Quelle organisation pour les services com’ à l’heure de la transformation digitale ?

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En voilà une intéressante question ! Et qui turlupine tant de directrices et de directeurs communication en ce moment…

Il faut dire – et cela ne vous aura pas échappé – que la fonction com’ est en pleine mutation depuis la révolution numérique et le développement du web 2.0. Et il ne se passe pas une semaine sans qu’on lise ici ou là quelque brillant article résumant les nouveaux défis auxquels sont confrontés les communicants (voir ci-dessous¹ ma sélection 2015 des must read sur le sujet).

Petit rafraîchissement de mémoire pour ceux à qui cela aurait échappé : d’une posture conventionnelle d’émetteurs et de « contrôleurs » des messages de l’entreprise, les pros de la com’ ont vu leur rôle évoluer pour devenir à la fois intégrateurs de compétences, chefs d’orchestre, conseillers image de leurs dirigeants et de leurs clients internes, vigies et généraux ès-réputation et stratégies d’influence, experts en accompagnement de la transformation digitale… entre autres.

Une montée en responsabilités et en grade qui s’est accompagnée pour beaucoup de dircom (mais pas tous/toutes) d’une accession aux organes de direction de leur entreprise, tandis que les questions de coordination des talents et d’organisation de la com’ sont devenues cruciales. Comment en effet, à budgets com’ constants voire inférieurs, imaginer des organigrammes et des modes de fonctionnement efficients pour répondre aux nouveaux enjeux des entreprises ? Comment en particulier faire face à la multiplication des publics en leur adressant les bons contenus ? Avec quel moyen toucher les parties prenantes, les engager, susciter et pérenniser la conversation, etc ?

Entre brand newsroom, guichets de com’ et PPP (priorité parties prenantes), le BrandNewsBlog vous présente aujourd’hui les principaux schémas organisationnels imaginés par les entreprises pour répondre à ces nouveaux défis, assortis pour chacun de leurs avantages et leurs limites. Comme toujours, on notera que la réalité de beaucoup d’entreprises est « hybride ». Une majorité d’organisations reste en effet fidèle à des modèles mixtes d’organisation de leur service com’, encore tiraillées qu’elles sont entre ses différentes missions et la nature éminemment variée des objectifs à atteindre².

La question de l’organisation : un enjeu central pour les directions de la com’ 2.0

Quel que soit le bout par lequel on prend la transformation digitale des organisations, force est de reconnaître que la direction de la communication est une des plus impactées par les changements à mettre en œuvre, quand il ne lui revient pas directement de les orchestrer.

« Historiquement, le directeur de la communication était celui qui maîtrisait, en la contrôlant, la communication de l’entreprise en tant qu’émetteur vers ses cibles institutionnelles » rappelait encore récemment Eric Maillard, directeur général d’Ogilvy PR. Or, ce rôle a été en grande partie bouleversé par le développement du digital. « Non pas que celui-ci ait changé la nature du travail des dircom – qui est d’entrer en conversation auprès de différentes communautés pour les convaincre, sur le mode du dialogue et de l’interaction – mais il a accéléré le temps et donné plus de puissance aux messages et aux réactions ».

Ainsi, une nouvelle réalité connectée s’est progressivement imposée aux communicants : ceux-ci ne sont plus les propriétaires exclusifs de la communication externe (ni de la communication interne d’ailleurs), deux tiers des contenus concernant l’entreprise étant désormais produites par des personnes externes aux directions des entreprises (à commencer par les salariés eux -mêmes).

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Dans ce changement de paradigme, la capacité à penser multicanal, à concevoir des contenus diversifiés et engageants pour des publics de plus en plus variés, à nouer la conversation avec les différentes parties prenantes de l’organisation… devient déterminante. Et il revient désormais aux communicants la triple responsabilité de rester garants d’une certaine stabilité des messages, mais également de veiller à la réputation à moyen et long termes, tout en étant suffisamment agiles pour gérer les crises, les opportunités et les impératifs du temps court.

Vigies ès problématiques de réputation, intégrateurs des expertises en place (médias, RP, community management…) et d’expertises nouvelles (gestion du changement, data analyse…), chefs d’orchestre des prises de parole de l’entreprise, éclaireurs, aiguillons, têtes chercheuses… Il devient de plus en plus pressant pour les communicants d’adapter leur organisation et leurs modes de fonctionnement, quand ils en ont la possibilité et que leur direction leur en laisse la latitude. Ne serait-ce que pour acter l’intégration de ces nouvelles expertises évoquées à l’instant, et pour pouvoir répondre efficacement aux différents publics et à leurs besoins.

