Les marques dont on va parler en 2014…

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Parce que « demain se prépare aujourd’hui » et que les entreprises travaillent notamment sur la base d’un calendrier de grands évènements connus longtemps à l’avance, il est parfois relativement facile de se livrer à l’exercice des brand predictions. Nul besoin de boule de cristal pour deviner ce dont l’actualité sera principalement faite cette année et quelles marques ont le plus de chances de faire parler d’elles. Il suffit pour une fois de regarder le programme…

Tandis que les plus grands annonceurs mondiaux rivalisent ces jours-ci d’audace, dans la perspective du Superbowl*, les semaines et mois à venir seront évidemment dominés par les Jeux Olympiques d’hiver, puis par la Coupe du monde de football au Brésil. Pour la première fois, à l’occasion de ces grands rendez-vous, la part du digital dans les investissements marketing devrait d’ailleurs dépasser celle des dépenses « traditionnelles » de communication et de la publicité offline.

Les grands équipementiers sportifs et les autres partenaires officiels du CIO et de la FIFA seront évidemment à la fête, à n’en pas douter, mais il faut s’attendre aussi à une grande année pour ces locomotives de la reprise économique que sont les marques du luxe et de la high-tech

CES MARQUES QUI VONT FAIRE LE BUZZ EN 2014

> La surenchère créative du Superbowl. Elles sont déjà sur la brèche et toute la presse en parle. Ce sont les marques, ces autres stars du Superbowl. Après Danone, Coca-Cola, Budweiser, et Pepsi, ce sont M&M’s, H&M et Sodastream qui se sont lancées à leur tour dans cette surenchère de teasers publicitaires qu’est devenue la quinzaine précedant l’épreuve. Qui l’emportera au final au buzzomètre ? Les audiences cumulées TV-réseaux sociaux nous le diront dès le 3 février. Mais il semble qu’H&M soit bien placée, avec cette promesse racoleuse à souhait de diffuser le jour J un spot pub montrant David Beckham nu si le hashtag « uncovered » l’emporte sur le hashtag « covered » (=> lire icil’article de Melty buzz à ce sujet).

> Le réveil des marques russes à Sotchi ? Une fois retombée la « Saturday night fever » du Superbowl, les choses plus sérieuses devraient commencer du côté de Sotchi, du 7 au 23 février prochain, avec les Jeux Olympiques d’hiver. A noter (c’est presque officiel) : d’après l’analyse statistique de l’agence néerlandaise Infostrada, la délégation française devrait y faire bien mieux qu’attendu, en finissant 5ème au tableau des médailles avec un total de 18 breloques, dont 6 en or (=> lire ici le désopilant article de Direct matin à ce sujet).

Parmi la cohorte de sponsors officiels de l’évènement (dont Visa, Samsung, Panasonic, Coca-Cola, Procter & Gamble General Electric, Omega, McDonald’s, General Electric…) on suivra plus particulièrement les marques russes, qui disposeront là d’une belle occasion de se montrer : notamment l’enseigne de sport Bosco, mais également l’opérateur mobile Megafon ou encore la banque Sberbank. Sans parler du réseau social russe VKontakte, qui revendique près de 210 millions d’utilisateurs en Russie et y devance Facebook : bien que non inscrit parmi les sponsors officiels, il ne manquera pas de faire parler de lui à l’occasion de ces Jeux.

Mais c’est du côté équipementier que les marques devraient faire le plus de buzz. Entre Lacoste, qui habillera la délégation française, et Ralph Lauren, retenue pour l’équipe américaine, la surprise pourrait bien venir encore… d’H&M, qui présentera une tenue officielle beaucoup plus décontractée pour l’équipe suédoise (=> voir ici les différents modèles pour les principales délégations).

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Les JO de Stochi seront également l’occasion, à n’en pas douter, de faire la promotion des nouveaux joujous  high tech de cette saison hivernale, tels que les masques connectés, qui débarquent dans le sillage de la célèbre GoPro : les masques Zeal Technologies HD (équipé d’une caméra Google), Buhel G33 Intercom’ et surtout Oakley Airwave 1.5 devraient assurément faire le buzz sur les pistes (=> voir ici l’article de gizmodo.fr présentant ces équipements).

