Les 6 facteurs clés de succès du e-branding

Dans mon précédent article, j’abordais les différences entre branding et e-branding (voir ici).

De fait, qu’elles soient multicanales ou pure players internet, les marques qui souhaitent réussir sur le web et ambitionnent de devenir des « e-brands » pérennes se doivent de déployer des stratégies spécifiques, même si le nerf de la guerre demeure toujours, comme le rappelle Georges Lewi* :

  • de créer de la différenciation par rapport aux concurrents sur son marché,
  • de réduire les ressources utilisées ou les remplacer par plus d’intelligence,
  • de faire entrer le branding (l’e-branding en l’occurrence) dans le marketing stratégique, celui de la création de valeur.

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Bien sûr, on ne saurait faire abstraction des différences qui peuvent exister entre les différentes typologies de marques sur Internet (cf le tableau de mon article précédent résumant les 9 familles d’e-brands). Mais il s’agit en premier lieu de s’efforcer de suivre les recommandations suivantes :

1 – Veiller à renforcer l’accessibilité et la proximité relationnelle de l’e-brand.

On l’a vu, la qualité de service et la qualité relationnelle sont souvent les points faibles des marques sur Internet. Il faut donc veiller en premier lieu à la disponibilité de ces services quel que soit le terminal considéré (fixe ou mobile) et à ce que les expériences apportées sur l’un ou l’autre canal soient équivalentes et non déceptives.

Il faut surtout que que la marque puisse « recréer » artificiellement, en quelque sorte, les avantages de la relation qui repose sur l’humain et la présence physique, même quand celle-ci est « transparente » pour le client final. Dans ces domaines, on peut citer les bons exemples d’Amazon, VentePrivee ou encore Free. Ces 3 marques ont fait de la qualité de service un de leurs principaux enjeux. On apprécie en particulier la rapidité d’expédition et la facilité de retour et de remboursement des articles chez VentePrivee ou Amazon. On se souvient aussi que Free a recruté massivement des collaborateurs pour ses plateformes téléphoniques en France, afin d’améliorer l’homogénéité et la qualité de réponse apportées aux clients. On relève aussi l’exemple de ces e-brands qui sont devenues multicanales, en créant leurs propre boutiques, et celles qui comme Marmiton ont « complété » leur site web par le lancement d’un magazine papier.

2 – Penser « grand », adopter un positionnement symbolique de progrès ou de rupture

Le premier volet de cette recommandation s’avère être rapidement une question de survie pour les e-brands. Comme les anglo-saxons le disent souvent : « the winner takes all », et dans les modèles économiques d’un grand nombre d’e-brands, la réussite ou la rentabilité passent par la course à la taille critique ou à l’internationalisation.

Pensons à cet égard à la guerre sans merci que se livrent sur le marché de la musique en ligne Deezer et Spotify. L’avantage en termes de chiffre d’affaires va nettement pour l’instant à la seconde de ces marques de streaming (Spotify se flattait d’un CA de 191 millions de d’euros en 2011 contre 50 millions à Deezer). Mais malgré ou à cause de leur développement international tous azimuts, ces deux e-brands ont encore du mal à être rentables, et Spotify était celle des deux qui accusait la plus grosse perte en 2011 (- 50 millions d’euros).

Cette course à la taille acharnée est quasiment la règle dans chaque catégorie sur la toile : vidéo, réseaux sociaux… assortie d’une course à la rentabilité et à la monétisation aujourd’hui, raison pour laquelle les géants Facebook, Twitter ou Google ne cessent d’annoncer rachat sur rachat, pour diversifier leur activité en devenant des marques de service, et devancer leur concurrents sur les besoins émergents.

Le deuxième volet de cette recommandation concerne le storytelling de l’e-brand. Pour asseoir sa légitimité et installer sa marque dans l’esprit des consommateurs, on n’a encore rien inventé de mieux que le storytelling et le brand content. Et dans sa narration, il ne faut pas perdre de vue que « la marque dans l’esprit du public doit toujours être en position de héros et doit lutter contre les petites et les grandes misères que subit le consommateur. Elle doit posséder une « reason why » qui la rend bien meilleure ou supérieure aux autres » nous dit Georges Lewi.