Entre newsroom, guichets de com’ et priorité parties prenantes : les solutions imaginées par les dircoms pour répondre aux défis de la transformation digitale

Témoins privilégiés de ce changement de paradigme et de la prise de conscience des nouveaux enjeux par les dircom, les membres de l’association Communication & Entreprise se sont attachés il y a quelques mois à analyser les schémas organisationnels mis en place par les entreprises.

Comme l’indique le titre de leur étude (« Comment se retrouver dans la jungle des organisations des directions de la communication ? »), ils se sont d’abord heurtés à des modèles très disparates en apparence, avant d’identifier 4 grands modèles d’organisation qui répondent aux nouveaux enjeux de la com’.

En voici résumées les principales caractéristiques (sachant que je me suis permis de rebaptiser ces différents modèles pour en faciliter la mémorisation et la compréhension, toutes mes excuses pour cette petite liberté aux auteurs de l’étude) :

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1) Dans le modèle « brand newsroom », qui répond à une logique média canal/contenus, la com’ interne et la com’ externe sont souvent fusionnées en un seul et unique « hub » de contenus. Celui est en général organisé en deux pôles distincts : la production des contenus et leurs différentes déclinaisons (en termes de format et de cibles) d’une part ; la gestion de la diffusion et la maîtrise des canaux d’autre part. Le tout étant coordonné par un « rédacteur en chef de newsroom », lui même assisté de chefs de rubrique transversaux, en fonction des thématiques abordées par l’entreprise.

De grands groupes ont adopté cette organisation, tels Danone (le précurseur en France de la brand newsroom, dès 2002) mais également Total, RATP, Crédit Agricole ou EDF depuis lors.

2) Dans le modèle « guichets de com », la com’ est en revanche envisagée comme une fonction support au service des différents métiers de l’entreprise. Les communicants sont en général recrutés pour leur expertise dans un métier donné (financiers, ingénieurs, experts de la RSE et de l’ISR…) et non pour leur transversalité ou leurs compétences en communication institutionnelle et de crise notamment. Les différents directions de l’entreprise passent commandent à leur communicants attitrés et le directeur de la communication devient le chef d’orchestre de l’ensemble et le seul garant de la cohérence globale des contenus et de messages.

Campé dans l’opérationnel, ce modèle d’organisation se développe en général en période de crise, car il est synonyme pour les communicants de légitimité et de satisfaction accrues auprès des clients internes, souvent au détriment d’une vision d’ensemble de la fonction communication. Il est notamment prédominant dans les secteurs industriels et dans les organisations matricielles.

3) Pour ce qui du schéma et de la logique « priorité parties prenantes », cette option est en germe dans un certain nombre de services communication « matures », comme Air France, qui dispose à la fois d’une brand newsroom et d’attachés de presse par thématique, mais également SNCF Réseau (ex RFF) ou Areva. Cette organisation par public cible suppose à la fois une excellente écoute et veille de la part des équipes communication. Elle implique également la définition de stratégies par sujet, avec un expert désigné pour chacune des thématiques clés identifiées.

Man at the Blackboard with Questionmarks

4) Les modes d’organisation hydrides. Dans la réalité, ainsi qu’on l’explique plus haut dans cet article, les 3 schémas d’organisation précédemment mentionnés sont souvent combinés les uns aux autres, pour répondre à l’équation unique propre à chaque entreprise.

Davantage soucieux de transversalité et « de casser les silos » dans leur approche et leurs pratiques professionnelles, les dircom’ traduisent ces évolutions dans des organisations à la fois plus ouvertes et « agiles », de manière souvent très pragmatique.

A vous de jouer !

Et vous dans tout ça, me direz-vous ? Quelle organisation idéale adopter pour accompagner la transformation digitale de votre entreprise ?

Comme on vient de le voir, il n’y a pas nécessairement de « recette miracle », mais un croisement des approches citées ci-dessus avec les besoins et les moyens de votre structure peut aider à trouver des compromis acceptables.

Si la période est au collaboratif et au travail en mode projet entre départements, un « silo »tout récent semble sur le point de tomber… Comme chez Orange, où la directrice de la communication (Béatrice Mandine) vient de réorganiser son service en absorbant la direction de la communication digitale, il semble qu’un nombre croissant d’entreprises ait compris l’intérêt de rapatrier les compétences digitales au sein des départements communication ou marketing. La fin d’un schisme en quelque sorte et le début de la vraie transformation digitale de l’entreprise, car comment diffuser la culture numérique en l’enfermant dans une tour d’ivoire ?