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> Le marketing sauce samba. Parce que la coupe du monde de football sera assurément l’évènement le plus médiatisé cette année, les marques qui en sont les partenaires disposeront d’une couverture exceptionnelle.

Hormis les partenaires FIFA officiels que sont notamment Sony, Hyundai, Emirates, Visa, McDonald’s, Johnson & Johnson ou Budweiser, on suivra avec attention le grand choc  des équipementiers… Au nombre de sélections nationales équipées, c’est Nike qui rafle la mise (11 équipes dont la France et le Brésil) devant Adidas et Puma (8 équipes chacune), tandis que la marque aux 3 bandes a déjà signé le ballon de la compétition, le « Brazzuca ».

Le compte à rebours de cet évènement planétaire s’accélérera du 9 au 11 mars prochain, avec l’arrivée en France du Trophy Tour, la tournée de présentation du Trophée de la coupe du monde, sponsorisée par Coca-Cola (cette tournée a commencé en septembre 2013 au Brésil et s’achèvera en avril 2014).

Pour ce qui est des marques brésiliennes, on entendra sans doute parler à l’occasion de la coupe du monde des entreprises que sont Apex Brazil, Liberty Seguros, Garoto, itaù, WiseUp ou encore Centauro, sponsors locaux de la Coupe. Et en fonction des résultats de notre sélection nationale, on saura vite si ses sponsors (GDF Suez, Crédit Agricole, SFR, Carrefour, Volkswagen, Nike…) ont fait « bonne pioche » ou pas…

LUXE ET HIGH-TECH : CES AUTRES MARQUES DONT ON ENTENDRA PARLER PONCTUELLEMENT

En dehors des entreprises partenaires des grandes compétitions sportives, de nombreuses marques sont évidemment susceptibles d’alimenter le buzz cette année, au moins de manière ponctuelle.

A commencer par les enseignes ou marques étrangères qui débarquent pour la première fois en France, comme Mickaël Kors, Marc Jacobs Beauty ou encore Ekeyo London dans le domaine des cosmétiques.  Dans un tout autre secteur, le service américain de vidéos à la demande Netflix, après avoir fait un carton aux Etats-Unis avec un certain nombre de séries à succès, s’apprête à débarquer dans le Paysage Audiovisuel Français en septembre prochain.

Dans le secteur de la mode et du luxe, on attendra beaucoup des arrivées et premières collections des  créateurs Nicolas Ghesquière (Louis Vuitton), JW Anderson (Loewe), Jason Wu (Hugo Boss) ou encore Alessandro Dell’Acqua (Rochas). La marque Yves Saint-Laurent fera également parler d’elle avec la sortie en mai d’un deuxième film (signé Bertrand Bonello) consacré à son créateur, après le succès rencontrée par celui de Jalil Lespert, encore en salle (=> voir ici l’article de Challenges à ce sujet).

Côté high-tech, les sites de micro-blogging tels que Twitter et Friendfeed, Tumblr, Plurk ou Google Buzz devraient profiter à plein de l’effet événementiel JO d’hiver + Coupe du monde de football. Leur audience devrait encore grossir (au détriment de Facebook) ainsi que le volume des échanges (record historique du nombre de tweets atteint lors de la prochaine finale de la Coupe du monde ?).

De manière sans doute plus anecdotique, l’imprimante 3D de la marque espagnole Natural Machines, qui sera commercialisée en France en avril, devrait également susciter le buzz. Elle permet notamment « d’imprimer » des pizzas aussi bien que des cheesebugers : une première qui n’a rien de conceptuel (=> voir ci-dessous l’image de la machine).

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WINNERS TAKE ALL ?  LES 10 MARQUES QUI DEVRAIENT L’EMPORTER EN TERMES DE BUZZ EN 2014…

Cerise sur le gateau de cet exercice de brand prediction ? Voici la short-list des marques qui, selon moi, ont toutes les chances de faire le plus de buzz dans l’année à venir (au moins à l’échelle française)…

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Google : la firme de Mountain view, 2ème marque la plus valorisée au monde dans le dernier classement d’Interbrand, devrait faire un buzz énorme d’ici la fin d’année, avec la sortie publique de ses Google glasses. Bien que le prix de vente ne soit pas encore connu (de l’ordre de 600 dollars ?), tous les médias ont relayé hier les dernières informations à ce sujet (=> voir notamment ici l’article de Metronews).