Cette valeur ou cette mission peut être explicite, dans la promesse de la marque, ou bien être perçue de manière spontanée et immédiate par tout un chacun. Exemplaire de cette « utilité de marque », Wikipédia est aujourd’hui un symbole universel de progrès et de connaissance pour tous les internautes. Tout le monde reconnaît et valorise sa mission, qui est « d’offrir un contenu librement et réutilisable, objectif et vérifiable, que chacun peut modifier et améliorer. » De même, Apple, Google ou Samsung sont-elles valorisées sur la toile comme des marques symboles d’innovation et de rupture, un avantage évident pour rester immédiatement et durablement présentes dans l’esprit des consommateurs.

3 – Etre irréprochable en matière de service et surveiller son e-réputation avec soin

La plateforme technique de l’e-brand doit être exempte de tout bug, faille de sécurité ou autre problème technique, bien évidemment, mais également au dessus de tout soupçon. Comme le montrent toutes les études, le sentiment de tromperie ressenti par l’internaute, même minime, est le premier critère de désaffection d’un site et entraîne en général sa disparition rapide.

Sur le web, l’attachement à la marque et la fidélité du client demeurent des notions toutes relatives. Et la volatilité est encore supérieure à celle observée dans le commerce « physique ». Quoi de plus simple en effet, en cas de bug ou d’indisponibilité d’un produit, que d’aller en 2 clics « voir ailleurs » sur le site d’un concurrent… et « conclure ». Les e-brands l’ont toujours en tête : un client, même fidèle, peut être vite perdu, de manière provisoire ou définitive. Il faut donc être encore plus plus créatif pour se démarquer et surveiller son e-réputation avec grand soin.

4 – Ne pas tourner le dos à la gratuité, qui fait partie de l’ADN des e-brands

C’est la solution à la laquelle ont recours la plupart des e-brands, dès lors que leurs résultats ne sont pas à la hauteur des attentes de leur(s) actionnaire(s) : monétiser ou rendre partiellement payants des services qu’elles offraient jusque là gratuitement aux internautes. Ce business model est celui des marques « freemium« , qui proposent des services de base gratuitement et des « fonctionnalités avancées » payantes à leurs clients premium, entreprises ou particuliers. Linkedin, Skype, Flickr ou encore Scoopit font partie de ces marques pour lesquelles l’enjeu est d’abord de créer de l’audience avec une version gratuite, puis, une fois l’internaute convaincu, de lui proposer une version avec plus de fonctionnalités, moins de limitations…

Dans tous les cas et quels que soient ses impératifs de rentabilité, une marque qui veut réussir sur le web doit continuer à nourrir ses fidèles, en leur prodiguant gratuitement des conseils, en faisant collaborer des experts à son offre de contenus, en publiant des articles de fond. Cela suppose d’avoir défini en amont une ligne éditoriale en phase avec le positionnement et la promesse de la marque… et de s’y tenir. 

5 – S’adapter en permanence aux sauts technologiques et rester toujours « agile »

Une e-brand technologiquement « à la traîne » ou qui aura donné la primeur sur son site à l’esthétique au détriment de l’ergonomie et des fonctionnalités est potentiellement condamnée à disparaître. C’est en effet un des premiers risques encourus par les marques sur internet, identififié par le gourou du web Jeffrey Zeldman : « leurs propriétaires et leurs administrateurs ne le savent peut-être pas encore, mais 99,9 des sites web sont obsolètes« .

Si le constat paraît alarmant (il est corroboré par une étude de l’éditeur Qualys qui indiquait récemment que « 73 % des sites français n’ont pas été mis à jour depuis au moins un an »), les solutions sont connues. Il s’agit, en premier lieu de mener une veille technologique permanente et de se faire aider, le cas échéant, par des spécialistes. Trop de créateurs et de dirigeants d’e-brands se focalisent en effet sur la dimension commerciale de leur entreprise, au détriment de l’adaptation ou la mise à jour de leur plateforme technique… Une grave erreur.

6 – Demeurer toujours visible, créer des expériences utilisateurs valorisantes, nourrir sa communauté…

Une seule rubrique pour ces trois points, me direz-vous ? En réalité, les méthodes de promotion de l’e-brand font déjà l’objet de nombreuses publications. Pour ne citer qu’une seule de ces sources, je recommande  « Les 11 clés à connaître pour gérer son image sur internet« , un bon article des Echos.fr inspiré du précédent ouvrage de Georges Lewi **.

On y confirme (c’est loin d’être un scoop, bien sûr) que le développement de la notoriété de l’e-brand passe d’abord par un travail de longue haleine sur son référencement. C’est simple : « une e-brand non visible et mal référencée ne sera pas vue et ne trouvera pas son public dans la jungle des offres » rappellent Georges Lewi et Thina Cadierno.