Si les directions digitales continuent d’exister indépendamment d’autres services dans bien des organisations, il ne semble plus que ce schéma soit une priorité. Et le/la dircom’, en partenariat la DSI, est de plus en plus sollicité(e) pour reprendre en main et intégrer ces compétences, dans le spectre de plus en plus large et transversal de ses responsabilités…

 

 

Notes et légendes :

(1) Ma liste de must read sur la transformation de la fonction communication au sein des entreprises :

>> « Les 5 points clés de la transformation de la direction de la communication », par Xuoan D, La Réclame.fr – mai 2015

>> « Dircoms et communication digitale : officiellement, tout va bien. Dans les faits, ça reste encore à démontrer ! » par Olivier Cimelière, Le blog du communicant – 11 avril 2015

>> « Etude sur la communication digitale des entreprises du CAC 40 : mutants ou transformers ? » par Wiztopic, 8 avril 2015

>> « Les dircom gagnent en influence » par Cathy Leitus, magazine Stratégies n°1820 – 25 juin 2015

(2) Billet inspiré des deux sources suivantes : article « L’organisation en question » de Cathy Leitus, magazine Stratégies n°1820 – 25 juin 2015 + Etude « Comment se retrouver dans la jungle des organisations des directions de la communication ? » par l’association Communication & Entreprise – 2014

 

Crédits photos et illustrations : 123RF, TheBrandNewsBlog 2015

Comments

  1. Ça a le mérite de rappeler une typologie mais ce serait bien de croiser / taille des entreprise? Personnalité des DG. L’hybride, effectivement majoritaire est un peu la solution « on fait ce qu’on peut pour avancer », non ? Pour finir, RFF n’existe plus depuis un moment Hervé (l’étude serait-elle un peu vieillotte ?!), c’est SNCF Réseau ! Leur orga com n’a manifestement pas permis de faire comprendre la nouvelle orga globale SNCF :)
    Vivement samedi ! @_CTcom

    • Merci Carole pour le feedback et bien vu pour la remarque !! :-) En effet => je modifie mon tableau en conséquence. Autant il est simple de trouver des exemples de newsroom, voire de guichets de com’, autant la PPP ne se croise pas tous les jours dans la rue et est souvent associée à un modèle mixte : exemple ADP… Et j’actualise mon exemple avec SNCF Réseau ! Si tu as d’autres exemples, n’hésite pas !

  2. Merci Hervé pour cette conclusion pragmatique. Ajoutons que même si ce n’est pas l’idéal, l’agilité consiste aussi à penser une orga en fonction des personnalités d’une équipe, à saisir des opportunités au moment de départs ou d’arrivées… Eh oui, les communicants sont les premiers à devoir accompagner le changement mais la transfo digitale en bouscule beaucoup et le/la Dircom doit donc commencer par l’évangélisation de ses troupes, l’organisation étant un point clé pour progresser ! Bon boulot de l’AFCI sur le sujet en ce moment.

    • Merci Carole et tout à fait d’accord avec ce commentaire : il nous appartient en effet et en premier lieu de tenir compte de l’existant et d’accompagner cette évangélisation dont tu parles, car même si le changement est en marche, il reste pas mal à faire et l’organisation est une des clés en effet : très preneur des travaux de l’AFCI s’il y a quelques choses qui sort prochainement à ce sujet !
      Merci à toi, Hervé

    • bien dit Carole Thomas merci :)

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  2. […] viaQuelle organisation pour les services com’ à l’heure de la transformation digitale ?. […]

  3. […] Un article très intéressant sur 4 typologies d’organisations analysés lors de transformations digitales à été récemment publié par Hervé Monier sur : http://brandnewsblog.com […]

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  5. […] Avec Philippe, nous envisagions initialement de développer les résultats pour un article à caractère scientifique que nous pourrions proposer à une revue, mais nos manques de temps ont plombés cette idée. Pour que les résultats conservent une certaine pertinence, nous avons décidé sans plus attendre de les présenter sur ce blog. Sous l’animation de Philippe Durance, les participants furent invités durant une matinée d’échanges, et après s’être répartis en deux groupes, à lister l’ensemble des facteurs pouvant influer sur la fonction communication d’ici à l’horizon 2020. ShareThis. Quelle organisation pour les services com’ à l’heure de la transformation digitale. […]

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