Le Brésil : à l’issue d’une Coupe du monde qui s’annonce historique, au pays du ballon rond, nul doute que la marque Brésil devrait profiter à plein de cet évènement pour asseoir son rayonnement international et susciter un important afflux de touristes et d’investisseurs. Une opération de com’ à la (dé)mesure de ce pays pas comme les autres.

Samsung : en plus de ses sorties produits, qui s’accompagnent d’un buzz sans cesse croissant, Samsung est partenaire officiel de la FIFA pour la Coupe du monde 2014 et partenaire du CIO pour les JO de Sotchi. Son application gratuite Samsung WOW (pour « Wireless Olympic Works ») permettra de transformer les appareils sous Android en véritables stations sportives délivrant toutes les informations en temps réel sur les JO : résultats, analyses, tableau des médailles (voir image ci-dessous)… Avec son équipe de champions Team Samsung Galaxy 11, composée notamment de Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, Radamel Falcao, Wayne Rooney, Oscar, Iniesta, Götze et Ilker Casillas, Samsung est prête à conquérir le monde, à défaut de le sauver…  Une omniprésence qui devraient forcément payer (à défaut d’énerver).

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Coca-Cola : marque de la fête par excellence et de la jeunesse, Coca-Cola est partenaire des 2 grands évènements sportifs de l’année (et annonceur du Superbowl bien sûr, comme Samsung). Tout au long de cette année, la thématique de la fête et de la musique accompagnera la marque sur ses grands rendez-vous : de la samba en perspective et là aussi, une visibilité maximale en 2014.

Louis Vuitton : au-delà de l’arrivée du créateur Nicolas Ghesquière, qui devrait rebooster les collections de la maison (premier défilé attendu en février), Louis Vuitton fera un très gros buzz cet automne avec l’inauguration de sa Fondation. Situé au coeur du Bois de Boulogne, le bâtiment imaginé par Frank Gehry s’annonce hyper-moderne et spectaculaire (voir la photo ci-dessous). Il accueillera des collections permanentes, des expositions temporaires d’art moderne et contemporain ainsi que des manifestations pluridisciplinaires. 

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Nike et Adidas : toutes deux partenaires de la Coupe du monde de football, avec un léger avantage à Nike en termes de sélections nationales équipées (11 contre 8 à Adidas), ces deux grandes marques feront largement parler d’elles en 2014. Mais c’est sans doute Nike, avec ses nombreuses innovations produits (dont le Fuel band), qui devrait le mieux tirer parti de la visibilité obtenue.

Apple ? : la sortie de fameuse iWatch d’Apple est attendue depuis si longtemps qu’on ne sait plus si elle interviendra en 2014… ou plus tard. Après avoir fait l’objet de spéculations pour le début 2014, on évoque aujourd’hui une livraison aux alentours du mois d’octobre, après la sortie du prochain iPhone 6 en septembre. Si le produit est digne des précédentes innovations d’Apple, la marque pourrait faire un carton. Mais de plus en plus d’observateurs semblent sceptiques…

Twitter : dans une année aussi évènementielle que 2014, Twitter n’a pas fini sa montée en puissance. Le réseau de micro-blogging devrait établir de nouveaux records et être définitivement reconnu comme le réseau incontournable de partage et d’infos en temps réel.

La marque France : l’agence McCann Paris doit présenter dans les semaines qui viennent l’identité visuelle et le slogan de la marque France, concoctés après un an de réflexion par les experts de la Mission Marque France. On ne peut que souhaiter à cette marque de partir sur les chapeaux de roue et d’améliorer l’attractivité de notre pays, dès 2014. Si on en croît les succès récents de l’équipe masculine de handball et de Daft Punk, on peut imaginer qu’il y aura de belles histoires à raconter !

* Le Superbowl est la finale du championnat de football américain qui aura lieu le week-end prochain.