De fait, sur le web, il s’agit en premier lieu de bien choisir le nom de sa marque. Sur ce sujet encore, on constate une différence complète entre brands et e-brands. Tandis que les premières construisent leur naming à partir d’un fort imaginaire comme celui de la mythologie (Hermès, Nike, Ajax…), les marques sur internet privilégient des noms purement descriptifs comme VentePrivée, TripAdvisor ou encore LastMinute. Rares sont les e-brands à choisir des noms à connotation mythologique ou narrative comme l’a fait Amazon. Dans tous les cas, il faut à la fois que les noms de domaine correspondants soient disponibles, faciles à comprendre et à prononcer (donc explicites) et dans l’idéal, aussi différenciateurs et prometteurs que Mediapart, le « média à part ». Il faut ensuite travailler toutes les composantes du référencement (gratuit et payant), pour espérer ressortir du lot, jour après jour.

Du point de vue de l’expérience utilisateur (= « user » ou « customer expérience »), les e-brands s’interrogent sur le parcours et le type d’expérience que l’internaute va/doit vivre lors de sa relation avec la marque. Ces expériences, qu’elles soient digitales ou non, à tous les points de contact avec les consommateurs, contribuent à rendre la marque plus accessible et « humaine ». Il s’agit également pour toutes les e-brands, comme les marques de luxe le font si bien, de faire participer de manière immersive les clients et visiteurs à des expériences émotionnelles qui contribueront à renforcer le lien avec la marque.

Enfin, les marques qui réussissent savent particulièrement bien et pertinemment associer leurs clients aux différentes étapes de leur développement. Souvent utilisée aujourd’hui comme un pur axe de communication par certaines entreprises, la co-création est portant bien davantage qu’une technique de promotion « one shot ». Savamment orchestrée, elle est un moyen unique d’engager ses clients et de renforcer leurs liens avec la e-brand. Cerise sur le gâteau, elle transforme la plupart d’entre eux en ambassadeurs de la marque, but ultime de la plupart des e-brands au travers de leurs actions sur les réseaux sociaux en particulier.

 

Sources :

* Cet article et le précédent fond écho à la sortie il y a quelque mois de l’ouvrage « e-branding – Stratégies de marque sur internet« , de Georges Lewi et Thina Cadierno (Edition Pearson – octobre 2013)

** La marque, de Georges Lewi et Pierre-Louis Desprez, éditions Vuibert (2013)

 

Crédit photo: 123RF

 

Du branding au e-branding : bien plus qu’un simple changement de décor pour les marques…

Il y a quelques mois, Georges Lewi publiait « e-branding », un des tous premiers livres dédiés à la gestion des marques sur internet*. L’ouvrage, co-écrit avec l’excellente Thina Cadierno, a le grand mérite de présenter de manière synthétique et pédagogique les enjeux auxquels les marques (qu’elles soient « multicanales » ou pure players internet) sont confrontées sur le web.

Du branding au e-branding : bien plus qu'un changement de décor pour les marques - The BrandNewsBlog

Or que nous disent ces auteurs ? Tout d’abord, au grand dam des brand managers les plus chevronnés, que « l’e-branding n’a rien à voir avec le branding à la papa« . Si les consommateurs manifestent globalement le même degré d’exigence online et offline vis-à-vis des marques, toutes les règles du branding se trouvent en effet bouleversées sur la toile, voire inversées.

>> Le jeu des 4 différences entre marques et e-brands

1 – Le « modèle » de l’e-brand repose davantage sur la destruction que la création de valeur

Là où les stratégies de branding des marques traditionnelles visent à créer de la valeur (un produit de marque étant nécessairement plus cher qu’un produit sans marque), « internet s’est d’abord développé sur un principe de gratuité, ou en tout cas de rejet du superflu » rappelle Georges Lewi. A ce titre, même si leurs modèles économiques évoluent, il faut bien admettre que les e-brands ont d’abord contribué à « détruire de la valeur » et ont toujours du mal, pour un certain nombre d’entre elles, à monétiser leurs services ou leur audience. Seules certaines marques de niche, positionnées sur le haut de gamme, et les marques implantées sur les segments de marché les plus « matures » (comme VoyagePrive.com pour le tourisme) sont à ce jour engagées dans des démarches de « premiumisation ».

