leurs succès, les marques surperformantes veillent à ne jamais surestimer leurs capacités. Conscientes de leurs lacunes et surtout des évolutions rapides de leur marché, elles mettent avant tout l’accent sur la formation de leurs managers et de leurs employés… et ne lésinent pas sur les moyens en ce domaine.

Au-delà des savoir-faire dans les bases traditionnelles du marketing et de la communication (connaissance des études de marché et de la concurrence, média-planning, grandes techniques de la communication…) de plus en plus d’organisations mettent en place leur propres cursus marketing et veillent à former à l’esprit et aux méthodes « maison » tout nouvel arrivant.

C’est ainsi que Coca-ColaUnilever ou Shisheido ont investi beaucoup d’argent dans des centres internes de formation en marketing destinés à élaborer un langage et une approche marketing homogène à travers leurs différentes filiales, à l’échelle mondiale. Immersion régulière des cadres et des employés dans des parties de l’entreprise qu’ils maîtrisent mal ou ne connaissent pas, reverse mentoring entre salariés plus âgés et digital natives pour l’acculturation des premiers au digital… La formation est une des clés de la performance durable et fait la différence entre les organisations sous-performantes et celles capables de s’adapter régulièrement à la nouvelle donne de leurs marchés…

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Notes et légendes :

(1) Brandwatch est une entreprise spécialisée dans la social media intelligence, qui propose notamment des solutions de social media monitoring : voir son site ici.

(2) Article « #AskTheExperts – 16 tendances marketing des années à venir » – par Mélanie Corolleur, 14 septembre 2016

(3) Contribution « Une expérience parfaite » dans l’article « #AskTheExperts – 16 tendances marketing des années à venir »

Crédits photos : 123RF, Nike, Dulux, Sephora, X, DR

Comments

  1. pertinent comme article, qui montre bien le travail poussé entrepris par les grandes marques pour assurer leur succès..

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