(Crédit photo : Obliviate-Stock via DeviantArt – TheBrandNewsBlog / Lacoste / Oakley/ Natural Machines / Samsung / Louis Vuitton)

Les extensions de marque réussies… et celles qu’on préfère oublier

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L’extension de marque (ou brand stretching) est un des vecteurs de croissance les plus appréciés par les entreprises. En quoi cela consiste ? Il s’agit tout simplement d’élargir le rayonnement et la présence d’une marque, soit en l’internationalisant (= extension géographique), soit, et c’est la méthode la plus connue, en lançant un produit dans une catégorie nouvelle (= extension de marque par le produit), soit en élargissant le public de cette marque (= extension de cible).

Sur le papier, les avantages pour l’entreprise sont évidents. Le brand stretching permet de développer son chiffre d’affaires de manière beaucoup plus rapide, moins coûteuse et a priori moins risquée que s’il fallait lancer puis promouvoir une nouvelle marque. C’est aussi l’opportunité de renforcer ou moderniser la marque concernée et, si son extension est réussie, de la pérenniser, car une marque qui n’évolue plus peut mourir ou disparaître à terme.

Cela étant dit, dans la pratique, réussir une extension de marque est beaucoup plus délicat qu’il y paraît. Les exemples probants (Apéricube de la Vache qui rit / Nivea Beauté, Nivea for Men… / iPod, iPhone et iPad / Google glass…)  sont par définition beaucoup moins nombreux que les échecs, restés célèbres pour certains d’entre eux (Mc Pizza de Mc Donalds / tablette Newton et ordinateur Lisa d’Apple / moutardes Heinz / parfums Bic / Cinémas et Internet cafés d’easyJet…).

Les 5 facteurs clés de succès d’une extension de marque par le produit

Dominique Turpin, Président de l’école de commerce internationale IMD, ne s’y trompe pas (lire ici son judicieux article The No.1 Reason Why Brand Extensions Fail) : avant d’envisager toute action de brand stretching, les entreprises doivent s’interroger sur sa pertinence et sur les bénéfices qu’elle est susceptible d’apporter aux consommateurs. La renommée d’une marque ne suffit pas. L’extension de marque envisagée est-elle de nature à simplifier la vie ou enrichir l’expérience utilisateur du consommateur ?

Dans leur ouvrage Branding management – La marque de l’idée à l’action, Georges Lewi et Jérôme Lacoeuilhe résument ainsi les 5 critères à respecter pour un brand stretching réussi :

  1. La marque doit bénéficier d’une solide notoriété et avoir une image forte et fédératrice dans l’esprit des consommateurs ;
  2. L’extension doit être cohérente avec les valeurs centrales et fondamentales de la marque ;
  3. L’extension de marque doit aussi être perçue comme cohérente en termes de « territoire produit ». Le territoire produit peut être défini comme un faisceau de perceptions composé de produits qui, pour les consommateurs, sont cohérents et attachés aux valeurs de la marque. Plus le nouveau produit d’une marque est proche physiquement, psychologiquement ou symboliquement du produit type de la marque, moins son lancement sera risqué ;
  4. L’extension doit être techniquement réalisable pour la marque et correspondre à son savoir-faire ;
  5. L’extension doit correspondre à une demande de marché non satisfaite et doit surtout apporter une valeur ajoutée distinctive et des bénéfices qui soient perçus par le consommateur, par rapport aux produits concurrents. A ce sujet, la marque gagnera à organiser des pré-tests pour s’assurer de l’apport du nouveau produit auprès de ses clients coeur de cible et auprès des autres profils de consommateurs ciblés.

Les 10 tops et les 10 flops de 2013 en matière d’extension de marque…

Chaque année, le site adweek.com demande à ses lecteurs de voter pour les pires et les meilleures extensions lancées par les marques durant l’année écoulée. Voici les résultats de ce classement (certes très américain, mais dont un certain nombre d’exemples nous sont tout de même connus). Ce classement illustre bien les recommandations formulées ci-dessus, puisqu’on peut distinguer clairement les brand stretching pertinents… de ceux qui l’étaient moins !