2 – Deux approches opposées de la notoriété

Tandis que sans notoriété (et sans les moyens traditionnels de promotion), il est clair qu’aucune marque « physique » ne peut prétendre se développer (en tout cas en BtoC), ce sont d’abord les internautes qui font et défont la notoriété des marques sur le web. Et cette notoriété en ligne peut être acquise en un temps record… et s’évanouir tout aussi rapidement, d’où la capacité d’adaptation et la mobilité permanente dont doivent faire preuve les e-brands et leurs dirigeants.

3 – La mixité sociale et le mélange des cibles

Sur le web, contrairement aux autres « canaux », la mixité sociale est totale. Pas de « discrimination » dans l’image renvoyée par les marques ni de profilage ou de « sélection à l’entrée » des clients potentiels. Tout le monde est le bienvenu. De ce fait, les marques pure players peuvent toucher un public large sur le web, parfois plus diversifié que les marques traditionnelles ou multicanales, dont certaines peuvent pâtir sur la toile de leur identité et de leur image offline. 

4 – L’e-brand, une marque « désincarnée »

La marque sur internet est fondamentalement désincarnée. Alors que l’émetteur et le lieu d’origine sont importants pour la plupart des marques traditionnelles (on veut savoir « qui est derrière » la Fnac ou BNP Paribas), ces informations n’ont pas une aussi grande importance sur le web. Comme l’explique Georges Lewi : « tout le monde (ou presque) se moque de savoir qui est derrière Leboncoin.fr ou BforBank« . De ce point de vue également, les pure players internet ne souffrent donc d’aucun désavantage. La confiance qui leur est spontanément accordée est souvent aussi élevée (voire supérieure) à celle des autres marques. Car les consommateurs les jugent d’abord sur la base de l’utilité et de la fiabilité du service qu’elles rendent.

>> Ce que ces nouveaux repères changent dans la pratique du branding au quotidien

On le voit : entre internet et les autres « canaux », il y a bien plus qu’un simple « changement de décor » pour les marques.

De par la spécificité de leurs enjeux et leur relation différente au temps, marques et e-brands ne poursuivent pas forcément les mêmes objectifs et opèrent le plus souvent de manière distincte. Normal, dès lors, que les méthodologies du branding et de l’e-branding diffèrent sensiblement. Ainsi, tandis que la marque s’inscrit en général dans un temps long et cherche à assurer sa pérennité et à renforcer sa stabilité en développant un ensemble de codes homogènes, l’e-brand se projette dans un temps beaucoup plus court et semble beaucoup moins préoccupée de cohérence. Elle cherche d’abord à renouveler son vivier de clients et prospects et se construit volontiers dans un « marketing de conquête », au détriment d’autres facettes de la relation avec les clients.

La fidélité et la fidélisation client, pourtant aussi importantes online qu’offline, font clairement partie des points à améliorer par les marques sur internet. A cet égard, Georges Lewi se montre plutôt sceptique vis-à-vis des 8 facteurs de fidélisation énoncés par l’AFM** : la qualité du design du site / la largeur de la gamme proposée / le respect de la vie privée / la customisation des offres / l’intéractivité – la navigabilité / le respect des engagements / l’aptitude à créer une communauté et à créer le contact… Si les e-brands ont souvent tendance à se concentrer sur ces points, ceux-ci ne correspondent pas forcément à l’exhaustivité des attentes des internautes, surtout intéressés par l’amélioration d’une relation client parfois défaillante.

En définitive, le branding de la marque sur internet (ou e-branding) paraît à la fois plus « basique » que le branding traditionnel (car plus limité en termes de leviers d’action) et par là-même plus exigeant, car il est indispensable d’utiliser chacun de ces leviers à bon escient. Choix et protection du nom de domaine, e-positionnement de la marque sur le web et les réseaux sociaux, écriture voire co-création d’un storytelling efficace, recrutement de brand advocates pour promouvoir et défendre la marque… Les sites marchands, portails, comparateurs, moteurs, médias sociaux et autres sites qui ambitionnent de devenir des e-brands pérennes (ou souhaitent tout simplement survivre !) doivent exceller dans chacun de ces domaines.

Je vous propose de découvrir dans les jours qui viennent et via un prochain article

« les 6 facteurs clés de succès des marques sur Internet »

… Et en attendant, voici résumées dans le tableau ci dessous les principales caractéristiques du e-branding versus le branding traditionnel :

 

Branding et e-branding - via TheBrandNewsBlog

 

Source et iconographie :

* e-branding : stratégies de marque sur internet, par Georges Lewi (et Thina Cadierno) – Editions Pearson, octobre 2013

Crédit photo : 123RF

Tableau : TheBrandNewsBlog 2014