 

1 – Shaq Soda, un Soda lancé sous son nom par le basketteur américain Shaquille O’Neal  / 2 – La marque Wine for Dummies lancée aux Etats-Unis pour les néophytes en matière de vin / 3 – Les chaussures Heineken (!), une variante gonflée des chaussures Oxford / 4 – Les cafés Gumppuccino de la marque Grumpy Cat / 5 – Un rafraîchisseur d’air Sega (le rapport avec les jeux vidéos ?)… Découvrir ici la suite du classement

 

1 – La radio iTunes, qui fait sens avec l’offre déjà proposée par Apple  / 2 – Les produits pour bébés Arm & Hammer / 3 – Les patisseries Cake Boss Bakeware / 4 – Les collection de prêt à porter Great Gatsby de Brooks Brothers (après le succès du remake de Gatsby Le Magnifique avec L. Di Caprio) / 5 – Les Google glass… Découvrir ici la suite du classement…

 

 

(Crédit photo : Google / The BrandNewsBlog)

Quand une marque iconique de la culture américaine se fait racheter par un groupe japonais…

Dans mon précédent article, j’évoquais l’intérêt de cultiver ou de développer la dimension culturelle des marques. En début de semaine, une brand news nous a offert un autre éclairage sur la question. La « cultissime » marque américaine Jim Beam (qui est un peu au Bourbon et aux spiritueux ce que Budweiser est à la bière) a été rachetée, pour la bagatelle de 16 milliards de dollars, par le groupe agroalimentaire japonais Suntory (notamment propriétaire des marques Orangina et Schweppes).

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Tandis que l’opération a été largement saluée à Wall Street, où l’action Jim Beam a bondi de 24 % le jour de l’annonce, celle-ci a été accueillie plutôt fraîchement par le grand public américain. Et c’est sur les réseaux sociaux, bien sûr, que l’émotion a été la plus vive : « Je me sens totalement trahi ! » écrit notamment un fan sur le mur Facebook de Jim Beam. « A partir de maintenant, je deviens officiellement un client de Jack Daniels »… Au-delà de l’expression d’un patriotisme économique piqué à vif et de la hantise d’une fin de l’hégémonie américaine, nombreux sont les commentaires d’internautes s’interrogeant sur le devenir de ce « pan de l’identité américaine que Jim Beam incarnait depuis plus de 100 ans »…

Sur son site web, le New Yorker relate ces diverses inquiétudes et les problématiques posées par le rachat de marques symboles de la culture US (=> lire ici l’article Jim Beam et le devenir des marques américaines). 

Les atouts d’une marque et d’un branding « bien distillés »…

Pourtant, aussi naturelles soient-elles, il faut souligner combien ces réactions et craintes identitaires sont (en grande partie) irrationnelles. Car l’expérience et de nombreux précédents le prouvent (cf par exemple le rachat de la marque anglaise Jaguar par l’Indien Tata Motors) : plus la dimension culturelle d’une marque est affirmée, ses références et codes ancrés dans l’imaginaire de ses publics… moins son acquéreur, quel qu’il soit, aura intérêt à toucher à son identité et à modifier ce qui fait « l’alchimie du breuvage » de la marque.

Tout autant qu’un potentiel de croissance et des résultats financiers prévisibles, c’est un capital immatériel à forte valeur ajoutée et donc un potentiel de développement que l’acquéreur s’approprie avec une marque premium. Et le plus souvent, loin d’amputer quoi que ce soit à ses implantations, ses moyens de production ou son branding, celui-ci lui offre des débouchés intéressants à l’international ou des capacités d’investissement inédites pour se développer.

Ainsi, comme d’autres fleurons nationaux acquis par des groupes étrangers cette année (Smithfield Foods par le chinois Shuanghui ou dans une moindre mesure les mobiles de Nokia par Microsoft…) l’achat de Jim Beam par Suntory ne devrait pas être fondamentalement préjudiciable à son identité.

Autres exemples de ces rachats opérés sans que cela ne nuisent aux marques concernées, ni à leur image, voici 10 marques so French… qui ne sont plus Françaises en fait :

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Crédit photo : Jim Beam / Flickr CreativeCommons

Pourquoi les marques ont intérêt à soigner leur dimension culturelle…

Depuis une bonne dizaine d’année, on a enfin compris que les marques étaient bien plus que de simples agents économiques. La plupart d’entre elles sont devenues (ou sont en en passe de devenir) des médias, qui créent et diffusent largement leurs propres contenus. Acceptant de sortir d’une posture purement commerciale et de ne plus limiter leur communication à l’univocité des messages publicitaires, elles s’approprient progressivement tous les atouts des médias. Leur influence et leur rayonnement nouveaux auprès des communautés qu’elles animent contribuent ainsi à enrichir et renforcer leurs relations avec leurs différents publics (collaborateurs, clients, prospects, autres parties prenantes…).

Pourtant, comme Daniel Bô et Raphaël Lellouche s’emploient à le démontrer dans leur ouvrage Brand culture, Développer le potentiel culturel des marques (Editions Dunod, avril 2013), le contenu n’est pas le roi qu’on imagine et la production de brand content n’est pas une fin en soi. Les contenus ont en effet pour principale vertu « d’instaurer un univers auquel le consommateur adhère et s’identifie, mobilisable dans tous les points de contact de la marque (magasins, expositions, réseaux sociaux, médias privés, etc.) ». Ce faisant, ces branded contents sont souvent l’occasion de révéler au public un patrimoine, des savoir faire, une histoire… qui témoignent de la richesse culturelle de la marque.

Les 3 degrés de maturité dans la communication des marques

Ainsi, comme le précise Jean-Marie Dru, Président de TBWA Worldwide, « l’objectif ultime d’une politique de contenu doit être le développement d’une stratégie culturelle riche de sens« . Hors de ce chemin, point de salut à long terme pour les marques. Car la brand culture ne permet pas seulement de fidéliser collaborateurs et consommateurs, elle les transforme en ambassadeurs des valeurs et des produits de l’entreprise. En résumé, la dimension culturelle des marques fait vendre ! C’est le cercle vertueux que Daniel Bô et Raphaël Lellouche décrivent en détail dans leur excellent ouvrage, et qui a fait le succès des marques aussi « cultes que culturelles » que sont Apple, Procter and Gamble, Michelin, Danone ou L’Oréal, pour n’en citer que quelques-unes*.

Dans le tableau synthétique ci-dessous, Daniel Bô résume parfaitement les 3 degrés de maturité des marques, et les enjeux correspondants en terme de posture, de communication et de relation à leurs différents publics :

img0021/ Au stade de la « marque commerciale », l’entreprise reste en quelque sorte « enfermée » dans son statut d’agent économique ; 2/ En se transformant en média et en plate-forme éditoriale, la marque élargit son périmètre et s’adresse à des « consommateurs de contenus » à même d’identifier ses valeurs spécifiques ; 3/ enfin la marque devient un « agent culturel », un acteur susceptible d’influencer durablement la société de par la multiplicité de ses modalités d’expression et communications et par la richesse des perceptions qu’elle génère.

 

* Parmi les marques culturelles, de par la richesse de leurs modalités d’expression et leur interaction avec la société, on peut aussi citer un grand nombre de marques de luxe françaises et étrangères, qui ont su intégrer dans leurs offres et leur communication une importante dimension culturelle.

Source du tableau : Daniel Bô – Brand culture / Développer le potentiel culturel des marques (Editions Dunod, avril 2013)

En 2014, tout le monde se lève pour la Marque France ?

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On en a eu la confirmation la semaine dernière : le slogan, la charte graphique et la signature fédératrice de la Marque France seront dévoilés d’ici un mois (voir ici l’article du Monde à ce sujet). Ce sera l’aboutissement, en tout cas le résultat le plus tangible, d’une démarche entamée il y a pratiquement un an avec le lancement de la « Mission Marque France » dont la Présidence avait été confiée au publicitaire Philippe Lentschener.

Cette Marque France, appelée de leurs vœux par 9 Français sur 10 (source TNS Sofrès), permettra-t-elle à notre pays de partir à la conquête du monde et de booster notre « compétitivité hors prix », conformément aux objectifs énoncés initialement ? On ne peut que le souhaiter, tant notre économie en a besoin. Je rappelle que j’ai toujours été convaincu, pour ma part, de la nécessité de doter notre pays d’une marque performante (voir à ce sujet mes précédents posts : ici et ici).

… Pour autant, peut-on dire que travail préalable à la présentation de la Marque France a été mené de manière optimale ? Sauf tout le respect que je dois aux éminents experts de la Mission (dont l’excellent Robert Zarader) et en dépit de mon enthousiasme initial, je n’en suis pas convaincu… La communication plutôt « faiblarde » dans les étapes amont du projet et la conception au final assez descendante (certains diront « jacobine ») de ce nation branding n’ont pas permis d’associer nos concitoyens autant qu’on aurait pu le souhaiter à la réflexion et à la « concertation » annoncées. Un premier rendez-vous en partie manqué avant la présentation des éléments de langage et la livraison graphique du mois prochain

Une communication « homéopathique » et une consultation qui a fait pschitt…

Ceux qui s’attendaient, après la lecture du pré-rapport sur la marque France, à une consultation d’ampleur et à une large concertation dans le cadre de la construction de notre marque nationale en auront été pour leur frais, tant la réflexion semble au final avoir été « cadrée ». La « grande consultation » du public et des « forces vives » qui aurait du permettre aux Français de s’approprier le projet marque France a été si faiblement relayée (en plein cœur de l’été 2013, sans aucune campagne de communication ou presque) qu’à peine 800 personnes (dont votre serviteur) ont pu s’exprimer à cette occasion sur le récit économique et les recommandations émises.

La restitution de cette consultation, elle-même lapidaire et validant bien sûr la plupart des recommandations du pré-rapport publié au mois de juin, a été mise en ligne courant décembre sur le site de la Marque France (voir ici)… Pas vraiment à la hauteur de la marque d’intérêt manifestée par les répondants. Si on ajoute à cette « déception » le quasi black-out des différents intervenants sur l’avancée de leur travaux (depuis février 2013, les prises de parole à ce sujet se comptent sur les doigts d’une main), on est loin du grand frémissement escompté. Idem sur les réseaux sociaux, où la thématique #MarqueFrance est loin d’avoir fait recette l’an dernier, et pour cause…

Une réflexion et des recommandations trop « ficelées » ?

Certes, pour qui a l’expérience des démarches de branding, il est évident qu’on ne saurait concevoir la marque pays avec 65 millions de Français. La concertation a des limites. Force est pourtant de constater que les représentants de plusieurs institutions se sont émus dès le mois d’octobre de ne pas avoir été associés à la consultation initiale. A la lecture du pré-rapport, les représentants des plus grandes marques territoriales Françaises, en particulier, ont en effet exprimé leur inquiétude de voir prochainement leurs marques « vampirisées » ou subordonnées à la future marque pays, et leur étonnement de n’avoir été conviés aux échanges en amont avec les experts de la Mission Marque France (voir ici l’article à ce sujet).

De même est-il impossible, dès lors qu’on s’y intéresse, de trouver la moindre indication concernant la « cinquantaine d’experts et de personnalités » rencontrés par les membres de la Mission durant la phase de consultation initiale. Idem pour la trentaine de « personnes de publics avertis » rencontrées cet automne par TNS Sofrès dans le cadre de l’étude commandée par la Mission Marque France. La part des experts et autres représentants des « milieux autorisés » semblent décidément avoir été prépondérante dans la construction de cette marque « un peu trop ficelée »…

« On voulait faire pour le mieux, mais finalement on a fait comme d’habitude »

L’échange et le désir de concertation ne de décrètent pas. Ils réclament aussi des moyens et des délais qui ont sans doute fait défaut aux membres de la Mission Marque France, pour pouvoir mener comme ils l’auraient souhaité leurs travaux. Pour reprendre la citation de Viktor Tchernomyrdine (ci-dessus), les tropismes l’ont sans doute encore emporté sur une conception plus collaborative / ouverte du travail de la marque.

Ces réserves formulées, demeurons constructifs : je serai évidemment le premier à promouvoir cette Marque France, dont notre pays a besoin et à applaudir à son succès dès que celle-ci sera en mesure de faire décoller notre compétitivité. Si l’adhésion des Français à leur marque pays est assurément une des conditions de sa réussite, pas question de rester en retrait sur cette belle initiative… Cela n’empêche pas de rester lucide sur les petits « couacs » propres à toute phase de conception, bien entendu ;-)

Crédit photo : 123RF / TheBrandNewsBlog